LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme X..., Mme Y... et Mme Z... de ce qu'elles se désistent de leur pourvoi en tant que dirigé contre le directeur régional des affaires de sécurité sociale de Marseille ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué qu'Ange X..., marin, a travaillé de 1958 à 1985 au service de la SNCM en qualité de maître d'équipage ; que, le 4 mai 1995, une maladie professionnelle relevant du tableau n° 30 a été constatée par un certificat médical initial ; qu'Ange X... est décédé le 4 septembre 2001 d'une détresse respiratoire consécutive à une exposition à l'amiante ; que le 17 septembre 2003, l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM) a émis un avis selon lequel l'assuré était atteint d'une affection relevant du tableau n° 30 ; que Mme X... ainsi que les enfants de la victime, Mme Y... et Mme Z... (les ayants droit), ont saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et en fixation au maximum de la majoration de la rente ; que, parallèlement à cette procédure, les victimes ont saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) et ont accepté l'offre d'indemnisation qu'il leur a faite ; que le FIVA est intervenu dans la procédure et a demandé que cette somme lui soit reversée par l'ENIM ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi principal et sur le moyen unique, pris en sa première branche du pourvoi incident :
Vu l'article 53 IV, alinéas 2 et 3, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le salarié atteint d'une maladie professionnelle ou ses ayants droit en cas de décès, qui ont accepté l'offre d'indemnisation des victimes de l'amiante, sont recevables, mais dans le seul but de faire reconnaître l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, à se maintenir dans l'action en recherche de faute inexcusable qu'ils ont préalablement engagée et qui est reprise par le FIVA ;
Attendu que pour déclarer irrecevables les ayants droit d'Ange X... en leur action et le FIVA irrecevable en son intervention, l'arrêt retient les ayants droit d'Ange X... ont reçu et accepté dans le cadre de ce dispositif légal une indemnisation du chef des préjudices subis par leur auteur et pour leurs préjudices personnels ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les ayants droit d'Ange X... avaient maintenu l'action qu'ils avaient engagée en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur, et que le FIVA était intervenu à l'instance pour solliciter en sa qualité de créancier subrogé dans les droits de la victime le bénéfice des sommes par lui versées, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles L. 412-8,8° et L. 413-12,2° du code de la sécurité sociale, tels qu'interprétés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011, ensemble, l'article 20 du décret-loi du 17 juin 1938 ;
Attendu que le marin victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle au cours de l'exécution du contrat d'engagement maritime, ou ses ayants droit, peuvent, en cas de faute inexcusable de l'employeur, demander devant la juridiction de sécurité sociale le bénéfice du livre IV du code de la sécurité sociale ainsi que l'indemnisation des préjudices complémentaires non expressément couverts par les dispositions de ce livre ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'action des ayants droit d'Ange X... et l'intervention du FIVA, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article 20 § 1 du décret régissant ce régime en date du 17 juin 1938 modifié par le décret du 28 janvier 1956 que la notion de faute inexcusable n'existe pas dans ce régime spécial dérogatoire au régime général de sécurité sociale, que les ayants droit d'Ange X... estiment que l'application des textes dérogatoires entraîne une violation du principe d'égalité des citoyens devant la loi au regard des dangers liés à l'exposition à une matière toxique comme l'amiante et que ce moyen ne saurait prospérer en raison de ce que le FIVA indemnise selon le principe de l'indemnisation intégrale l'ensemble des victimes de l'amiante ainsi que leurs ayants droit ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la SNCM aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SNCM à payer aux ayants droit d'Ange X... la somme globale de 2 500 euros et au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante la même somme ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour Mmes X..., Y... et Z....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement, déclaré irrecevable le recours des consorts X... tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur de Monsieur Ange X..., à savoir la SNCM, à l'origine de la maladie et du décès de ce dernier ;
AUX MOTIFS QU'il n'est pas contesté que Ange X... durant sa carrière professionnelle à la SNCM était inscrit maritime sous le n° 46 L 0677 MA et faisait en conséquence partie du personnel navigant titulaire en qualité de maître d'équipage ; qu'il bénéficiait ainsi, du fait de son statut, du régime d'assurance des marins ; qu'il résulte de l'article 20 § I du décret régissant ce régime, en date du 17 juin 1938 modifié par le décret du 28janvier 1956, que la notion de faute inexcusable n'existe pas dans ce régime spécial dérogatoire au régime général de sécurité sociale ; que le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la constitutionnalité de tels régimes dérogatoires au régime général de sécurité sociale et dans une décision en date du 2 juillet 1965 a considéré notamment « qu'il y a lieu de ranger au nombre des principes fondamentaux de la sécurité sociale … l'existence même d'un régime particulier aux marins du commerce ainsi que les principes fondamentaux d'un tel régime » ; que l'existence de ce régime spécial de sécurité sociale relève ainsi du domaine de la loi et a été entérinée par les dispositions des articles L 711-1 et R 711-1 4° du code de la sécurité sociale ; que c'est également à juste titre que la SNCM rappelle la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, notamment dans ses arrêts en date des 16 mai 1979 et 23 mars 2004 selon laquelle « sont seules applicables à tous les bénéficiaires des prestations du régime social des gens de mer, les dispositions de leur régime spécial, lequel ne prévoit aucun recours contre l'armateur en raison de sa faute inexcusable » ; que par ailleurs les consorts X... estiment que l'application des textes dérogatoires entraîne une violation du principe d'égalité des citoyens devant la loi au regard « des dangers lies à l'exposition à une matière toxique comme l'amiante », selon leurs propres écritures ; que toutefois ce moyen ne saurait prospérer, précisément en la matière de maladies liées a l'exposition à l'amiante, en raison de ce que le FIVA, établissement public créé par l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, indemnise, selon le principe de la réparation intégrale, l'ensemble des victimes de l'amiante ainsi que leurs ayants droit ; qu'en l'espèce, le FIVA est dans la cause et les consorts X... ont reçu - et accepté - dans le cadre de ce dispositif légal une indemnisation du chef des préjudices subis par leur auteur et pour leurs préjudices personnels ; qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que la SNCM sollicite l'irrecevabilité des demandes des consorts X... ; qu'il convient en conséquence de considérer qu'en déclarant irrecevable le recours, le premier juge a fait une juste appréciation des faits de la cause et que sa décision doit être confirmée ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'article 53 IV alinéas 2 et 3 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 que l'acceptation de l'offre du FIVA ne rend pas irrecevable une nouvelle action juridictionnelle « en cas d'aggravation de l'état de santé de la victime ou si une indemnisation complémentaire est susceptible d'être accordée dans le cadre d'une procédure pour faute inexcusable de l'employeur » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la demande formée par les consorts X... à fin de reconnaissance de la faute inexcusable de la SNCM ne tendait pas à l'attribution d'une indemnisation complémentaire à celle qui leur avait déjà été versée à raison de la seule reconnaissance du caractère professionnel de la maladie et du décès de leur auteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant encore que les dispositions du régime spécial des marins ne prévoient aucun recours contre l'armateur en raison de sa faute inexcusable, sans répondre aux conclusions des consorts X... qui faisaient valoir que l'application de ces textes entraîne une violation du principe d'égalité des citoyens devant la loi prohibée par l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen des 16-24 août 1789, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
Moyen produit au pourvoi incident par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR, en confirmant le jugement, déclaré irrecevables le recours des consorts X... et l'intervention du FIVA qui en découle ;
AUX MOTIFS QU'« il n'est pas contesté que Ange X... durant sa carrière professionnelle à la SNCM était inscrit maritime sous le n°46 L 0677 MA et faisait en conséquence partie du personnel navigant titulaire en qualité de maître d'équipage ; qu'il bénéficiait ainsi, du fait de son statut, du régime d'assurance des marins ; qu'il résulte de l'article 20 § I du décret régissant ce régime, en date du 17 juin 1938 modifié par le décret du 28 janvier 1956, que la notion de faute inexcusable n'existe pas dans ce régime spécial dérogatoire au régime général de sécurité sociale ; que le conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la constitutionnalité de tels régimes dérogatoires au régime général de sécurité sociale et dans une décision en date du 2 juillet 1965 a considéré notamment « qu'il y a lieu de ranger au nombre des principes fondamentaux de la sécurité sociale... l'existence même d'un régime particulier aux marins du commerce ainsi que les principes fondamentaux d'un tel régime » ; que l'existence de ce régime spécial de sécurité sociale relève ainsi du domaine de la loi et a été entérinée par les dispositions des articles L 711-1 et R 711-1 4° du code de la sécurité sociale ; que c'est également, à juste titre, que la SNCM rappelle la jurisprudence constante de la Cour de cassation, notamment dans ses arrêts en date des 16 mai 1979 et 23 mars 2004 selon laquelle : « sont seules applicables à tous les bénéficiaires des prestations du régime social des gens de mer, les dispositions de leur régime spécial, lequel ne prévoit aucun recours contre l'armateur en raison de sa faute inexcusable » ; que par ailleurs, les consorts X... estiment que l'application des textes dérogatoires entraîne une violation du principe d'égalité des citoyens devant la loi au regard « des dangers lies à l'exposition à une matière toxique comme l'amiante », selon leurs propres écritures ; que toutefois ce moyen ne saurait prospérer, précisément en la matière de maladies liées a l'exposition à l'amiante, en raison de ce que le FIVA, établissement public créé par l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, indemnise, selon le principe de la réparation intégrale, l'ensemble des victimes de l'amiante ainsi que leurs ayants droit ; qu'en l'espèce, le FIVA est dans la cause et les consorts X... ont reçu - et accepté - dans le cadre de ce dispositif légal une indemnisation du chef des préjudices subis par leur auteur et pour leurs préjudices personnels ; qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que la SNCM sollicite l'irrecevabilité des demandes des consorts X... ; qu'il convient en conséquence de considérer qu'en déclarant irrecevable le recours, le premier juge a fait une juste appréciation des faits de la cause et que sa décision doit être confirmée ;
1°/ ALORS, d'une part, QUE le salarié atteint d'une maladie professionnelle, ou ses ayants droit en cas de décès, qui ont accepté l'offre d'indemnisation du FIVA, sont recevables, mais dans le seul but de faire reconnaître l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, à se maintenir dans l'action en recherche de faute inexcusable qu'ils ont préalablement engagée ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que les consorts X... ont d'abord saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône d'une action en reconnaissance de faute inexcusable, pour saisir ensuite le FIVA d'une demande d'indemnisation, qu'ils ont acceptée, ce dont se déduisait qu'ils étaient recevables à se maintenir à l'action en reconnaissance de faute inexcusable ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000 ;
2°/ ALORS, d'autre part, QUE, l'action en reconnaissance de faute inexcusable à l'encontre de l'armateur est ouverte aux marins bénéficiaires des prestations du régime social des gens de mer ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 413-12, 2° du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article 20 al. 1er du décret loi du 17 juin 1938 modifié par le décret du 28 janvier 1956 et le principe de non-discrimination posé par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.