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02/05/2012 | FRANCE | N°11-84290

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 mai 2012, 11-84290


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jean X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 4 mai 2011, qui, sur renvoi après cassation (crim, 4-11-2008 n° 08-81.962), dans la procédure suivie contre lui du chef de contrefaçon par reproduction d'une oeuvre de l'esprit au mépris des droits de l'auteur, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de la plai

nte avec constitution de partie civile de la société Environnement contrôle service (EC...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jean X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 4 mai 2011, qui, sur renvoi après cassation (crim, 4-11-2008 n° 08-81.962), dans la procédure suivie contre lui du chef de contrefaçon par reproduction d'une oeuvre de l'esprit au mépris des droits de l'auteur, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de la société Environnement contrôle service (ECS), dénonçant la contrefaçon d'un logiciel utilisé pour les besoins de son activité, Mme Mireille Y..., ancienne salariée de cette entreprise, embauchée depuis lors par la société Etude et traçage de nuisances atmosphériques (ETNA), ainsi que M. Jean X..., dirigeant de cette dernière société, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef de contrefaçon ; que la première ayant été retenue dans les liens de la prévention et le second relaxé, le jugement a été frappé d'appel par la partie civile et par Mme Y..., ainsi que d'un appel incident du ministère public limité à cette dernière ;
En cet état,
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 122-6, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a, sur l'action civile, déclaré M. X... responsable des faits de contrefaçon de logiciel visés dans la prévention ;
" aux motifs qu'il résulte de l'analyse faite par les experts Z... et B... que les conclusions qu'ils retiennent méritent d'être adoptées et non celles de l'expert A...selon lesquelles FE Analyser ne serait qu'une base de données ; que la détection et la mesure des émissions fugitives, activité très particulière et peu répandue, constituaient la seule activité de la société ECS ; qu'elle l'exerçait depuis 1995 ; que la société Etna ne justifie être intervenue dans ce domaine qu'à compter de mai 2000, dans le cadre d'un appel d'offres de la société Atofina, campagne effectuée par Mme Y..., alors stagiaire ANPE chez Etna ; que cette société a ensuite effectué, le plus souvent par l'intermédiaire de Mme Y..., plusieurs démarchages du même type auprès de clients potentiels ; que, dès le mois d'août 1999, Mme Y..., alors salariée chez ECS, a remis à la société Etna un cahier des charges précis concernant le développement d'une application permettant de gérer la saisie d'informations au moyen d'un ordinateur de terrain ; qu'une proposition de vente d'un ordinateur de terrain faite par la société Proxylog le 27 septembre 1999, soit dix jours après le licenciement de Mme Y... mais avant son départ effectif de chez ECS, mentionne les besoins de la société Etna concernant les campagnes de mesures d'émissions fugitives ; que Mme Y... a élaboré pour le compte d'Etna un projet de devis de mesure et de gestion des émissions fugitives à l'attention de la société Shell, comportant des aspects techniques et commerciaux et faisant référence aux pratiques de la société ECS dans ce domaine (prix pratiqués, méthodologie, appareils utilisés) ; qu'il apparaît donc que Mme Y..., alors qu'elle était encore employée chez ECS, a été sollicitée par la société Etna pour développer une activité nouvelle pour celle-ci ; que M. X... et sa société ne disposaient manifestement pas des connaissances et des moyens techniques nécessaires en la matière ; que, c'est ainsi qu'ont été utilisées les connaissances acquises par Mme Y... qui a en outre mis à la disposition de son nouvel employeur le logiciel FE Analyser alors qu'elle avait affirmé, selon protocole transactionnel du 23 décembre 1999, intervenu entre elle et la société ECS, " avoir effacé de son disque dur personnel toutes les informations concernant ECS et avoir détruit tous documents techniques ou commerciaux de cette société " ; que dans ces conditions, M. X... ne peut valablement soutenir qu'il ignorait que le logiciel FE Analyser avait été apporté par Mme Y... au sein d'Etna, d'autant qu'il s'agissait d'une petite structure ne comprenant que deux ou trois salariés et que son dirigeant ne pouvait donc pas ne pas savoir ce qui s'y passait dans les moindres détails ; que l'application Tramontane a été proposée en réponse à l'appel d'offres de Naphtachimie en mai 2001 ; qu'il n'est pas établi, contrairement à ce que soutient M. X..., que cette application était différente de celle constituée par le logiciel FE Analyser simplement renommé ; qu'au contraire, Mme Y... a reconnu devant le tribunal correctionnel qu'elle avait participé à l'élaboration de l'appel d'offre de Naphtachimie et qu'à cette occasion, avait été utilisé Tramontane, logiciel restant à élaborer ; qu'il s'en déduit que le logiciel Tramontane proposé à Naphtachimie n'était autre que la copie de FE Analyser ; que M. X... a adressé à Naphtachimie une proposition technique et financière en réponse à cet appel d'offre ; qu'il a donc sciemment utilisé une copie frauduleuse du logiciel FE Analyser ; que l'étude comparative (cf. cote 149) faite en mars 2002 à la demande de la société Etna entre les applications Tramontane (selon cahier des charges adressé le 15 juin 2001 à son fournisseur, Proxylog) et FE Analyser est dépourvue de pertinence au regard des faits en cause puisqu'elle n'est pas de nature à établir des dissemblances entre les deux applications pour la période antérieure et plus précisément pour toute la période comprise entre août-septembre 1999 et mai 2001, date à laquelle une proposition technique a été faite à Naphtachimie sur la base d'un logiciel Tramontane restant à élaborer ; que le délit de contrefaçon de logiciel reproché à M. X... est donc constitué en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel ;
1°) " alors que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant tout à la fois, pour déclarer M. X... responsable de contrefaçon du logiciel FE Analyser, qu'il avait sciemment utilisé une copie frauduleuse de ce logiciel pour adresser une proposition commerciale à la société Naphtachimie et que la proposition faite à cette société l'avait été sur la base d'un logiciel Tramontane restant à élaborer, la cour d'appel s'est contredite et a ainsi méconnu les textes susvisés ;
2°) " alors que, en relevant encore, pour retenir sa responsabilité, que M. X... avait utilisé une copie frauduleuse du logiciel FE Analyser, après avoir adopté les conclusions du rapport des experts Z... et B... qui indiquaient qu'il n'y avait aucune trace d'utilisation du logiciel saisi, la cour d'appel s'est contredite et a ainsi méconnu les textes susvisés ;
3°) " alors que la contrefaçon est caractérisée par la reproduction, représentation ou diffusion d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur ; qu'en relevant, pour dire que le délit de contrefaçon de logiciel reproché à M. X... était constitué dans tous ses éléments, que celui-ci ne pouvait ignorer que le logiciel FE Analyser avait été apporté par Mme Y... au sein de la société Etna, ce qui n'était pourtant pas de nature à caractériser la reproduction, représentation ou diffusion de ce logiciel, la cour d'appel, qui n'a pas relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction, a méconnu le principe et les textes susvisés ;
4°) " alors qu'en se bornant encore à relever, pour retenir la responsabilité de M. X..., que celui-ci avait adressé une proposition technique et financière à la société Naphtachimie sur la base du logiciel FE Analyser, ce qui n'était pas davantage de nature à caractériser la reproduction, représentation ou diffusion de ce logiciel, la cour d'appel, qui n'a pas relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction, a méconnu le principe et les textes susvisés " ;
Attendu que, pour caractériser, pour les besoins de l'action civile, les éléments constitutifs du délit de contrefaçon à l'égard de M. X..., l'arrêt, qui prononce par les motifs très partiellement repris au moyen, retient, après avoir analysé les différents éléments de preuve et l'argumentation développée par chacune des parties, que des fichiers, saisis chez ETNA, répondent à la définition d'un logiciel applicatif, que leur contenu est strictement identique à celui appartenant à la société ECS, dont l'originalité et l'antériorité sont établies ; que les juges ajoutent que M. X... ne pouvait ignorer l'origine de ce logiciel ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, les griefs allégués ne sont pas encourus ;
D'où il suit que le moyen, ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 122-6, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, 480-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a, sur l'action civile, condamné M. X..., solidairement avec Mme Y..., à payer à la société ECS les sommes de 20 000 euros au titre de l'atteinte aux droits moraux et de 100 000 euros au titre de l'atteinte aux droits patrimoniaux ;
" aux motifs que compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de l'objet de la contrefaçon et de son utilisation, la cour trouve dans les pièces de la procédure et les débats les éléments nécessaires et suffisants pour fixer à la somme de 20 000 euros au titre de l'atteinte aux droits moraux et à celle de 100 000 euros au titre des droits patrimoniaux, le montant des dommages-intérêts que les prévenus devront solidairement verser à la victime, lesquels dommages-intérêts assurent une exacte et complète réparation du préjudice directement et personnellement subi par la partie civile ;
" alors que seules les personnes pénalement condamnées pour un même délit sont tenus solidairement des dommages-intérêts ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que M. X... avait été définitivement renvoyé des fins de la poursuite, de sorte qu'elle n'a prononcé aucune condamnation pénale à son encontre, a néanmoins jugé qu'il serait tenu solidairement avec Mme Y..., qu'elle a pénalement condamnée, du paiement à la société ECS des dommages-intérêts, a méconnu le principe et les textes susvisés " ;
Attendu que M. X... ne saurait se faire un grief de ce que, après avoir confirmé le jugement ayant déclaré Mme Y... coupable de cette contrefaçon, la cour d'appel l'a condamné, solidairement avec cette dernière à verser des dommages-intérêts à la société ECS, dès lors qu'il résulte du principe selon lequel chaque responsable d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité et de la combinaison des articles 480-1 et 509 du code de procédure pénale que le prévenu définitivement relaxé, à la charge duquel la cour d'appel saisie de la seule action civile caractérise l'existence d'une infraction, est solidairement tenu des dommages-intérêts avec les autres codébiteurs ayant participé à cette infraction ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Radenne conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-84290
Date de la décision : 02/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Pluralité d'auteurs - Solidarité - Relaxe du prévenu - Cas

SOLIDARITE - Domaine d'application - Infractions connexes ou indivisibles - Relaxe du prévenu - Cas APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Appel de la partie civile - Relaxe du prévenu - Solidarité - Application

Il résulte de la combinaison des articles 509 et 480-1 du code de procédure pénale ainsi que du principe selon lequel chaque responsable d'un même dommage est tenu de le réparer en totalité, que le prévenu définitivement relaxé, à la charge duquel la cour d'appel caractérise pour les besoins de la seule action civile les éléments constitutifs d'une infraction, est solidairement tenu des dommages-intérêts avec les autres codébiteurs ayant participé à cette infraction


Références :

articles 509 et 480-1 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 04 mai 2011

Sur la condamnation civile du prévenu relaxé par la cour d'appel, à rapprocher :Crim., 20 mai 2003, pourvoi n° 02-84307, Bull. crim. 2003, n° 101 (2) (rejet), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 mai. 2012, pourvoi n°11-84290, Bull. crim. criminel 2012, n° 102
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2012, n° 102

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Finielz
Rapporteur ?: Mme Radenne
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.84290
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