La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/01/2012 | FRANCE | N°10-86968

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 janvier 2012, 10-86968


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Somodia,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 10 septembre 2010, qui, pour exploitation commerciale le dimanche, l'a condamnée à huit amendes de 300 euros chacune avec sursis ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-3 du code pénal, 4, 6 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l

'homme, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Somodia,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 10 septembre 2010, qui, pour exploitation commerciale le dimanche, l'a condamnée à huit amendes de 300 euros chacune avec sursis ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-3 du code pénal, 4, 6 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Somodia coupable d'avoir exploité son commerce le dimanche et l'a condamnée à huit amendes de 300 euros chacune avec sursis ;
"aux motifs propres que le tribunal a donné des faits de la cause un exposé auquel la cour se réfère expressément ; que c'est par des motifs exempts d'insuffisance que la cour adopte qu'il a justement déclaré fondées les préventions et la relaxe partielle à l'encontre de Mme Appel ; qu'il suffit de mettre en exergue que Mme Appel a clairement reconnu, dans son procès-verbal d'audition du 4 novembre 2009, avoir ouvert son magasin les dimanches et jours fériés ; qu'il ressort très clairement de l'article L.3134-9 du code du travail que l'interdiction d'employer des salariés dans les départements du Rhin et de la Moselle, le dimanche ou les jours fériés, peut être étendue par voie réglementaire à d'autres catégories de salariés ; qu'il ressort des dispositions des arrêtés du préfet de la Moselle, qui constituent des actes réglementaires, en date des 17 juillet 1956, 25 octobre 1969 et 28 mai 2009, que l'ouverture des commerces de détails à prédominance alimentaire, cas de la société Somodia, représentée par Mme Appel, demeure interdite le dimanche dans le départements (sic) de la Moselle, y compris pendant la saison touristique ; que l'interdiction d'ouvrir les magasins le dimanche est plus spécialement rappelée par l'arrêté du préfet de la Moselle, en date du 17 juillet 1956, et concerne tous les magasins, à l'exception des magasins suivants pharmacie, débits de tabac, journaux, hôtels, restaurants, cafés, spectacles, pâtisseries et fleurs naturelles ; qu'en application de l'article L. 3134-11 du même code, lorsqu'il est interdit, en application des articles L. 3134-1 à L. 3134-9 du même code, d'employer des salariés dans des exploitations commerciales, il est également interdit durant ces jours de procéder à une exploitation industrielle, commerciale ou artisanale dans les lieux de vente au public ; qu'en application de l'article R. 3135-4 du code pénal, la violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les articles servant de fondement à la prévention sont réprimés (sic) par des contraventions de la cinquième classe ; que les faits poursuivis reposent ainsi bien sur des textes prévoyant la qualification de l'infraction, ses éléments constitutifs et sa répression ; qu'il n'existe, en conséquence, aucune violation de l'article 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et de son Protocole additionnel (sic) ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris sur la culpabilité et sur la relaxe partielle ; que la peine infligée par le premier juge constitue une sanction proportionnée à la gravité des faits et adaptée à la personnalité du prévenu, les infractions étant des contraventions de la cinquième classe ; que le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
1°) "alors qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ; que la liberté d'entreprendre découle de l'article précité ; que, selon les dispositions de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, "la loi est l'expression de la volonté générale. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse" ; qu'il en résulte l'obligation pour le législateur de ne déroger à l'égalité que pour des raisons d'intérêt général pourvu que la différence de traitement soit en rapport avec l'objet de la loi qui les établit ; qu'il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité tirée de la non-conformité aux articles précités de l'article L. 3134-11 du code du travail en ce que l'infraction qu'il édicte viole le principe d'égalité devant la loi quant à la liberté d'entreprendre ; qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité à intervenir, l'arrêt attaqué sera dépourvu de tout fondement juridique ;
2°) "alors que, selon les dispositions de l'article 485 du code procédure pénale, le dispositif doit énoncer les textes de loi appliqués ; qu'à défaut de mention expresse des textes applicables, le dispositif ne doit laisser aucune incertitude quant aux infractions retenues et les textes appliqués, soit que l'ordonnance de renvoi, le jugement du tribunal correctionnel et les conclusions de la partie civile les mentionnent expressément, soit qu'il retienne qu'il est prononcé en application des textes visés dans la prévention ; qu'en l'espèce, le dispositif de l'arrêt ne contient, à l'instar de celui du jugement entrepris qu'il confirme en toutes ses dispositions, aucune référence aux textes de loi visés dans la prévention qui, au demeurant, ne mentionne pas le texte incriminant les faits reprochés et sanctionnés ; qu'en omettant toute référence aux textes appliqués pour fonder la condamnation de la société Somodia, la cour d'appel a violé l'article 485 du code procédure pénale ;
3°) "alors que, selon les dispositions des articles 111-32 du code pénal, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, nul ne peut être puni par une peine qui n'est pas prévue par la loi ou, le cas échéant, le règlement ; qu'en condamnant la société Somodia à huit amendes de 300 euros chacune, sur le fondement de l'article R. 3135-4 du code du travail, qui ne prévoit aucune sanction pénale en cas d'ouverture le dimanche d'une exploitation commerciale sans avoir recours à des salariés, la cour d'appel a violé le principe de la légalité des peines" ;
Sur le moyen pris en sa première branche :
Attendu que, par décision n° 2011-157 QPC du 5 août 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme aux droits et libertés que la Constitution garantit l'article L. 3134-11 du code du travail ;
Que, dès lors, le moyen, pris en sa première branche, est devenu sans objet ;
Sur le moyen pris en sa deuxième branche :
Attendu que, si regrettable que soit au regard des prescriptions de l'article 485 du code de procédure pénale, l'omission par les juges de viser dans le dispositif de l'arrêt le texte répressif appliqué à la condamnée, cet oubli ne saurait, au sens de l'article 802 du code de procédure pénale, donner lieu à cassation, dès lors qu'au vu des précisions de la citation, qui visait les articles L. 3134-3, L. 3134-4, L. 3134-9 et R. 3135-4, alinéa 1, du code du travail, et du jugement correctionnel, qui a expressément mentionné l'article L. 3134-11 du même code, aucune incertitude n'existe quant aux textes dont il a été fait application à la prévenue pour les infractions retenues contre elle et pour les peines qui lui ont été infligées ;
D'où il suit que le grief allégué n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen pris en sa troisième branche :
Vu l'article 111-4 du code pénal ;
Attendu que la loi pénale est d'interprétation stricte ;
Attendu que, pour déclarer la société Somodia coupable de plusieurs infractions d'exploitation commerciale un dimanche, sans recours à des salariés, l'arrêt retient que, selon l'article L. 3134-11 du code du travail, lorsqu'il est interdit, en application des articles L. 3134-1 à L. 3134-9 du même code, d'employer des salariés dans des exploitations commerciales, il est également interdit durant ces jours de procéder à une exploitation industrielle, commerciale ou artisanale, dans les lieux ouverts au public ; que les juges ajoutent qu'en application de l'article R. 3135-4 du code du travail, la violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les articles servant de fondement à la prévention sont réprimés par des contraventions de la cinquième classe ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'article R. 3135-4 du code du travail ne vise pas expressément les dispositions de l'article L. 3134-11 du même code, la mention, dans ce dernier texte, d'autres articles figurant dans le texte répressif invoqué ne pouvant suppléer cette absence, la cour d'appel a violé l'article 111-4 du code pénal ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, dès lors que, par suite de l'abrogation, par l'ordonnance du 12 mars 2007, de l'article 41 a du code local des professions, applicable dans les départements d'Alsace et de la Moselle, devenu l'article L. 3134-11 du code du travail précité, l'article 146 a du premier de ces codes ne sanctionne plus la violation de l'interdiction édictée par l'article abrogé ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 10 septembre ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Straehli conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-86968
Date de la décision : 31/01/2012
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ALSACE-MOSELLE - Travail - Réglementation du travail dominical - Violation - Absence de sanction pénale

ALSACE-MOSELLE - Travail - Code local des professions - Réglementation du travail dominical - Article 41 a - Abrogation par l'ordonnance du 12 mars 2007 - Effets - Absence sanction pénale LOIS ET REGLEMENTS - Interprétation - Loi pénale - Interprétation stricte - Alsace-Moselle - Réglementation du travail dominical - Violation - Sanction prévue par l'article R. 3135-4 du code du travail - Application (non)

Par décision n° 2011-157 QPC du 5 août 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme aux droits et libertés que la Constitution garantit l'article L. 3134-11 du code du travail, qui fait interdiction, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, notamment le dimanche et dans les lieux où il est interdit d'employer des salariés, de procéder, même sans recours à ces derniers, à une exploitation industrielle, commerciale ou artisanale dans les lieux de vente au public. Toutefois, il se déduit du principe d'interprétation stricte de la loi pénale que, d'une part, en l'absence de mention expresse de ce texte, dans l'article R. 3135-4 du même code, tel qu'il résulte de la codification opérée par le décret n° 2008-244 du 7 mars 2008, et, d'autre part, en l'état de l'abrogation, par l'ordonnance du 12 mars 2007 ratifiée par la loi du 21 janvier 2008, de l'article 41 a du code local des professions applicable dans ces départements, la violation de ces prescriptions est dépourvue de sanction pénale


Références :

article 111-4 du code pénal

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 10 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 jan. 2012, pourvoi n°10-86968, Bull. crim. criminel 2012, n° 25
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2012, n° 25

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Boccon-Gibod
Rapporteur ?: M. Straehli
Avocat(s) : SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 12/09/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.86968
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award