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25/10/2011 | FRANCE | N°11-84485

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 octobre 2011, 11-84485


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Kamel X...,- M. Khalid Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 24 mai 2011, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs, pour le premier, d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, en récidive, pour le second, de complicité d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a prononcé sur leurs requêtes en annulation de pièces de

la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Kamel X...,- M. Khalid Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 24 mai 2011, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs, pour le premier, d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, en récidive, pour le second, de complicité d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a prononcé sur leurs requêtes en annulation de pièces de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 31 août 2011, joignant les pourvois en raison de la connexité et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits, communs aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 161-1, 167, 171, 173-1, 206, 593 et 802 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que la chambre de l'instruction a déclaré irrecevables comme forcloses les requêtes en nullité d'expertise vocale déposées par MM. Y... et X... ;
"aux motifs que MM. Y... et X... font valoir que les ordonnances susvisées devraient être annulées les prescriptions de l'article 161-1 du code de procédure pénale n'ayant pas été scrupuleusement suivies ; qu'en effet, en vertu de celles-ci les ordonnances auraient dû leur être immédiatement notifiées ce qui était de nature à leur conférer un délai de dix jours pour demander au juge d'instruction de modifier ou de compléter les questions posées à l'expert ou d'adjoindre à celui désigné, un expert de leur choix inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article 157 du code de procédure pénale ; que si ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les opérations d'expertise et le dépôt des conclusions par l'expert doivent intervenir en urgence et ne peuvent être différées pendant le délai de dix jours prévu ou lorsque la communication risque d'entraver l'accomplissement des investigations, en l'espèce, l'urgence n'est aucunement caractérisée et ne figure pas au demeurant sur l'ordonnance dite complémentaire du 11 juin 2011 ; qu'il convient d'observer que les ordonnances critiquées sont indivisibles en ce que celle du 4 juin 2010 définit la mission de l'expert et précise qu'il procédera au recueil des échantillons de voix au cabinet du juge d'instruction et énonce les scellés constituant les pièces de question ; que celle du 11 juin qualifiée d'expertise complémentaire fait expressément référence à la précédente et concerne uniquement l'envoi de quatre scellés supplémentaires et mentionne que ceux-ci sont « nécessaires à l'accomplissement de votre mission telle que définie dans notre ordonnance du 04.06.2010 » ; que l'ordonnance du 21 octobre 2010 également qualifiée d'expertise complémentaire renvoie aussi pour la définition de la mission aux deux ordonnances précédentes et concerne également la transmission à l'expert de deux scellés supplémentaires ; qu'au demeurant, ces trois ordonnances ont bien évidemment donné lieu à un unique pré-rapport notifié aux parties le 13 décembre 2010 et suivi d'un rapport définitif notifié le 12 janvier 2011, leur impartissant un délai de 20 jours pour solliciter toute contre expertise qu'ils jugeraient utiles ; que les requérants font valoir qu'ils se sont volontairement abstenus de solliciter une telle mesure dès lors qu'ils entendaient contester purement et simplement la validité des ordonnances de commission d'expert ; qu'ils ajoutent l'avoir fait valablement dans le délai de la première notification de l'article 175 du code de procédure pénale ; que toutefois, aux termes de l'article 173-1 du code de procédure pénale, la personne mise en examen doit, à peine d'irrecevabilité, faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant chacun de ses interrogations, dans le délai de six mois ; qu'en l'espèce, s'agissant de la désignation de l'expert et des nullités relatives à la procédure suivie, le délai de forclusion a nécessairement commencé à courir lors des interrogatoires du 3 septembre 2010 ayant pour unique objet, le prélèvement de la voix des mis en examen, le juge visant expressément les ordonnances de commission d'expert initiale et complémentaire des 4 et 11 juin 2010 ;qu'en effet, après avoir indiqué aux intéressés que l'expert désigné allait procéder en sa présence à des prélèvements vocaux selon la méthode explicitée de captation de voix au cours d'une conversation, puis lors de la répétition de phrases sélectionnées et extraites des conversations téléphoniques interceptées dont la liste était annexée au procès-verbal, tant M. Y... que MM. X... et Z... ont indiqué avoir compris le processus auquel ils allaient être soumis ; qu'à l'issue des opérations, invités à faire connaître leurs éventuelles observations, si l'avocat de M. Z... a indiqué n'avoir rien à dire, l'avocat de M. X... après avoir critiqué la façon de procéder de l'expert a précisé « M. X... s'est prêté à l'expertise vocale, cependant il émet toutes réserves sur la régularité de ladite expertise, considérant qu'il n'a pas été consulté sur la mission expertale. Le fait de s'y soumettre ne constitue en aucune manière une renonciation à toute action susceptible d'être diligentée de ce chef » ; que de la même façon, le conseil de Khalid Y... a déclaré « Monsieur Y... a adhéré au principe de cette expertise il y a plus d'un an (juillet 2009). Nous sommes donc satisfaits de cette expertise que nous trouvons tardive. En revanche, ma présence et celle de Khalid Y... aujourd'hui ne valent pas approbation de la procédure qui a été suivie au regard des dispositions de l'article 161-1 du code de procédure pénale » ; qu'il en résulte que la nullité de l'ordonnance du 4 juin 2010 et des ordonnances indivisibles des 11 juin et 21 octobre aurait dû être soulevée avant le 3 mars 2011 ; que les requêtes formées par MM. Y... et X... sont irrecevables comme tardives pour avoir été seulement déposées le 26 avril 2011 , qu'ils ne sauraient sans contradiction prétendre que c'est seulement après la notification du prérapport et du rapport définitif qu'ils ont su que l'irrégularité initiale leur faisait grief, tout en considérant que les possibilités de contre-expertise ou de nouvelle expertise offertes par l'article 167 du code de procédure pénale n'étaient pas de nature à suppléer le non respect des dispositions de l'article 161-1 ; qu'au surplus, et à titre surabondant, il y a lieu de relever qu'elles s'inscrivent à l'évidence dans une attitude purement dilatoire des mis en examen ; qu'en effet les dispositions de l'article 161-1 du code de procédure pénale ont pour objet l'introduction de sa mission et non plus seulement au moment du dépôt du prérapport et du rapport définitif ; que cependant à aucun moment les mis en examen qui avaient affirmé, au magistrat instructeur, accepter de se soumettre à une expertise vocale, puis se sont félicités de l'organisation de celle-ci, tout en déplorant son caractère tardif, n'ont mis à profit la notification du pré-rapport, puis du rapport définitif pour former la moindre demande de contre expertise ; qu'ils ne démontrent aucunement qu'il ait été porté atteinte aux droits de la défense, quand bien même il n'est pas justifié dans les ordonnances critiquées, des circonstances autorisant le juge d'instruction à viser l'urgence et de l'impossibilité en tout état de cause de différer de 10 jours la désignation de l'expert et le dépôt du rapport ; qu'en outre, tant M. Y... que M. X... ont eu parfaite connaissance de l'ordonnance désignant Monsieur A... et fixant sa mission pour en avoir exigé la production devant le juge des libertés et de la détention le 8 juin 2010 à l'occasion d'un débat contradictoire portant sur la prolongation de la détention provisoire des intéressés, alors qu'ils faisaient valoir que le dossier de la procédure était incomplet, ladite ordonnance ne leur ayant pas été notifiée ; que dès lors, rien ne justifie leur inaction prolongée jusqu'au terme ultime de la procédure ;

"1°) alors que le délai de forclusion institué par l'article 173-1 du code de procédure pénale ne peut commencer à courir avant que la personne mise en examen puisse agir en nullité ; que la personne mise en examen ne peut solliciter la nullité d'une expertise que si cette expertise porte atteinte à ses intérêts ; qu'en l'espèce, les mis en examen n'ont eu intérêt à demander la nullité de l'expertise prescrite en violation des dispositions de l'article 161-1 du code de procédure pénale qu'une fois le résultat de cette expertise connu ; que le délai de six mois n'a commencé à courir qu'à compter de ce jour ; qu'en décidant que les mis en examen devaient invoquer la nullité de l'expertise dans les six mois à compter des ordonnances aux fins d'expertise, avant même de savoir s'ils avaient intérêt à contester le résultat de l'expertise, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
"2°) alors que, selon l'article 161-1 du code de procédure pénale, le juge d'instruction adresse sans délai copie de la décision ordonnant une expertise au procureur de la République et aux avocats des parties, qui disposent d'un délai de dix jours pour lui demander de modifier ou compléter les questions posées à l'expert, ou d'adjoindre à l'expert ou aux experts déjà désignés, un expert de leur choix ; qu'en application de l'alinéa 3 de ce texte, il ne peut être dérogé à cette obligation que lorsque les opérations d'expertise et le dépôt des conclusions par l'expert doivent intervenir en urgence et ne peuvent être différés pendant le délai de dix jours susvisé ; que la méconnaissance de ces dispositions, en particulier l'absence de caractérisation de l'urgence, porte nécessairement atteinte aux droits de la défense sans qu'il puisse être opposé, comme l'a fait la chambre de l'instruction, que le mis en examen a eu ultérieurement connaissance de l'existence de l'expertise ordonnée non contradictoirement, et qu'il aurait pu solliciter une contre-expertise ou une nouvelle expertise" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans l'information suivie contre MM. X... et Y... des chefs susvisés, le juge d'instruction a ordonné, le 4 juin 2010, une expertise vocale afin de déterminer si les mis en examen étaient les locuteurs apparaissant dans les conversations téléphoniques enregistrées par les enquêteurs et placées sous scellés ; que, par ordonnances des 11 juin 2010 et 21 octobre 2010, le juge d'instruction a transmis à l'expert des scellés supplémentaires, nécessaires à l'accomplissement de sa mission ; que, le 3 septembre 2010, le magistrat instructeur a procédé à l'enregistrement des voix des deux mis en examen ; que, le 26 avril 2011, les avocats de ces derniers ont présenté des requêtes en annulation des ordonnances précitées ainsi que des pré-rapport et rapport subséquents, en soutenant que les dispositions de l'article 161-1 du code de procédure pénale n'avaient pas été respectées lors de la désignation de l'expert ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables, comme tardives, ces requêtes, l'arrêt énonce que celles-ci ont été présentées plus de six mois après les interrogatoires du 3 septembre 2010, qui avaient pour unique objet l'enregistrement des voix de MM. X... et Y... en exécution de l'ordonnance du 4 juin 2010, sur la régularité de laquelle les avocats des mis en examen émettaient les plus expresses réserves au regard des dispositions de l'article 161-1 du code de procédure pénale ; que les juges en concluent que la nullité de l'ordonnance du 4 juin 2010 et des ordonnances indivisibles en date des 11 juin et 21 octobre 2010 aurait dû être invoquée avant le 3 mars 2011 ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que l'intérêt à agir des demandeurs était né avant que leur soient notifiées les conclusions du pré-rapport et du rapport d'expertise, la chambre de l'instruction a justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 173-1 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Beauvais conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-84485
Date de la décision : 25/10/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de la procédure - Annulation d'actes - Demande de la personne mise en examen - Recevabilité - Article 173-1 du code de procédure pénale - Forclusion - Délai - Point de départ - Détermination

Il résulte des dispositions de l'article 173-1 du code de procédure pénale que, sous peine d'irrecevabilité, la personne mise en examen doit faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant un interrogatoire dans un délai de six mois à compter de cet interrogatoire, sauf dans le cas où elle n'aurait pu les connaître. Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui, pour déclarer irrecevables des requêtes, présentées le 26 avril 2011 aux fins d'annulation d'une ordonnance d'expertise du 4 juin 2010 et de deux ordonnances complémentaires et indivisibles, constate que lesdites requêtes ont été déposées plus de six mois après des interrogatoires des mis en examen, en date du 3 septembre 2010, au cours desquels leurs avocats avaient émis les plus expresses réserves sur la régularité de la désignation de l'expert. L'intérêt à agir des demandeurs est né dès la constatation de l'irrégularité invoquée et non au moment de la notification des pré-rapport et rapport d'expertise


Références :

article 173-1 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, 24 mai 2011

Sur la détermination du point de départ du délai de forclusion d'une demande d'annulation d'actes, en application de l'article 173-1 du code de procédure pénale, à rapprocher :Crim., 29 octobre 2003, pourvoi n° 03-84459, Bull. crim. 2003, n° 202 (cassation) ;Crim., 23 août 2005, pourvois n° 04-84.771, 03-87.719 et 05-83.529, Bull. crim. 2005, n° 209 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 oct. 2011, pourvoi n°11-84485, Bull. crim. criminel 2011, n° 215
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2011, n° 215

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Charpenel
Rapporteur ?: M. Beauvais
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:11.84485
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