LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Vu les articles L. 411-38, L. 411-47 et L. 411-64 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 14 mai 2010), que la SCI d'Augy (la SCI) a donné à bail aux époux X..., suivant deux baux distincts en date du 11 janvier 1995, un domaine agricole et un ensemble de parcelles de terre ; que le 9 octobre 1999, la SCI a autorisé les locataires à apporter leurs baux à une SCEA G et H. X... (la SCEA) non encore créée ; que cette société a été constituée le 13 juillet 2000 ; que le 26 octobre 2007, la SCI a fait délivrer aux seuls époux X... congé des lieux loués en vertu des deux baux pour le 30 avril 2009 ; que l'acte d'apport a été signifié à la SCI le 22 février 2008 ; que cette dernière a agi en validation de ces deux congés ;
Attendu que pour dire l'acte d'apport des baux inopposable à la SCI bailleresse, l'arrêt retient que cet acte n'a pas été signifié à la date de délivrance des congés et que si le fermier jouit de l'ensemble de ses droits jusqu'à la fin du bail, l'apport des baux ne peut valablement intervenir après cette date ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, à la date d'effet des congés, ces apports étaient régulièrement intervenus et s'ils étaient opposables à la bailleresse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la SCI d'Augy aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI d'Augy à payer à la SCEA GF X... et aux époux X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la SCI d'Augy ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour les époux X... et la SCEA GH X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'acte du 13 juillet 2000 contenant apport à la SCEA G.H. X... des deux baux consentis à M. et Mme X... le 11 janvier 1995 était inopposable à la SCI d'AUGY ;
AUX MOTIFS QU' il est acquis que l'acte du 13 juillet 2000 n'était pas signifié à la SCI d'AUGY le 26 octobre 2007, date de délivrance des congés et que la SCEA G.H.F. le lui a fait signifier le 22 février 2008 ; que cette signification n'a pas été faite par les preneurs, M. et Mme X... ; qu'en outre, si le fermier jouit de l'ensemble de ses droits jusqu'à la fin du bail, l'apport des baux ne pouvait valablement intervenir après de la délivrance des congés ; qu'il appartient aux appelants, preneurs, de rapporter la preuve que le bailleur a accepté la cession sans équivoque ; qu'ils font valoir que la SCI d'AUGY a encaissé le paiement des fermages par la SCEA G.H. X... ; que toutefois l'acceptation des paiements est insuffisante à rapporter la preuve recherchée ; qu'en l'espèce, par courrier du 15 mai 2006, la SCEA a demandé à la SCI d'AUGY d'établir les factures à son nom ; que la SCI d'AUGY a répondu à M. X..., par courrier du 1er juin 2006, que cela n'était pas possible , les baux étant à son nom ; qu'en l'absence de tout autre élément, les appelants n'établissent pas que la SCI d'AUGY avait accepté la cession sans équivoque ;
ALORS , D'UNE PART, QU'en statuant de la sorte tout en constatant que par acte du 9 octobre 1999 (et non du 13 juillet 2000, comme indiqué par erreur par la Cour d'appel), M. Jean-Marie Y..., gérant de la SCI d'AUGY avait expressément autorisé M. et Mme X... à faire apport à la SCEA G.H. X... des deux baux ruraux signés le 11 janvier 1995 concernant les domaines d'AUGY et du MOUSSEAU et la terre située sur la commune de CHARENTONNAY, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences juridiques qui s'évinçaient de ses propres constatations et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 411-38 du Code rural et de la pêche maritime ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'accomplissement de l'une ou l'autre des formalités de l'article 1690 du Code civil devient inutile pour rendre la cession du bail opposable au propriétaire si celui-ci l'a acceptée sans équivoque ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait tout en constatant que le propriétaire avait, par acte du 9 octobre 1999, donné son agrément à l'apport du droit aux baux consentis aux époux X... au profit de la SCEA G.H. X... et avait encaissé les fermages sans contestation pendant plus de six années, ce dont il résultait l'acceptation sans équivoque de la cession, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 411-35 et L. 411-38 du Code rural et de la pêche maritime, ensemble de l'article 1690 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE l'absence de contestation du congé ne prive pas le preneur du congé de céder le bail à un descendant majeur ; qu'en outre la qualité du bénéficiaire du congé s'apprécie à la date d'effet de l'acte ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait sans même rechercher si à la date d'effet des congés, soit au 30 avril 2009, M. et Mme X..., qui avaient fait apport de leur droit aux baux à eux consentis au profit de la SCEA G.H. X... avec l'accord du bailleur, avaient toujours la qualité de preneurs en place, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale au regard des articles L. 411-38 , L. 411-47 et L. 411-64 du Code rural et de la pêche maritime.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé le congé délivré à M. et Mme X... le 26 octobre 2007, portant sur diverses parcelles en nature de terre, sises commune de CHARENTONNAY (Cher) données à bail le 11 janvier 1995 ;
AUX MOTIFS QUE relativement au bail consenti pour neuf ans, les appelants exposent que l'article L. 411-64 , dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 13 juillet 2006, exige à peine de nullité que soit mentionné dans le congé délivré, comme c'est le cas en l'espèce, en raison de l'âge du preneur, que celui-ci peut céder son titre à un partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité ; qu'ils soutiennent que cette mention n'ayant pas été mentionnée dans le congé qui leur a été délivré, ce congé est nul ; que la forclusion n'est pas encourue si le congé ne comporte pas les mentions prévues, à peine de nullité par l'article L. 411-47 du code rural ; que les appelants ne font pas état du défaut des mentions prévues par ce texte ; que n'ayant pas contesté le congé dans le délai de quatre mois, la forclusion est acquise ;
ALORS QUE l'obligation de mentionner sur le congé délivré sur le fondement de l'article L. 411-64 du Code rural, la possibilité pour le locataire de céder son bail à un partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité est sanctionnée par la nullité du congé même sans grief ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a procédé d'une violation de l'article L. 411-64 du Code rural et de la pêche maritime.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour la SCI d'Augy.
Il est fait grief à l'arrêt, infirmatif de ce chef, d'avoir déclaré nul le congé délivré à Monsieur et Madame X... le 26 octobre 2007 portant sur le « domaine d'Augy et des Mousseaux » donné à bail à long terme le 11 janvier 1995 et d'avoir débouté la SCI d'Augy de sa demande d'expulsion des preneurs desdits biens ;
Aux motifs que l'article L.407-1 du Code rural dispose que, pour le bail à long terme, la reprise en cours de bail est exclue ; que, contrairement à ce que soutient la SCI d'Augy, le bail conclu pour 18 ans ne constitue pas le renouvellement d'un bail ancien, mais un nouveau bail à long terme ; qu'il n'est d'ailleurs fait aucune référence au bail ancien dont le bail du 11 janvier 1995 ; que ce bail conclu pour 18 ans le 11 janvier 1995 n'arrivait pas à échéance au 30 avril 2009, date fixée au congé ; que, sans que la SCI d'Augy puisse opposer la forclusion, le congé donné hors délai est nul ;
Alors qu'en ses écritures d'appel, la SCI d'Augy sollicitait la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il avait ordonné l'expulsion de Monsieur et Madame X... et de la SCEA X... du domaine litigieux, au besoin par substitution de motifs en se prévalant de ce que l'apport illicite du domaine à la SCEA, constitutif d'une cession prohibée, en justifiait la résiliation ; que la Cour d'appel qui n'a pas répondu à ce chef pertinent des écritures d'appel de l'exposante a, quel qu'en ait été le mérite, entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusion et l'a privé de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;