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04/05/2012 | FRANCE | N°11-10763

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 mai 2012, 11-10763


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mmes X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E... et MM. D... et Z... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 26 mai 2010 ;
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause Mme F... sur les troisième et quatrième moyens ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 5 décembre 2006, pourvoi n° 05-10. 844), que Camille Claudel est l'auteur d'une oeuvre sculpturale, créée en 1902, intitulée " La Vague " et représentant, sur u

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mmes X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E... et MM. D... et Z... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 26 mai 2010 ;
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause Mme F... sur les troisième et quatrième moyens ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 5 décembre 2006, pourvoi n° 05-10. 844), que Camille Claudel est l'auteur d'une oeuvre sculpturale, créée en 1902, intitulée " La Vague " et représentant, sur un socle en marbre, une vague en onyx prête à déferler sur un groupe de trois baigneuses en bronze formant une ronde, qu'un tirage de " La Vague ", entièrement en bronze, numéroté 3/ 8, acquis par la société Dieleman Art et Bronze International auprès de Mme F..., petite-nièce de l'artiste, a été exposé en 1999 à la galerie Marbeau par M. G..., commissaire-priseur, en vue de sa vente aux enchères publiques, et présenté comme un " exemplaire original ", que Mme X..., autre petite-nièce de l'artiste, estimant qu'il constituait une reproduction illicite de l'oeuvre, a fait procéder à la saisie-contrefaçon du tirage incriminé, partiellement détruit par le service des domaines en cours de procédure, puis a saisi le tribunal de l'action au fond, que Mmes Y..., Z..., A..., B..., C..., D... et E... ainsi que MM. D... et Z..., en leur qualité d'ayants droit de l'auteur, sont intervenus volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mmes X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E... et MM. D... et Z... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes formées sur le fondement de l'atteinte portée à l'intégrité de l'oeuvre " La Vague " de Camille Claudel du fait de la réalisation du tirage entièrement en bronze numéroté 3/ 8, alors, selon le moyen :
1°/ que le droit au respect de l'oeuvre, attribut du droit moral, est inaliénable et ne saurait faire l'objet d'une renonciation ; qu'en affirmant, pour refuser aux consorts D... et à Mme E... le droit de s'opposer à la reproduction entièrement en bronze de " La Vague " au nom du droit moral sur l'oeuvre de Camille Claudel, qu'ils n'avaient pas proscrit le changement de matière dans le protocole d'accord du 6 juillet 1995, ni protesté contre la mention, dans les catalogues raisonnés de Reine-Marie F... et Arnaud de H..., d'une part, et d'Anne I..., Bruno J... et Danielle K..., d'autre part, de tirages entièrement en bronze de " La Vague ", la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ qu'en toute hypothèse, la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en retenant, pour refuser aux consorts D... et à Mme E... le droit de s'opposer à la reproduction entièrement en bronze de " La Vague ", qu'ils n'avaient pas proscrit le changement de matière dans le protocole d'accord du 6 juillet 1995, ni protesté contre la mention, dans les catalogues raisonnés de Reine-Marie F... et Arnaud de H..., d'une part, et d'Anne I..., Bruno J... et Danielle K..., d'autre part, de tirages entièrement en bronze de " La Vague ", la cour d'appel, qui a par ailleurs constaté que l'article II. 1 du protocole du 6 juillet 1995 stipulait qu'" il est entendu entre les parties que toute utilisation du droit de reproduction susceptible de concerner le droit moral sur l'oeuvre de Camille Claudel requiert l'autorisation des héritiers de première part ", s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser la renonciation des consorts D... et de Mme E... à dénoncer le changement de matière au nom du respect dû à l'oeuvre, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ que toute modification, quelle qu'en soit l'importance, apportée à une oeuvre de l'esprit, porte atteinte au droit de son auteur au respect de celle-ci ; que les héritiers de l'auteur décédé peuvent par conséquent s'y opposer, au nom du droit moral, dès lors que l'auteur n'y a pas consenti de son vivant ; qu'en se bornant à relever, pour affirmer que l'opposition des consorts D... au changement de matière n'était pas légitime, que les correspondances versées aux débats n'établissaient pas que Camille Claudel se soit, de son vivant, opposée à tout tirage en bronze de " La Vague " et n'en ait voulu qu'une version en onyx et bronze, au lieu de rechercher si Camille Claudel avait exprimé l'intention de faire réaliser un tirage en bronze de " La Vague ", la cour d'appel a violé les articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle ;
4°/ que la cour d'appel a encore relevé, pour affirmer que l'opposition des consorts D... au changement de matière au nom du droit au respect de l'oeuvre n'était pas légitime, qu'un plâtre de facture différente, inutile à une réalisation en onyx, avait été réalisé par Camille Claudel en 1897, ce dont elle a déduit que l'artiste avait envisagé une réalisation de l'oeuvre entièrement en bronze ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait que le plâtre de 1897 fût de facture différente et qu'aucun tirage en bronze de " La Vague " n'ait jamais vu le jour ne témoignait pas, au contraire, de ce que l'artiste, à supposer qu'elle en ait jamais formé le projet, avait renoncé à faire couler un exemplaire entièrement en bronze de son oeuvre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la fabrication en 1897 d'un plâtre de facture différente, inutile à une réalisation en onyx, permettait de penser qu'un tirage en bronze avait été envisagé par l'artiste, dès lors qu'il n'était pas établi par ailleurs que Camille Claudel se fût, de son vivant, opposée à tout tirage en bronze et n'eût voulu qu'une version en onyx et bronze de " La Vague ", la cour d'appel, procédant ainsi à la recherche prétendument omise, a considéré que la réalisation de " La Vague " en bronze, matériau dont elle a de surcroît relevé le caractère usuel pour les reproductions en arts plastiques, ne méconnaissait en rien la volonté de l'auteur et que l'atteinte alléguée à l'intégrité de l'oeuvre du fait de cette substitution de matière n'était pas constituée ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que seules constituent des exemplaires originaux les épreuves en bronze à tirage limité coulées à partir du modèle en plâtre ou en terre cuite réalisé par le sculpteur personnellement, de telle sorte que, dans leur exécution même, ces supports matériels de l'oeuvre portent l'empreinte de la personnalité de leur auteur et se distinguent par là d'une simple reproduction ;
Attendu que pour rejeter les demandes de Mmes X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E... et de MM. D... et Z... fondées sur l'atteinte portée à l'intégrité de l'oeuvre " La Vague " de Camille Claudel du fait de l'établissement par Mme F... d'un certificat d'authenticité qualifiant le tirage numéroté 3/ 8 d'" oeuvre originale de l'artiste ", l'arrêt, après avoir relevé, d'abord, que le droit de reproduction dont Mme F... est titulaire a pour limite le droit que celle-ci a reconnu, aux termes de l'article II. 2 du protocole d'accord du 6 juillet 1995, aux héritiers de l'auteur de contrôler la qualité des tirages " à seule fin de s'assurer de l'adéquation entre l'oeuvre originale et ce qu'il est convenu d'appeler " les exemplaires originaux " " et, ensuite, que le tirage en bronze incriminé est en nombre limité et que l'exactitude des traits n'en est pas contestée, retient que celui-ci, réalisé postérieurement au décès de l'artiste, doit être considéré comme un exemplaire original de l'oeuvre " La Vague " ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le tirage litigieux avait été obtenu par surmoulage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur les troisième et quatrième moyens :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation de l'arrêt sur le deuxième moyen entraîne la cassation par voie de conséquence de la partie du dispositif critiquée par les troisième et quatrième moyens, les demandes fondées sur l'atteinte au droit de représentation et sur l'atteinte portée à l'intégrité de l'oeuvre à la suite de la destruction partielle du tirage en bronze numéroté 3/ 8 ayant été rejetées au seul motif que celui-ci devait être considéré comme un exemplaire original ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes formées par Mmes X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E... et MM. D... et Z... du fait de l'établissement d'un certificat d'authenticité et sur le fondement de l'atteinte au droit de représentation et en ce qu'il a rejeté l'action en contrefaçon formée au titre de la destruction partielle du tirage en bronze numéroté 3/ 8 de l'oeuvre " La Vague " de Camille Claudel, l'arrêt rendu le 27 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne Mmes F... et Didier, MM. G..., François de M..., Xavier de M..., Philippe F..., Jean F..., Daniel F..., la société Dieleman art et bronze international et la société Galerie Marbeau aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme F... et condamne Mmes F... et Didier, MM. G..., François de M..., Xavier de M..., Philippe F..., Jean F..., Daniel F..., la société Dieleman art et bronze international et la société Galerie Marbeau à payer à Mmes X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E... et MM. D... et Z... la somme globale de 3 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille douze et signé par M. Charruault, président et par Mme Laumône, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour Mmes X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E... et MM. D... et Z....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes formées par les consorts D... et Mme E... sur le fondement de l'atteinte portée à l'intégrité de l'oeuvre « La Vague » de Camille Claudel du fait de la réalisation du tirage entièrement en bronze numéroté 3/ 8,
AUX MOTIFS QU'il n'est pas établi, au vu des différentes correspondances versées aux débats par les parties, que Camille Claudel se soit, de son vivant, opposée à tout tirage en bronze et n'ait voulu qu'une version en onyx et bronze de « La Vague » ; que, d'ailleurs, un plâtre de facture différente et inutile à une réalisation en onyx avait été réalisé en 1897, ce qui permet de penser qu'une réalisation de l'oeuvre en bronze avait été envisagée par l'artiste ; que c'est également à juste titre que les premiers juges ont souligné qu'il ne ressort pas du protocole d'accord du 6 juillet 1995 qu'une substitution de matière ait été proscrite par les parties et que les catalogues raisonnés de 1990 de Reine-Marie F... et Arnaud de H... et de 1996 d'Anne I..., Bruno J... et Danielle K... mentionnaient les bronzes de l'oeuvre antérieurement tirés et exposés sans objection de la part de Mme X...-
D...
; que celle-ci était désignée par ledit protocole pour veiller au respect du droit moral au nom des appelants ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a jugé qu'il ne pouvait être prétendu que, du seul fait de la substitution de matière, la réalisation de « La Vague » en bronze, matériau usuel pour les reproductions en arts plastiques, portait atteinte à l'intégrité de l'oeuvre originale ;
1°/ ALORS QUE le droit au respect de l'oeuvre, attribut du droit moral, est inaliénable et ne saurait faire l'objet d'une renonciation ; qu'en affirmant, pour refuser aux consorts D... et à Mme E... le droit de s'opposer à la reproduction entièrement en bronze de « La Vague » au nom du droit moral sur l'oeuvre de Camille Claudel, qu'ils n'avaient pas proscrit le changement de matière dans le protocole d'accord du 6 juillet 1995, ni protesté contre la mention, dans les catalogues raisonnés de Reine-Marie F... et Arnaud de H..., d'une part, et d'Anne I..., Bruno J... et Danielle K..., d'autre part, de tirages entièrement en bronze de « La Vague », la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ ALORS QU'en toute hypothèse, la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en retenant, pour refuser aux consorts D... et à Mme E... le droit de s'opposer à la reproduction entièrement en bronze de « La Vague », qu'ils n'avaient pas proscrit le changement de matière dans le protocole d'accord du 6 juillet 1995, ni protesté contre la mention, dans les catalogues raisonnés de Reine-Marie F... et Arnaud de H..., d'une part, et d'Anne I..., Bruno J... et Danielle K..., d'autre part, de tirages entièrement en bronze de « La Vague », la cour d'appel, qui a par ailleurs constaté que l'article II. 1 du protocole du 6 juillet 1995 stipulait qu « il est entendu entre les parties que toute utilisation du droit de reproduction susceptible de concerner le droit moral sur l'oeuvre de Camille Claudel requiert l'autorisation des héritiers de première part », s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser la renonciation des consorts
D...
et de Mme E... à dénoncer le changement de matière au nom du respect dû à l'oeuvre, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ ALORS QUE toute modification, quelle qu'en soit l'importance, apportée à une oeuvre de l'esprit, porte atteinte au droit de son auteur au respect de celle-ci ; que les héritiers de l'auteur décédé peuvent par conséquent s'y opposer, au nom du droit moral, dès lors que l'auteur n'y a pas consenti de son vivant ; qu'en se bornant à relever, pour affirmer que l'opposition des consorts
D...
au changement de matière n'était pas légitime, que les correspondances versées aux débats n'établissaient pas que Camille Claudel se soit, de son vivant, opposée à tout tirage en bronze de « La Vague » et n'en ait voulu qu'une version en onyx et bronze, au lieu de rechercher si Camille Claudel avait exprimé l'intention de faire réaliser un tirage en bronze de « La Vague », la cour d'appel a violé les articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle ;
4°/ ALORS QUE la cour d'appel a encore relevé, pour affirmer que l'opposition des consorts D... au changement de matière au nom du droit au respect de l'oeuvre n'était pas légitime, qu'un plâtre de facture différente, inutile à une réalisation en onyx, avait été réalisé par Camille Claudel en 1897, ce dont elle a déduit que l'artiste avait envisagé une réalisation de l'oeuvre entièrement en bronze ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait que le plâtre de 1897 fût de facture différente et qu'aucun tirage en bronze de « La Vague » n'ait jamais vu le jour ne témoignait pas, au contraire, de ce que l'artiste, à supposer qu'elle en ait jamais formé le projet, avait renoncé à faire couler un exemplaire entièrement en bronze de son oeuvre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes des consorts D... et de Mme E... formées sur le fondement de l'atteinte portée à l'intégrité de l'oeuvre « La Vague » de Camille Claudel du fait de la réalisation du tirage entièrement en bronze numéroté 3/ 8 et de l'établissement d'un certificat d'authenticité,
AUX MOTIFS QU'il convient de souligner la spécificité que présente après le décès de l'auteur le droit de reproduction en matière de sculpture, lequel, s'il consiste selon l'article L. 122-3 du code de la propriété intellectuelle « dans la fixation matérielle de l'oeuvre par tous les procédés qui permettent de la communiquer au public d'une manière indirecte », implique également le droit de réaliser des tirages de l'oeuvre première, ces tirages constituant des épreuves originales dès lors qu'ils sont effectués en nombre limité et que, réalisés en taille réelle, aucune altération du trait ne peut être relevée ; qu'aux termes de l'article II. 2 du protocole d'accord du 6 juillet 1995, l'utilisation du droit de reproduction, « susceptible de concerner le droit moral sur l'oeuvre de Camille Claudel », par Reine-Marie F..., a pour limite le droit que celle-ci reconnaît aux héritiers de l'auteur de contrôler la qualité des tirages « à seule fin de s'assurer de l'adéquation entre l'oeuvre originale et ce qu'il est convenu d'appeler " les exemplaires originaux " » ; qu'aucune autre distinction ou restriction au droit de reproduction par la mise en oeuvre de l'exercice du droit moral n'est prévue à ce protocole, lequel engage aussi bien les héritiers que Mme Reine F..., dont Mme E... tient ses droits, tenus d'accepter l'existence d'« exemplaires originaux », après vérification de la qualité du tirage « par l'intermédiaire de Mme X...- D... » ; qu'en l'espèce, le tirage en bronze incriminé porte le numéro 3/ 8, ce qui établit son caractère limité ; qu'en outre, l'exactitude du trait n'est pas contestée, étant rappelé que l'infime différence de dimensions invoquée en raison de la reproduction par " surmoulage ", à la supposer caractérisée, ne peut plus être opposée en raison de l'accord ainsi qu'il a été vu ci-dessus ; qu'abstraction faite de tout autre moyen surabondant, contrairement à ce que soutiennent les appelants et Mme E..., le bronze saisi, réalisé postérieurement au décès de l'artiste au titre du droit de reproduction dont est titulaire Mme Reine-Marie F... dans les conditions sus-analysées, doit être considéré comme un exemplaire original de l'oeuvre « La Vague » de Camille Claudel, si bien que le grief de contrefaçon tenant à l'établissement du certificat précité doit également être rejeté, sans qu'il y ait lieu de faire application du décret du 3 mars 1981, justement écarté par les premiers juges au motif qu'il est sans incidence sur l'issue de la présente procédure dans la mesure où il ne concerne pas les oeuvres originales ;
1°/ ALORS QUE constituent des oeuvres originales l'oeuvre créée par l'artiste lui-même et les exemplaires exécutés en quantité limitée par l'artiste lui-même ou sous sa responsabilité ; qu'il s'en déduit qu'une fonte coulée après le décès de l'artiste ne peut être qualifiée de tirage original ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ ALORS QU'en toute hypothèse, si le droit de procéder à la fonte d'exemplaires originaux d'une sculpture appartient au titulaire du droit de reproduction, sa mise en oeuvre est soumise à des règles propres ; qu'en retenant, pour affirmer que le tirage numéroté 3/ 8 constituait un exemplaire original, que le protocole transactionnel du 6 juillet 1995, qui autorisait les héritiers de l'auteur à contrôler la qualité des tirages « à seule fin de s'assurer de l'adéquation entre l'oeuvre originale et ce qu'il est convenu d'appeler les exemplaires originaux » ne prévoyait « aucune autre distinction ou restriction au droit de reproduction », la cour d'appel, qui a autorisé Mme F... à s'affranchir des règles qui gouvernent le tirage d'épreuves originales au nom de la plénitude de son droit de reproduction, a violé les articles L. 121-1, L. 122-3, L. 335-2 et L. 335-3 du code la propriété intellectuelle ;
3°/ ALORS QUE les sculptures en taille directe ne peuvent donner lieu au tirage d'épreuves originales multiples ; qu'ayant constaté que l'oeuvre intitulée « La Vague » représentait un groupe de baigneuses en bronze au creux d'une vague en onyx reposant sur un socle en marbre, la cour d'appel a néanmoins affirmé que Mme F... avait pu en faire réaliser des tirages originaux en bronze ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que l'original de « La Vague », partiellement exécuté en taille directe, était nécessairement unique, et a violé les articles L. 121-1, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;
4°/ ALORS QU'en matière de fonte de sculptures, seules les épreuves coulées en tirage limité à partir du modèle en plâtre ou en terre cuite réalisé par l'artiste peuvent être qualifiées d'exemplaires originaux ; qu'il s'en déduit qu'un tirage réalisé par la technique du surmoulage ne peut être qualifié d'original ; que cour d'appel a constaté que l'exemplaire de « La Vague » numéroté 3/ 8 avait été réalisé, non à partir d'un plâtre original de Camille Claudel, mais par moulage de l'oeuvre originale en bronze et onyx, ce dont il s'évinçait qu'il ne pouvait constituer qu'une simple copie ; qu'en lui reconnaissant néanmoins la qualité d'exemplaire original, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;
5°/ ALORS QU'un exemplaire original doit être strictement et en tous points identique au modèle créé par l'artiste ; qu'il s'en déduit que le tirage d'une sculpture réalisé dans un matériau différent de celui de son modèle constitue nécessairement une simple copie ; qu'ayant constaté que « La Vague » créée par Camille Claudel était composée d'un groupe de baigneuses en bronze au creux d'une vague en onyx, tandis que le tirage numéroté 3/ 8 était exclusivement constitué de bronze, la cour d'appel, qui a néanmoins affirmé que le tirage numéroté 3/ 8 était un original, a de nouveau violé les articles L. 121-1, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes des consorts D... et de Mme E... formées sur le fondement de l'atteinte au droit de représentation attaché à l'oeuvre « La Vague » de Camille Claudel,
AUX MOTIFS QUE, dès lors que le tirage litigieux dont est propriétaire la société Dieleman doit être considéré comme un exemplaire original de l'oeuvre « La Vague » de Camille Claudel pour les motifs énoncés ci-dessus, son exposition au public dans la galerie Marbeau, accompagné du certificat établi par Reine-Marie F..., en vue de sa vente aux enchères par l'intermédiaire de Me G..., commissaire-priseur, ne saurait caractériser l'atteinte alléguée au droit de représentation appartenant aux ayants droit de l'auteur ; que la demande formée à ce titre par les appelants et Mme E... sera donc rejetée ;
1°/ ALORS QUE, la cour d'appel ayant retenu, pour exclure toute atteinte au droit de représentation de « La Vague », que le tirage numéroté 3/ 8 constituait une épreuve originale, la cassation à intervenir sur le deuxième moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif critiqué ;
2°/ ALORS QU'en toute hypothèse, le titulaire du droit de représentation d'une oeuvre de l'esprit jouit du droit exclusif de décider de son exposition au public ; qu'en retenant, pour rejeter les demandes formées par les consorts D... sur le fondement du droit de représentation dont ils étaient cotitulaires, que Mme F... pouvait décider seule de la présentation au public du tirage numéroté 3/ 8, dès lors qu'il s'agissait d'un tirage original, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé les articles L. 122-1, L. 122-2, L. 122-4, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ ALORS QUE les exceptions au droit exclusif de représentation sont limitativement énumérées à l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, qui ne mentionne pas l'exposition de l'oeuvre au public en vue de sa vente aux enchères ; qu'en affirmant que les consorts D... ne pouvaient s'opposer à l'exposition du tirage numéroté 3/ 8 dans la galerie Marbeau, accompagné du certificat d'authenticité établi par Reine-Marie F..., en vue de sa vente aux enchères par l'intermédiaire de Me G..., commissaire-priseur, la cour d'appel a violé les articles L. 122-4, L. 122-5, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes des consorts D... et de Mme E... relatives à la destruction partielle du tirage en bronze numéroté 3/ 8 de « La Vague » de Camille Claudel,
AUX MOTIFS QU'il est établi que le service des domaines a procédé à la destruction partielle de l'oeuvre ayant fait l'objet d'une saisie-contrefaçon et dont la restitution à la société Dieleman avait été à bon droit ordonnée au profit de celle-ci par le tribunal compte tenu de l'issue du litige, ne laissant subsister que le groupe des baigneuses ; que les appelants et Mme E... contestent la remise qui a été faite de l'oeuvre subsistante à la société Dieleman et soutiennent que son exploitation est constitutive de contrefaçon au motif que le groupe des baigneuses, détaché du reste de l'oeuvre, porte manifestement et incontestablement atteinte au respect de l'oeuvre telle qu'elle est protégée par l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle ; que, toutefois, si la destruction partielle d'une oeuvre porte atteinte à son intégrité, en revanche, dans la mesure où le tirage litigieux doit être considéré comme un exemplaire original de l'oeuvre de Camille Claudel, il en est de même du fragment qui subsiste, en sorte que la conservation de ce fragment avec les droits qui s'y attachent ne caractérise pas en soi un acte de contrefaçon ;
1°/ ALORS QUE, la cour d'appel ayant retenu, pour exclure toute atteinte au droit au respect de l'oeuvre, que le fragment du tirage numéroté 3/ 8 exploité par la société Dieleman Art et Bronze International constituait une édition originale, la cassation à intervenir sur le deuxième moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif critiqué ;
2°/ ALORS QU'en toute hypothèse, la présentation au public ou la mise sur le marché d'une oeuvre sous une forme altérée porte atteinte au respect dû à cette oeuvre et constitue un acte de contrefaçon ; qu'en retenant, pour affirmer que l'exploitation de l'oeuvre mutilée par la société Dieleman Art et Bronze International ne portait pas atteinte au droit au respect de l'oeuvre, que le fragment subsistant du tirage numéroté 3/ 8 devait être tenu pour une édition originale, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé les articles L. 121-1, L. 121-3, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-10763
Date de la décision : 04/05/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Oeuvre d'art - Sculpture - Oeuvre originale - Détermination - Tirage postérieur au décès de l'artiste réalisé par surmoulage (non)

Seules constituent des exemplaires originaux les épreuves en bronze à tirage limité coulées à partir du modèle en plâtre ou en terre cuite réalisé par le sculpteur personnellement, de telle sorte que, dans leur exécution même, ces supports matériels de l'oeuvre portent l'empreinte de la personnalité de leur auteur et se distinguent par là d'une simple reproduction. Dès lors, viole l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle la cour d'appel qui retient qu'un tirage en bronze, réalisé postérieurement au décès de l'artiste, doit être considéré comme un exemplaire original de l'oeuvre, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le tirage litigieux avait été obtenu par surmoulage


Références :

Sur le numéro 1 : article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 octobre 2010

Sur le n° 2 :Sur le caractère original d'un bronze posthume, à rapprocher :1re Civ., 18 mars 1986, pourvoi n° 84-13749, Bull. 1986, I, n° 71 (cassation) ; 1re Civ., 5 novembre 1991, pourvoi n° 90-13528, Bull. 1991, I, n° 303 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 mai. 2012, pourvoi n°11-10763, Bull. civ. 2012, I, n° 103
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, I, n° 103

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Pagès
Rapporteur ?: Mme Canas
Avocat(s) : SCP Bénabent, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10763
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