Sur le moyen unique :
Vu l'article 1094-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 ;
Attendu que, par testament olographe du 10 décembre 1993, Paul X... a légué à Mme Y..., alors sa concubine, et à Mmes Elodie et Jessica X..., leurs deux enfants (les consorts X...), " l'usufruit total de toutes mes propriétés à Marignana et Porto " ; que, le 7 septembre 1994, il a épousé Mme Y... ; qu'il est décédé le 10 juillet 1995 en laissant pour lui succéder les consorts X... et Mmes Marie-Louise X..., épouse Z... et Michèle X..., épouse A..., ses deux autres filles issues d'un précédent mariage ; que, par acte du 7 février 1997, Mmes Z... et A... ont fait assigner les consorts X... en ouverture de la succession ;
Attendu que pour dire que Mme Y... ne peut prétendre qu'à un tiers de l'usufruit afférent aux biens litigieux après application des règles de réduction au regard de la quotité disponible, l'arrêt énonce que la libéralité litigieuse de Paul X..., en date du 10 décembre 1993, ne peut s'inscrire " dans le cadre " des règles prévues par l'article 1094-1 du code civil, qui ne concernent que les dispositions entre époux, soit par contrat de mariage soit pendant le mariage, exclusion faite de celles effectuées au profit d'un concubin, et que, par conséquent, cette libéralité dont a bénéficié Mme Y... avant son mariage ne peut être appréhendée qu'au visa des articles 913 et suivants du même code dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 ;
Qu'en statuant ainsi, quand le bénéfice de la libéralité ne pouvait être dévolu à l'épouse avant le décès du testateur, ce dont il résulte que les règles édictées par le texte susvisé avaient vocation à s'appliquer, la cour d'appel l'a violé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les dispositions testamentaires de Paul André X... en date du 10 décembre 1993 ne peuvent être exécutées en application de l'article 1094-1 du code civil, mais sont soumises aux règles des articles 923 et suivants et 767 du code civil dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, en ce qui concerne les droits du conjoint survivant et dit en conséquence que les droits d'usufruit de Mme Y... veuve X..., Mme Elodie X... épouse B... et Mme Jessica X... porteront sur un tiers chacun sur les biens situés à Marignana et Porto, avec application des règles de réduction au regard de la quotité disponible et de la réserve des héritiers qui en sont bénéficiaires, l'arrêt rendu le 7 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Mmes A... et Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour Mme Y... veuve X....
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que les dispositions testamentaires de Monsieur X... en date du 10 décembre 1993 ne peuvent être exécutées en application de l'article 1094-1 du code civil mais sont soumises aux règles des articles 923 et suivants et 767 du code civil dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 en ce qui concerne les droits du conjoint survivant et qu'en conséquence, les droits d'usufruit de Mesdames Y..., B... et X... porteront sur un tiers chacune sur les biens situés à Marignana et Porto avec application des règles de réduction au regard de la quotité disponible et la réserve des héritiers qui en sont bénéficiaires,
AUX MOTIFS QUE le testament du 10 décembre 1993 produit aux débats établi à une période où le défunt n'était pas encore marié avec Madame Y... est ainsi rédigé « je soussigné donne droit à ma femme Y... Chantal Armelle née le 13 janvier 1954 et à mes filles Elodie et Jessica l'usufruit total de toutes mes propriétés de Marignana et de Porto » ; que l'article 1010 du code civil dispose que le legs à titre universel est celui par lequel le testateur lègue une quote part des biens dont la loi lui permet de disposer, telle une moitié, un tiers ou tous ses immeubles ou tout son mobilier ou une quotité fixe de tous ses immeubles et de tout son mobilier ; que la libéralité résultant de ce testament tant au profit de Madame Y... que de ses filles doit donc être analysée comme un legs à titre universel compte tenu de la donation faite par le défunt le 22 avril 1993 au profit de ces dernières de la nue propriété des deux appartements situés à Ajaccio alors qu'il n'est pas contesté par les parties au vu du rapport d'expertise déposé par Madame D... expert, que la masse à partager ne comporte aucun autre bien immobilier ; que quand bien même en rédigeant ce document, le testateur a considéré Madame Y... comme étant déjà sa femme, alors que le mariage ne les a unis que le 7 septembre 1994, cette dénomination pouvant s'expliquer du fait de leur vie commune à cette période depuis le décès de Madame E... précédente compagne du défunt elle-même décédée en 1981, il ne peut être retenu contrairement à l'analyse du jugement querellé que cette libéralité puisse s'inscrite dans le cadre des règles prévues par l'article 1094-1 du code civil qui ne concernent que les dispositions entre époux soit par contrat de mariage soit pendant le mariage exclusion faite par conséquent de celles effectuées au profit d'un concubin même si celui-ci est présenté par le testateur avec lequel il vit comme bénéficiant du même statut que celui d'une épouse ; que par conséquent, la libéralité dont a bénéficié Madame Y... avant son mariage ne peut être appréhendée qu'au visa des dispositions prévues par les articles 913 et suivants du code civil dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 relatives à la quotité disponible en matière de libéralités dont il résulte que les libéralités par testament ne peuvent excéder le quart des biens du disposant en présence d'un moins trois enfants et par l'article 767 du code civil dans sa rédaction ancienne qui dispose que le droit du conjoint survivant qui ne succède pas en pleine propriété porte sur le quart de l'usufruit de la masse à partager du fait de la présence de descendants ; qu'en ce sens, le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a dit que le testament du 10 décembre 1993 donnait droit en faveur de Madame Y... à la totalité des biens du défunt en usufruit en application de l'article 1094-1 du code civil,
ALORS QUE la qualité de conjoint survivant du de cujus s'apprécie à la date d'ouverture de la succession ; que par testament du 10 décembre 1993, Monsieur X... avait légué à « sa femme » née Chantal Y..., qu'il devait épouser quelques mois plus tard, et à ses fille issues de cette union, « l'usufruit de toutes ses propriétés » ; que pour écarter l'application de l'article 1094-1 du code civil au testament du 10 décembre 1993, la cour d'appel a retenu qu'il ne pouvait être considéré comme une libéralité entre époux dès lors qu'à cette date, Madame Y... n'était pas encore l'épouse de Monsieur X... ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1094-1 du code civil.