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03/11/2011 | FRANCE | N°10-18036

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 novembre 2011, 10-18036


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mars 2010), que M. X..., engagé par la société Moreau incendie à compter du 17 septembre 1993, a travaillé en qualité de vendeur salarié niveau 4 échelon 2 de la convention collective du commerce de gros ; qu' affecté sur un secteur d'activité comprenant les départements de l'Yonne et de l'Aube, le salarié, tenu à un horaire de 35 heures par semaine, était libre de s'organiser, à charge pour lui de respecter le programme fixé et de

rédiger un compte-rendu journalier précis et détaillé, lequel, selon le contr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mars 2010), que M. X..., engagé par la société Moreau incendie à compter du 17 septembre 1993, a travaillé en qualité de vendeur salarié niveau 4 échelon 2 de la convention collective du commerce de gros ; qu' affecté sur un secteur d'activité comprenant les départements de l'Yonne et de l'Aube, le salarié, tenu à un horaire de 35 heures par semaine, était libre de s'organiser, à charge pour lui de respecter le programme fixé et de rédiger un compte-rendu journalier précis et détaillé, lequel, selon le contrat de travail, devait faire la preuve de son activité ; que, le 17 mai 2006, l'employeur a notifié au salarié la mise en place d'un système de géolocalisation sur son véhicule afin de permettre l'amélioration du processus de production par une étude a posteriori de ses déplacements et pour permettre à la direction d'analyser les temps nécessaires à ses déplacements pour une meilleure optimisation des visites effectuées ; que par lettre du 20 août 2007, M. X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à son employeur d'avoir calculé sa rémunération sur la base du système de géolocalisation du véhicule ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de certaines sommes en conséquence, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes des articles 1 et 7-E de son contrat de travail, M. X..., engagé en qualité de vendeur salarié statut non VRP, était tenu d'effectuer 35 heures de travail par semaine, de respecter un programme d'activité joint en annexe et de rédiger par journée travaillée un compte rendu journalier précis et détaillé de son activité au moyen d'un rapport établi sur un imprimé spécialement prévu à cet effet ; qu'en relevant, pour imputer à faute la rupture du contrat de travail à la société Moreau incendies par suite de l'illicéité du système de géolocalisation des véhicules de service, que M. X... était libre d'organiser son activité, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 1121-1 et L. 1221-1 du code du travail (anciennement L. 120-2 et L. 121-1) ;

2°/ qu'un système de géolocalisation peut avoir pour finalité le suivi du temps de travail d'un salarié lorsque l'employeur ne dispose pas d'autres moyens ; que la cour d'appel a expressément relevé que par un courrier du 17 mai 2006, la société Moreau incendies a informé M. X... de la mise en place d'un système de géolocalisation des véhicules de service dont le sien, aux fins de permettre l'amélioration du processus de production par une étude a posteriori de ses déplacements ainsi que d'analyser les temps nécessaires à ses déplacements pour une meilleure optimisation des visites effectuées ; qu'en relevant, pour imputer à faute la rupture du contrat de travail à la société Moreau incendies par suite de l'illicéité du système de géolocalisation des véhicules de service, que le dispositif a été détourné en ce que l'employeur a contrôlé le temps de travail du salarié, sans que l'intéressé ait été informé de cette situation ni des modalités de contrôle, la cour d'appel, qui n'a manifestement pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1121-1 du code du travail (anciennement L. 120-1) ;

Mais attendu, d'abord, que selon l'article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que l'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, n'est pas justifiée lorsque le salarié dispose d'une liberté dans l'organisation de son travail ;

Attendu, ensuite, qu'un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l'employeur pour d'autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et portées à la connaissance des salariés ;

Et attendu que la cour d'appel a constaté, d'une part, que selon le contrat de travail, le salarié était libre d'organiser son activité selon un horaire de 35 heures, à charge pour lui de respecter le programme d'activité fixé et de rédiger un compte-rendu journalier précis et détaillé, lequel de convention expresse faisait preuve de l'activité du salarié, et, d'autre part, que le dispositif avait été utilisé à d'autres fins que celles qui avait été portées à la connaissance du salarié ; qu'elle en a exactement déduit que cette utilisation était illicite et qu'elle constituait un manquement suffisamment grave justifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Moreau incendies aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Moreau incendies à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils pour la société Moreau incendies.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la rémunération du salarié ne peut résulter d'une modification unilatérale et arbitraire de l'employeur, d'AVOIR dit que la prise d'acte par Monsieur X... de la rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse imputable à la Société MOREAU INCENDIES, anciennement dénommée la Société MOREAU EXTINCTEURS, et de l'AVOIR en conséquence condamnée à paiement des sommes de 2.594,66 € d'indemnité compensatrice de préavis, de 259,46 € de congés payés afférents, de 2162,17 € d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 7.783,98 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif, de 1.400 € de dommages-intérêts pour défaut de délivrance d'un document obligatoire dûment renseigné, de 2.590,65 € de rappel de salaires pour les mois d'avril à juillet 2007 et de 259,06 € de congés payés afférents ainsi qu'à rectification de l'attestation ASSEDIC et du certificat de travail du salarié ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE le contrat de travail de Monsieur X... prévoit une rémunération basée sur un temps de travail de 35 heures hebdomadaires ; que l'on constate la mise en place, courant 2006, d'un système de géolocalisation permettant un suivi du temps de travail de Monsieur X... ; que l'employeur dit constater un déficit du temps de travail de Monsieur X..., ce qui l'amène à une réduction unilatérale de la rémunération ; que le Conseil considère que la durée du temps de travail et la rémunération du temps de travail constituent des éléments substantiels du contrat de travail et qu'une modification d'un de ces paramètres sans l'accord du salarié entraîne ipso facto une modification du contrat de travail ; qu'en conséquence, la diminution de la rémunération du salarié ne peut résulter d'une modification unilatérale et arbitraire de l'employeur ; (…) que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que dans sa lettre de prise d'acte, Monsieur X... forme trois griefs à l'encontre de son employeur ; que s'agissant de la rémunération mensuelle inférieure au barème de la convention collective et au SMIC, il vient d'être démontré que la Société MOREAU EXTINCTEURS n'a commis aucune faute dans la méthode de calcul et la rémunération effective de Monsieur X... ; que la Société MOREAU a assuré, quand cela était nécessaire, le complément pour faire parvenir la rémunération de Monsieur X... au montant du minimum conventionnel ; qu'en conséquence, ce grief n'est ni réel ni sérieux ; que s'agissant du calcul de la rémunération à partir du système de géolocalisation, le contrat de travail de Monsieur X... précise (chapitre E) : compte-rendu d'activité :« Le salarié est libre d'organiser son activité, laquelle implique un horaire de 35 heures par semaine… » ; que l'utilisation d'un système de géolocalisation par GPS des véhicules fournis aux salariés a été limitée à des finalités particulières ; que l'utilisation d'un système de géolocalisation est exclue lorsqu'un employé dispose d'une liberté dans l'organisation de ses déplacements (visiteurs médicaux, VRP, …) ; que la liste n'est pas exhaustive ; que Monsieur X..., comme le précise le chapitre E du contrat de travail, bénéficie de la liberté de l'organisation de son activité ; qu'il n'existe aucun texte ni dans le code du travail, ni dans la convention collective concernée, stipulant la possibilité de proratiser un salaire fixe d'un salarié à un temps de travail pour un salarié embauché en contrat à durée indéterminée à temps plein ; que le contrôle est uniquement basé sur le déplacement du véhicule de la société, ce qui ne représente qu'une partie de l'activité professionnelle de Monsieur X..., l'autre partie étant une activité de bureau ; qu'en conséquence, ce grief est réel et sérieux ; qu'enfin, s'agissant de la non prise en compte des congés de fractionnement, lorsque la fraction des congés prise en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre, en une ou plusieurs fois, est au moins égale à six jours, le salarié bénéficie de deux jours ouvrables de congés supplémentaires ; que sauf convention ou accord collectif contraire, le fractionnement engendre des congés supplémentaires, que ce fractionnement intervienne à l'initiative de l'employeur ou à la demande du salarié, sachant que c'est le fait du fractionnement qui fait naître le droit aux jours de congés supplémentaires ; que toutefois, lorsque le salarié est demandeur du fractionnement, l'employeur peut subordonner son accord à sa renonciation au congé supplémentaire de fractionnement ; mais que la renonciation ne se présume pas et doit être individuelle ; qu'une note de service est donc inopérante à elle-seule ; qu'en conséquence, à défaut de renonciation individuelle, le salarié serait fondé à demander le paiement des jours de congés supplémentaires à titre de dommages-intérêts ; que toutefois, en supposant que la Société MOREAU EXTINCTEURS ait commis des erreurs dans l'imputation des jours de fractionnement à Monsieur X..., ce qui reste à démontrer, cette anomalie mineure ne saurait à elle-seule justifier une prise d'acte de rupture du contrat de travail ; qu'en conséquence, ce grief est réel mais pas sérieux ; qu'en conséquence, après avoir restitué leur exacte qualification aux faits et actes litigieux, le juge du fond retient une rupture aux torts de l'employeur sur le grief du calcul de la rémunération à partir d'un système de géolocalisation et requalifie le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, il y a lieu d'accord à Monsieur X... la somme de 2.590, 65 € à titre de rappel de salaires pour les mois d'avril à juillet 2007 retenues à tort et décomptées à partir des relevés effectués par le système de géolocalisation, ainsi que la somme de 259, 06 € pour l'indemnité compensatrice de congés payés ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE les parties ne fournissent aucun élément ni moyen nouveau de nature à remettre en cause la décision des premiers juges qui ont fait une exacte appréciation des circonstances de la cause tant en droit qu'en fait par des motifs pertinents que la Cour fait siens étant encore observé que (…) sur la licéité du système de géolocalisation des véhicules de service, si un système de géolocalisation peut avoir pour finalité le suivi de temps lorsque ce suivi ne peut être réalisé par d'autres moyens, son utilisation est par contre exclue lorsque, comme en l'espèce, le salarié est libre d'organiser son activité ; que le système mis en place par l'employeur avait pour but selon la notification qui en a été faite au salarié le 17 mai 2006, « de permettre l'amélioration du processus de production par une étude a posteriori de ses déplacements » et de permettre à la direction « d'analyser les temps nécessaires à ses déplacements pour une meilleure optimisation des visites effectuées » ; qu'en l'espèce, le dispositif litigieux a en réalité été utilisé à d'autres fins, à savoir le contrôle du temps de travail de Monsieur X... sur la base de relevés GPS du véhicule mis à sa disposition, sans que l'intéressé ait été expressément informé de cette situation ni d'ailleurs des modalités du contrôle et de ses conséquences pécuniaires, ce qui caractérise un détournement du système et de son objet déclaré et rend illégales les déductions opérées par l'employeur sur la rémunération du salarié ; que l'utilisation illicite du système de géolocalisation et les retenues arbitraires de salaire constituent de la part de l'employeur des manquements suffisamment graves pour entraîner la rupture du contrat de travail aux torts de ce dernier ; que les retenues de salaires pratiquées pendant la période d'avril à juillet 2007 étant illégales, c'est à bon droit que les premiers juges ont accordé au salarié les sommes qu'il réclame à ce titre, soit 2.590,65 € et 259,67 € ;

ALORS QUE, D'UNE PART, aux termes des articles 1 et 7-E de son contrat de travail, Monsieur X..., engagé en qualité de vendeur salarié statut non VRP, était tenu d'effectuer 35 heures de travail par semaine, de respecter un programme d'activité joint en annexe et de rédiger par journée travaillée un compte rendu journalier précis et détaillé de son activité au moyen d'un rapport établi sur un imprimé spécialement prévu à cet effet ; qu'en relevant, pour imputer à faute la rupture du contrat de travail à la Société MOREAU INCENDIES par suite de l'illicéité du système de géolocalisation des véhicules de service, que Monsieur X... était libre d'organiser son activité, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 1121-1 et L. 1221-1 du code du travail (anciennement L. 120-2 et L. 121-1) ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, un système de géolocalisation peut avoir pour finalité le suivi du temps de travail d'un salarié lorsque l'employeur ne dispose pas d'autres moyens ; que la Cour d'appel a expressément relevé que par un courrier du 17 mai 2006, la Société MOREAU INCENDIES a informé Monsieur X... de la mise en place d'un système de géolocalisation des véhicules de service dont le sien, aux fins de permettre l'amélioration du processus de production par une étude a posteriori de ses déplacements ainsi que d'analyser les temps nécessaires à ses déplacements pour une meilleure optimisation des visites effectuées ; qu'en relevant, pour imputer à faute la rupture du contrat de travail à la Société MOREAU INCENDIES par suite de l'illicéité du système de géolocalisation des véhicules de service, que le dispositif a été détourné en ce que l'employeur a contrôlé le temps de travail du salarié, sans que l'intéressé ait été informé de cette situation ni des modalités de contrôle, la Cour d'appel, qui n'a manifestement pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1121-1 du code du travail (anciennement L. 120-1).


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir de direction - Contrôle et surveillance des salariés - Procédés de contrôle - Système de géolocalisation - Conditions - Détermination - Portée

L'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut être fait par un autre moyen, n'est pas justifiée lorsque le salarié dispose d'une liberté dans l'organisation de son travail. Un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l'employeur pour d'autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et portées à la connaissance des salariés. Fait une exacte application de la loi la cour d'appel qui, ayant constaté que le salarié était libre d'organiser son activité selon un horaire de 35 heures, à charge pour lui de respecter le programme d'activité fixé et de rédiger un compte-rendu journalier, lequel de convention expresse faisait preuve de l'activité du salarié, et, d'autre part que le dispositif avait été utilisé à d'autres fins que celles portées à la connaissance du salarié, en a déduit que cette utilisation était illicite


Références :

article L. 1121-1 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 mars 2010


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 03 nov. 2011, pourvoi n°10-18036, Bull. civ. 2011, V, n° 247
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, V, n° 247
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Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : Mme Taffaleau
Rapporteur ?: M. Flores
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 03/11/2011
Date de l'import : 23/11/2012

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10-18036
Numéro NOR : JURITEXT000024761408 ?
Numéro d'affaire : 10-18036
Numéro de décision : 51102206
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2011-11-03;10.18036 ?
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