LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société la Française des jeux, témoin assisté,
contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 22 juin 2011, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs d'escroquerie et tromperie, a déclaré irrecevable son recours contre l'ordonnance du juge d'instruction ayant refusé de compléter la mission de l'expert ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 30 novembre 2011 où étaient présents : M. Louvel président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, MM. Dulin, Rognon, Ract-Madoux, M. Bayet, Mme Canivet-Beuzit, M. Bloch conseillers de la chambre, Mmes Labrousse, Moreau conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Boccon-Gibod ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BOCCON-GIBOD ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 7 octobre 2011, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 161-1, 186-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, excès de pouvoirs ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a déclaré irrecevable le recours formé par la Française des jeux contre l'ordonnance du 31 mars 2011 par laquelle le juge d'instruction a refusé de compléter la mission d'expertise confiée à M. X... ;
"aux motifs que, par ordonnance du 23 mars 2011, le juge d'instruction a commis le professeur X... comme expert avec mission de « Procéder à l'explicitation, et fournir toute définition de l'expression "être répartis par la voie du sort". D'une façon générale, fournir toutes données utiles à la compréhension des termes employés dans cette expression. » ; que le 31 mars 2011, l'avocat de la société la Française des jeux, placée sous le statut de témoin assisté, a demandé, au visa des dispositions de l'article 161-1 du code de procédure pénale, que la mission soit complétée ; que par ordonnance du 31 mars 2011 - notifiée le 4 avril 2011 - , le juge d'instruction a refusé de faire droit à cette demande ; que l'avocat de la société la Française des jeux a déposé une requête visant l'article 161-1 du code de procédure pénale au greffe de la chambre de l'instruction le 12 avril 2011 qu'il a indiqué annuler le même jour ; que le 13 avril 2011, il a déposé une nouvelle requête au greffe de la chambre de l'instruction précisant contester l'ordonnance de refus de complément d'expertise et a interjeté appel au greffe du tribunal de grande instance de Nanterre de l'ordonnance de refus de compléter la mission d'expertise ; que selon les dispositions de l'article 161-1 du code de procédure pénale, « copie de la décision ordonnant une expertise est adressée sans délai au procureur de la République et aux avocats des parties, qui disposent d'un délai de dix jours pour demander au juge d'instruction, selon les modalités prévues par l'avant-dernier alinéa de l'article 81, de modifier ou de compléter les questions posées à l'expert ou d'adjoindre à l'expert ou aux experts déjà désignés un expert de leur choix figurant sur une des listes mentionnées à l'article 157. Si le juge ne fait pas droit, dans un délai de dix jours à compter de leur réception, aux demandes prévues au premier alinéa, il rend une ordonnance motivée ; que cette ordonnance ou l'absence d'ordonnance peut être contestée dans un délai de dix jours devant le président de la chambre de l'instruction ; que ce dernier statue par décision motivée qui n'est pas susceptible de recours…» ; que la société la Française des jeux qui est témoin assisté n'est pas une partie à la procédure (Crim. 21 juin 2005, B. 181 ; 28 mars 2006, B. 87) ; que les dispositions de l'article 161-1 du code de procédure pénale ne s'appliquent donc pas à elle ; qu'il s'ensuit que, sans qu'il y ait lieu de s'arrêter à la forme du/des recours, il convient de déclarer ce/ces recours contre l'ordonnance que le juge d'instruction n'était d'ailleurs pas tenu de rendre, irrecevable(s) ;
"1°) alors que si l'ordonnance de non admission d'appel du président de la chambre de l'instruction n'est pas susceptible de recours, il en est autrement lorsque son examen fait apparaître un risque d'excès de pouvoir ; que, pour dire n'y avoir lieu de saisir la chambre de l'instruction de l'appel de l'ordonnance du juge d'instruction ayant rejeté la demande de complément d'expertise, le président de la chambre de l'instruction retient que cette demande était présentée par le témoin assisté qui n'est pas une partie à la procédure ; que cependant le témoin assisté peut exercer un recours à l'encontre de toute décision susceptible de lui faire grief ; qu'est susceptible de faire grief à la Française des jeux le refus d'expertise complémentaire portant sur les modalités de fonctionnement du jeu « Vegas » qu'elle organise ; qu'en déclarant, néanmoins, irrecevable le recours formé par celle-ci à l'encontre de cette ordonnance de refus de complément d'expertise, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs ;
"2°) alors qu'a été notifié à la Française des jeux la décision ordonnant l'expertise et l'informant également de son droit de demander la modification des questions posées à l'expert ; qu'en énonçant que le témoin assisté n'est pas une partie à la procédure pour déclarer le recours irrecevable tandis que le juge d'instruction lui a notifié l'ordonnance de commission d'expert, ce dont il se déduit que la Française des jeux est directement concernée par ladite expertise, le président de la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
"3°) alors que l'appel d'une ordonnance par laquelle un juge d'instruction refuse de modifier ou de compléter une expertise relève de la compétence exclusive de la chambre de l'instruction et non de celle de son président qui ne peut exercer un quelconque pouvoir à cet égard ; qu'il en résulte qu'en déclarant irrecevable l'appel du témoin assisté dirigée contre une ordonnance par laquelle le juge d'instruction a refusé de modifier une expertise, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs" ;
Attendu que, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs d'escroquerie et tromperie, le juge d'instruction a ordonné une expertise ; que la société française des jeux, témoin assisté, lui a demandé, sur le fondement de l'article 161-1 du code de procédure pénale, de compléter la mission de l'expert ; qu'elle a ensuite contesté devant le président de la chambre de l'instruction l'ordonnance du magistrat instructeur ayant refusé de faire droit à sa demande ;
Attendu que, pour déclarer ce recours irrecevable, l'ordonnance attaquée relève que les témoins assistés ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article précité, réservées aux parties à la procédure ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, le président de la chambre de l'instruction, qui n'a commis aucun excès de pouvoir, a fait l'exacte application de ce texte ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté et que le pourvoi n'est pas recevable ;
Par ces motifs :
DÉCLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze décembre deux mille onze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;