Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Moïse X...,
- M. Pierre Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 8-2, en date du 3 novembre 2010, qui, notamment pour association de malfaiteurs, vols aggravés, extorsion et destruction du bien d'autrui, les a condamnés, le premier à trois ans d'emprisonnement, le second à cinq ans d'emprisonnement, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par Me Blondel pour M. X..., pris de la violation de l'article 503-1 du code de procédure pénale, violation de l'article 593 du même code, ensemble violation de l'article préliminaire du code de procédure pénale, méconnaissance des exigences de la défense et violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme :
" en ce que l'arrêt attaqué est un arrêt contradictoire à signifier en ce qui concerne le prévenu M. X... qui a été déclaré coupable d'une série d'infractions et condamné à la peine de trois ans d'emprisonnement, un mandat d'arrêt ayant été décerné à son encontre ;
" aux motifs qu'appelant principal, régulièrement cité à l'étude, l'accusé de réception ayant été retourné avec une signature conforme, il est établi que M. X..., qui ne comparait pas devant la cour a eu connaissance de la citation en sorte qu'il sera statué à son encontre par un arrêt contradictoire à signifier selon les prévisions de l'article 503-1 du code de procédure pénale ;
" alors qu'est particulièrement énigmatique la formule selon laquelle le prévenu aurait été cité régulièrement « à l'étude » et l'est mêmement l'observation selon laquelle l'accusé de réception a été retourné avec une signature conforme cependant que le prévenu n'ayant jamais signé le moindre accusé de réception étant observé que son conseil Me A... n'a pas été avisée ; qu'en l'état de ces données troublantes, la méconnaissance des textes et du principe cités au moyen est avérée " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, lorsqu'il a interjeté appel du jugement, M. X... a déclaré comme adresse " ... " ; que, le 26 mai 2010, l'huissier de justice chargé de lui remettre la citation à comparaître à l'audience de la cour d'appel du 6 octobre 2010, après s'être transporté à l'adresse déclarée par le prévenu, lui a, en son absence, envoyé une lettre recommandée avec avis de réception, en l'informant de ce qu'il devait retirer dans les plus brefs délais la copie de l'acte à l'étude ; Attendu qu'en statuant par décision contradictoire à signifier, par les motifs repris au moyen, et dès lors que l'huissier a effectué les diligences prévues par les alinéas 2 et 4 de l'article 558 du code de procédure pénale, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 503-1 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation proposé par Me Blondel pour M. X..., pris de la violation de l'article 132-24 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, violation du principe de l'individualisation de la peine et de celui selon lequel la peine prononcée doit être strictement nécessaire spécialement lorsqu'il s'agit d'une peine privative de liberté :
" en ce que l'arrêt infirmatif sur la peine a condamné le prévenu à trois ans de prison ferme avec mandat d'arrêt à l'encontre du prévenu ;
" aux motifs que la peine de vingt-quatre mois d'emprisonnement dont onze mois assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant vingt-quatre mois, avec l'obligation de travailler et d'indemniser les victimes, infligée par les premiers juges sera modifiée ; en effet, la cour considère qu'en raison de la particulière gravité de la nature des faits, seule une peine d'emprisonnement ferme est de nature à sanctionner de manière appropriée les délits commis par ce prévenu, son quantum sera fixé à trois ans d'emprisonnement et qu'en outre, pour assurer l'exécution rapide et effective de la peine d'emprisonnement prononcée, la cour décernera un mandat d'arrêt à l'encontre de M. X..., appelant, qui ne s'est pas présenté devant la cour ;
" alors qu'aux termes de l'article 132-24 du code pénal dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, applicable à la cause en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidives légales prononcées en application de l'article 132-19-1, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction ou la personnalité de son auteur rend cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que, dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent et sauf impossibilité matérielle faire l'objet d'une mesure d'aménagement prévue aux articles 132-25 à 132-28 du code pénal ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans constater qu'une peine privative de liberté de trois ans était nécessaire et surtout sans relever de façon effective et concrète que toute autre sanction serait manifestement inadéquate, la cour ne justifie pas légalement son arrêt au regard des textes cités au moyen " ;
Et sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Tiffreau, Corlay et Marlange pour M. Y..., pris de la violation des articles 450-1, 450-3, 450-5, 311-1, 311-4, 311-5, 311-13, 311-14, 312-1, 312-8, 312-9, 312-13, 121-4, 121-5, 322-6, 322-11, 322-45, 222-22, 222-27, 222-31, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48-1 et 132-24 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Y... coupable d'agression sexuelle, de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement, de vol en réunion, de vols aggravés par trois circonstances, d'extorsion par violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeurs ou biens, de dégradation ou détérioration du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, l'a condamné à la peine de cinq ans d'emprisonnement, et a prononcé sur les intérêts civils ;
" aux motifs que, sur la culpabilité : la cour estime qu'il convient d'infirmer partiellement le jugement sur la culpabilité ; la cour considère qu'il n'y a pas suffisamment de preuve pour établir la culpabilité de M. X... et M. Y... s'agissant des faits de vols en réunion et avec violence commis entre le 12 et le 13 juillet 2003 à Fouchères : un véhicule Peugeot 205 au préjudice de Mme B... et à Villeneuve-la-Dondagre : un scooter, des effets personnels au préjudice de M. C... ; si le mode opératoire se rapproche de celui utilisé pour les autres faits, il n'en demeure pas moins que la date des faits est moins proche et qu'il ne résulte pas du dossier suffisamment d'éléments matériels pour caractériser l'infraction ; que, de l'ensemble des faits commis entre le 19 et le 25 août 2010, la cour considère que les faits poursuivis sont établis par les constatations régulières des procès-verbaux, analyses des empreintes ADN et que les infractions sont caractérisées dans tous leurs éléments matériels et intentionnels, à l'encontre des prévenus appelants ; qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré sur les déclarations de culpabilité pour ces faits, qui constituent une juste application de la loi pénale ; qu'en effet, la cour constate que c'est dans le véhicule Volvo dérobé le 25 août 2003 à M. D..., retrouvé sur le parking à Michery le 26 août 2003, qu'a été constaté la présence notamment d'un extincteur, d'une écharpe de couleur noire sur laquelle a été retrouvée l'empreinte ADN de M. X..., mineur au moment des faits, un paquet de cigarettes et un mégot sur lequel ont été retrouvées les empreintes ADN mêlées de M. X... et de M. Y... dit " Pedro " ; il a également été retrouvé un portefeuille appartenant à Mme E... contenant divers documents et sa carte bancaire ; ce véhicule Volvo a été dérobé par des individus au volant d'une R21 blanche correspondant en tous points au véhicule lui-même dérobé à M. F... et dont l'immatriculation a été relevée par M. G..., lors de l'agression de Mme H... et M. G..., dans les bois de Paron le 22 août 2003 ; que de ces faits, la culpabilité M. X... et de M. Y... est établie, en outre par le mode opératoire particulièrement violent et particulier, les auteurs ayant brisé les vitres du véhicule avec un extincteur, ayant contraint les victimes à leur remettre leur carte bleue, chéquier, téléphone portable, etc... ; s'agissant des faits d'agression sexuelle commis sur Mme H..., la cour estime que l'audition du 27 août 2003, lors de laquelle M. I... a indiqué aux gendarmes que son fils Alain, qui était présent sur les lieux de cette agression, lui avait fait des confidences sur cette soirée, est particulièrement probante ; il affirme en effet que son fils lui a déclaré qu'il était la nuit avec " Pedro ", surnom de M. Y..., ainsi qu'avec M. X... dans un bois et que " Pedro " avait cassé la gueule à un gars qui était avec une femme dans une voiture et que Moïse avait dit à son fils que " Pedro " avait mis plusieurs doigts dans la " chatte " de la femme ; le fait que M. I... se soit rétracté devant le juge d'instruction ne peut contrarier la précision de ses propos particulièrement circonstanciés et conformes en tous points avec ceux de la victime ; à l'audience, la victime, qui n'a pu reconnaître M. Y..., son abuseur étant masqué, s'est souvenu de l'utilisation du terme " chatte " par l'homme l'ayant agressé ; terme également utilisé à l'audience devant la cour par M. Y... ; la cour écarte l'argument du détenu selon lequel il ne pouvait pas physiquement commettre de tels faits au vu du certificat médical et du témoignage de sa concubine et considère, en conséquence, que les faits sont établis à l'encontre de M. Y... ; qu'elle retiendra sa culpabilité de ce chef également ; sur la peine : la cour infirmera, en conséquence, en répression pour mieux tenir compte des circonstances particulières de la cause, notamment la violence objective des faits ; la cour estime, qu'en raison des faits pour lesquels M. Y... a été déclaré coupable, il y a lieu de modifier la peine dans le sens de l'aggravation ; en effet, la cour considère qu'en raison de la particulière gravité et de la nature des faits, seule une peine d'emprisonnement ferme est de nature à sanctionner de manière appropriée les délits commis par ce prévenu ; une peine de cinq années d'emprisonnement constituera une sanction appropriée ; de plus, pour assurer l'exécution de la peine d'emprisonnement prononcée, la cour décernera mandat de dépôt à rencontre de M. Y... dont les garanties de représentation en justice sont tout à fait insuffisantes eu égard à la peine encourue ;
" 1°) alors qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du code pénal, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en prononçant à l'encontre de M. Y..., qui n'était pas poursuivi en état de récidive légale, une peine d'emprisonnement ferme de cinq ans, sans préciser en quoi la gravité des infractions et la personnalité de leur auteur rendaient cette peine nécessaire en dernier recours et en quoi toute autre sanction était manifestement inadéquate, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 132-24 du code pénal ;
" 2°) alors que, subsidiairement, lorsqu'en matière correctionnelle une peine d'emprisonnement sans sursis est prononcée à l'encontre d'un prévenu ne comparaissant pas en récidive légale, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permet et, sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 du code pénal ; qu'en prononçant à l'encontre de M. Y... une peine d'emprisonnement ferme de cinq ans, sans assortir cette peine d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 susvisés, ni relever une quelconque impossibilité matérielle faisant obstacle à une telle mesure d'aménagement de la peine, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 132-24 du code pénal ;
Attendu qu'il résulte de ce texte qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive prononcées en application de l'article 132-19-1 du code pénal, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ;
Attendu qu'après avoir déclaré M. X... et M. Y... coupables, pour les condamner, le premier, à trois ans d'emprisonnement sans sursis, et le second, à cinq ans d'emprisonnement sans sursis, l'arrêt énonce qu'en raison de la particulière gravité et de la nature des faits, seule une peine d'emprisonnement ferme est de nature à sanctionner de manière appropriée les délits commis par les prévenus ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans expliquer en quoi, outre la gravité des faits, la personnalité des prévenus rendait les peines prononcées à leur encontre nécessaires et exclusives de toute autre sanction, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen de cassation proposé pour M. X... :
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives aux peines d'emprisonnement infligées à M. X... et à M. Y..., l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 3 novembre 2010, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Beauvais conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;