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18/01/2012 | FRANCE | N°11-10389

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 18 janvier 2012, 11-10389


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 novembre 2010), que la société Paris Neuilly Levallois (la société), propriétaire d'un appartement pris à bail par les époux X..., a fait part aux locataires, par lettre du 23 mai 2005, de son intention de procéder à une vente par lots de plus de dix logements dans le même immeuble, leur offrant la possibilité d'acquérir le leur en application de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ; que, par acte du 18 octobre 2007, e

lle leur a notifié un congé pour vendre au visa de l'article 15-II de la ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 novembre 2010), que la société Paris Neuilly Levallois (la société), propriétaire d'un appartement pris à bail par les époux X..., a fait part aux locataires, par lettre du 23 mai 2005, de son intention de procéder à une vente par lots de plus de dix logements dans le même immeuble, leur offrant la possibilité d'acquérir le leur en application de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ; que, par acte du 18 octobre 2007, elle leur a notifié un congé pour vendre au visa de l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989, à effet du 30 avril 2008 ; que les époux X... ont, le 30 avril 2008, demandé l'application à leur profit des dispositions de l'article 11-1 de la loi du 6 juillet 1989 ; que la société, par courrier du 7 avril 2009, leur a indiqué que leur bail prendrait fin le 17 octobre 2009 ; que les preneurs s'étant maintenus dans les lieux au-delà de cette date, la bailleresse les a assignés aux fins de faire déclarer le congé valable et obtenir leur expulsion ; que les locataires ont soulevé la nullité de l'offre de vente et du congé, faute pour la bailleresse d'avoir satisfait aux exigences des accords collectifs des 9 juin 1998 et 16 mars 2005 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de l'offre de vente et du congé pour vendre, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 11-1 de la loi du 6 juillet 1989 tel que modifié par la loi du 13 juin 2006 prévoit qu'en cas de congé pour vendre signifié par le bailleur moins de deux ans avant le terme du bail, le locataire peut demander la "reconduction" du bail pour une durée de deux ans, cette reconduction étant de droit ; que la reconduction ainsi prévue entraîne par conséquent la formation d'un nouveau contrat de bail entre les parties, dont la particularité est d'être résilié de plein droit à son terme ; qu'il en résulte que le locataire ne peut plus invoquer la nullité du congé pour vendre ayant mis fin au bail précédent, celui-ci ayant été remplacé par le nouveau bail conclu en application du texte précité ; qu'en décidant cependant en l'espèce que "le seul fait de solliciter que le bail soit prorogé à compter de la date prévue pour son terme ne peut (...) caractériser l'accord des volontés sur l'expiration de la convention qui régissait les parties et sur son remplacement par une reconduction du contrat en vertu de l'article 11-1", sans prendre en compte le fait qu'à la suite de la demande du locataire, le bail initial était reconduit de plein droit, ce qui donnait naissance à un nouveau bail, la cour d'appel a violé l'article 11-1 de la loi du 6 juillet 1989 ;
2°/ qu'en tout état de cause, en cas de congé pour vendre signifié par le bailleur moins de deux ans avant le terme du bail, l'usage par le locataire de la faculté d'obtenir la reconduction de plein droit du bail pour une durée de deux années à compter de la notification du congé vaut nécessairement renonciation de sa part à contester la validité du congé qui lui ouvre cette possibilité ; qu'en l'espèce, après avoir reçu le 18 octobre 2007, un congé pour vendre avec effet au 30 avril 2008, les époux X... ont sollicité l'application de l'article 11-1 de la loi du 6 juillet 1989 tel que modifié par la loi du 13 juin 2006 et obtenu la reconduction de leur bail jusqu'au 18 octobre 2009 ; qu'en décidant cependant que le fait d'avoir sollicité cette reconduction du bail ne valait pas renonciation des locataires à demander la nullité du congé, la cour d'appel a violé les articles 11-1 et 15-II de la loi du 6 juillet 1989 ;
3°/ que la sollicitation et l'obtention par le locataire de la reconduction de plein droit de son bail en vertu de l'article 11-1 de la loi du 6 juillet 1989 valent renonciation à contester la validité du congé pour vendre qui ouvre cette possibilité, peu important que la locataire ait ou non appréhendé l'intégralité des conséquences juridiques de sa situation locative; qu'en effet, le bailleur n'étant tenu d'aucune obligation d'information sur ce point, un locataire normalement diligent doit s'informer de la portée de la reconduction du bail prévue par ce texte ; qu'en retenant en l'espèce "qu'à défaut de justification de ce que les locataires appréhendaient l'intégralité des conséquences juridiques de leur situation locative", le seul fait que les époux X... aient obtenu la reconduction de plein droit de leur bail ne valait pas renonciation de leur part à contester la validité du congé pour vendre, la cour d'appel a derechef violé les articles 11-1 et 15-II de la loi du 6 juillet 1989 ;
4°/ que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'en l'espèce, après avoir sollicité et obtenu la reconduction de plein droit de leur bail pour une durée de deux ans en application de l'article 11-1 de la loi du 6 juillet 1989, les époux X... ont fait volte-face et prétendu, au terme de ces deux années, contester la validité du congé leur ayant ouvert droit à cette reconduction automatique du bail ; qu'en ne déclarant pas irrecevable cette prétention comme contraire au principe interdisant de se contredire au détriment d'autrui, la cour d'appel a violé l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé, à bon droit, que la renonciation à un droit ou une action ne peut se présumer et que, pour être utilement opposée par celui qui s'en prévaut, elle doit être certaine, expresse et non équivoque, la cour d'appel a pu, sans méconnaître l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, retenir que le seul fait pour les locataires d'avoir sollicité que le bail fût prorogé à compter de la date prévue pour son terme en application de l'article 11-1 de la loi du 6 juillet 1989, ne pouvait faire obstacle à la recevabilité de leur demande tendant à faire constater que l'offre de vente et le congé délivrés étaient nuls ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Paris Neuilly Levallois aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Paris Neuilly Levallois à payer aux époux X... la somme de 2 500 euros, la déboute de sa propre demande :
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour la société Paris Neuilly Levallois.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré nulle l'offre de vente du 23 mai 2005 signifiée par la société PARIS NEUILLY LEVALLOIS à Monsieur et Madame X... et d'avoir en conséquence annulé le congé pour vendre qui leur a été signifié le 18 octobre 2007 et constaté la reconduction au 1er mai 2008 du bail signé entre les parties le 3 janvier 2002 ;
AUX MOTIFS QUE « la renonciation à un droit ou à une action ne peut se présumer ; que pour être utilement opposée par celui qui s'en prévaut, la renonciation doit être certaine, expresse, non équivoque et exprimée en toute connaissance ; qu'en l'absence de toute démonstration, et notamment à défaut de justification de ce que les locataires appréhendaient l'intégralité des conséquences juridiques de leur situation locative, le seul fait de solliciter que le bail soit prorogé à compter de la date prévue pour son terme ne peut, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, caractériser « l'accord des volontés sur l'expiration de la convention qui régissait les parties et sur son remplacement par une reconduction du contrat en vertu de l'article 11.1 » ; qu'il n'existe pas d'obstacle à la recevabilité de la demande tendant à voir constater que l'offre de vente et le congé délivré étant nuls, le bail a été purement et simplement renouvelé pour sa durée initialement prévue de six années à compter du 1er mai 2008 » ;
ALORS QUE, D'UNE PART, l'article 11.1 de la loi du 6 juillet 1989 tel que modifié par la loi du 13 juin 2006 prévoit qu'en cas de congé pour vendre signifié par le bailleur moins de deux ans avant le terme du bail, le locataire peut demander la « reconduction » du bail pour une durée de deux ans, cette reconduction étant de droit; que la reconduction ainsi prévue entraîne par conséquent la formation d'un nouveau contrat de bail entre les parties, dont la particularité est d'être résilié de plein droit à son terme ; qu'il en résulte que le locataire ne peut plus invoquer la nullité du congé pour vendre ayant mis fin au bail précédent, celui ayant été remplacé par le nouveau bail conclu en application du texte précité ; qu'en décidant cependant en l'espèce que « le seul fait de solliciter que le bail soit prorogé à compter de la date prévue pour son terme ne peut (…) caractériser l'accord des volontés sur l'expiration de la convention qui régissait les parties et sur son remplacement par une reconduction du contrat en vertu de l'article 11.1 » sans prendre en compte, le fait qu'à la suite de la demande du locataire, le bail initial était reconduit de plein droit, ce qui donnait naissance à un nouveau bail, la Cour d'appel a violé l'article 11.1 de la loi du 6 juillet 1989 ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en tout état de cause, en cas de congé pour vendre signifié par le bailleur moins de deux ans avant le terme du bail, l'usage par le locataire de la faculté d'obtenir la reconduction de plein droit du bail pour une durée de deux années à compter de la notification du congé vaut nécessairement renonciation de sa part à contester la validité du congé qui lui ouvre cette possibilité ; qu'en l'espèce après avoir reçu le 18 octobre 2007 un congé pour vendre avec effet au 30 avril 2008, les époux X... ont sollicité l'application de l'article 11-1 de la loi du 6 juillet 1989 tel que modifié par la loi du 13 juin 2006 et obtenu la reconduction de leur bail jusqu'au 18 octobre 2009 ; qu'en décidant cependant que le fait d'avoir sollicité cette reconduction du bail ne valait pas renonciation des locataires à demander la nullité du congé, la Cour d'appel a violé les articles 11.1 et 15-II de la loi du 6 juillet 1989 ;
ALORS QU'EN OUTRE, la sollicitation et l'obtention par le locataire de la reconduction de plein droit de son bail en vertu de l'article 11.1 de la loi du 6 juillet 1989 valent renonciation à contester la validité du congé pour vendre qui ouvre cette possibilité, peu important que le locataire ait ou non appréhendé l'intégralité des conséquences juridiques de sa situation locative ; qu'en effet, le bailleur n'étant tenu d'aucune obligation légale d'information sur ce point, un locataire normalement diligent doit s'informer de la portée de la reconduction du bail prévue par ce texte ; qu'en retenant en l'espèce « qu'à défaut de justification de ce que les locataires appréhendaient l'intégralité des conséquences juridiques de leurs situation locative », le seul fait que les époux X... aient obtenu la reconduction de plein droit de leur bail ne valait pas renonciation de leur part à contester la validité du congé pour vendre, la Cour d'appel a derechef violé les articles 11.1 et 15-II de la loi du 6 juillet 1989 ;
ALORS QU'ENFIN, nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'en l'espèce, après avoir sollicité et obtenu la reconduction de plein droit de leur bail pour une durée de deux ans en application de l'article 11.1 de la loi du 6 juillet 1989, les époux X... ont fait volte face et prétendu, au terme de ces deux années, contester la validité du congé leur ayant ouvert droit à cette reconduction automatique du bail ; qu'en ne déclarant pas irrecevable cette prétention comme contraire au principe interdisant de se contredire au détriment d'autrui, la Cour d'appel a violé l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 122 du Code de procédure civile.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL D'HABITATION - Bail soumis à la loi du 6 juillet 1989 - Congé - Congé pour vendre - Action en contestation - Recevabilité - Conditions - Applications diverses - Demande de reconduction du bail par les preneurs

RENONCIATION - Preuve - Présomption - Exclusion - Applications diverses CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 § 1 - Droit de se contredire au détriment d'autrui - Violation - Défaut

La renonciation à un droit ou à une action ne pouvant se présumer, la cour d'appel a pu, sans méconnaître l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, retenir que le seul fait pour des locataires d'avoir sollicité que le bail fût prorogé à compter de la date prévue pour son terme en application de l'article 11-1 de la loi du 6 juillet 1989 ne pouvait faire obstacle à la recevabilité de leur demande tendant à faire constater que l'offre de vente et le congé qui leur avaient été délivrés dans le cadre d'une vente par lots de plus de dix logements dans le même immeuble étaient nuls


Références :

article 11-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989

article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 10 novembre 2010


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 3e, 18 jan. 2012, pourvoi n°11-10389, Bull. civ. 2012, III, n° 12
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, III, n° 12
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Composition du Tribunal
Président : M. Terrier
Avocat général : M. Gariazzo (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Monge
Avocat(s) : Me Brouchot, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 3
Date de la décision : 18/01/2012
Date de l'import : 01/12/2012

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11-10389
Numéro NOR : JURITEXT000025183553 ?
Numéro d'affaire : 11-10389
Numéro de décision : 31200081
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2012-01-18;11.10389 ?
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