LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 24 juin 2010), que les consorts X... ont donné à bail à M. Y... deux parcelles de vignes ; que confronté au dépérissement, sur une des parcelles, de près des deux tiers des pieds de vigne, le preneur a fait connaître à ses cocontractants sa volonté de mettre un terme à la location ; que les consorts X... ont assigné leur locataire aux fins de lui voir ordonner de poursuivre l'exécution du bail, lequel locataire a demandé sa résiliation sur le fondement de l'article L. 411-30 du code rural ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'accueillir la demande de résiliation alors, selon le moyen :
1°/ que la résiliation d'un bail rural, à la demande du preneur pour perte d'un bien compris dans le bail, par cas fortuit ne peut être demandée que s'il s'agit d'un bâtiment dont la destruction compromet gravement l'équilibre économique de l'exploitation et si ce bâtiment n'est pas reconstruit ; que, dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, pour prononcer la résiliation du bail, à la demande du preneur, la cour d'appel a procédé d'une violation de l'article L. 411-30 du code rural ;
2°/ que la résiliation du bail à la demande du preneur ne peut être prononcée que si l'équilibre économique de l'ensemble de l'exploitation assurée par le preneur est gravement compromis, qu'il s'agisse des terres incluses ou non dans le bail ; que dès lors, en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que la notion d'équilibre de l'exploitation s'étendait de l'exploitation du seul bien loué, et non de l'ensemble de l'exploitation du preneur, la cour d'appel a de nouveau procédé d'une violation de l'article L. 411-30-II et III du code rural ;
3°) que retenant qu'une partie des biens loués avait été détruite en raison de la survenance d'un événement imprévisible et irrésistible, sans même rechercher si le traitement générateur de la destruction d'une partie des pieds de vigne ne résultait pas soit de l'intervention directe du preneur, soit d'un manque de précaution de ce dernier, de sorte que le « cas fortuit » visé à l'article L. 411-30 n'était pas établi, la cour d'appel n'a pas de ce chef encore, légalement, justifié sa décision au regard du même texte et de l'article 1768 du code civil ;
4°/ qu'en statuant encore comme elle l'a fait, tout en constatant que seule la parcelle ZB 44 avait été partiellement dégradée, à l'exclusion de l'autre parcelle comprise dans les biens donnés à bail, cadastrée ZD 17 et sans rechercher si la mise en valeur de cette seule parcelle ne permettait pas au preneur de poursuivre le bail sur cette parcelle, de sorte que la résiliation totale du bail ne pouvait être prononcée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 411-30 II et III du code rural et de la pêche maritime ;
5°/ qu'en s'abstenant de répondre au chef des conclusions des bailleurs qui faisaient valoir qu'ils étaient disposés à prendre à leur charge les frais et travaux de remise en état de la parcelle partiellement détruite, ce qui correspondait à la reconstruction visée à l'article L. 411-30-III, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que les dispositions de l'article L. 411-30 du code rural et de la pêche maritime sont applicables à toute destruction affectant un bien compris dans le bail ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant relevé qu'il était établi, sans que puisse être imputé au preneur un manque de soin, qu'en raison de la survenance d'un événement imprévisible et irrésistible, une partie des plants de vigne avait été détruite et que l'équilibre économique de l'exploitation des biens loués était gravement compromis, la cour d'appel, qui a retenu à bon droit que la notion d'équilibre économique de l'exploitation au sens de l'article L. 411-30 du code rural s'entendait de l'exploitation du bien loué et non de l'ensemble de l'exploitation du preneur, a, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, exactement déclaré le locataire fondé en sa demande de résiliation du bail litigieux, sans opérer de distinction entre les parcelles louées selon qu'elles avaient ou non subi une destruction des plants ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen ci-après annexé :
Attendu que les consorts X... ayant sollicité, dans leurs conclusions, la condamnation de leur locataire à leur payer une certaine somme " pour le fermage de l'année 2009 ", la cour d'appel, après avoir retenu que la résiliation devait prendre effet à compter du 30 novembre 2008, a justement rejeté cette demande dépourvue d'ambiguïté comme liée à la poursuite du bail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts X... à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des consorts X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour les consorts X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que M. Y... était bien fondé à invoquer les dispositions de l'article L. 411-30 du Code rural et qu'il était en droit de solliciter la résiliation du bail relatif aux parcelles sises sur le territoire de la commune de VILLERS LA FAYE, cadastrées ZB 44, lieudit « Le Bois defend » et ZD 17 « Le Bois de manche » ;
AUX MOTIFS QUE par lettre du 15 mai 2008 Monsieur Y... a informé les consorts X... de sa volonté de mettre fin au bail, à compter du 30 novembre 2008 après la vendange 2008, au motif que 1072 pieds de vigne étaient détériorés ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 411-30 et III du Code rural que cette résiliation n'est possible que si la détérioration résulte d'un cas fortuit, mettant sérieusement en péril l'équilibre économique de l'exploitation ; que la cause de la cessation du bail, dans cette hypothèse, est la destruction de son objet, à savoir un bien pouvant être exploité et mis en valeur ; qu'il s'ensuit que la notion d'équilibre économique de l'exploitation s'entend de l'exploitation du bien et non de l'ensemble de l'exploitation du preneur ; qu'en l'espèce, il ressort du compte-rendu établi le 16 juin 2008 par M. Z... expert viticole mandaté par la société d'assurance GROUPAMA , que 1072 plants de nature pinot noir, de la parcelle cadastrée ZB 44 lieudit « Le Bois de défend » en comportant 1548, ont été détruits, qu'ils auraient subi un traitement à base de glyphosate herbicide, qui, utilisé à forte dose sur la vigne, produit la destruction des plants ; que force est de constater que les consorts X... ne produisent aucune pièce infirmant le document susvisé ; que dans ces conditions, il est établi sans que puisse être imputé au preneur un manque de soins, qu'en raison de la survenance d'un événement imprévisible et irrésistible, une partie des biens loués a été détruite ; que selon une étude réalisée par l'association de gestion et de comptabilité de COTE D'OR, le 2 juillet 2008, d'une part, le coût des travaux de remise en état de la parcelle litigieuse, hors replantation s'élève à 2 884 euros ; d'autre part, la perte de récolte totale pour 2008 et 2009, d'un tiers pour 2010, représente un manque à gagner de 19 326 euros ; qu'au vu de ces éléments, il est avéré que l'équilibre économique de l'exploitation du bien est gravement compromis ; que les conditions posées par l'article L. 411-30 du Code rural sont réunies ;
ALORS , D'UNE PART, QUE la résiliation d'un bail rural, à la demande du preneur pour perte d'un bien compris dans le bail, par cas fortuit ne peut être demandée que s'il s'agit d'un bâtiment dont la destruction compromet gravement l'équilibre économique de l'exploitation et si ce bâtiment n'est pas reconstruit ; que, dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, pour prononcer la résiliation du bail, à la demande du preneur, la Cour d'appel a procédé d'une violation de l'article L. 411-30 du Code rural ;
ALORS, D'AUTRE PART, ET A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE la résiliation du bail à la demande du preneur ne peut être prononcée que si l'équilibre économique de l'ensemble de l'exploitation assurée par le preneur est gravement compromis, qu'il s'agisse des terres incluses ou non dans le bail ; que dès lors, en retenant pour statuer comme elle l'a fait que la notion d'équilibre de l'exploitation s'étendait de l'exploitation du seul bien loué, et non de l'ensemble de l'exploitation du preneur, la Cour d'appel a de nouveau procédé d'une violation de l'article L. 411-30-II et III du Code rural ;
ALORS, EN OUTRE, QU'en retenant qu'une partie des biens loués avait été détruite en raison de la survenance d'un événement imprévisible et irrésistible, sans même rechercher si le traitement générateur de la destruction d'une partie des pieds de vigne ne résultait pas soit de l'intervention directe du preneur, soit d'un manque de précaution de ce dernier, de sorte que le « cas fortuit » visé à l'article L. 411-30 n'était pas établi, la Cour d'appel n'a pas de ce chef encore , légalement, justifié sa décision au regard du même texte et de l'article 1768 du Code civil ;
ALORS, AU SURPLUS, QU'en statuant encore comme elle l'a fait, tout en constatant que seule la parcelle ZB 44 avait été partiellement dégradée, à l'exclusion de l'autre parcelle comprise dans les biens donnés à bail, cadastrée ZD 17 et sans rechercher si la mise en valeur de cette seule parcelle ne permettait pas au preneur de poursuivre le bail sur cette parcelle, de sorte que la résiliation totale du bail ne pouvait être prononcée, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 411-30 II et III du Code rural et de la pêche maritime ;
ALORS, ENFIN, QU'en s'abstenant de répondre au chef des conclusions des bailleurs qui faisaient valoir qu'ils étaient disposés à prendre à leur charge les frais et travaux de remise en état de la parcelle partiellement détruite, ce qui correspondait à la reconstruction visée à l'article L. 411-30-III, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Monsieur Y... était bien fondé à invoquer les dispositions de l'article L411-30 du code rural et d'avoir débouté les consorts X... de leur demande.
Sans répondre au moyen tiré de ce que les consorts X... étaient bien fondés à demander à la cour d'appel de condamner Monsieur Y... au paiement du fermage dont il était redevable au titre de l'année 2008 payable en novembre 2009.
Alors qu'en statuant comme elle l'a fait sans aucunement motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du CPC.