LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans le cadre d'une enquête sur la situation de la concurrence dans le secteur des travaux de régénération des voies ferrées, confiée par le ministre de l'économie à la direction nationale des enquêtes de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (la DNE), il a été procédé, avec l'autorisation de plusieurs juges des libertés et de la détention, à des opérations de visites et saisies dans les locaux de huit entreprises, dont ceux de la société Seco-Rail, devenue Colas Rail et ceux de la société Pichenot-Bouille ; qu'à la suite de l'enquête réalisée au moyen des pièces saisies, le ministre de l'économie a saisi le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence, de pratiques anticoncurrentielles relevées dans le secteur concerné ; que par une décision n° 09-D-25 du 29 juillet 2009, l'Autorité de la concurrence a dit qu'il était établi que cinq entreprises, parmi lesquelles les sociétés Colas Rail et Vecchietti, avaient enfreint les articles L. 420-1 du code de commerce et 81 CE, devenu 101 du TFUE, et leur a infligé des sanctions pécuniaires ; que ces sociétés ont invoqué les dispositions transitoires instaurées par l'article 5 IV de l'ordonnance n 2008-1161du 13 novembre 2008 pour former, à l'occasion de leur appel au fond contre la décision, un recours contre l'ordonnance d'autorisation de visite et de saisie de documents rendue le 23 juin 2004 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Versailles ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Vecchietti et Colas rail font grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable le recours de la société Vecchietti contre cette ordonnance d'autorisation de visite et saisie, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 5 IV, alinéa 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 si l'autorisation de visite et saisie n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation ou si cette autorisation a fait l'objet d'un pourvoi en cassation ayant donné lieu à un arrêt de rejet de la Cour de cassation, un recours en contestation de l'autorisation est ouvert devant la cour d'appel de Paris saisie dans le cadre de l'article L. 464-8 du Code de commerce, hormis le cas des affaires ayant fait l'objet d'une décision irrévocable à la date de publication de la présente ordonnance ; que, la Cour EDH, dans son arrêt du 21 mai 2008 (Ravon et autres c. France, requête n° 18497/03) a dit pour droit que le droit d'accès aux tribunaux, qui doit être concret et effectif (§ 27), implique en matière de visite domiciliaire que les personnes concernées puissent obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur son fondement et que le ou les recours disponibles doivent permettre, en cas de constat d'irrégularité, soit de prévenir la survenance de l'opération, soit, dans l'hypothèse où une opération jugée irrégulière a déjà eu lieu, de fournir à l'intéressé un redressement approprié (§ 28) ; qu'en conséquence, il n'est pas nécessaire qu'une visite ait été ordonnée dans une société pour que celle-ci ait intérêt à contester l'autorisation de visite et de saisie ; qu'il suffit, qu'elle soit présumée s'être livrée aux agissements retenus par le juge pour autoriser la recherche de la preuve ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc violé la disposition susvisée, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que seules les personnes visées par l'ordonnance ayant autorisé la saisie sont recevables à former le recours ouvert par l'article 5 IV de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 ; qu'ainsi la cour d'appel a statué à bon droit ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que pour rejeter le recours formé par la société Colas rail contre l'ordonnance d'autorisation de visite et saisie rendue le 23 juin 2004 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Versailles, l'arrêt après avoir observé qu'aucun principe ne fait obstacle à ce que le même juge examine successivement la régularité d'une étape de la procédure puis l'affaire au fond, retient qu'il sera statué valablement sur le recours formé contre l'ordonnance autorisant les visite et saisie de documents puis sur celui formé contre la décision de l'Autorité de la concurrence, sans que cela porte atteinte aux exigences du procès équitable, telles que l'impartialité et l'égalité des armes ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'examen de l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles autorisant les visite et saisie par la même formation de jugement que celle appelée à statuer sur le bien-fondé des griefs retenus et de la sanction prononcée au titre de ces pratiques est de nature à faire naître un doute raisonnable sur l'impartialité de la juridiction, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté le recours formé par la société Colas rail contre l'ordonnance d'autorisation de visite et saisie rendue le 23 juin 2004 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Versailles et rejeté son recours contre la décision n° 09-D-25 de l'Autorité de la concurrence, l'arrêt rendu le 29 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société Colas rail la somme de 2 500 euros et rejette les autres demandes ;
Vu l'article R. 470-2 du code de commerce, dit que sur les diligences du directeur de greffe de la Cour de cassation, le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'économie ;Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux novembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour les sociétés Colas rail et R. Vecchietti
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR déclaré irrecevable le recours de la société VECCHIETTI contre l'ordonnance d'autorisation de visite et saisie rendue le 23 juin 2004 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Versailles ;
AUX MOTIFS QUE « dans le cadre de l'enquête ministérielle ouverte le 21 juin 2004, relative à des pratiques relevées dans le secteur de la construction et de la régénération de voies ferrées, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Versailles, saisi en application de l'article L.450-4 du Code de commerce, a autorisé par ordonnance du 23 juin 2004 le chef de la DNECCRF à procéder ou à faire procéder à dans les locaux des neuf entreprises, dont ceux des sociétés SECO RAIL et PICHENOT BOUILLE , aux visites et aux saisies de tous documents nécessaires à la recherche de la preuve des agissements entrant dans le champ des pratiques, prohibées par les points 1,2 et 4 de l'article L.420-1 du Code de commerce et l'article 81-1 du traité de Rome, relevées dans ce secteur ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée; que les opérations se sont déroulées le 6 juillet 2004 à dans les locaux de l'entreprise SECO-RAIL à Chatou, et à Lyon en vertu de l'ordonnance rendue le 2 juillet 2004 sur commission rogatoire par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Lyon ; que les pourvois formés contre ces ordonnances ont été rejetés par deux arrêts de la Cour de cassation (chambre criminelle) du 3 novembre 2005 ; que la société COLAS RAIL sollicite à titre principal l'annulation de la décision n°09-D-25 de l'Autorité de la concurrence, au motif que l'ordonnance d'autorisation de visites et saisies du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Versailles, en date du 23 juin 2004, est entachée de nullité; que la société VECCHIETTI formule la même demande ; que la société E.T.F. demande elle aussi l'annulation de cette ordonnance, au motif qu'elle autorisait des saisies globales et indéterminées, et que les pièces utilisées au soutien du grief imputé à la société E.T.F. n'entraient pas dans le champ des visites et saisies ainsi autorisées ; que devant la cour d'appel, saisie dans le cadre de l'article L.464-8 du Code de commerce du recours contre la décision de l'Autorité de la concurrence ayant prononcé, à la suite de l'enquête et des opérations ci-dessus rappelées, des sanctions pour des pratiques anticoncurrentielles, la société COLAS RAIL est recevable à contester la régularité de l'ordonnance d'autorisation de visite et saisie du 23 juin 2004 ; qu'en effet, cette faculté a été ouverte par l'article 5 §IV 2ème alinéa de l'ordonnance n°2008-l 161 du 13 novembre 2008, qui dispose : « si l'autorisation de visite et saisie n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation ou si cette autorisation a fait l'objet d'un pourvoi en cassation ayant donné lieu à un arrêt de rejet de la Cour de cassation, un recours en contestation de l'autorisation est ouvert devant la cour d'appel de Paris saisie dans le cadre de l'article L.464-8 du Code de commerce, hormis le cas des affaires ayant fait l'objet d'une décision irrévocable à la date de la publication de la présente ordonnances ; que par contre, se pose la question de la recevabilité de la société E.T.E et de la société VECCHIETTI à former ce recours alors qu'elles n'étaient pas visées par l'ordonnance en question, qu'aucune visite ni saisie n'a eu lieu dans leurs locaux, qu'en revanche des documents saisis leur sont opposés ; qu'en dépit de la formulation du texte instituant ce recours spécial, sans précision quant aux personnes auxquelles il est ouvert, celles-ci ne peuvent être que les personnes visées par l'ordonnance ayant autorisé la saisie, puisqu'il ne s'agit que d'une modalité particulière de l'appel institué par l'article L.450-4 du Code de commerce dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2008-1161 du novembre 2008, destinée à réexaminer des autorisations intervenues dans des affaires n'ayant pas encore abouti à une décision définitive sur le fond ; que les sociétés E.T.F. et VECCHIETTI, qui auraient pu, avant comme après les réformes de l'article 450-4 du Code de commerce opérées en 2008 et 2009, former un recours contre le déroulement des opérations dès qu'elles en ont eu connaissance et au plus tard dans les deux mois de la notification de griefs intervenue le 11 avril 2008 en application du dernier alinéa de cet article, mais n'ont pas usé de cette faculté, ne sont par contre pas recevables à former devant la Cour d'appel de Paris, saisie du recours contre la décision au fond de l'autorité de la concurrence, le recours spécial ouvert par l'article 5 §IV alinéa 2 de l'ordonnance n°2008-1161 du 13 novembre 2008 ; que seules les personnes ayant subi une atteinte au caractère privé de leur domicile ou une mesure coercitive de saisie de documents personnels soient en droit de critiquer les conditions dans lesquelles l'ordonnance d'autorisation a été rendue ; que la personne mise en cause au moyen de pièces saisies au cours des opérations n'est pas quant à elle privée d'un accès équitable au juge, ayant le droit de discuter devant l'autorité de la concurrence, puis éventuellement devant la Cour d'appel de Paris le contenu et la portée des documents qui lui sont opposés » ;
ALORS QU'aux termes de l'article 5 IV, al. 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 si l'autorisation de visite et saisie n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation ou si cette autorisation a fait l'objet d'un pourvoi en cassation ayant donné lieu à un arrêt de rejet de la Cour de cassation, un recours en contestation de l'autorisation est ouvert devant la cour d'appel de Paris saisie dans le cadre de l'article L. 464-8 du Code de commerce, hormis le cas des affaires ayant fait l'objet d'une décision irrévocable à la date de publication de la présente ordonnance ; que, la Cour EDH, dans son arrêt du 21 mai 2008 (Ravon et autres c. France, requête no 18497/03) a dit pour droit que le droit d'accès aux tribunaux, qui doit être concret et effectif (§ 27), implique en matière de visite domiciliaire que les personnes concernées puissent obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur son fondement et que le ou les recours disponibles doivent permettre, en cas de constat d'irrégularité, soit de prévenir la survenance de l'opération, soit, dans l'hypothèse où une opération jugée irrégulière a déjà eu lieu, de fournir à l'intéressé un redressement approprié (§ 28) ; qu'en conséquence, il n'est pas nécessaire qu'une visite ait été ordonnée dans une société pour que celle-ci ait intérêt à contester l'autorisation de visite et de saisie ; qu'il suffit, qu'elle soit présumée s'être livrée aux agissements retenus par le juge pour autoriser la recherche de la preuve ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a donc violé la disposition susvisée, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR rejeté le recours formé par la société COLAS RAIL contre l'ordonnance d'autorisation de visite et saisie rendue le 23 juin 2004 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de VERSAILLES et, en conséquence, rejeté intégralement le recours de la société COLAS RAIL contre la décision n°09-D-25 du 29 juillet 2009 ;
AUX MOTIFS QUE « pour soutenir l'irrégularité de l'ordonnance judiciaire prescrivant la visite, la société COLAS RAIL se fonde en premier lieu sur l'absence d'un contrôle juridictionnel effectif en fait et en droit de cette ordonnance; qu'elle fait valoir en premier lieu qu'à la date à laquelle les opérations litigieuses ont été effectuées, elle n'a pas bénéficié d'un contrôle juridictionnel effectif, au sens de l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH) et comme l'a jugé la Cour européenne des droits de l'homme, notamment dans son arrêt Ravon du 21 février 2008, dans la mesure où le pourvoi en cassation constituait alors la seule voie de recours possible contre la décision d'autorisation de ces opérations ; qu'elle soutient que les dispositions précitées de l'ordonnance du 13 novembre 2008 "ne saurait avoir pour effet de purger rétroactivement cette grave irrégularité", d'abord parce que leur caractère rétroactif est contraire à l'article 1er du protocole additionnel n°l de la CESDH, comme n'étant pas justifié par un "impérieux motif d'intérêt général", ensuite parce que le nouveau dispositif ne satisfait pas non plus aux exigences de la Convention et de la jurisprudence de la Cour européenne au regard d'un recours effectif et du droit à un procès équitable, étant donné que la nouvelle voie de recours est ouverte trop tardivement pour pouvoir offrir un redressement approprié, qu'intervenant après une décision de condamnation prononcée par le Conseil, et devant être jugée par la Cour chargée de se prononcer aussi sur le fond du litige, elle ne permet pas de respecter le principe de l'égalité des armes; qu'enfin la société COLAS RAIL fait valoir que le dispositif instauré par l'article 5 précité de l'ordonnance du 13 novembre 2008 ne constitue pas non plus un recours effectif à défaut d'avoir organisé les modalités d'information des personnes concernées ; que, cependant, même si la seule voie de recours permise à l'époque par l'article L.450-4 du Code de commerce contre l'ordonnance d'autorisation de visites et saisies, à savoir le pourvoi en cassation, pouvait être regardé comme insuffisante pour assurer aux personnes concernées par de telles mesures un accès à un tribunal répondant aux exigences du procès équitable posées par l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et cela nonobstant la possibilité existant à l'époque de contester le déroulement des opérations devant le juge les ayant autorisées, l'exigence d'un recours effectif contre l'autorisation elle-même doit être désormais appréciée au regard de la réforme opérée par l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 ; que tout d'abord la critique tenant à une prétendue rétroactivité injustifiée des nouvelles dispositions n'est pas pertinente de la part d'une personne qui se voit offrir une nouvelle possibilité de contester une décision de justice, auparavant définitive, lui faisant grief ; que cela n'est pas contraire au principe de non rétroactivité des lois nouvelles, fondé sur le souci de la sécurité juridique des citoyens, nullement affectée en l'espèce ; qu'il n'y a ici aucune ingérence critiquable du pouvoir législatif dans l'administration de la justice, mais au contraire un nouvelle garantie juridictionnelle accordée au justiciable, l'issue du nouveau recours pouvant être aussi bien l'annulation que la validation de la saisie administrative ; qu'ensuite, la Cour d'appel de Paris dans le cadre du recours en contestation de l'autorisation de visite et de saisie est tenue d'apprécier en fait et en droit la régularité de la décision du juge des libertés et de la détention au vu des éléments qui lui ont été soumis, ce qui constitue un contrôle juridictionnel effectif ; que les incidences de son intervention à un stade trop avancé de la procédure qui aurait déjà produit des effets irréversibles pourraient le cas échéant engendrer une obligation de réparation, mais sont sans répercussion sur le caractère effectif du recours qui est susceptible d'aboutir à l'annulation des sanctions à la suite de l'annulation de l'autorisation de visite et de saisies ; qu'en effet, la condamnation de la société COLAS RAIL par l'autorité de la concurrence n'est pas définitive, et se trouve remise en cause devant la Cour ; que de plus celle-ci statuera valablement sur les deux recours, sans que cela porte atteinte aux exigences du procès équitable, telles que l'impartialité et l'égalité des armes ; qu'aucun principe ne fait obstacle à ce que le même juge examine successivement la régularité d'une étape de la procédure, puis l'affaire au fond ; qu'enfin, dénier la possibilité d'un procès équitable après une décision de condamnation frappée de recours reviendrait à anéantir le principe même du deuxième degré de juridiction, où les parties sont replacées dans l'état où elle se trouvaient avant la décision frappée de recours ; qu'enfin, les modalités d'exercice du recours exceptionnel étant clairement précisées à l'alinéa 2 du IV de l'ordonnance du 13 novembre 2008 qui fait expressément référence à l'article L.464-8 du Code de commerce, la société COLAS RAIL n'est pas non plus fondée à se prévaloir d'un défaut d'information contrevenant aux exigences de l'article § 1 de la CESDH, du recours qu'elle a d'ailleurs exercé dans les délais requis » ;
1°/ ALORS, d'une part, QUE, le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire du litige ; que la Cour EDH, dans son arrêt du 21 mai 2008 (Ravon et autres c. France, requête no18497/03) a dit pour droit que le droit d'accès aux tribunaux, qui doit être concret et effectif (§ 27), implique en matière de visite domiciliaire que les personnes concernées puissent obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur son fondement et que le ou les recours disponibles doivent permettre, en cas de constat d'irrégularité, soit de prévenir la survenance de l'opération, soit, dans l'hypothèse où une opération jugée irrégulière a déjà eu lieu, de fournir à l'intéressé un redressement approprié (§ 28) ; que la mesure transitoire édictée par l'article 5 IV, al. 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, en ce qu'elle permet à la société dont le pourvoi à l'encontre de l'autorisation de visite et de saisie a été rejeté, d'exercer à l'encontre de ladite autorisation un recours en contestation devant la Cour d'appel de Paris, a pour effet de valider l'irrégularité intrinsèque de cette même autorisation, laquelle, antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 13 novembre 2008, pouvait seulement faire l'objet d'un pourvoi ne constituant pas un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur son fondement, comme la Cour EDH l'a dit pour droit ; que cette mesure transitoire forme donc la matière d'une ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement du litige, qui ne peut se justifier que par d'impérieux motifs d'intérêt général ; qu'en décidant du contraire, par des motifs inopérants déduits de l'institution par le législateur d'un nouveau recours, la Cour d'appel a violé l'article de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ ALORS, d'autre part, QUE (subsidiaire), la Cour EDH, dans son arrêt du 21 mai 2008 (Ravon et autres c. France, requête no 18497/03) a dit pour droit que le droit d'accès aux tribunaux, qui doit être concret et effectif (§ 27), implique en matière de visite domiciliaire que les personnes concernées puissent obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur son fondement et que le ou les recours disponibles doivent permettre, en cas de constat d'irrégularité, soit de prévenir la survenance de l'opération, soit, dans l'hypothèse où une opération jugée irrégulière a déjà eu lieu, de fournir à l'intéressé un redressement approprié (§ 28) ; que la mesure transitoire édictée par l'article 5 IV, al. 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, qui permet à la société dont le pourvoi à l'encontre de l'autorisation de visite et de saisie a été rejeté, d'exercer à l'encontre de ladite autorisation un recours en contestation devant la Cour d'appel de Paris, ne répond pas aux exigences d'un procès équitable, en ce que ce recours, octroyé à la société poursuivie après la décision de condamnation prise par l'Autorité de la concurrence, ne saurait fournir à cette société un redressement approprié ; que seule l'institution d'un recours en contestation avant la notification des griefs est de nature à fournir à la société poursuivie un redressement approprié ; qu'en effet, la notification des griefs a obligé la société, pour sa défense, à engager des frais, et a eu un impact sur ses comptes sociaux en termes de risques, les recommandations de l'AMF sur les facteurs de risque, imposant à la société de mentionner dans son rapport de gestion « les enjeux et les contraintes liés à la législation et à la règlementation spécifiques à l'exercice de son activité du fait, par exemple, de l'existence d'une réglementation sectorielle, … , d'obligations professionnelles ou de règles déontologiques pouvant notamment conduire à … une sanction d'une autorité administrative », la société étant, en outre, tenue de préciser si ces risques sont susceptibles de générer des conséquences pénales et/ou civiles, des pertes de marché, d'image ou de notoriété ; que la société subit également une atteinte à son image et sa notoriété, du fait de la publication annuelle de son rapport de gestion, la décision de condamnation prise par l'Autorité de la concurrence étant exécutoire, et assortie d'un communiqué de presse ; que ces effets négatifs, ne peuvent, suivant les prévisions du législateur, donner lieu à réparation, nonobstant l'annulation par la Cour d'appel de Paris saisie d'un recours en contestation, de l'autorisation de visite et de saisie et par voie de conséquence de la décision de condamnation prise par l'Autorité de la concurrence ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ ALORS, de troisième part, QUE (subsidiaire), le principe de l'égalité des armes - l'un des éléments de la notion plus large de procès équitable - requiert que chaque partie se voit offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à la partie adverse ; que la mesure transitoire édictée par l'article 5 IV, al. 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, qui permet à la société dont le pourvoi à l'encontre de l'autorisation de visite et de saisie a été rejeté, d'exercer à l'encontre de ladite autorisation un recours en contestation devant la Cour d'appel de Paris, ne répond pas aux exigences d'un procès équitable, en ce que ce recours, octroyé à la société poursuivie après la décision de condamnation prise par l'Autorité de la concurrence, emporte rupture de l'égalité des armes, dès lors que la Cour d'appel de Paris, saisie d'un recours en contestation à l'encontre de l'autorisation de visite et de saisie statue, dans le même temps, sur le recours au fond contre la décision de condamnation rendue par l'Autorité de la concurrence, laquelle s'est appuyée sur une présomption de régularité de l'ordonnance d'autorisation ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ ALORS, enfin, QUE (subsidiaire), l'article 5 IV, al. 2 de l'ordonnance du 13 novembre 2008 ne prévoit aucune information relative à la voie de recours offerte à la société poursuivie contre l'ordonnance d'autorisation de visite et de saisie, en sorte que ledit recours n'est pas effectif au sens de l'article 6 de la Convention EDH ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR rejeté le recours formé par la société COLAS RAIL contre l'ordonnance d'autorisation de visite et saisie rendue le 23 juin 2004 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Versailles et, en conséquence, rejeté intégralement le recours de la société COLAS RAIL contre la décision n° 09-D-25 du juillet 2009 ;
AUX MOTIFS QUE « la société COLAS RAIL critique en second lieu les conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Versailles a accordé l'autorisation sollicitée; que selon elle les éléments communiqués au juge ne permettaient pas de caractériser des présomptions suffisantes de pratiques anticoncurrentielles, que notamment la prétendue forte augmentation des prix ne pouvait pas constituer une présomption car n'étant pas imputable aux entreprises, que de même le déroulement des trois marchés examinés par l'ordonnance ne permettait pas de présumer l'existence de pratiques anticoncurrentielles, qu'en tout cas les éléments fournis par l'administration ne pouvaient pas fonder des mesures qui doivent rester exceptionnelles en raison de leur caractère coercitif et attentatoire aux droits fondamentaux à la protection du domicile ; que l'article L.450-4 du Code de commerce, dans sa rédaction en vigueur à la date du 23 juillet 2004, disposait : « le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information de nature à justifier la visite» ; qu'en l'espèce l'ordonnance critiquée, après l'énumération complète des documents, répartis en 6 annexes, présentés avec la requête, contient une analyse détaillée : de documents relatifs à un appel d'offres pour la rénovation de la voie ferrée Cannes-Grasse qui, confrontés aux explications d'un membre de la commission de contrôle économique et financier des transports, ont légitimement permis au juge d'en déduire une présomption d'atteinte au libre jeu de la concurrence dans le déroulement de cet appel d'offres, de documents relatifs à la passation d'un marché de travaux pour la réfection de la ligne n°6 du métro parisien, dont le juge a pu raisonnablement déduire des soupçons de concertation sur des prix supérieurs aux prix concurrentiels et sur une répartition de marchés, de documents relatifs à un marché de travaux ferroviaires passé par le Conseil général de l'Isère, montrant notamment des incohérences tarifaires dans les offres des entreprises et d'autres détails concrets pouvant constituer une présomption de l'existence d'une offre de couverture et d'une entente entre les soumissionnaires ; que peu importe l'existence d'autres causes possibles, relevées par les requérantes comme pouvant expliquer les fortes hausses des prix dans le secteur, ce fait n'étant pas de nature à ôter toute force aux présomptions retenues par le juge de l'autorisation, qui à la différence du juge du fond n'a pas besoin que soient démontrés les manquements aux règles de la concurrence ; que d'ailleurs le document invoqué à ce propos par la société COLAS RAIL a été remis aux enquêteurs seulement le 12 octobre 2004 lors de l'audition d'un directeur de la société TSO (document 11 coté 850 à 902) ; qu'enfin, que les visites et saisies autorisées dans des locaux d'entreprises par l'ordonnance du 23 juillet 2004 ne présentaient pas un caractère disproportionné par rapport au trouble à l'ordre public économique engendré par une entente comme celle alors suspectée dans le secteur des travaux ferroviaires ; que, par conséquent, contrairement à ce que soutient la société COLAS RAIL, le juge des libertés et de la détention a autorisé l'administration à faire procéder aux visites et saisies en satisfaisant à son obligation de contrôle de la requête qui lui était présentée dans les conditions fixées par les dispositions de l'article L.450-4 du Code de commerce, en s'assurant de sa recevabilité, et de son bien fondé au vu du caractère suffisant des présomptions avancées ; que sa demande d'annulation de l'ordonnance du 23 juin 2004 n'est donc pas justifiée » ;
ALORS QUE, la Cour d'appel de PARIS, en charge d'effectuer le contrôle juridictionnel de l'ordonnance d'autorisation de visite et de saisie, par l'effet des dispositions transitoires issues de l'article 5 IV, al. 2, de l'ordonnance 2008-1161 du 13 novembre 2008 doit contrôler en fait et en droit ladite ordonnance sans pouvoir se borner à en vérifier la régularité formelle, pour vérifier, comme le prévoit l'article L. 450-4 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable en l'espèce, si la demande d'autorisation qui a été soumise au juge des libertés et de la détention est fondée ; que la Cour d'appel s'est bornée à retenir que l'ordonnance d'autorisation querellée, énumère les documents présentés par l'administration et en contient une analyse détaillée ; qu'en statuant ainsi, se contentant d'un simple contrôle formel de l'ordonnance litigieuse, sans procéder à son analyse en fait et en droit, pour en faire ressortir la régularité intrinsèque, ce qui impliquait l'analyse concrète des faits énoncés dans l'ordonnance, ainsi que les documents qui y étaient cités, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 450-4, al. 6 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de l'article 1er de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, l'article L. 450-4, al. 2 du même Code, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.