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17/01/2012 | FRANCE | N°11-13067

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 janvier 2012, 11-13067


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 27 janvier 2011), statuant sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 3 mars 2009, Bull. 2009, IV, n° 30, pourvois n° 08-14.464 et n° 08-14.435), que, saisi le 25 juin 1999 par l'association Tenor, devenue Etna France, de pratiques mises en oeuvre sur le marché de la téléphonie fixe vers mobile des entreprises, le Conseil de la concurrence (le Conseil) a, dans une décision n° 04-D-48 du 14 octobre 2004, dit que les sociétés France

Télécom et Société française du radiotéléphone (SFR), ont enfreint les ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 27 janvier 2011), statuant sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 3 mars 2009, Bull. 2009, IV, n° 30, pourvois n° 08-14.464 et n° 08-14.435), que, saisi le 25 juin 1999 par l'association Tenor, devenue Etna France, de pratiques mises en oeuvre sur le marché de la téléphonie fixe vers mobile des entreprises, le Conseil de la concurrence (le Conseil) a, dans une décision n° 04-D-48 du 14 octobre 2004, dit que les sociétés France Télécom et Société française du radiotéléphone (SFR), ont enfreint les dispositions des articles L. 420-2 du code de commerce et 82 du Traité CE et a prononcé des sanctions pécuniaires ; qu'après avoir exposé que, dans le cadre d'une architecture classique, un appel provenant d'un téléphone fixe et destiné à un téléphone mobile, dit "appel entrant", utilise une connexion directe entre le réseau fixe de l'appelant et le réseau mobile de l'appelé, puis la boucle radio de l'appelé, et qu'après avoir délimité un marché pertinent des communications fixes vers mobiles des entreprises se décomposant entre, d'une part, un marché aval de collecte, transport et interconnexion directe des appels aux réseaux mobiles où opèrent les opérateurs de téléphonie fixe et notamment France Télécom, dominant, et, d'autre part, trois marchés amont de terminaison des appels sur le réseau mobile appelé, chacun de ces marchés étant dominé par l'opérateur de téléphonie mobile en monopole sur son réseau GSM, soit FTM, devenu Orange France filiale de la société France Télécom, SFR filiale de Cegetel groupe avant 2003 et Bouygues Télécom, le Conseil a constaté, en procédant à des tests de "ciseau tarifaire", que France Télécom et SFR avaient l'une et l'autre pratiqué pour les entreprises des tarifs de détail pour les communications fixes vers mobiles de leurs réseaux respectifs qui ne couvraient pas les coûts incrémentaux encourus pour ce type de prestations, dont la "charge de terminaison d'appels" (CTA) sur leurs réseaux mobiles respectifs, que la CTA facturée à la société France Télécom ou à SFR en tant qu'opérateurs de fixe par leurs branches de téléphonie mobile étant supérieure aux coûts effectifs de fourniture de la prestation de terminaison d'appel sur réseau mobile, les tarifs des télécommunications fixes vers mobiles proposés par ces sociétés couvraient pour le "groupe" France Télécom ou le "groupe" SFR les coûts variables effectivement encourus et n'entraînaient pas de pertes, qu'en revanche, les opérateurs de réseaux fixes non intégrés entrants sur le marché de la téléphonie fixe, ouvert à la concurrence depuis le 1er janvier 1998, ne pouvaient proposer aux entreprises, à des tarifs compétitifs, des prestations fixes vers mobiles via une interconnexion directe aux réseaux mobiles, sans encourir de pertes du fait de l'obligation pour eux d'acquitter la CTA fixée par les branches mobiles des opérateurs intégrés ; que, devant le Conseil, la société France Télécom faisait valoir que le niveau élevé de la CTA ne pouvait entraîner "d'effet de ciseau" car les nouveaux opérateurs disposaient de la possibilité de proposer des prestations fixes vers mobiles, sans interconnexion directe entre réseaux et donc sans paiement de la CTA nationale, en ayant recours au "reroutage international" consistant à envoyer le trafic collecté d'un fixe à un opérateur étranger afin que celui-ci le renvoie à la société France Télécom à charge pour cette dernière de le faire aboutir sur le réseau mobile de destination, la CTA étant alors peu élevée en raison d'accords conclus entre la société France Télécom et les opérateurs étrangers ; que le Conseil, après avoir constaté que la société France Télécom avait conclu entre le 1er janvier 1999 et le 15 février 2000 avec plus de vingt-cinq opérateurs étrangers de nouveaux accords réciproques instituant une surcharge tarifaire pour les appels fixes destinés à un réseau mobile étranger, a notamment relevé qu'en raison de ces accords, mis en place au premier trimestre 1999 avec les principaux pays à travers lesquels le trafic était "rerouté", le "reroutage" par ces pays est devenu économiquement moins rentable, voire non rentable et que, contrairement à ce qu'alléguait la société France Télécom, il n'était pas établi que le trafic "rerouté" se serait alors déporté sur d'autres pays ; que le Conseil, constatant que le "reroutage" avait, avant le mois d'avril 1999, permis d'atténuer l'inégalité de la compétition entre opérateurs intégrés et opérateurs de réseaux fixes non intégrés et de retrouver une situation meilleure bien que dégradée pour le surplus du consommateur, n'a retenu les pratiques de "ciseau tarifaire" comme constitutives d'abus de position dominante que lorsqu'elles avaient été mises en oeuvre pendant une période s'étendant d'avril 1999 à fin 2001 durant laquelle "les opérateurs alternatifs sur le fixe ne disposaient pas de moyens leur permettant de significativement échapper à l'obligation d'acquitter la CTA imposée par les opérateurs GSM du fait de leur position dominante" ;
Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défense :
Attendu que les sociétés France Télécom et SFR Groupe Cegetel soutiennent que le pourvoi, qui attaque l'arrêt ayant réformé la décision du Conseil de la concurrence et dit que les griefs articulés contre elles n'étaient pas établis, serait irrecevable, au motif que si aux termes de l'article L. 464-8, alinéa 4, du code de commerce le président de l'Autorité de la concurrence peut se pourvoir en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel ayant annulé ou réformé une décision de cette dernière, cet article n'est pas applicable au litige dès lors que la cour d'appel a annulé une décision rendue par le Conseil de la concurrence et non l'Autorité de la concurrence ;
Mais attendu que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans son arrêt du 7 décembre 2010 (aff C-439/08 Vlaamse federatie van verenigingen van Brood- en Banketbakkers, Ijsbereiders en Chocoladebewerkers "VEBIC" VZW / Raad voor de Mededinging, Minister van Economie) que dans un domaine tel que celui de la constatation d'infractions aux règles de concurrence et d'imposition d'amendes, qui comporte des appréciations juridiques et économiques complexes, l'obligation incombant à une autorité de concurrence nationale d'assurer l'application effective des articles 101 et 102 TFUE exige que celle-ci dispose de la faculté de participer, en tant que partie défenderesse, à une procédure devant une juridiction nationale dirigée contre la décision dont cette autorité est l'auteur ; qu'il s'en déduit que l'obligation d'effectivité dans l'application des articles 101 et 102 TFUE commande que l'Autorité de la concurrence, qui a succédé au Conseil de la concurrence comme autorité administrative indépendante chargée de mettre en oeuvre sur le territoire national notamment les articles 101 et 102 TFUE et qui avait la qualité de partie devant la cour d'appel, puisse disposer de la faculté de former un pourvoi contre un arrêt de cour d'appel réformant ou annulant une décision prise par le Conseil de la concurrence ; que le pourvoi est recevable ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le président de l'Autorité de la concurrence fait grief à l'arrêt d'avoir réformé la décision du Conseil de la concurrence, d'avoir dit que les griefs articulés contre les sociétés France Télécom et SFR Groupe Cegetel n'étaient pas établis, d'avoir dit n'y avoir lieu à sanction et ordonné le remboursement de celle-ci, et d'avoir dit que l'arrêt devrait être publié, alors, selon le moyen, qu'en ne caractérisant pas, de façon concrète, en quoi la branche France Télécom Mobiles constituait prétendument une entreprise autonome au sens du droit de la concurrence, et non une simple branche intégrée à la société France Télécom, à laquelle les pratiques litigieuses étaient en réalité imputables, la cour d'appel, qui s'est bornée à relever une autonomie dans la fixation des charges de terminaison d'appel GSM de France Télécom et les tarifs de détail fixe vers mobile GSM de France Télécom, sans établir que cette branche n'était pas soumise au pouvoir hiérarchique de France Télécom ou qu'elle était contractuellement et effectivement affranchie des directives émanant de celle-ci et de son contrôle et qu'elle disposait de la pleine liberté de contracter, de décider de sa propre politique d'investissement, de la propre gestion de son personnel et de sa propre stratégie commerciale, industrielle, technique et financière, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE ;
Mais attendu que l'arrêt retient que France Télécom Mobile était seule compétente pour déterminer à la fois la charge de terminaison d'appels GSM de France Télécom et les tarifs de détail fixes vers mobiles GSM de France Télécom et que la décision du Conseil affirmait que la politique tarifaire des opérateurs de téléphonie mobile sur les appels entrants dans leurs réseaux GSM avait pour objectif de financer les bas prix de leurs appels sortants au profit d'abonnés mobiles et de développer le marché de la téléphonie mobile ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit que la structure tarifaire du groupe France Télécom ne résultait pas nécessairement d'une coordination entre ses branches de téléphonie fixe et mobile mais pouvait avoir été déterminée par la seule entité France Télécom Mobile poursuivant un objectif autre que celui de la limitation de la concurrence entre opérateurs de téléphonie fixe et qu'il n'était en conséquence pas établi que cette structure tarifaire constituait un ciseau tarifaire à objet anticoncurrentiel, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire la recherche inopérante visée par le moyen, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que le président de l'Autorité de la concurrence fait grief à l'arrêt d'avoir prié et au besoin requis l'Autorité de la concurrence de publier sur son site internet et, à ses frais, dans le quotidien Les Echos, un communiqué énonçant que "par arrêt du 27 janvier 2011, la cour d'appel de Paris, chambre 5-7, régulation économique, a réformé la décision n° 04-D-48 du 14 octobre 2004, dit que les griefs poursuivis contre la société France Télécom ne sont pas établis et dit n'y avoir lieu à sanction ; par le même arrêt, la cour d'appel a ordonné le remboursement immédiat du montant de la sanction, soit 18 millions d'euros, assorti des intérêts au taux légal", alors, selon le moyen :
1°/ que si l'Autorité de la concurrence peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision, un tel pouvoir n'appartient pas à la cour d'appel lorsqu'elle dit n'y avoir lieu à sanction ; qu'en décidant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;
2°/ que le juge civil ne peut ordonner la publication de sa décision aux frais d'une partie qu'à titre de réparation d'un préjudice ou lorsqu'un texte l'y autorise ; que tel n'est pas le cas de la cour d'appel de Paris lorsqu'elle dit n'y avoir lieu à sanction de pratiques anticoncurrentielles ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 464-2 du code de commerce, 1382 du code civil et 451 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui retient qu'il y a lieu de faire connaître son arrêt réformant une décision qui a elle-même été portée à la connaissance du public par son auteur, n'excède pas son pouvoir en ordonnant la publication d'un communiqué, dans des conditions identiques à celles de la décision réformée, peu important que l'arrêt confirme ou infirme la sanction imposée par la décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le deuxième moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le président de l'Autorité de la concurrence aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Vu l'article R. 470-2 du code de commerce, dit que sur les diligences du directeur de greffe de la Cour de cassation, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'économie ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour le président de l'Autorité de la concurrence.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

(sur le caractère intégré des activités de téléphonie fixe et mobile de France Télécom)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir réformé la décision du Conseil de la concurrence, d'avoir dit que les griefs articulés contre les sociétés France Télécom et SFR groupe Cegetel n'étaient pas établis, d'avoir dit n'y avoir lieu à sanction et ordonné le remboursement de celle-ci, et d'avoir dit que l'arrêt devrait être publié ;
AUX MOTIFS QUE, s'agissant de SFR Cegetel, les pratiques doivent être examinées à la lumière d'une guerre des prix que se sont livrée l'opérateur en position ultradominante et les nouveaux opérateurs, auxquels appartenait le groupe SFR Cegetel ; que les offres commerciales du groupe ne visaient ainsi pas à éliminer la concurrence mais bien à tenter de pénétrer le marché ; que s'agissant de France Télécom, la preuve n'est pas rapportée de la coordination des politiques tarifaires des branches amont et aval ; qu'en l'espèce, la décision a inféré cette coordination du caractère prétendument intégré des activités de téléphonie mobile et fixe de France Télécom ; qu'une telle intégration des activités fait défaut dans la mesure où, à la date de la saisine, la réglementation des licences GSM en vigueur jusqu'au 1er novembre 2000 faisait de la branche France Télécom Mobiles la seule compétente pour déterminer à la fois la charge de terminaison d'appels GSM de France Télécom et les tarifs de détail fixe vers mobile GSM de France Télécom ; que la décision a elle-même affirmé que la politique tarifaire des opérateurs de téléphonie mobile sur les appels entrants dans leurs réseaux GSM avait pour objet positif de financer les bas prix de leurs appels sortants au profit des abonnés mobiles et de développer le marché de la téléphonie mobile (cf arrêt, p. 13) ;
ALORS QU' en ne caractérisant pas, de façon concrète, en quoi la branche France Télécom Mobiles constituait prétendument une entreprise autonome au sens du droit de la concurrence, et non une simple branche intégrée à la société France Télécom, à laquelle les pratiques litigieuses étaient en réalité imputables, la cour d'appel, qui s'est bornée à relever une autonomie dans la fixation des charges de terminaison d'appel GSM de France Télécom et les tarifs de détail fixe vers mobile GSM de France Télécom, sans établir que cette branche n'était pas soumise au pouvoir hiérarchique de France Télécom ou qu'elle était contractuellement et effectivement affranchie des directives émanant de celle-ci et de son contrôle et qu'elle disposait de la pleine liberté de contracter, de décider de sa propre politique d'investissement, de la propre gestion de son personnel et de sa propre stratégie commerciale, industrielle, technique et financière, a privé sa décision de base légale au regard des articles L 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
(sur l'effet anticoncurrentiel)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir réformé la décision du Conseil de la concurrence, d'avoir dit que les griefs articulés contre les sociétés France Télécom et SFR groupe Cegetel n'étaient pas établis, d'avoir dit n'y avoir lieu à sanction et ordonné le remboursement de celle-ci, et d'avoir dit que l'arrêt devrait être publié ;
AUX MOTIFS QUE pour condamner une entreprise en position dominante verticalement intégrée du fait de pratiques de "ciseau tarifaire", preuves doivent être rapportées que leurs effets avaient pour résultat de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché en aval ; qu'un tel effet peut être présumé seulement lorsque les prestations fournies à ses concurrents par l'entreprise, auteur du "ciseau tarifaire", leur sont indispensables ; que l'Autorité de la concurrence, partie défenderesse au recours, justifie sa décision sur le fait qu'à partir d'avril 1999 le reroutage international des appels fixes vers mobiles avait cessé de constituer une solution alternative effective à l'interconnexion directe dans les réseaux GSM, pour deux raisons : l'une de nature quantitative, liée à l'augmentation des tarifs du reroutage international à l'initiative de France Télécom, l'autre de nature qualitative, liée à l'augmentation du taux d'échec des appels étrangers vers le réseau mobile de France Télécom ; que cette raison de nature quantitative aurait résulté du fait qu'à partir du 1er avril 1999, les opérateurs des principaux Etats vers lesquels le trafic était rerouté ont, à l'initiative de France Télécom, appliqué des surtaxes aux appels à destination des réseaux mobiles ; que l'application de ces surtaxes aurait rendu moins rentable, voire non rentable, l'alternative que constituait auparavant le reroutage international ; que du fait de cette dégradation des conditions tant financières que techniques du reroutage international, il était devenu risqué pour les concurrents d'investir dans cette technologie ; qu'en outre, les requérants ne produiraient aucun élément permettant de prouver que le reroutage international se serait maintenu voire même accru et que cela ne démontrerait pas le déport du trafic vers des Etats non encore touchés par les accords de surcharge ; qu'au surplus, un reroutage résiduel international, passant par des voies de plus en plus lointaines, inefficaces techniquement et qui, de surcroît, devaient être coupées à brève échéance, ne pouvait constituer une alternative viable à l'interconnexion directe ; que dès lors, le reroutage international a, à partir d'avril 1999, cessé de constituer une alternative effective pour les concurrents désireux se développer en proposant leurs offres de téléphonie fixe vers mobiles aux entreprises ; qu'ainsi, en l'absence de solution alternative effective, l'interconnexion directe était devenue indispensable et, conformément à l'arrêt de la Cour de cassation du 3 mars 2009, l'effet anticoncurrentiel des pratiques de ciseau tarifaire peut donc être présumé ; que cependant, comme le soutiennent les requérantes, la présomption d'effet anticoncurrentiel ne peut être établie que lorsque la prestation intermédiaire fournie par l'opérateur dominant verticalement intégré à ses concurrents leur est indispensable pour la concurrencer sur le marché aval ; qu'en l'espèce, à la date de la saisine, aucun des opérateurs de téléphonie fixe concurrents sur le marché aval n'avait conclu ou effectivement demandé à conclure avec les requérantes un accord pour une terminaison en interconnexion directe des appels fixes à destination de son réseau GSM, et n'était ainsi pas client de cette prestation intermédiaire, démontrant ainsi une probable absence d'indispensabilité de la prestation intermédiaire ; que d'ailleurs, il est constaté dans la décision attaquée que c'est seulement en juillet 2000, soit plus d'un an après la date de la saisine, que l'interconnexion directe dans le réseau GSM FI de France Télécom a été effectivement demandée et achetée pour la première fois par l'un des concurrents et plus encore, que c'est seulement en juin 2001 qu'un accord d'interconnexion directe dans le réseau GSM F3 de Bouygues Télécom a été conclu pour la première fois avec l'un de ces opérateurs ; qu'il s'avère donc qu'à la date de la saisine, les opérateurs de téléphonie fixe sur le marché aval de la téléphonie fixe vers mobile des entreprises étaient ni acheteurs ni demandeurs de la prestation d'interconnexion directe ; que par conséquent, celle-ci ne leur était pas indispensable pour entrer en 1998 ou se maintenir et se développer en 1999 sur le marché aval ; que les concurrents ne supportaient donc pas, dans leur prix de détail sur ce marché aval, les coûts de l'achat de cette prestation intermédiaire et donc de la CTA ; qu'en outre, aucune preuve suffisante n'est rapportée par l'Autorité de la concurrence et les concurrents plaignants sur la cessation définitive de solution alternative sur la période d'avril 1999 à fin 2001 ; qu'en effet, il n'est pas démontré que le reroutage international avait cessé d'être une solution alternative effective à l'interconnexion directe dans les réseaux GSM, situation qui aurait rendue indispensable le recours à l'achat de la prestation intermédiaire offert au prix facturé par l'entreprise dominante pour permettre à ses concurrents d'entrer en concurrence ou de se maintenir sur le marché en aval ; qu'à cet égard, comme le soutient l'une des requérantes, les voies de reroutage n'étaient pas circonscrites aux pays géographiquement proches de la France avec lesquels des accords de surcharges tarifaires ont été conclus, ainsi qu'en atteste le déport vers les Etats-Unis, et il n'est pas démontré que celles-ci avaient perdu leur caractère rentable ; qu'il est relevé dans la décision attaquée que « Télécom Développement cite le mois de mars 2000 comme date à laquelle elle a cessé de recourir au reroutage international, tandis que T-Systems indique : à partir de novembre 2000, nous avons pu utiliser les interconnexions avec les trois opérateurs mobiles pour acheminer notre trafic ; le reroutage, qui représente 100 % du volume en 1998 et 1999, n'a plus représenté que 50 % du trafic en 2000 puis est devenu marginal ; par ailleurs, pour MCl, le reroutage international a été largement utilisé en 1998, puis il s'est progressivement tari au cours de l'année 2000 » ; qu'il est indiqué dans le § 192 de la décision attaquée que « Bouygues Télécom souligne que contrairement aux affirmations des opérateurs fixes concernant l'arrêt du reroutage international, la terminaison de trafic sur le réseau de Bouygues Télécom a continué à subir la pratique du reroutage plusieurs années après sa soi-disant disparition, et présente un graphe duquel il ressort que son trafic entrant international n'a sensiblement diminué qu'au second semestre 2002 » ; qu'en outre, le reroutage continuait bien d'être en 1999 une solution alternative effective à l'interconnexion directe dans les réseaux GSM puisque le volume de 36,8 millions de minutes de trafic fixe vers mobile rerouté, constaté en octobre 1999, apparaissaient comme étant très supérieur au volume trafic « mobile box» d'environ 15 millions de minutes par mois estimé à la mi 2002, base de volume selon laquelle la décision attaquée (§ 198 et 199) a considéré les « mobile box » comme devenant une solution alternative effective à l'interconnexion directe dans les réseaux GSM à partir du début 2002 ; qu'enfin, le taux élevé de congestion et d'échec du réseau d'interconnexion internationale entrante de France Télécom sur les appels à destination des réseaux GSM ne s'explique pas par une cessation du reroutage mais bien par son augmentation sur la période janvier-octobre 1999 ; qu'en outre, la plaignante n'a jamais allégué, dans sa saisine ou par la suite, que le reroutage international des appels fixes vers mobiles serait devenu impraticable et aurait cessé d'être pratiqué à compter d'avril 1999 ; qu'ainsi l'absence, d'une part, d'achat de la prestation intermédiaire par les concurrents et l'existence, d'autre part, de solutions alternatives - le reroutage existant à compter de l'ouverture du marché aval en 1998 et se poursuivant jusqu'en novembre 2002, date d'entrée en vigueur de l'inversion des licences GSM nécessaire pour permettre à d'autres opérateurs que France Télécom de s'interconnecter directement aux réseaux des opérateurs GSM afin d'acheminer du trafic vers mobile - et par la suite des « mobiles box », moyens permettant aux concurrents d'éviter d'acquitter la CTA, et donc l'effet de ciseau imputé à la CTA, démontrent l'inexistence du caractère indispensable de la prestation intermédiaire et donc de l'obligation de supporter le coût facturé par l'entreprise dominante verticalement intégrée ; que dès lors, l'effet anticoncurrentiel de la pratique alléguée sur le marché en aval de la téléphonie fixe vers mobile des entreprises ne peut être présumé et doit être concrètement recherché ainsi que démontré pour être reproché à son auteur ; que pour ce faire, l'exigence de preuves des pertes subies par un concurrent potentiel aussi efficace que l'entreprise dominante verticalement intégrée, auteur de la pratique, aux fins d'entrer sur le marche aval, doit être remplie ; que pour répondre à cette condition, l'Autorité de la concurrence soutient qu'elle a démontré l'effet d'éviction des pratiques de ciseau tarifaire ; qu'en effet, les concurrents des opérateurs de téléphonie fixe longue distance entrés en 1998 sur le marché de la téléphonie fixe vers mobile des entreprises ne pouvaient, sans encourir des pertes, proposer des prix de détail aussi bas que ceux proposés par France Télécom et SFR ; que la décision a montré que les pratiques de ciseau tarifaire ont eu des effets réels sur la concurrence en retardant l'entrée de nouveaux opérateurs sur le marché aval ; que les pratiques mises en oeuvre par France Télécom ont eu notamment pour effet d'évincer son concurrent Cegetel de plusieurs appels d'offres lancés par des entreprises « grands comptes » ; que la détermination de l'offre fixe vers mobile et du montant de la CTA résultaient d'une politique de groupe coordonnées qui permettait à SFR Cegetel et France Télécom de pratiquer des prix bas sur les appels fixe vers mobile ; que cependant seul le procédé d'un examen objectif et approfondi de la situation relative aux pertes subies par un concurrent aussi efficace que l'auteur de la pratique reprochée permet d'apporter la démonstration que la pratique a eu ou pouvait voir un effet anticoncurrentiel ; que l'Autorité de la concurrence n'a pas rapporté d'éléments de preuve suffisants de nature à identifier des pertes exactes subies par un concurrent potentiel aussi efficace que l'entreprise dominante verticalement intégrée auteur de la pratique aux fins d'entrer sur le marché aval ; qu'il a d'ailleurs été précisé par la plaignante, lors de son audition du 10 décembre 1999, que les tarifs très attractifs de l'interconnexion internationale entrante lui permettaient, à travers le reroutage de commercialiser sur le marché aval « une offre à 1,49 F/minute, tandis que France Télécom proposait 2,46 F/minute, soit sans perte, un tarif de détail environ 40 % inférieur au tarif détail pratiqué par France Télécom pour les appels au départ de la boucle locale fixe vers son réseau GSM Fi » ; que le reroutage international des appels ne réclame aucun investissement particulier et supplémentaire de la part des opérateurs concernés, mais la simple conclusion d'accords entre eux ; que de surcroît, dans son avis n° 99-1127 rendu au Conseil de la concurrence, l'ART a indiqué que le reroutage international des appels était « une technique d'arbitrage courante permettant de tirer profit des déséquilibres inhérents au système de taxe de répartition » ; que les opérateurs de téléphonie fixe ont adopté le procédé de reroutage international pour entrer, en 1998, sur le marché de la téléphonie fixe vers mobile des entreprises, ne l'ont pas adopté pour contourner l'interconnexion directe, laquelle n'a effectivement été ouverte qu'en novembre 2000 avec l'inversion des licences GSM, mais bien pour éviter l'interconnexion indirecte et l'absence de sélection du transporteur en vigueur sur ce marché à cette date ; que par ce procédé, les appels en cause bénéficiaient des tarifs avantageux de l'interconnexion internationale entrante pour leur terminaison dans les réseaux GSM, environ huit fois plus bas que les CTA, tarifs qui leur ont permis de se développer sur ce marché récent avec succès et profit ; qu'en effet, ainsi que l'ART l'a souligné dans son avis n° 99-1127 au Conseil de la concurrence : « l'écart très important entre la quote-part traditionnellement perçue par l'opérateur fixe pour les appels en provenance de l'international (de l'ordre de 46 centimes par minute à la fin 1998 dans l'exemple de la Grande-Bretagne) et la rémunération des opérateurs mobiles pour la terminaison des appels entrants d'origine nationale (de l'ordre de 2,54 francs hors taxe par minute) a créée une situation particulièrement favorable au développement et à la croissance du reroutage des appels entrants par l'international ; en effet, par ce circuit, l'opérateur-rerouteur est en mesure de proposer un tarif de détail très inférieur au tarif de détail fixé par les opérateurs mobiles, tout en dégageant une marge brute significative, de l'ordre de 40 % » ; que de surcroît la plaignante a elle-même indiqué lors de l'instruction que les tarifs de l'interconnexion internationale entrante permettaient aux opérateurs de téléphonie fixe, sans perte et avec profits, de commercialiser des offres de téléphonie fixe vers mobile aux entreprises ; qu'en outre, l'ARCEP l'a clairement confirmé dans sa décision n° 04-0936 du 9 décembre 2004 portant sur la détermination des marchés pertinents concernant la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles en métropole, en rappelant que « si la terminaison d'appel depuis un réseau national devient plus chère que la terminaison d'appel depuis un réseau international, l'opérateur de l'appelant reroutera son trafic par l'international pour bénéficier du tarifie plus avantageux » et en précisant que « ce cas de figure s'est produit jusqu'en 2002 où le tarif international était substantiellement inférieur à celui du national » ; qu'aucun élément probant rapporté par l'Autorité de la concurrence ne vient démontrer le contraire ; qu'enfin, la plaignante, lors de son audition du 10 décembre 1999, a elle-même reconnu et souligné que « les principaux pays concernés par le reroutage du trafic fixe vers mobile sont le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Etats-Unis », l'Amérique du Nord étant citée dans la notification des griefs du 10 avril 2001 (tout comme l'Europe proche) comme l'une des principales voies du reroutage ; qu'il n'existait pas de quote-part mobile à la date de la saisine pour les Etats-Unis ; que selon la déclaration de la plaignante, ce pays était l'un des principaux pays étrangers du reroutage, l'argument de l'Autorité selon lequel la mise en place de quotes-parts mobiles d'avril à octobre 1999 aurait indirectement rendu moins rentable voire non rentable le reroutage international ne peut donc être prise en compte dans la démonstration nécessaire des pertes subies par un concurrent aussi efficace que les entreprises dominantes verticalement intégrées auteurs de la pratique de ciseau tarifaire reprochée afin de qualifier les effets anticoncurrentiels de la pratique reprochée ; qu'en conséquence de tout ce qui est susmentionné, la décision attaquée ne fait pas une démonstration suffisante et sans contradiction que les pratiques reprochées respectivement mises en oeuvre par France Télécom et par SFR avaient ou pouvaient avoir pour effets de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché de la téléphonie fixe vers mobile des entreprises ; qu'ainsi, la carence dans l'administration de la preuve relative, d'une part, au caractère indispensable des prestations fournies à ses concurrents par l'entreprise auteur du "ciseau tarifaire" aux fins de caractériser la présomption d'effets anticoncurrentiels et, d'autre part, aux pertes subies par un concurrent potentiel aussi efficace que l'entreprise dominante verticalement intégrée auteur de la pratique aux fins d'entrer sur le marché aval, conduit à juger que les entreprises poursuivies n'ont pas commis les manquements reprochés, et que la décision doit être réformée (cf arrêt, p. 13 à 17) ;
ALORS QUE, pour que les effets potentiels d'une pratique de ciseau tarifaire soient établis sans que l'autorité de concurrence ait à établir ses effets concrets, le service intermédiaire doit être objectivement nécessaire pour l'exercice de la concurrence en aval ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que tel n'était pas le cas parce que les opérateurs plaignants n'avaient pas utilisé le service intermédiaire et avaient continué d'utiliser une autre solution, qui dès lors apparaissait comme une alternative efficace ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, à travers les éléments chiffrés du tarif permis par la solution prétendument alternative, si celle-ci permettait ou non aux opérateurs d'exercer une pression concurrentielle effective sur France Télécom et SFR sur le marché aval, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

(sur la publication)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir prié et au besoin requis l'Autorité de la concurrence de publier sur son site internet et, à ses frais, dans le quotidien Les Echos, un communiqué énonçant que « par arrêt du 27 janvier 2011, la cour d'appel de Paris, chambre 5-7, régulation économique, a réformé la décision n° 04-D-48 du 14 octobre 2004, dit que les griefs poursuivis contre la société France Télécom ne sont pas établis et dit n'y avoir lieu à sanction ; par le même arrêt, la cour a ordonné le remboursement immédiat du montant de la sanction, soit 18 millions d'euros, assorti des intérêts au taux légal » ;
AUX MOTIFS QU' il y a lieu de faire connaître le présent arrêt dans des conditions identiques à celles de la décision réformée ; que la publication sera faite dans les termes stricts et sans commentaires, du dispositif ; qu'il sera donné acte à la société SFR qu'elle ne demande pas de mesure de publicité (cf arrêt, p. 17) ;
1°) ALORS QUE si l'Autorité de la concurrence peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision, un tel pouvoir n'appartient pas à la cour d'appel lorsqu'elle dit n'y avoir lieu à sanction ; qu'en décidant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé l'article L 464-2 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE le juge civil ne peut ordonner la publication de sa décision aux frais d'une partie qu'à titre de réparation d'un préjudice ou lorsqu'un texte l'y autorise ; que tel n'est pas le cas de la cour d'appel de Paris lorsqu'elle dit n'y avoir lieu à sanction de pratiques anticoncurrentielles ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles L 464-2 du code de commerce, 1382 du code civil et 451 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-13067
Date de la décision : 17/01/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONCURRENCE - Autorité de la concurrence - Décision - Recours - Recours devant la cour d'appel - Sanctions - Publication d'un communiqué - Conditions identiques à celles de la décision réformée - Absence d'excès de pouvoir

La cour d'appel, qui retient qu'il y a lieu de faire connaître son arrêt réformant une décision qui a elle-même été portée à la connaissance du public par son auteur, n'excède pas son pouvoir en ordonnant la publication d'un communiqué, dans des conditions identiques à celles de la décision réformée, peu important que l'arrêt confirme ou infirme la sanction imposée par la décision


Références :

Sur le numéro 1 : article L. 464-8, alinéa 4, du code de commerce
Sur le numéro 2 : article L. 464-2 du code de commerce

article 1382 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 janvier 2011

Sur le n° 1 : Cf : CJUE, 7 décembre 2010, affaire C-439/08, "VEBIC" VZW c. Raad voor de Mededinging et a. Sur le n° 2 :A rapprocher : Com., 14 Janvier 1992, pourvois n° 89-21.518 et n° 89-21.462, Bull. 1992, IV, n° 16 (3) (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 jan. 2012, pourvoi n°11-13067, Bull. civ. 2012, IV, n° 7
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 7

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Jenny
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Defrenois et Levis, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.13067
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