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25/01/2012 | FRANCE | N°10-28155

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 janvier 2012, 10-28155


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 5, point 1, de la convention n° 88/ 592/ CEE, signée à Lugano, du 16 septembre 1988, concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur contredit, que M. X..., résidant en Suisse, où il exerce une activité de rectification de volants de scies à rubans, a engagé le 8 janvier 1996 M. Y... en qualité de mécanicien, statut cadre ; que le sal

arié, qui habitait à Nibelle (Loiret), a travaillé chez des clients tant e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 5, point 1, de la convention n° 88/ 592/ CEE, signée à Lugano, du 16 septembre 1988, concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur contredit, que M. X..., résidant en Suisse, où il exerce une activité de rectification de volants de scies à rubans, a engagé le 8 janvier 1996 M. Y... en qualité de mécanicien, statut cadre ; que le salarié, qui habitait à Nibelle (Loiret), a travaillé chez des clients tant en France qu'à l'étranger ; qu'il a, le 20 mars 2007, pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur et a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes à l'encontre de M. X... ; que ce dernier a invoqué la compétence des juridictions helvétiques ;
Attendu que, pour se déclarer incompétent et renvoyer les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt retient que la valeur du travail a été de 359. 058 euros en France et de 166. 110 euros à l'étranger, que le travail en France représente ainsi 68, 37 % du total, et donc 68, 37 % du temps travaillé, que M. Y... n'a donc pas accompli « habituellement » son travail dans un même lieu, en France, son temps de travail à l'étranger, certes minoritaire, n'étant pas pour autant exceptionnel ou accessoire, qu'il faut donc en venir au critère subsidiaire, à savoir le lieu où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur, et que ce n'est que pour que le salarié, résidant en France, puisse être immatriculé à l'URSSAF et auprès des caisses de sécurité sociale françaises qu'a été créé un établissement secondaire au domicile du salarié,... à Nibelle, établissement présenté comme employant celui-ci, mais il n'en reste pas moins que ce n'est pas cet établissement, théorique, qui a embauché le salarié, mais l'établissement principal et le seul qui ait une existence concrète et effective, sis en Suisse ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié accomplissait habituellement son travail en France, dès lors que sa résidence en France était le lieu où le salarié avait établi le centre effectif de ses activités professionnelles et à partir duquel il s'était acquitté en fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit le contredit recevable, l'arrêt rendu le 28 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT le conseil de prud'hommes d'Orléans compétent pour statuer sur les demandes de M. Y... ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. Y....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR renvoyé les parties à mieux se pourvoir.
AUX MOTIFS QUE Monsieur X..., français, réside en SUISSE, dans la commune de LE NOIRMONT, où il exerce une activité de rectification de volants de scies à rubans ; que le 8 janvier 1996, il engage Monsieur Y... comme mécanicien ; que les bulletins de paie mentionnent qu'il est technicien, statut cadre ;
que le salarié habite à NIBELLE (LOIRET), et il travaille exclusivement chez des clients tant en FRANCE qu'à l'étranger ; que le 20 mars 2007, il prend acte de la rupture aux torts de l'employeur ; que les parties conviennent qu'il faut trancher le litige en appliquant la convention de LUGANO ; que le texte à retenir est, non celui conclu le 16 septembre 1988, et entré en vigueur pour la SUISSE le 1er janvier 1992, mais celui conclu le 30 octobre 2007 ; que s'agissant en effet d'un texte de procédure, puisqu'il règle la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, il s'applique aux litiges nés postérieurement, peu important que le contrat ait pris effet le 8 janvier 1996 pour se terminer le 20 mars 2007 ; qu'or Monsieur Y... n'a saisi le conseil de prud'hommes que le 29 septembre 2008 ; que dans cette version, l'article 5 est ainsi libellé : « Le domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait, dans un autre Etat contractant : 1) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert base à la demande a été ou doit être exécutée ; en matière de contrat individuel de travail, ce lieu est celui où le travailleur accomplit habituellement son travail, et, si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, ce lieu est celui où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur » ; que c'est cet article qui régit la matière, puisqu'il s'agit d'une règle spéciale qui déroge au principe général posé par l'article 2 (« Les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat sont attraites devant les juridictions de cet Etat »), cet article 2 précisant « Sous réserve des dispositions de la présente convention » et l'article 3 spécifiant que ces personnes ne peuvent être attraites devant les tribunaux d'un autre Etat « qu'en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 », ce qui comprend l'article 5 susvisé. En matière de contrat individuel de travail, le lieu qui détermine le tribunal compétent est donc celui où le travailleur accomplit « habituellement » son travail ; qu'en choisissant le mot « habituellement », les parties contractantes ont fait référence à une situation prédominante, dans laquelle le travailleur n'oeuvre dans un autre lieu que de façon, sinon exceptionnelle, du moins accessoire ; qu'il s'agit d'une question de fait dont la preuve n'incombe pas spécialement à l'une des parties, qui se rejettent donc inutilement la charge de cette preuve ; qu'il faut prendre en compte l'ensemble de la relation de travail, et non une année en particulier, comme le fait Monsieur X... qui ne se fonde que sur celle qui lui est la plus favorable, 2005 ; qu'il sera admis que le montant facture a un client est proportionnel au temps passé chez lui ; qu'en 2005, le récapitulatif détaillé de la société, à partir des décomptes de salaire, mérite d'être retenu comme plus convaincant que les chiffres généraux avancés par Monsieur Y... ; que le chiffre d'affaires a donc été de 36. 316 euros à l'étranger et de 13. 080 euros en France ; que pour les autres années, Monsieur X... ne produit aucune ventilation, contrairement à Monsieur Y... ; qu'après rectification en 2005, la valeur du travail a été de :-359. 058 euros en FRANCE,-166. 110 euros à l'étranger ; que le travail en FRANCE représente ainsi 68, 37 % du total, et donc 68, 37 % du temps travaillé ; que c'est par ailleurs de façon totalement gratuite que Monsieur Y... dit qu'il aurait la « représentation » de l'entreprise en FRANCE ; qu'il n'était que technicien et ne travaillait que chez les clients désignés par Monsieur X... ; que Monsieur Y... n'a donc pas accompli « habituellement » son travail dans un même lieu, en FRANCE, son temps de travail à l'étranger, certes minoritaire, n'étant pas pour autant exceptionnel ou accessoire ; qu'il faut donc en venir au critère subsidiaire : le lieu où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur ; qu'il doit s'apprécier concrètement, selon les éléments de fait ; que l'établissement qui a embauché Monsieur Y... est l'entreprise de Monsieur X..., sise à LE NOIRMONT, en SUISSE ; que ce n'est que pour que Monsieur Y..., résidant en FRANCE, puisse être immatriculé à l'URSSAF et auprès des caisses de sécurité sociale françaises que Monsieur Y... a créé un établissement secondaire au domicile de Monsieur Y...,... à NIBELLE, établissement présenté comme employant celui-ci, mais il n'en reste pas moins que ce n'est pas cet établissement, théorique, qui a embauché Monsieur Y..., mais l'établissement principal et le seul qui ait une existence concrète et effective, sis à LE NOIRMONT ; que l'application de la convention conduit donc à la compétence de la juridiction helvétique ; que toutefois, en ce cas, il convient seulement de renvoyer les parties à mieux se pourvoir (article 96 du code de procédure civile).
ALORS QU'un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un Etat lié par la Convention de LUGANO peut être attrait devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ; que ce lieu est celui où il a établi le centre effectif de ses activités professionnelles et que pour la détermination concrète de ce lieu, il convient de prendre en considération la circonstance que l'intéressé accomplit la majeure partie de son temps de travail dans un des États contractants où il a un bureau à partir duquel il organise ses activités pour le compte de son employeur et où il retourne après chaque voyage professionnel à l'étranger ; que Monsieur Benoît Y... exposait dans ses écritures d'appel que son employeur avait déclaré une représentation de son entreprise à son propre domicile, en FRANCE, que son contrat d'embauche mentionnait le numéro SIRET correspondant à l'établissement secondaire établi au domicile du salarié, que ce dernier était inscrit à l'assurance chômage française, qu'il effectuait ses principales missions sur le territoire national depuis son domicile, et qu'il était considéré comme travailleur détaché lorsqu'il exécutait des prestations à l'étranger ; qu'en ne tenant aucun compte de ces éléments qui faisaient du territoire français le lieu où le salarié exécutait habituellement son travail, la Cour d'appel a violé la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale conclue à Lugano le 30 octobre 2007, ensemble, à la supposer applicable celle conclue à Lugano le 16 septembre 1988.
ET ALORS QU'à défaut d'autres critères, le lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail est celui où le travailleur a accompli la plus grande partie de son temps de travail ; qu'en déclinant la compétence des juridictions françaises après avoir constaté que Monsieur Benoît Y... effectuait 68, 37 % de son temps de travail sur le territoire français, la Cour d'appel a de nouveau violé la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale conclue à Lugano le 30 octobre 2007 ensemble, à la supposer applicable celle conclue à Lugano le 16 septembre 1988.
ALORS enfin QUE lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, l'employeur peut être attrait devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que l'employeur avait créé un établissement secondaire sis au domicile du salarié, en FRANCE, établissement déclaré auprès de l'URSSAF et à partir duquel étaient réalisés les avis de mission professionnelle à l'étranger, et que l'embauche avait précisément été effectuée par cet établissement français ; qu'en déclinant la compétence des juridictions françaises, la Cour d'appel a encore violé la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale conclue à Lugano le 30 octobre 2007 ensemble, à la supposer applicable celle conclue à Lugano le 16 septembre 1988.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-28155
Date de la décision : 25/01/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Lugano du 16 septembre 1988 - Compétence internationale - Article 5 § 1 - Contrat individuel de travail - Lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail - Appréciation - Critères - Détermination - Portée

Ne tire pas les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 5 § 1 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, une cour d'appel qui, pour se déclarer incompétente et renvoyer les parties à mieux se pourvoir, retient que la valeur du travail a été de 359 058 euros en France et de 166 110 euros à l'étranger, que le travail en France représente ainsi 68,37 % du total, et donc 68,37 % du temps travaillé, que le salarié n'a donc pas accompli "habituellement" son travail dans un même lieu, en France, son temps de travail à l'étranger, certes minoritaire, n'étant pas pour autant exceptionnel ou accessoire, qu'il faut donc en venir au critère subsidiaire, à savoir le lieu où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié accomplissait habituellement son travail en France, dès lors que sa résidence en France était le lieu où le salarié avait établi le centre effectif de ses activités professionnelles et à partir duquel il s'était acquitté en fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur


Références :

article 5 § 1 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 28 octobre 2010

Sur l'interprétation des dispositions correspondantes de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 en application du Protocole n° 2, annexé à la Convention de Lugano, sur l'interprétation uniforme de la convention, cf. : CJCE, 13 juillet 1993, Mulox, affaire n° C-125/92, Rec. I p. 4075 ;

CJCE, 9 janvier 1997, Rutten, affaire n° C-383/95, Rec. I p. 57 ;CJCE, 27 fév. 2002, Weber, affaire n° C-37/00


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 jan. 2012, pourvoi n°10-28155, Bull. civ. 2012, V, n° 24
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, V, n° 24

Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Aldigé
Rapporteur ?: M. Huglo
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.28155
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