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10/05/2012 | FRANCE | N°10-20974

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 mai 2012, 10-20974


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 mai 2010), rendu sur renvoi après cassation (deuxième chambre civile, 30 avril 2009, pourvoi n° 08-13.069) que M. Yves X... et Mme Y... se sont mariés en 1963 sous le régime de la communauté de meubles et acquêts et ont divorcé en 1982 ; qu'en 1977 se sont rendus cautions solidaires des engagements pris à l'égard d'une banque par la société Européenne de confection, son gérant, M. Yves X..., et le frère de celui-ci, M. Jean-C

laude X... ; que les deux cautions ayant été condamnées en 1986 à payer à ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 mai 2010), rendu sur renvoi après cassation (deuxième chambre civile, 30 avril 2009, pourvoi n° 08-13.069) que M. Yves X... et Mme Y... se sont mariés en 1963 sous le régime de la communauté de meubles et acquêts et ont divorcé en 1982 ; qu'en 1977 se sont rendus cautions solidaires des engagements pris à l'égard d'une banque par la société Européenne de confection, son gérant, M. Yves X..., et le frère de celui-ci, M. Jean-Claude X... ; que les deux cautions ayant été condamnées en 1986 à payer à la banque diverses sommes dues par la société, Mme Z..., épouse de M. Jean-Claude X..., s'est acquittée de ces sommes en 1991 et se trouve subrogée dans les droits de la banque ; que cette créance n'a pas été déclarée au passif de la société lors de sa mise en redressement judiciaire en 1994 ; que sur le fondement d'un arrêt rendu le 19 mars 1998 ayant condamné M. Yves X... à lui payer la somme de 862 820 francs (131 536,06 euros) en principal, Mme Z... a fait pratiquer une saisie-attribution sur la somme de 152 000 euros représentant le prix d'adjudication d'un immeuble relevant de l'indivision post communautaire existant entre M. Yves X... et Mme Y... ; que cette dernière, invoquant le défaut de déclaration de la créance, a formé tierce opposition à l'arrêt du 19 mars 1998 ;

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa tierce opposition, et d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en application de l'article 53, alinéa 4, de la loi du 25 janvier 1985, applicable à la procédure de redressement judiciaire de la SARL Européenne de confection, le défaut de déclaration d'une créance au passif d'une société en redressement judiciaire entraîne l'extinction de ladite créance ; que l'article 2036 ancien du code civil, (2313 du code civil), dans sa rédaction applicable à la cause, autorise la caution à se prévaloir de l'extinction de cette créance ; que si la caution a négligé de se prévaloir du moyen tiré de la créance, faute de déclaration au passif d'une procédure collective, son conjoint, poursuivi sur les biens dépendant de l'indivision post communautaire à raison de l'engagement de caution souscrit par son époux, est fondé à invoquer ce moyen à l'appui d'un recours en tierce opposition dirigé contre la décision condamnant celui-ci ; qu'en l'espèce, pour dénier à Mme Y... le droit de se prévaloir, dans le cadre de sa tierce-opposition, du moyen tiré de l'extinction de la dette pour défaut de déclaration, la cour d'appel a relevé que ce moyen ne pouvait être invoqué que par le co-fidéjusseur et le codébiteur solidaire ; qu'en statuant ainsi cependant que Mme Y..., actionnée sur les biens dépendant de l'indivision post communautaire, pouvait, à l'appui de son recours en tierce opposition et en vertu de l'effet dévolutif attaché à cette voie de recours, se prévaloir de ce défaut de déclaration, et partant de l'extinction de la dette, dès lors que son conjoint, caution, aurait lui-même pu se prévaloir de cette extinction, la cour d'appel a violé les articles 53, alinéa 4, de la loi du 25 janvier 1985, 2036 ancien du code civil (2313 du code civil), dans leur rédaction applicable à la cause et l'article 582, alinéa 2 du code de procédure civile ;
2°/ que la question de savoir si la tierce-opposition, à supposer celle-ci accueillie, pouvait conduire à une mise à néant de l'arrêt y compris dans les rapports entre M. Yves X... et Mme Z... avait trait exclusivement aux conséquences de cette voie de recours ; qu'elle ne pouvait influer sur l'examen de la recevabilité d'une part, et du bien-fondé d'autre part, du recours en tierce-opposition, sur laquelle la cour d'appel devait se prononcer indépendamment des effets qu'elle pouvait produire ; de sorte que la cour d'appel qui refuse d'accueillir la tierce opposition exercée par Mme Y... au motif qu'à supposer que cette voie de recours prospère, elle n'aurait prétendument pas permis de mettre à néant dans les rapports entre Mme Z... et M. Yves X... la décision de condamnation prononcée par ce dernier au profit de la première, se détermine par un motif inopérant et viole les articles 582 et suivants du code civil ;
3°/ que si selon l'article 591, alinéa 1er du code de procédure civile, la tierce opposition ne rétracte ou ne réforme le jugement attaqué que sur les chefs préjudiciables au tiers opposant, il en est autrement en cas d'indivisibilité, selon l'alinéa 2 du même texte ; que l'indivisibilité résulte de l'impossibilité juridique d'exécuter en même temps les deux décisions ; que lorsqu'une décision a condamné un époux à payer une créance, dont son créancier peut poursuivre le paiement sur les biens de la communauté, la tierce-opposition que son conjoint peut exercer contre la décision de condamnation, en ce qu'elle est susceptible de porter atteinte à ses droits dans la communauté, conduit nécessairement, dès lors que cette tierce-opposition est fondée sur un moyen tiré de l'extinction de la dette, a la mise à néant de la condamnation tant à l'égard du tiers opposant que de son époux condamné ; qu'en décidant le contraire, au motif que le créancier du mari ne disposait, sous l'empire des dispositions des articles 1413 et 1415 du code civil alors applicables, que d'une faculté de poursuivre le recouvrement de la dette soit sur les biens propres du mari qui s'était engagé à son profit, soit sur les biens de la communauté, la cour d'appel a violé les articles 581 et suivants du code civil, ensemble les articles 1413 et 1415 du même code dans leur rédaction alors applicable ;
4°/ alors qu' à supposer que la tierce opposition ait eu pour seul effet de rendre inopposable à Mme Y... les décisions de condamnation de M. Yves X... au profit de Mme Z..., la tierce opposition aurait conduit alors à cantonner le droit de poursuite de cette dernière aux biens propres du mari ; que dans cette limite, la tierce opposition était susceptible de produire effet ; qu'en décidant le contraire, et en rejetant, pour cette raison, le recours de Mme Y..., la cour d'appel a violé, de ce chef encore, les textes susvisés ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu, justifiant sa décision par ce seul motif, que Mme Y..., qui n'était pas recherchée comme caution mais comme indivisaire d'un bien dépendant de l'indivision post-communautaire pour une dette née du chef de l'ex-époux pendant la communauté, ne pouvait se prévaloir de l'extinction de la créance, non déclarée au passif de la société débitrice ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour Mme Y... et M. X....
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR rejeté le recours en tierce opposition formé par Madame Colette Y..., divorcée X..., à l'encontre de l'arrêt du 19 mars 1998 et de l'AVOIR déboutée de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE « la condamnation personnelle de Yves X... telle qu'elle résulte de l'arrêt rendu le 19 mars 1998 est définitive et qu'un recours en tierce opposition ne pourrait produire effet à l'égard de toutes les parties en cause qu'en cas d'indivisibilité ; que Colette Y... divorcée X... n'est pas poursuivie comme co-débitrice de Yves X... dans le cadre de la quittance subrogatoire détenue par Yvette X... née Z..., ni comme cofidéjusseur, mais uniquement comme co-titulaire de bien commun, pour une dette née du chef de l'ex-époux pendant la communauté ; que c'est donc à tort que Colette Y... divorcée X... invoque une prétendue indivisibilité avec « les condamnations prononcées par l'arrêt du 19 mars 1998 » puisque l'engagement des biens communs par un seul époux n'a aucun caractère automatique selon l'article 1413 du Code civil en présence d'une dette dont l'un des époux est seul tenu ; que l'article 1415 du Code civil, en sa rédaction antérieure à la loi du 23 décembre 1985, ne disposait pas encore qu'un époux ne pouvait engager par un cautionnement seulement ses biens propres et ses revenus. Il ne dérogeait pas à l'article 1413 du Code civil de sorte que la condamnation de l'époux commun en bien en qualité de caution engageait les biens communs, même en dehors de l'accord de l'épouse ; que la dette étant donc tombée en communauté du chef d'Yves X... suite à sa condamnation définitive, le droit de poursuite des créanciers sur les biens communs ne peut être remis en cause par la seule contestation d'une créance, dans l'unique cadre du litige soumis par le tiers opposant qui ne concerne que la contribution à la dette entre ex-époux ; qu'il s'ensuit que l'arrêt de condamnation d'Yves X... du 19 mars 1998 ne peut être « mis à néant » ni rendu « inopposable » au tiers opposant, la discussion relative à l'extinction de la dette pour défaut de déclaration au redressement judiciaire du débiteur principal la société européenne de confection n'étant réservée qu'à la caution et au co-débiteur solidaire ; que l'ensemble de ces considérations conduit au rejet du recours en tierce opposition formé par Colette Y..., divorcée X... » ;
1. ALORS QU'en application de l'article 53, alinéa 4, de la loi du 25 janvier 1985, applicable à la procédure de redressement judiciaire de la SARL Européenne de Confection, le défaut de déclaration d'une créance au passif d'une société en redressement judiciaire entraîne l'extinction de ladite créance ; que l'article 2036 ancien du Code Civil, dans sa rédaction applicable à la cause, autorise la caution à se prévaloir de l'extinction de cette créance ; que si la caution a négligé de se prévaloir du moyen tiré de la créance, faute de déclaration au passif d'une procédure collective, son conjoint, poursuivi sur les biens dépendant de l'indivision post communautaire à raison de l'engagement de caution souscrit par son époux, est fondé à invoquer ce moyen à l'appui d'un recours en tierce-opposition dirigé contre la décision condamnant celui-ci ; qu'en l'espèce, pour dénier à Madame Y... le droit de se prévaloir, dans le cadre de sa tierce-opposition, du moyen tiré de l'extinction de la dette pour défaut de déclaration, la Cour d'Appel a relevé que ce moyen ne pouvait être invoqué que par le co-fidéjusseur et le codébiteur solidaire ; qu'en statuant ainsi cependant que Madame Y..., actionnée sur les biens dépendant de l'indivision post communautaire, pouvait, à l'appui de son recours en tierce-opposition et en vertu de l'effet dévolutif attaché à cette voie de recours, se prévaloir de ce défaut de déclaration, et partant de l'extinction de la dette, dès lors que son conjoint, caution, aurait lui-même pu se prévaloir de cette extinction, la Cour d'Appel a violé les articles 53, alinéa 4, de la loi du 25 janvier 1985, 2036 ancien du Code Civil, dans leur rédaction applicable à la cause et l'article 582, alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
2. ALORS QUE la question de savoir si la tierce-opposition, à supposer celle-ci accueillie, pouvait conduire à une mise à néant de l'arrêt y compris dans les rapports entre Monsieur Yves X... et Madame Z... avait trait exclusivement aux conséquences de cette voie de recours ; qu'elle ne pouvait influer sur l'examen de la recevabilité d'une part, et du bien fondé d'autre part, du recours en tierce-opposition, sur laquelle la Cour devait se prononcer indépendamment des effets qu'elle pouvait produire ; de sorte que la Cour d'Appel qui refuse d'accueillir la tierceopposition exercée par Madame Colette Y... au motif qu'à supposer que cette voie de recours prospère, elle n'aurait prétendument pas permis de mettre à néant dans les rapports entre Madame Z... et Monsieur Yves X... la décision de condamnation prononcée par ce dernier au profit de la première, se détermine par un motif inopérant et viole les articles 582 et suivants du Code Civil ;
3. ALORS QUE si selon l'article 591, alinéa 1er du Code de Procédure Civile, la tierce-opposition ne rétracte ou ne réforme le jugement attaqué que sur les chefs préjudiciables au tiers opposant, il en est autrement en cas d'indivisibilité, selon l'alinéa 2 du même texte ; que l'indivisibilité résulte de l'impossibilité juridique d'exécuter en même temps les deux décisions ; que lorsqu'une décision a condamné un époux à payer une créance, dont son créancier peut poursuivre le paiement sur les biens de la communauté, la tierce-opposition que son conjoint peut exercer contre la décision de condamnation, en ce qu'elle est susceptible de porter atteinte à ses droits dans la communauté, conduit nécessairement, dès lors que cette tierce-opposition est fondée sur un moyen tiré de l'extinction de la dette, a la mise à néant de la condamnation tant à l'égard du tiers opposant que de son époux condamné ; qu'en décidant le contraire, au motif que le créancier du mari ne disposait, sous l'empire des dispositions des articles 1413 et 1415 du Code Civil alors applicables, que d'une faculté de poursuivre le recouvrement de la dette soit sur les biens propres du mari qui s'était engagé à son profit, soit sur les biens de la communauté, la Cour d'Appel a violé les articles 581 et suivants du Code Civil, ensemble les articles 1413 et 1415 du même Code dans leur rédaction alors applicable ;
4. ALORS QU'en tout état de cause, à supposer que la tierceopposition ait eu pour seul effet de rendre inopposable à Madame Y... les décisions de condamnation de Monsieur Yves X... au profit de Madame Z..., la tierce-opposition aurait conduit alors à cantonner le droit de poursuite de cette dernière aux biens propres du mari ; que dans cette limite, la tierce-opposition était susceptible de produire effet ; qu'en décidant le contraire, et en rejetant, pour cette raison, le recours de Madame Y..., la Cour d'Appel a violé, de ce chef encore, les textes susvisés.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-20974
Date de la décision : 10/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement judiciaire - Période d'observation - Créanciers - Déclaration des créances - Défaut - Absence de relevé de forclusion - Portée - Décharge du coïndivisaire post-communautaire (non)

Une personne, recherchée non comme caution mais en qualité de coïndivisaire d'un bien dépendant d'une indivision post-communautaire pour une dette née du chef de l'ex-époux pendant la communauté, ne peut se prévaloir de l'extinction de la créance, non déclarée au passif de la société débitrice


Références :

article 53 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 04 mai 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 mai. 2012, pourvoi n°10-20974, Bull. civ. 2012, IV, n° 93
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 93

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : Mme Bonhomme
Rapporteur ?: Mme Guillou
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.20974
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