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23/05/2012 | FRANCE | N°11-12117

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 mai 2012, 11-12117


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué, qu'en raison d'un surcroît temporaire d'activité lié à la mise en place du revenu de solidarité active, la caisse d'allocations familiales de l'Anjou a demandé à ses salariés d'effectuer des heures supplémentaires le matin des samedis 21 et 28 mars 2009 ; que des salariés se sont opposés à l'exécution de ces heures supplémentaires et qu'un préavis de grève a été déposé pour ces deux matinées ; que la caisse a pratiqué des retenues sur le salaire des agents grévi

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Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 2512...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué, qu'en raison d'un surcroît temporaire d'activité lié à la mise en place du revenu de solidarité active, la caisse d'allocations familiales de l'Anjou a demandé à ses salariés d'effectuer des heures supplémentaires le matin des samedis 21 et 28 mars 2009 ; que des salariés se sont opposés à l'exécution de ces heures supplémentaires et qu'un préavis de grève a été déposé pour ces deux matinées ; que la caisse a pratiqué des retenues sur le salaire des agents grévistes ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 2512-5 du code du travail et l'article 4 de la loi du 29 juillet 1961 ;
Attendu que, pour accueillir la demande des salariés et juger les retenues illégales, le jugement retient que les heures de grève posées sur des heures à venir sur un temps de travail supplémentaire, du fait qu'elles n'ont pas été réalisées, ne peuvent être considérées comme du temps de travail par le fait de grève et que, lorsque le salarié a effectué son temps de travail légal mensuel, l'employeur n'est pas autorisé à amputer son salaire ;
Attendu cependant que la retenue de traitement prévue par l'article 4 de la loi du 29 juillet 1961 peut être décidée aussi bien en l'absence de service fait que dans le cas où un agent n'exécute pas certaines obligations de son service telles qu'elles résultent de son statut ;
Qu'en se déterminant comme il l'a fait, sans rechercher si les heures supplémentaires demandées par l'employeur s'inscrivaient ou non dans les obligations statutaires des agents, le Conseil de prud'hommes n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 26 de la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale ;
Attendu que, pour statuer comme il a fait, le conseil de prud'hommes retient encore que l'article 26 de la convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale oblige la caisse à faire bénéficier les salariés de deux jours consécutifs de repos, le choix portant entre le samedi et le lundi, et que la caisse n'apporte aucun élément concernant une proposition de remplacement du samedi travaillé aux institutions représentatives du personnel ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aux termes de l'article 26 de la convention collective susvisée "Les organismes, tenant compte des nécessités du service, s'efforceront de faire bénéficier leur personnel du repos du samedi ou du lundi, par référence au principe des deux jours de repos consécutifs. Le règlement intérieur précisera les conditions dans lesquelles les horaires habituels pourront être exceptionnellement modifiés, compte tenu de circonstances particulières", ce dont il résulte que la disposition précitée n'institue pas un droit à deux jours de repos consécutifs, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit illégales les retenues sur salaires et ordonné leur remboursement par la caisse d'allocations familiales de l'Anjou et en ce qu'il a condamné la caisse au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement rendu le 9 décembre 2010, entre les parties, par le conseil de prud'hommes d'Angers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Saumur ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la caisse d'allocations familiales de l'Anjou.
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'AVOIR jugé illégales les retenues sur salaires opérées par la CAF de l'Anjou au titre des grèves des 21 et 28 mars 2009 et d'avoir en conséquence condamné la CAF de l'Anjou à rembourser ces retenues aux salariés concernés, ainsi qu'à leur verser une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE « les sollicitations des requérants sont identiques sur le fond, il y a lieu, dans un souci de bonne justice, de procéder à la jonction des instances.Sur la demande d'ordonner le remboursement des retenues :Les dispositions de l'article L.3121-11 du code du travail disposent que l'employeur est en droit de demander à ses salariés d'effectuer des heures supplémentaires dans un cadre légal sous réserve de respecter certaines conditions.D'après les dispositions des articles L.1132-2 et L. 2511-1, les salariés disposent du droit de grève sous réserve de respecter certaines conditions, droit également inscrit dans la Constitution.A la lecture des pièces et des faits, il apparaît en l'espèce, que les heures de grève posées sur des heures à venir sur un temps de travail supplémentaire, du fait qu'elles n'ont pas été réalisées ne peuvent être considérées comme du temps de travail, par le fait de grève. Il n'est également pas contestable que le temps de travail légal avait été effectué normalement. Lorsque le salarié a effectué son temps de travail légal mensuel, l'employeur n'est pas autorisé à amputer son salaire.L'article 26 de la convention collective "les jours et heures de travail pour tous les services des organismes visés par la présente convention sont fixés par le règlement intérieur, selon la législation en vigueur. Les organismes, tenant compte des nécessités du service, s'efforceront de faire bénéficier leur personnel du repos du samedi ou du lundi, par référence au principe des deux jours de repos consécutifs" fait apparaître au conseil l'obligation pour la CAF de faire bénéficier les salariés de deux jours consécutifs de repos, le choix portant entre le samedi et le lundi. La CAF n'apporte au conseil de prud'hommes aucun élément concernant une proposition en remplacement du samedi travaillé, aux instances représentatives des salariés.En conclusion, le conseil dit qu'en effectuant une retenue pour les heures supplémentaires non faites sur le salaire correspondant à la mensualisation des heures effectivement réalisées par les salariés demandeurs, la CAF a choisi d'appliquer une sanction d'une part contraire à la loi, et d'autre part contraire à l'article 26 de la convention collective.Par ces motifs, le conseil condamne la CAF à rembourser à chaque salarié les sommes illégalement prélevées sur leurs salaires de mars et avril 2009 »
1. ALORS QUE l'article L 2512-5 du Code du travail, applicable au personnel des organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public, prévoit que l'absence de service fait par suite de la cessation concertée du travail entraîne une retenue du traitement ou du salaire et de ses compléments autres que les suppléments pour charges de famille, sans distinguer selon que les absences ont lieu ou non sur l'horaire collectif habituel de travail ; que l'article 4 de la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 qui définit la notion de service fait donnant lieu à rémunération, prévoit qu' « il n'y a pas service fait » non seulement « lorsque l'agent s'abstient d'effectuer tout ou partie de ses heures de service » mais également « lorsque l'agent, bien qu'effectuant ses heures de service, n'exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s'attachent à sa fonction telles qu'elles sont définies dans leur nature et leurs modalités par l'autorité compétente dans le cadre des lois et règlements » ; qu'il en résulte que l'agent qui, sous couvert de grève, n'effectue pas les heures supplémentaires qui lui sont demandées à titre exceptionnel par l'organisme de sécurité sociale qui l'emploie, pour mettre en place le revenu de solidarité active (RSA), s'analyse en l'absence de service fait justifiant qu'il soit pratiqué une retenue sur son salaire ; qu'en jugeant le contraire, le conseil des prud'hommes a violé ensemble les articles L 2512-5 et L 3121-11 du Code du travail ;
2. ALORS QUE l'article 26 de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale prévoit que « les jours et heures de travail pour tous les services des organismes visés par la présente convention sont fixés par le règlement intérieur, selon la législation en vigueur. Les organismes, tenant compte des nécessités du service s'efforceront de faire bénéficier le personnel du repos du samedi ou du lundi, par référence au principe des deux jours de repos consécutifs. Le règlement intérieur précisera les conditions dans lesquelles les horaires habituels pourront être exceptionnellement modifiés, compte tenu de circonstances particulières », mettant ainsi à la charge des organismes de sécurité sociale une obligation de moyen renforcée de respecter, à l'occasion de la définition de l'horaire habituel de travail des leurs agents, un repos hebdomadaire de deux jours consécutifs ; que cette disposition n'interdit par conséquent en rien aux organismes de sécurité sociale de déroger à ce repos de deux jours consécutifs, à titre exceptionnel, pour des nécessités de service public dont ils assurent la gestion, en demandant aux agents d'effectuer des heures supplémentaires ainsi qu'ils y ont autorisés par l'article 27 de la convention collective ; qu'il résultait des propres constatations du jugement attaqué que ce n'est seulement qu'à deux reprises, le samedi matin qu'il avait été demandé aux agents de la CAF de l'Anjou de venir effectuer des heures supplémentaires afin de faire face à un surcroît exceptionnel d'activité lié à la mise en place du RSA ; qu'en jugeant que les dispositions de l'article 26 interdisaient à la Caisse de demander à ses agents d'effectuer des heures supplémentaires le samedi dès lors qu'ils travaillaient également le lundi, le conseil des prud'hommes a violé les articles 26 et 27 de la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-12117
Date de la décision : 23/05/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Sécurité sociale - Convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 - Article 26 - Classification et salaires du personnel - Droit au repos hebdomadaire - Repos de deux jours consécutifs - Absence de droit - Détermination

Aux termes de l'article 26 de la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale "Les organismes, tenant compte des nécessités du service, s'efforceront de faire bénéficier leur personnel du repos du samedi ou du lundi, par référence au principe des deux jours de repos consécutifs. Le règlement intérieur précisera les conditions dans lesquelles les horaires habituels pourront être exceptionnellement modifiés, compte tenu de circonstances particulières", ce dont il résulte que la disposition précitée n'institue pas un droit à deux jours de repos consécutifs


Références :

Sur le numéro 1 : article L. 2512-5 du code du travail

article 4 de la loi du 29 juillet 1961
Sur le numéro 2 : article 26 de la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Angers, 09 décembre 2010

Sur le n° 1 : Sur la possibilité d'une retenue de traitement pour absence de service fait même quand un agent n'avait pas de service à effectuer durant la période de grève, à rapprocher :CE, 21 juin 2008, n° 305350, publié au Recueil Lebon ;CE, 24 juin 2011, n° 336908, inédit au Recueil Lebon


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 mai. 2012, pourvoi n°11-12117, Bull. civ. 2012, V, n° 160
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, V, n° 160

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Aldigé
Rapporteur ?: M. Huglo
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.12117
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