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03/05/2012 | FRANCE | N°11-10788

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 03 mai 2012, 11-10788


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article R. 143-4 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles L. 143-2 et L. 412-8 du même code ;
Attendu que lors d'une vente, d'un échange ou d'un apport en société portant sur un fonds agricole ou un terrain à vocation agricole situé dans une zone où la société d'aménagement foncier et d'établissement rural est autorisée à exercer le droit de préemption, le notaire chargé d'instrumenter est tenu, deux mois avant la date envisagée pour cette al

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article R. 143-4 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles L. 143-2 et L. 412-8 du même code ;
Attendu que lors d'une vente, d'un échange ou d'un apport en société portant sur un fonds agricole ou un terrain à vocation agricole situé dans une zone où la société d'aménagement foncier et d'établissement rural est autorisée à exercer le droit de préemption, le notaire chargé d'instrumenter est tenu, deux mois avant la date envisagée pour cette aliénation, de faire connaître à ladite société la consistance du bien, sa localisation, le cas échéant la mention de sa classification dans un document d'urbanisme, s'il en existe, le prix et les conditions demandés, ainsi que les modalités de l'aliénation projetée ; qu'il doit, en outre, faire connaître à la société les nom, domicile et profession de la personne qui se propose d'acquérir le bien ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 novembre 2010), que les époux X... ont notifié, le 3 avril 2007, à la SAFER de l'Ile de France (la SAFER), aux fins de purge de son droit de préemption, un projet de vente à M. Y... d'une parcelle bâtie leur appartenant ; qu'ils lui ont adressé, le 17 avril suivant, une lettre lui indiquant que M. Y... s'était substitué, par l'effet d'une clause de la promesse de vente, une SCI Calisto (la SCI) en cours d'immatriculation ; que par lettre du 31 mai 2007, la SAFER a accusé réception de ces deux notifications et indiqué que le délai d'exercice de son droit de préemption commençait à courir à compter de la seconde notification ; que le 15 juin 2007, la SAFER a répondu qu'elle entendait exercer son droit de préemption ; que les époux X... ont agi en annulation de cette déclaration de préemption ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que l'exercice par l'acquéreur de la faculté de substitution stipulée au contrat n'a pas pour effet d'instaurer une nouvelle vente, qu'il n'y a pas eu modification substantielle de la vente dès lors que M. Y... était le gérant de la société Calisto qui a un caractère familial et que la déclaration d'intention d'aliéner du 3 avril 2007, reçue le 5 avril suivant par la SAFER, est régulière et a fait courir le délai d'exercice de son droit de préemption, et en déduit que la déclaration de la SAFER du 18 juin 2007 est tardive ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'exercice par l'acquéreur de sa faculté de substitution impose une notification mentionnant l'identité complète de l'acquéreur substitué, faisant courir un nouveau délai au bénéfice de la SAFER, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux X... à payer à la SAFER la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des époux X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la société Safer de l'Ile-de-France
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la notification de l'exercice du droit de préemption par la Safer était tardive pour avoir été faite après l'expiration du délai légal et d'avoir, en conséquence, constaté la nullité de la décision de préemption de la Safer d'Ile-de-France, notifiée le 15 juin 2007 sur la vente visée dans la déclaration d'intention d'aliéner du 4 avril 2007 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les moyens développés par la Safer d'Ile-de-France au soutien de son appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ; qu'il sera ajouté qu'aux termes de l'article R. 143-4 du Code rural, "lors d'une vente, d'un échange ou d'un apport en société portant sur un fonds agricole ou un terrain à vocation agricole situé dans une zone où la société d'aménagement foncier et d'établissement rural est autorisée à exercer le droit de préemption, le notaire chargé d'instrumenter est tenu, deux mois avant la date envisagée pour cette aliénation, de faire connaître à ladite société la consistance du bien, sa localisation, le cas échéant la mention de sa classification dans un document d'urbanisme, s'il en existe, le prix et les conditions demandées ainsi que les modalités de l'aliénation projetée. En outre, le notaire fait connaître à la société les nom, domicile et profession de la personne qui se propose d'acquérir le bien" ; qu'il ne ressort pas de ce texte l'obligation pour le notaire de notifier à la Safer d'Ile-de-France l'existence d'une faculté de substitution accordée à l'acquéreur, de sorte qu'aucune omission n'affecte la déclaration d'intention d'aliéner du 3 avril 2007 concernant les nom, domicile et profession de l'acquéreur ; que le 17 avril 2007, soit dans le délai de deux mois, prévu par l'article L. 412-8 du Code rural auquel renvoie l'article L. 143-8 du même Code, ouvert par la notification reçue le 5 avril 2007, le notaire a adressé à la Safer d'Ile-de-France une lettre rédigée ainsi qu'il suit: "Monsieur Y... m'indique substituer une SCI en cours d'immatriculation au registre du commerce de Créteil, dénommée "Calisto" dont le siège social sera à La Varenne-Saint-Hilaire (94210) ..., pour l'acquisition" ; qu'il ressort de l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés et des statuts de la société Calisto du 27 avril 2007, enregistrés le 2 mai 2007 et déposés aux greffe du tribunal de commerce de Créteil le 15 mai 2007 que cette société a été constituée entre M. Cyril Y..., né le 20 septembre 1968, et M. André Y..., né le 16 février 1953, le premier étant le gérant et le second, l'associé, que cette société a son siège social à La Varenne-Saint-Hilaire (94) ..., le gérant, M. Cyril Y... étant domicilié à la même adresse, que cette société a pour objet l'acquisition, la prise à bail, la location de tous immeubles et droits immobiliers, leur administration et leur exploitation, leur mise en valeur et, généralement, toutes opérations mobilières et immobilières pouvant se rattacher, directement ou indirectement, à l'objet précité ; que l'exercice par l'acquéreur de la faculté de substitution stipulée au contrat n'a pas pour effet d'instaurer une nouvelle vente; que, si l'identité de l'acquéreur est une mention essentielle pour les Safer ainsi qu'il résulte de l'article R. 143-4 précité, cependant, au cas d'espèce, il existe des liens étroits entre le substitué et le substituant lesquels ont pour caractéristiques de ne pas être des agriculteurs, ce que la Safer d'Ile-de-France savait pour le second dès le 5 avril 2007 ; que la SCI Calisto, qui a un caractère familial pour être constituée entre les consorts Y..., a pour gérant le substituant et pour siège social le domicile de ce dernier; qu'à cet égard, aucune intention de frauder les droits de la Safer d'Ile-de-France ne peut être déduite du fait que M. Cyril Y... ait changé de domicile entre l'avis du notaire du 17 avril 2007 et la signature des statuts du 27 avril 2007; qu'il ne peut être tiré aucune conséquence quant aux liens existant entre M. Cyril Y... et la SCI Calisto et quant à la validité de la substitution de l'absence de mention d'acte accompli pour le compte de la société en formation dans les statuts ; que M. Cyril Y... ayant décidé, pour des raisons de convenances personnelles, d'acquérir le bien sous forme d'une SCI familiale qu'il constituait, il en résulte qu'il n'y a pas eu de modification substantielle de la vente et que, s'agissant de la même vente, aucun nouveau délai de deux mois n'a été ouvert au profit de la Safer d'Ile-de-France ; que, si le formulaire de déclaration d'intention d'aliéner du 3 avril 2007 comporte une case cochée relative au droit de préemption de personnes morales de droit public primant celui de la Safer, cependant, ce formulaire n'indique ni le nom ni les qualité et domicile du bénéficiaire ni, encore, s'il a ou non renoncé à son droit de préemption; qu'il en résulte que ladite case a été cochée par suite d'une erreur matérielle ; que, d'ailleurs, la Safer d'Ile-de-France ne s'y est pas trompée puisqu'elle a instruit le dossier et exercé son droit de préemption le 18 juin 2007 après avoir estimé que le délai pour l'exercice de ce droit commençait à courir le 19 avril 2007 ; que, dans ces conditions, l'appelante ne peut utilement soutenir que le délai d'exercice de son droit de préemption n'avait pas commencé à courir ; que la déclaration d'intention d'aliéner du 3 avril 2007, qui est régulière, ayant été reçue par la Safer d'Ile-de-France le 5 avril 2007, le délai d'exercice du droit de préemption expirait le 5 juin 2007 ; qu'en conséquence, la préemption du 18 juin 2007 est tardive, de sorte que le tribunal a décidé à bon droit qu'elle ne pouvait trouver aucun effet ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il résulte des dispositions de l'article R 143-4 du code rural que la notification de l'intention d'aliéner doit préciser la consistance du bien, sa localisation, son classement éventuel par un document d'urbanisme, le prix de l'immeuble, les conditions demandées et les modalités de la vente, les nom, domicile et profession de l'acquéreur pressenti et l'existence le cas échéant d'un droit de préemption prioritaire ou d'un droit préférentiel ; que cette notification valant offre de vente, seule une notification complète fait courir le délai de deux mois prévus par les articles L 412-8 alinéa 3 sur renvoi de l'article L 143-8 dont dispose la Safer pour l'exercice de son droit de préemption ; qu'il résulte de l'article L 412-9 du code rural sur renvoi de l'article L 143-8 du code rural que le vendeur peut, dans le délai de deux mois, modifier ses prétentions et il doit alors notifier ses modifications notamment de prix à la Safer laquelle dispose d'un délai supplémentaire de quinze jours pour se prononcer ; que ces dispositions ne prévoient l'ouverture d'un nouveau délai de deux mois que lorsque les modifications portent sur l'objet de la vente et donc sur le bien lui même ou lorsque ces modifications interviennent après l'expiration du délai deux mois ; qu'en l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats que la notification faite par lettre recommandée avec accusé de réception par maître Z... à la Safer le 17 avril 2007 respecte les conditions de forme et contient les mentions obligatoires exigées par l'article R 143-4 du code rural, fait au demeurant non contesté par la Safer ; que le délai de deux mois dont disposait la Safer pour se prononcer a donc couru à compter de la date de réception de cette notification, soit le 5 avril 2007 pour expirer le 5 juin 2007 ; que par courrier du 17 avril 2007, Me Z... a informé la Safer de la substitution de la SCI Calisto en cours de formation à l'acquéreur initialement pressenti et ce dans les termes suivants :"( ... ) M. Y... m'indique substituer une SCI en cours d'immatriculation auprès du Registre du Commerce de Créteil, dénommée Calisto, dont le siège social sera à la Varenne-Saint-Hilaire, ... pour l'acquisition" ; qu'une telle modification ne porte pas sur le bien dont la vente est envisagée et donc sur l'objet de la vente au sens des dispositions légales et réglementaires précitées et, de ce fait, n'a donc pas eu pour effet d'ouvrir un nouveau délai de deux mois ; que limitée à une substitution d'acquéreur, elle ne constitue pas davantage une modification des prétentions du vendeur au sens de l'article L 412-9 du code rural et n'a donc pu proroger le délai de quinze jours supplémentaires ; qu'il s'en suit que le délai dont disposait la Safer pour exercer son droit de préemption expirait le 5 juin 2007 ; que son intention de préempter a été signifié par acte du 18 juin 2007 alors qu'à cette date son droit était prescrit ; qu'une telle notification est par conséquent nulle et de nul effet; que la demande des époux X... bien fondée, sera donc accueillie ;
1) ALORS QUE le délai d'exercice du droit de préemption ne court qu'à compter de la réception par la Safer d'une déclaration d'intention d'aliéner comportant non seulement la consistance du bien, sa localisation, le prix et les conditions demandées mais aussi les nom, domicile et profession de la personne qui se propose d'acquérir le bien ; que dès lors, en affirmant que la substitution d'un nouvel acquéreur n'a eu pour effet ni de faire courir un nouveau délai de préemption, ni même de proroger le délai existant, dans la mesure où une telle substitution ne modifie pas l'objet de la vente, la cour d'appel a violé l'article R 143-4 du code rural ;
2) ALORS QUE la notification d'un projet de vente qui, pour identifier l'acquéreur, ne mentionne que le nom d'une société civile en cours de constitution sans préciser l'état civil et l'adresse de toutes les personnes devant constituer la société, est incomplète et n'est pas susceptible de faire courir le délai légal de préemption de la Safer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le notaire instrumentaire s'est borné, le 19 avril 2007, à informer la Safer de l'Ile-de-France de la substitution de l'acquéreur initialement pressenti, M. Y..., par la SCI Calisto en cours d'immatriculation ; qu'en décidant que le changement d'acquéreur notifié à la Safer n'a eu pour effet ni de faire courir un nouveau délai de préemption, ni même de proroger le délai existant, quand il résultait de ses propres constatations que le notaire s'était borné à informer la Safer de la substitution à l'acquéreur initialement pressenti d'une société en cours d'immatriculation sans donner aucun élément permettant d'identifier les associés composant cette société, la cour d'appel a violé l'article R 143-4 du code rural ;
3) ALORS QUE la régularité de la déclaration d'intention d'aliéner doit être appréciée au vu des éléments en la possession de la Safer au moment où elle lui est notifiée ; que par arrêt avant dire droit du 6 mai 2010, la cour d'appel a ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux époux X... de justifier que M. Y... avait effectivement la qualité de gérant de la SCI Calisto, ce dont il résultait que la Safer de l'Ile-de-France n'en avait pas été informée au moment de la notification de la déclaration d'intention d'aliéner ; qu'en affirmant que la mention de l'identité exacte de l'acquéreur dans la déclaration d'intention d'aliéner n'était pas essentielle dans la mesure où la SCI Calisto qui s'était substituée à M. Y... avait ce dernier pour gérant, la cour d'appel qui s'est fondée sur des éléments révélés, en cours d'instance, dont la Safer n'avait pas connaissance à la date de la préemption, pour dire que la déclaration d'intention d'aliéner était valable, a violé les articles L 143-2, L 412-8 et R 143-4 du code rural.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 11-10788
Date de la décision : 03/05/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL - Préemption - Conditions d'exercice - Notification - Prix et conditions de vente - Substitution d'acquéreur - Effets - Détermination

Lorsque, postérieurement à la déclaration d'intention d'aliéner notifiée à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, survient une substitution d'acquéreurs, le vendeur doit procéder à une nouvelle déclaration mentionnant l'identité complète du nouvel acquéreur


Références :

articles L. 143-2, L. 412-8 et R. 143-4 du code rural et de la pêche maritime

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 03 mai. 2012, pourvoi n°11-10788, Bull. civ. 2012, III, n° 65
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, III, n° 65

Composition du Tribunal
Président : M. Terrier
Avocat général : M. Laurent-Atthalin
Rapporteur ?: M. Crevel
Avocat(s) : Me Balat, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10788
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