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04/04/2012 | FRANCE | N°10-20845

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 avril 2012, 10-20845


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 2411-1, 13° du code du travail, ensemble les articles 6, 17 et 21 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et 7 de la délibération n° 2005-019 du 3 février 2005 de la commission nationale de l'informatique et des libertés ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, qu'engagé en janvier 1986 par la société Groupe Progrès, M. X..., salarié protégé en qualité d'administrateur de l'URSSAF, occupait en dernier lieu les fonc

tions de directeur des ressources humaines ; que reprochant notamment à son emp...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 2411-1, 13° du code du travail, ensemble les articles 6, 17 et 21 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et 7 de la délibération n° 2005-019 du 3 février 2005 de la commission nationale de l'informatique et des libertés ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, qu'engagé en janvier 1986 par la société Groupe Progrès, M. X..., salarié protégé en qualité d'administrateur de l'URSSAF, occupait en dernier lieu les fonctions de directeur des ressources humaines ; que reprochant notamment à son employeur de ne pas avoir respecté son statut de salarié protégé en consultant la liste de ses appels téléphoniques passés au moyen du téléphone mobile mis à sa disposition par l'entreprise, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de cette demande, l'arrêt retient que la société Groupe Progrès s'est contentée d'examiner les relevés de communications téléphoniques remis par l'opérateur du téléphone mobile fourni par l'entreprise à M.
X...
; que ce simple examen ne constitue pas un procédé de surveillance des salariés nécessitant une déclaration auprès de la commission nationale de l'informatique et des libertés, une information des salariés et une consultation du comité d'entreprise ; qu'il ne constitue donc nullement un procédé de surveillance illicite des salariés dont M. X... pourrait se prévaloir à l'appui de sa demande de résiliation et ne porte pas atteinte au droit de se dernier en qualité de salarié protégé, du fait de son mandat d'administrateur de l'URSSAF ;
Attendu cependant, que pour l'accomplissement de leur mission légale et la préservation de la confidentialité qui s'y attache les salariés protégés, au nombre desquels se trouvent les membres du conseil et les administrateurs des caisses de sécurité sociale, doivent pouvoir disposer sur leur lieu de travail d'un matériel ou procédé excluant l'interception de leurs communications téléphoniques et l'identification de leurs correspondants ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que l'examen par l'employeur des relevés téléphoniques du téléphone mis à disposition du salarié permettait l'identification des correspondants de celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la société Groupe Progrès aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Groupe Progrès à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boutet, avocat aux Conseils pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Jean-Pierre X... de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la Société GROUPE PROGRES ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'absence de déclaration d'accident du travail, il n'est pas contestable que la déclaration d'accident du travail a été faite par la Société GROUPE PROGRES le 28 janvier 2008 et a donc retardé la prise en charge de Monsieur X... au titre des accidents du travail ; qu'il convient cependant de rappeler que Monsieur Y... n'a jamais contesté que les blessures subies par Monsieur X... relevaient de la législation sur les accidents du travail ; que Monsieur X... s'est fait remettre le jour même le formulaire nécessaire à la déclaration de cet accident ; que le retard dont fait état Monsieur X... s'explique par la discussion instaurée entre lui et Monsieur Y... sur les termes de la déclaration ; que Monsieur X... a bien perçu les prestations prévues au titre des accidents du travail ; qu'il en résulte que le retard avec lequel la déclaration a été transmise à la CPAM ne constitue pas un manquement de l'employeur justifiant la résiliation du contrat de travail aux torts de ce dernier ; sur le lancement d'une procédure sur la base de preuves illicites, Monsieur X... reproche à son employeur de ne pas avoir respecté les normes édictées par la CNIL concernant la surveillance de l'activité des salariés et tout particulièrement des salariés protégés en consultant la liste de ses appels téléphoniques ; qu'or en l'espèce, la Société GROUPE PROGRES s'est contentée d'examiner les relevés des communications téléphoniques remis par l'opérateur du téléphone mobile fourni par l'entreprise à Monsieur
X...
; que ce simple examen à l'exclusion de tout enregistrement ou traitement des informations ne constitue pas un procédé de surveillance des salariés nécessitant une déclaration auprès de la CNIL, une information des salariés et une consultation du comité d'entreprise ; qu'il ne constitue donc nullement un procédé de surveillance illicite des salariés mis en oeuvre par la Société GROUPE PROGRES dont Monsieur X... pourrait se prévaloir à l'appui de sa demande de résiliation et ne porte pas atteinte au droit de ce dernier en qualité de salarié protégé, du fait de son mandat d'administrateur de l'URSSAF ; que cette consultation qui a conduit la Société GROUPE PROGRES à envisager une procédure de licenciement qu'elle a soumise à l'autorisation de l'Inspecteur du Travail en raison de la protection dont bénéficiait Monsieur X... ne peut, en tout état de cause, constituer à ce stade un moyen de preuve illicite ; que la Société GROUPE PROGRES n'ayant commis aucun abus du droit d'engager une procédure disciplinaire et la poursuite de l'enquête qu'elle estimait devoir conduire ne caractérisant aucun manquement dont l'ampleur pourrait justifier la rupture du contrat de travail, ce grief doit être écarté ;
ALORS D'UNE PART QUE l'obligation faite à l'employeur par l'article L 441- 2 du Code de la Sécurité Sociale de déclarer tout accident dont il a eu connaissance, survenu à son employé, est indépendante de la faculté laissée à celui-ci de déclarer l'accident dans les limites de la prescription ; que l'omission de déclaration de l'employeur qui cause un préjudice au salarié constitue une faute ; que dès lors, la Cour d'Appel qui constatait que le retard dans la déclaration d'accident du travail imputable à l'employeur avait retardé la prise en charge de Monsieur X... au titre des accidents du travail, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient au regard des articles L 1231-1 du Code du Travail et 1184 du Code Civil en décidant que ce retard ne constituait pas un manquement de l'employeur à ses obligations justifiant la résiliation du contrat de travail aux torts de ce dernier ;
ALORS D'AUTRE PART QU' aux termes de l'article 3 de la norme n° 47 de la CNIL, concernant les traitements automatisés de données à caractère personnel mis en oeuvre dans le cadre de l'utilisation de services de téléphonie fixe et mobile sur les lieux du travail, lorsque des relevés justificatifs sont établis, les quatre derniers chiffres de ces numéros sont occultés, sauf dans le cas où un remboursement est demandé aux employés pour les services de téléphonie utilisés à titre privé et dans le cas où l'employeur constate une consommation manifestement anormale ; qu'aux termes de l'article 7 de cette norme, des mesures particulières doivent être prises afin que les conditions de mise en oeuvre et d'utilisation des services de téléphonie n'entravent pas l'exercice des droits reconnus par la loi en matière de droits et libertés des représentants des personnels et des employés protégés qui doivent pouvoir disposer d'une ligne téléphonique excluant toute possibilité d'interception de leur communications ou d'identification de leurs correspondants ; que dès lors, le seul fait pour la Société GROUPE PROGRES d'avoir « examiné » les relevés des communications téléphoniques fournis par l'opérateur du téléphone mobile de Monsieur
X...
, dont il n'est pas contesté que les quatre derniers chiffres des numéros de téléphone appelés n'étaient pas occultés, et d'avoir voulu utiliser les informations ainsi obtenues à l'encontre de ce salarié, constitue un manquement de l'employeur à ses obligations justifiant la résiliation du contrat de travail aux torts de ce dernier ; qu'en décidant néanmoins le contraire, la Cour d'Appel a violé les articles L 1231-1 du Code du Travail et 1184 du Code Civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-20845
Date de la décision : 04/04/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Statut protecteur - Domaine d'application - Administrateur d'une caisse de sécurité sociale - Mission - Exercice - Confidentialité - Moyens matériels - Conformité - Nécessité

REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Fonctions - Exercice - Modalités - Confidentialité - Portée INFORMATIQUE - Informatique et libertés (loi du 6 janvier 1978) - Traitement automatisé d'informations nominatives - Mise en oeuvre - Moyens matériels à disposition des salariés protégés - Matériel de téléphonie - Confidentialité - Obligations de l'employeur - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir de direction - Etendue - Contrôle et surveillance des salariés - Limites - Cas - Statut des salariés protégé - Mesures particulières - Portée

Pour l'accomplissement de leur mission légale et la préservation de la confidentialité qui s'y attache, les salariés protégés, au nombre desquels se trouvent les membres du conseil et les administrateurs des caisses de sécurité sociale, doivent pouvoir disposer sur leur lieu de travail d'un matériel ou procédé excluant l'interception de leurs communications téléphoniques et l'identification de leurs correspondants. Viole dès lors l'article L. 2411-1 13° du code du travail, ensemble les articles 6, 17 et 21 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 et 7 de la délibération n° 2005-019 du 3 février 2005 de la commission nationale de l'informatique et des libertés, la cour d'appel qui, pour débouter un salarié, administrateur de l'URSSAF, de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, retient que l'employeur s'était contenté d'examiner les relevés des communications téléphoniques du téléphone mobile mis à disposition du salarié par l'entreprise, alors qu'il résultait de ses constatations que l'examen par l'employeur des relevés litigieux permettait l'identification des correspondants du salarié


Références :

articles L. 2411-1 13° du code du travail

articles 6, 17 et 21 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978

article 7 de la délibération n° 2005-019 du 3 février 2005 de la Commission nationale de l'informatique et des libertés

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 19 mai 2010

Sur l'obligation pour l'employeur de mettre à disposition d'un salarié protégé un procédé de communication assurant la confidentialité de ses communications, dans le même sens que : Soc., 6 avril 2004, pourvoi n° 02-40498, Bull. 2004, V, n° 104 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 avr. 2012, pourvoi n°10-20845, Bull. civ. 2012, V, n° 117
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, V, n° 117

Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Foerst
Rapporteur ?: Mme Sommé
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Boutet

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.20845
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