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10/01/2012 | FRANCE | N°10-28501

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 janvier 2012, 10-28501


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 novembre 2010), que par jugement du 9 octobre 2008 publié au BODACC le 26 octobre 2008, la société Ebrex France (la société Ebrex) a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, la société Bécheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias étant désignée mandataire judiciaire et la société Facques-Hess-Bourbouloux, commissaire à l'exécution du plan ; que les institutions de retraite et de prévoyance Carcept, Carcept prévoyance, Ipriac, Fon

gecfa et AGFF (la Carcept), qui ne figuraient pas sur la liste des créanciers étab...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 novembre 2010), que par jugement du 9 octobre 2008 publié au BODACC le 26 octobre 2008, la société Ebrex France (la société Ebrex) a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, la société Bécheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias étant désignée mandataire judiciaire et la société Facques-Hess-Bourbouloux, commissaire à l'exécution du plan ; que les institutions de retraite et de prévoyance Carcept, Carcept prévoyance, Ipriac, Fongecfa et AGFF (la Carcept), qui ne figuraient pas sur la liste des créanciers établie par la société Ebrex en application de l'article L. 622-6 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, ont déclaré hors délai une créance de cotisations et sollicité un relevé de forclusion ;
Attendu que la société Ebrex fait grief à l'arrêt d'avoir relevé de forclusion la Carcept, alors, selon le moyen :
1°/ que l'omission volontaire du débiteur lors de l'établissement de la liste de ses créanciers constitue un cas autonome ouvrant droit à relevé de forclusion au bénéfice du créancier omis ; qu'en estimant que la société Ebrex avait volontairement omis d'inscrire les créances des sociétés du groupe Carcept sur la liste des créanciers, tout en relevant que ces créances étaient mentionnées dans la demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde formulée par la société Ebrex, d'où il résultait que l'omission des créances litigieuses de la liste des créanciers ne pouvait procéder d'une volonté délibérée de la part du débiteur de dissimuler sa dette, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 622-26, alinéa 1er, du code de commerce ;
2°/ que pour donner lieu à une décision de relevé de forclusion, le caractère volontaire de l'omission de la liste des créanciers doit être caractérisé ; qu'en déduisant le caractère volontaire de l'omission des créances des sociétés du groupe Carcept de la liste des créanciers de la société Ebrex du seul fait que celle-ci avait visé ces créances dans sa demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, ce qui établissait qu'elle connaissait les créances en cause, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'aspect volontaire de l'omission litigieuse et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 622-26, alinéa 1er, du code de commerce ;
3°/ que la bonne foi est toujours présumée ; qu'en retenant que la société Ebrex était une entreprise importante, munie de services administratifs spécialisés et rompus à ces déclarations, de sorte qu'une telle omission n'est pas admissible quand l'importance de la société débitrice ne permet pas de présumer le caractère volontaire d'une omission sur la liste des créanciers, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 622-26, alinéa 1er, du code de commerce et de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que même si le caractère volontaire de l'omission de la créance litigieuse est démontré, le créancier qui sollicite un relevé de forclusion reste néanmoins tenu d'établir l'existence d'un lien de causalité entre son omission de la liste dressée par son débiteur et la tardiveté de sa déclaration de créance ; que la société Ebrex faisait valoir que le groupe Carcept était seul responsable de sa défaillance, puisqu'il avait été informé de la situation de son débiteur à une date où il lui était encore possible de déclarer sa créance dans le délai utile ; qu'en ne caractérisant pas le lien de causalité entre l'omission des créances du groupe Carcept de la liste des créanciers et la défaillance de celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 622-26, alinéa 1er, du code de commerce ;
Mais attendu que si le caractère volontaire de l'omission d'une créance est démontré, le créancier qui sollicite un relevé de forclusion n'est pas tenu d'établir l'existence d'un lien de causalité entre son omission de la liste et la tardiveté de sa déclaration de créance ; qu'après avoir exactement énoncé que l'information dans la demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, selon laquelle des cotisations sociales sont dues pour le troisième trimestre 2008, ne remplace pas l'indication de l'organisme social sur la liste des créanciers, l'arrêt retient que cette information démontre que la société Ebrex avait connaissance de l'existence de ce créancier, de sorte que l'omission de son nom sur la liste des créanciers a été volontaire ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche invoquée par la quatrième branche, et abstraction faite du grief de la troisième branche, qui attaque un motif surabondant, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ebrex France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils pour la société Ebrex France, la SCP Becheret-Thierry-Senechal-Gorrias, ès qualités, et la société Facques-Hess-Bourbouloux, ès qualités.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR relevé les sociétés CARCEPT, CARCEPT PREVOYANCE, IPRIAC et FONGECFA TRANSPORT, ainsi que l'association AGFF, de la forclusion encourue ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le créancier est relevé de la forclusion s'il établit que sa défaillance n'est pas due à son fait ou qu'elle est due à une omission volontaire du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L.622-6 ; que la CARCEPT ne démontre pas que sa défaillance n'est pas due à son fait, alors qu'elle dispose des services juridiques propres à détecter la publication au BODACC du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la SAS EBREX FRANCE ; qu'en revanche, il est constant que la SAS EBREX FRANCE n'a pas fait figurer la CARCEPT sur la liste des créanciers qu'elle doit remettre au mandataire judiciaire ; que l'information dans la demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, selon laquelle des cotisations sociales sont dues pour le 3ème trimestre 2008, ne remplace pas l'indication de l'organisme social sur la liste des créanciers ; qu'en revanche, cette information démontre que la SAS EBREX FRANCE avait connaissance de l'existence de ce créancier, et que l'omission de son nom sur la liste des créanciers a été volontaire ; qu'il convient en conséquence de relever la CARCEPT de la forclusion encourue (arrêt attaqué p. 4) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le relevé de forclusion demandé concerne des cotisations réclamées au titre majoritairement des 3ème et 4ème trimestres à la SAS EBREX FRANCE ; que certes, la CARCEPT est un créancier averti s'agissant des procédures collectives, mais il convient de rappeler que la procédure de sauvegarde ne permet pas à l'entreprise d'être en cessation de paiement et donc supprime par là même les signes avant coureurs de difficultés financières (impayés, inscriptions aux privilèges) utiles aux créanciers pour mettre sous surveillance accrue ladite entreprise ; que les cotisations dues au moment de l'ouverture de la procédure de sauvegarde n'étaient pas connues, car pour la plupart, elles sont du troisième trimestre 2008 et donc exigibles pendant la période d'observation ; que CARCEPT a adressé le bordereau unique de cotisation du 3ème trimestre 2008 par courrier du 10 septembre 2008 ; qu'à cet envoi était joint un feuillet d'information sur la situation de l'entreprise, qu'il appartenait à la SAS EBREX FRANCE de retourner en cas d'ouverture de procédure collective ; que les cotisations du 3ème trimestre 2008 étaient exigibles à partir du 1er octobre 2008, avec une date limite de paiement au 30 octobre 2008 ; qu'une lettre de relance a été adressée par la CARCEPT à la SAS EBREX FRANCE le 18 novembre 2008, ce qui n'est pas contesté par celle-ci ; que plusieurs courriers ont été adressés durant la période d'octobre à décembre 2008 à EBREX FRANCE sans réponse, la SAS EBREX FRANCE qui ne le conteste pas se contente de dire que ce n'était pas à la bonne adresse ; que ce n'est finalement qu'en janvier 2009, une fois le délai de déclaration des créances expiré, que la SAS EBREX FRANCE a retourné les bordereaux de cotisations remplis par ses soins ; que la SAS EBREX FRANCE ne pouvait ignorer les dettes de CARCEPT puisque cette institution représente l'organisme collecteur des retraites pour le transport, secteur dont elle dépend ; que surabondamment, ces organismes sont cités sur les feuilles de paye de ses salariés ; qu'il est donc pour le moins surprenant que la SAS EBREX FRANCE s'agissant de créances très importantes de retraites ne les mentionne, ni sur la liste de ses créanciers, ni sur la requête de demande d'ouverture ; que l'inscription d'une telle créance significative prévue à l'article L.622-6 est d'autant plus importante en demande d'ouverture de procédure de sauvegarde pour apprécier l'étendue des créances privilégiées ; que de plus, l'omettre trompe le tribunal, les salariés et les créanciers sur la capacité de la SAS EBREX FRANCE à rembourser l'intégralité de ses dettes pendant le plan de sauvegarde ; que s'agissant d'une entreprise importante, munie de services administratifs spécialisés et rompus à ces déclarations, une telle omission n'est pas admissible ; qu'en conséquence, le tribunal dira que la SAS EBREX FRANCE a omis volontairement d'inscrire la dette de la CARCEPT sur la liste des créanciers (jugement pp. 4-5) ;
ALORS, d'une part, QUE l'omission volontaire du débiteur lors de l'établissement de la liste de ses créanciers constitue un cas autonome ouvrant droit à relevé de forclusion au bénéfice du créancier omis ; qu'en estimant que la société EBREX avait volontairement omis d'inscrire les créances des sociétés du groupe CARCEPT sur la liste des créanciers, tout en relevant que ces créances étaient mentionnées dans la demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde formulée par la société EBREX, d'où il résultait que l'omission des créances litigieuses de la liste des créanciers ne pouvait procéder d'une volonté délibérée de la part du débiteur de dissimuler sa dette, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L.622-26, alinéa 1er, du Code de commerce ;
ALORS, d'autre part, QUE pour donner lieu à une décision de relevé de forclusion, le caractère volontaire de l'omission de la liste des créanciers doit être caractérisé ; qu'en déduisant le caractère volontaire de l'omission des créances des sociétés du groupe CARCEPT de la liste des créanciers de la société EBREX du seul fait que celle-ci avait visé ces créances dans sa demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, ce qui établissait qu'elle connaissait les créances en cause, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'aspect volontaire de l'omission litigieuse et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.622-26, alinéa 1er, du Code de commerce ;
ALORS, de troisième part, QUE la bonne foi est toujours présumée ; qu'en retenant que la société EBREX était « une entreprise importante, munie de services administratifs spécialisés et rompus à ces déclarations », de sorte « qu'une telle omission n'est pas admissible » quand « l'importance » de la société débitrice ne permet pas de présumer le caractère volontaire d'une omission sur la liste des créanciers, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.622-26, alinéa 1er, du Code de commerce et de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, enfin, QUE même si le caractère volontaire de l'omission de la créance litigieuse est démontré, le créancier qui sollicite un relevé de forclusion reste néanmoins tenu d'établir l'existence d'un lien de causalité entre son omission de la liste dressée par son débiteur et la tardiveté de sa déclaration de créance ; que la société EBREX faisait valoir que le groupe CARCEPT était seul responsable de sa défaillance, puisqu'il avait été informé de la situation de son débiteur à une date où il lui était encore possible de déclarer sa créance dans le délai utile ; qu'en ne caractérisant pas le lien de causalité entre l'omission des créances du groupe CARCEPT de la liste des créanciers et la défaillance de celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.622-26, alinéa 1er, du Code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-28501
Date de la décision : 10/01/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Sauvegarde - Période d'observation - Déclaration de créances - Relevé de forclusion - Cas - Omission de la liste des créanciers - Caractère volontaire démontré - Portée - Présomption irréfragable de causalité

Si le caractère volontaire de l'omission d'une créance de la liste des créanciers prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-26 du code de commerce est démontré, le créancier qui sollicite un relevé de forclusion n'est pas tenu d'établir l'existence d'un lien de causalité entre son omission de la liste et la tardiveté de sa déclaration de créance. En conséquence, justifie légalement sa décision de relever un créancier de sa forclusion, l'arrêt qui après avoir exactement énoncé que l'information dans la demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, sur l'existence d'une créance, ne remplace pas l'indication de ce créancier sur la liste des créanciers, retient que cette information démontre que le débiteur avait connaissance de l'existence de ce créancier, de sorte que l'omission de son nom sur la liste des créanciers a été volontaire


Références :

article L. 622-26 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 04 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 jan. 2012, pourvoi n°10-28501, Bull. civ. 2012, IV, n° 4
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 4

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Guillou
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.28501
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