LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 1641 et 1642 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 26 octobre 2010), que par l'intermédiaire de Mme X..., agent immobilier, M. et Mme Y...ont vendu à Mme Z...un studio situé dans un immeuble en copropriété ; qu'a été annexé à l'acte de vente un diagnostic de mérule mentionnant que le studio subissait " un dégât des eaux très actif dans la salle de bain, sur le mur gauche qui semble provenir de l'étage supérieur et dont la cause doit être déterminée et traitée rapidement " ; qu'invoquant des désordres liés à la dégradation de la couverture de l'immeuble dont les vendeurs avaient connaissance, Mme Z...a assigné M. et Mme Y...sur le fondement de la garantie des vices cachés, de l'obligation de renseignement et l'agent immobilier pour manquement à son devoir de conseil ;
Attendu que pour débouter Mme Z...de sa demande en paiement formée contre les époux Y..., l'arrêt retient que Mme Z...ne prétend pas avoir acheté l'appartement sans visite préalable, qu'il faut donc que la fuite ait été apparente lorsqu'elle a visité l'appartement, que l'existence de cette fuite lors de la visite est acquise, qu'elle était nécessairement visible ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la connaissance par Mme Z...du vice dans son ampleur et ses conséquences, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne M. et Mme Y...et Mme X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y...et Mme X...à payer à Mme Z...la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour Mme Z...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a repoussé les demandes indemnitaires formées par Mlle Z...contre M. et Mme Y...;
AUX MOTIFS QUE « Mlle Z...estime que lui est dû le remboursement des travaux qu'elle aura à supporter tant pour la réfection de la toiture de l'immeuble que de son appartement ; que, subsidiairement, elle sollicite une expertise ; que le tribunal a estimé que Mlle Z...avait connaissance des infiltrations qui étaient apparentes pour une personne normalement vigilante et que le diagnostic mentionnant un important dégât des eaux lui a été communiqué lors de la signature de l'acte authentique ; qu'elle fait valoir l'importance de la chronologie, dans la mesure où lorsqu'elle a visité le studio, il ne lui a pas été donné connaissance du procès-verbal de l'assemblée de copropriétaires du 25 février 2006 et où, lorsqu'elle a eu notification de l'acte sous seing privé, elle ignorait l'existence des véritables problèmes d'humidité, ce qui !'a empêchée d'exercer son droit de rétractation ; qu'elle ajoute que, lors de la signature de l'acte authentique, il lui a effectivement été donné connaissance succinctement du rapport établi par le cabinet Normandie Expertises Immo à la demande du syndic de la copropriété pour lui préciser que l'immeuble n'était pas affecté par la mérule, mais que les éléments importants figurant dans ce diagnostic étaient cachés tant à son notaire qu'à elle-même, que ce rapport n'a pas été lu dans son intégralité lors de la signature des actes et qu'en tout état de cause, elle n'a bénéficié d'aucun délai pour examiner ce document ; qu'elle estime qu'une nouvelle notification aurait dû intervenir en raison de la modification de la situation entre l'acte sous seing privé et l'acte authentique ; qu'elle fait état d'un courrier qu'elle a adressé ultérieurement mais qui ne prouve que son opinion ; que le cabinet chargé d'une mission d'expertise d'état parasitaire a relevé " premier étage : appartement Y.... Il est signalé 1 dégât des eaux actif dans la salle de bains sur le mur gauche de l'accès et dans l'entrée à gauche ce dégât des eaux semble provenir de l'étage supérieur la cause doit en être déterminée et traitée rapidement " ; que Mlle Z...invoque l'article L 111-1 du code de la consommation ; que c'est en réalité l'article L 271-1 qui s'applique et qui prévoit le délai de rétractation spécifique dont elle fait état ; qu'il faut donc rechercher si cette mention modifiait tellement l'état des lieux par rapport à l'acte sous seing privé qu'elle ait justifié une nouvelle notification et un nouveau délai de rétractation ; que ce " dégât des eaux actif n'était pas récent selon les pièces de Mlle Z...; qu'elle verse au dossier un rapport réalisé en juillet 2007 qui mentionne " Nous découvrons un conduit de cheminée dont la brique est très humide. Nous avons ouvert le mur après ce conduit. Nous constatons la présence d'une ceinture bois encastrée dans le mur qui est totalement dégradée " ; qu'une telle dégradation suppose une durée d'humidité importante ; que dans un courrier du 22 juin 2006, elle affirme que le dégât dure depuis 2004 selon certains voisins ; que Mlle Z...ne prétend pas avoir acheté l'appartement sans visite préalable ; qu'il faut donc que la fuite ait été apparente lorsqu'elle a visité l'appartement ; que l'existence de cette fuite lors de la visite est acquise ; qu'elle était nécessairement visible ; que Mlle Z...n'en a peut-être pas évalué l'ampleur, mais que cette circonstance ne permet pas de considérer que cette donnée n'existait pas lors de la visite et a fortiori de la signature de l'acte sous seing privé ; qu'elle était donc entrée dans le champ contractuel et ne justifiait donc pas ultérieurement une nouvelle notification suivie d'un nouveau délai de rétractation ; que le procès-verbal de l'assemblée générale de copropriété du 10 avril 2004 mentionne 10-1 " Toiture : Demander un devis de réfection de la toiture principale (côté ...) et du chéneau si besoin est " ; que cette situation d'attente ne signifie pas la connaissance d'une situation grave ; qu'elle concerne l'origine de la fuite dont l'existence était nécessairement connue et ne modifie donc pas la situation ; que par ailleurs que Mlle Z...affirme n'avoir eu qu'une connaissance insuffisante du rapport mentionnant cette fuite notamment lors de la signature de l'acte authentique ; qu'elle ne met pas en cause le notaire qui devait en rendre compte, alors qu'intervenait pour elle un second notaire qui lui écrit qu'il avait obtenu ce document la veille ; que dans le courrier du 22 juin 2006 adressé à l'agent immobilier, Mlle Z...écrit " Lors de la signature vous m'avez précisé qu'il n'y avait aucune inquiétude à avoir, qu'il s'agissait d'une petite fuite au niveau du solin qui dure seulement depuis 2 mois " ; que cette affirmation suppose que le sujet ait été abordé lors de la séance de signature, ce qui ne correspond pas avec la présentation prétendument trop rapide du rapport ; que Mlle Z...ne justifie pas de cette réponse sécurisante et n'a demandé aucune attestation à un des notaires sur cette conversation ; qu'il reste seulement qu'elle connaissait cette fuite ; qu'elle l'en a peut-être sous estimé l'ampleur mais que cela ne permet pas de retenir la dissimulation alléguée à rencontre des vendeurs et de l'agent immobilier ; qu'elle ne peut donc pas valablement invoquer un vice caché, fondement expressément visé dans ses conclusions ; qu'en outre, la fourniture du document mentionnant la fuite d'eau active pour la signature de l'acte authentique, même si elle émanait de la copropriété, exclut la mauvaise foi des vendeurs puisque l'information qu'ils devaient était fournie ; que l'acte authentique, page 10, exclut la garantie des vices cachés » (arrêt p. 3-4) ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, un vice doit être considéré comme caché pour l'acquéreur jusqu'au jour où il l'a connu dans sa cause et son amplitude ; qu'au cas d'espèce, en repoussant les demandes formées par Mlle Z...sur le fondement d'un vice caché tenant à l'existence d'infiltrations d'eau très importantes tant dans l'appartement qu'elle avait acquis que dans les parties communes de l'immeuble, motif pris de ce que la fuite était nécessairement apparente lorsqu'elle avait visité l'appartement et qu'il importait peu que Mlle Z...n'en ait pas évalué l'ampleur, quand il importait au contraire de déterminer si, en réalité, l'ampleur était telle que l'acquéreur n'avait pas pu s'en convaincre antérieurement à la signature du contrat de vente, les juges du fond n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard des articles 1641, 1642 et 1645 du code civil ;
Et ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, le vendeur, tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige, doit informer l'acquéreur des charges financières susceptibles de peser sur l'immeuble vendu, notamment, lorsque celui-ci est en copropriété, en raison d'une décision prise par l'assemblée générale des copropriétaires ; qu'au cas d'espèce, en repoussant la demande formée par Mlle Z...au titre des frais engendrés par les travaux décidés par la copropriété pour mettre fin aux conséquences de la fuite d'eau dans les parties communes, sans rechercher, comme il leur était expressément demandé (conclusions d'appel de Mlle Z...signifiées le 16 mars 2010, p. 6), si Mlle Z...n'avait pas eu connaissance du procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble en date du 25 février 2006 que postérieurement à la signature de l'acte authentique, alors même que cette assemblée avait acté la décision de faire réaliser des travaux pour mettre fin aux conséquences de la fuite dans les parties communes, de sorte que l'appartement acquis par Mlle Z...était amené à subir une charge financière de ce chef, ce dont les vendeurs auraient dû la prévenir, les juges du fond n'ont à cet égard pas donné de base légale à leur décision au regard des articles 1602, 1135 et 1147 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a repoussé les demandes indemnitaires formées par Mlle Z...contre Mme X..., agent immobilier ;
AUX MOTIFS QU'« à supposer que l'agent immobilier ait commis une faute, cette faute n'a pas causé de dommage à Mlle Z...puisque c'est elle qui a mal apprécié les conséquences d'un phénomène connu ; que l'agent immobilier ne peut pas plus que Mlle Z...avoir ignoré cette fuite, sauf à avoir procédé à une visite insuffisamment attentive des lieux » (arrêt p. 4, in fine et p. 5, § 1er) ;
ALORS QUE l'agent immobilier, en sa qualité de professionnel, est tenu d'un devoir de conseil à l'égard de l'acquéreur s'agissant d'une opération réalisée par son entremise ; que l'agent immobilier qui connaît l'existence d'un vice rendant la chose impropre à sa destination est tenu d'attirer spécialement l'attention de l'acquéreur sur ce point et lui donner tous éléments de nature à l'éclairer sur l'importance exacte du désordre de façon qu'il puisse prendre une décision éclairée ; qu'au cas d'espèce, ayant retenu que Mme X..., agent immobilier par l'intermédiaire duquel la vente avait été conclue, connaissait le vice tenant à des infiltrations d'eau dans l'immeuble acquis par Mlle Z..., les juges du fond devaient rechercher si elle s'était correctement exécutée de son devoir de conseil à l'égard de Mlle Z...de façon à déterminer si, correctement conseillée, Mlle Z...aurait néanmoins conclu la vente avec M. et Mme Y...; qu'en se bornant à retenir que Mlle Z...avait également connaissance du vice, de sorte que la faute de l'agent immobilier n'était pas causale, les juges du fond n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard de l'article 1147 du Code civil.