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21/02/2012 | FRANCE | N°11-11397

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 février 2012, 11-11397


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Montpellier, 12 janvier 2011) et les pièces produites, que, le 28 juin 2010, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Béziers a autorisé des agents de l'administration des impôts à effectuer, en vertu de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, une visite et une saisie de documents dans les locaux et dépenda

nces sis... à Saint Thibery, susceptibles d'être occupés par Daniel...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Montpellier, 12 janvier 2011) et les pièces produites, que, le 28 juin 2010, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Béziers a autorisé des agents de l'administration des impôts à effectuer, en vertu de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, une visite et une saisie de documents dans les locaux et dépendances sis... à Saint Thibery, susceptibles d'être occupés par Daniel X... et (ou) la société Sinisimis ltd en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale des sociétés Company Simis services Ltd, Simis One limited, Sinisimis limited, SCI de l'Epine et de Bruno Y..., au titre de l'impôt sur les sociétés et sur le revenu, ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée ; que les sociétés ainsi que MM. Y... et X... ont fait appel de l'ordonnance et formé recours contre le déroulement des opérations de visite ;
Attendu que les sociétés ainsi que MM. Y... et X... font grief à l'ordonnance d'avoir confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et rejeté leur recours, alors, selon le moyen :
1°/ que l'ordonnance autorisant les visites et saisies sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales doit émaner du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel les locaux à visiter sont situés ; que le juge des libertés doit être un magistrat du siège ayant rang de président, de premier vice-président ou de vice-président et doit être désigné par le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouvent les lieux à visiter ; qu'en considérant que l'ordonnance du juge des libertés du tribunal de grande instance de Béziers du 28 juin 2010 était régulière, au motif qu'y était apposé un tampon précisant que le signataire était " J. L. D. ", cependant que cette seule mention ne permettait pas de vérifier que le signataire disposait bien des pouvoirs requis pour autoriser une visite, la cour d'appel a violé l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;
2°/ que seuls peuvent être autorisés à effectuer des visites et saisies en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales des agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts ; que les personnes dont les locaux sont visés par une ordonnance autorisant des visites et saisies sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales doivent pouvoir vérifier que l'ensemble des conditions de validité d'une telle ordonnance sont remplies ; qu'une telle vérification n'est possible que si les habilitations des agents autorisés à procéder aux visites et saisies sont jointes à la requête et peuvent être consultées par les personnes dont les locaux sont visés par l'ordonnance ; qu'en décidant que l'ordonnance attaquée était régulière, dans la mesure où elle précisait que les habilitations des agents de l'administration avaient été présentées au juge, cependant que ces habilitations ne figuraient pas dans la liste des pièces annexées à la requête aux fins d'autorisation, la cour d'appel a violé les articles L. 16 B du livre des procédures fiscales et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Mais attendu, d'une part, que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales n'impose pas que l'ordonnance autorisant les opérations de visite et de saisies mentionne les conditions de nomination et de désignation du magistrat qui la rend ;
Et attendu, d'autre part, qu'aucun texte n'imposant que les décisions d'habilitation des agents de l'administration fiscale soient annexées à la requête, il suffit que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention constate, par une mention qui vaut jusqu'à inscription de faux, que les habilitations des agents lui ont été présentées ; qu'ayant relevé que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention comportait une telle mention, le premier président en a exactement déduit que cette décision était régulière ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Company Simis services Ltd, Simis One Ltd et Sinisimis et MM. Y... et X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme globale de 2 500 euros et rejette leur demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour les sociétés Company Simis services Ltd, Simis One Ltd et Sinisimis et MM. Y... et X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté la demande d'annulation de l'ordonnance rendue le 28 juin 2010 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Béziers ainsi que des visites domiciliaires effectuées sur le fondement de cette décision et d'avoir dit en conséquence que l'administration pourrait faire usage des pièces et documents saisis ;
AUX MOTIFS QUE « les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales qui organisent le droit de visite des agents de l'administration des impôts et le recours devant le premier président de la cour d'appel assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle ainsi que du droit d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la visite avec les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale, de sorte que l'ingérence dans le droit du respect de la vie privée et du domicile est proportionnée au but légitime poursuivi ; qu'ainsi, elles ne contreviennent pas à celles de la convention européenne des droits de l'homme ; que les appelants exposent en leurs conclusions que l'ordonnance du 28 juin 2010 aurait été rendue par « M J-F A..., juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Saint-Malo » ; qu'il convient de les renvoyer à une lecture plus attentive de la décision critiquée qui mentionne qu'elle a été rendue par « J-F A..., JLD du TGI de Béziers » ; que cette ordonnance est assortie de trois tampons officiels de la République française portant la mention « TGI de Béziers, le JLD » ; qu'enfin, la commune de Saint-Thibéry est située dans l'arrondissement judiciaire de Béziers ; qu'en l'état de ces éléments, les appelants étaient en mesure de vérifier que le magistrat signataire de l'ordonnance disposait bien de la qualité de JLD du TGI dans le ressort duquel étaient situés les locaux dont la visite était requise ; que les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés établis par le juge qui l'a rendue et signée ; (…) que le JLD en énonçant dans le dispositif de son ordonnance que les copies des habilitations nominatives des agents autorisés lui avaient été présentées a satisfait aux exigences légales ;
1°) ALORS QUE l'ordonnance autorisant les visites et saisies sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales doit émaner du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel les locaux à visiter sont situés ; que le juge des libertés doit être un magistrat du siège ayant rang de président, de premier viceprésident ou de vice-président et doit être désigné par le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouvent les lieux à visiter ; qu'en considérant que l'ordonnance du juge des libertés du tribunal de grande instance de Béziers du 28 juin 2010 était régulière, au motif qu'y était apposé un tampon précisant que le signataire était « JLD », cependant que cette seule mention ne permettait pas de vérifier que le signataire disposait bien des pouvoirs requis pour autoriser une visite, la cour d'appel a violé l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;
2°) ALORS QUE le juge qui autorise des visites et saisies doit vérifier, de manière concrète, en fait et en droit, que la demande qui lui est soumise est fondée ; qu'en jugeant que les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés établis par le juge qui l'a rendu et signée et en s'abstenant en conséquence de rechercher si, en l'espèce, l'ordonnance litigieuse avait été pré rédigée par l'administration fiscale, cependant que la reprise par le juge des libertés d'une ordonnance préétablie par l'administration fiscale ne permettait pas de contrôler qu'il avait vérifié de manière concrète que la demande qui lui était soumise était fondée, le délégué du premier président a violé les articles L. 16 B du livre des procédures fiscales, 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble les articles 455 et 458 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que l'exigence d'impartialité commande, notamment, que le juge ne puisse être suspecté d'impartialité ; qu'en jugeant que les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés établis par le juge qui l'a rendue et signée et en s'abstenant en conséquence de rechercher si, en l'espèce, l'ordonnance litigieuse avait été pré rédigée par l'administration fiscale, cependant que l'adoption d'une motivation prérédigée faisait peser un doute sur l'impartialité du juge des libertés ayant autorisé les visites et saisies, le délégué du premier président a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
4°) ALORS QUE seuls peuvent être autorisés à effectuer des visites et saisies en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales des agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts ; que les personnes dont les locaux sont visés par une ordonnance autorisant des visites et saisies sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales doivent pouvoir vérifier que l'ensemble des conditions de validité d'une telle ordonnance sont remplies ; qu'une telle vérification n'est possible que si les habilitations des agents autorisés à procéder aux visites et saisies sont jointes à la requête et peuvent être consultées par les personnes dont les locaux sont visés par l'ordonnance ; qu'en décidant que l'ordonnance attaquée était régulière, dans la mesure où elle précisait que les habilitations des agents de l'administration avaient été présentées au juge, cependant que ces habilitations ne figuraient pas dans la liste des pièces annexées à la requête aux fins d'autorisation, la cour d'appel a violé les articles L. 16 B du Livre des procédures fiscales et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'annulation de l'ordonnance rendue le 28 juin 2010 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Béziers ainsi que des visites domiciliaires effectuées sur le fondement de cette décision et d'avoir dit en conséquence que l'administration pourrait faire usage des pièces et documents saisis ;
AUX MOTIFS QU'« il ressort des énonciations de l'ordonnance que c'est à juste titre que le JLD en se référant aux éléments d'information fournis par l'administration a estimé qu'il existait des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant la recherche de la preuve de ces agissements au moyen d'une visite et de la saisie des documents s'y rapportant » ;
1°) ALORS QUE les sociétés Company Simis Services LTD, Simis One Ltd, Sinisimis et messieurs Y... et X... faisaient valoir que le juge des libertés n'avait pu se fonder, pour autoriser les visites et saisies litigieuses, sur le fait que les appels à destination du 02. 99. 42. 50. 50 étaient renvoyés vers le 06. 78. 78. 45. 27 dont le titulaire était monsieur Y..., dans la mesure où ce transfert d'appel et les appels transférés étaient justifiés par le décès de monsieur Z..., beau-père de monsieur Y..., et par la volonté de celui-ci d'annoncer qu'il n'entendait pas poursuivre l'activité de son beau-père (conclusions, page 10, 2°) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le délégué du premier président a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE les sociétés Company Simis Services LTD, Simis One Ltd, Sinisimis et messieurs Y... et X... faisaient valoir que la société Sinisimis n'avait jamais eu la moindre activité en France et n'y avait jamais employé le moindre personnel (conclusions, page 10, 3°) ; qu'en décidant que le juge des libertés était fondé à considérer que la société Sinisimis Limited était présumée disposer en France de moyens matériels et humains pour y exercer une activité économique, sans répondre à ce moyen, le délégué du premier président a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-11397
Date de la décision : 21/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Visites domiciliaires (article L. 16 B) - Autorisation judiciaire - Conditions - Habilitation des agents de l'administration fiscale - Mention suffisante

Aucun texte n'imposant que les décisions d'habilitation des agents de l'administration fiscale soient annexées à la requête, il suffit que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention constate, par une mention qui vaut jusqu'à inscription de faux, que les habilitations des agents lui ont été présentées


Références :

Sur le numéro 1 : article L. 16 B du livre des procédures fiscales

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 12 janvier 2011

Sur le n° 1 : A rapprocher :Soc., 28 juin 1979, pourvoi n° 78-10322, Bull. 1979, V, n° 591 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 fév. 2012, pourvoi n°11-11397, Bull. civ. 2012, IV, n° 47
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 47

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Carre-Pierrat
Rapporteur ?: M. Delbano
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11397
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