LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 28 janvier 2008, n° 06-18.654), que la société Géo concept a développé un logiciel dénommé «Géoconcept» dont la première version a été commercialisée au cours de l'année 1991 et a intégré dans ce logiciel des fonctionnalités dédiées au géomarketing à compter de l'année 1995 ; que la société Asterop a été constituée le 29 janvier 1999 par trois anciens salariés de la société Géo concept ; qu'au 31 décembre 1999 la société Asterop était composée, outre des créateurs, de six anciens salariés de la société Géo concept dont quatre avaient rejoint celle-ci dès sa création ; que la société Asterop a, en 1999, exercé une activité de recherche et développement informatique de son logiciel Business Géo intelligence et a également exercé, dès 1999, une activité commerciale ; qu'ayant appris que la société Asterop entendait développer un logiciel de géomarketing qu'elle estimait concurrent du sien, la société Géo concept a engagé des procédures de saisie-contrefaçon à l'encontre de ses anciens salariés et de la société qu'ils avaient fondée ; que le 3 juin 1999, la société Asterop et son président-directeur général, M. X..., ont assigné la société Géo concept aux fins notamment de voir constater la contrefaçon de son logiciel Business Géo intelligence ; que la société Géo concept a sollicité reconventionnellement la condamnation de la société Asterop à lui payer la somme de 5 000 000 francs (762 245,09 euros) en réparation des actes de concurrence déloyale commis à son détriment ;
Sur le premier moyen pris en sa quatrième branche, le deuxième moyen pris en ses trois branches et le troisième moyen pris en ses deux branches :
Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que, pour condamner la société Asterop pour débauchage fautif, l'arrêt retient que parmi les transfuges de la société Géo concept vers la société Asterop, quatre d'entre eux étaient membres du département recherche et développement de la société Géo concept et les autres étaient membres de la structure commerciale et, donc, en contact avec la clientèle de leur employeur et que, si les départs litigieux sont intervenus dans un contexte délicat de difficultés d'organisation et de communication de la société Géo concept, il demeure que ces départs concernent des ingénieurs hautement qualifiés du département de recherche et développement, dont Asterop louera la compétence dans le dossier qu'elle présentera à l'ANVAR, ainsi que le directeur et son adjoint du secteur commercial, en sorte qu'ils n'ont pu qu'affecter aussi le fonctionnement de l'entreprise ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier de façon concrète si le transfert des employés vers la société Asterop avait entraîné une véritable désorganisation de la société Géo concept et non une simple perturbation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le quatrième moyen pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Asterop à verser à la société Géo concept des dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'elle a cru pouvoir faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon au siège de Géo concept, alors que les droits dont elle pouvait se prévaloir ne légitimaient pas ces opérations et que leur caractère abusif appelait la condamnation de la société Asterop ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une saisie-contrefaçon ne fait pas peser sur son auteur une responsabilité objective du seul fait qu'elle se révèle injustifiée, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Asterop à verser à la société Géo concept la somme de 110 000 euros en réparation des conséquences financières du débauchage et 10 000 euros en réparation des opérations de saisie-contrefaçon, l'arrêt rendu le 11 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Géo concept aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Asterop la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société Asterop
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société ASTEROP à verser à la société GEO CONCEPT la somme de 110 000 € « en réparation des conséquences financières du débauchage » ;
AUX MOTIFS QUE trois créateurs d'Asterop, Christophe X..., Luc Y... et Gérard Z... ont, comme indiqué plus haut, développé une activité réelle au profit de cette société en formation alors qu'ils étaient toujours les salariés de Géo Concept ; qu'au moins quatre autres salariés ont rejoint la société Asterop; que parmi ces transfuges, quatre d'entre eux étaient membres du département recherche et développement de Géo Concept et les autres étaient membres de la structure commerciale et donc, en contact avec la clientèle de leur employeur; que Géo Concept fait valoir que ces départs ont affecté les résultats que devait atteindre la société comme le prévoyait M. X... lui-même sur un "Powerpoint" de novembre 1997, qui prévoyait un chiffre d'affaires de 34 millions de francs au 31 mars 2008 alors qu'à cette date le résultat ne fut que de 23 millions, la différence s'expliquant selon eux par les agissements de M. X... qui aurait retenu les commandes de clients plutôt que les réa1iser ; que la Cour observe qu'il n'est ni contestable ni d'ailleurs sérieusement contesté, que Géo Concept eut à faire face à partir de la fin de l'année 1997 à des départs volontaires (14 démissions) et procéda par ailleurs en juillet 1998 à des licenciements de personnes qualifiées, en sorte que les salariés engagés par Asterop ne représentent, selon l'expert A..., que 14% des départs; qu'il suit que si les départs litigieux sont intervenus dans un contexte délicat que traduit le compte-rendu d'une réunion interne du 21 décembre 1997 qui énonce des difficultés d'organisation et de communication notamment, il demeure que ces départs concernent des ingénieurs hautement qualifiés du département de recherche et développement dont Asterop louera la compétence dans le dossier qu'elle présentera à l'ANVAR, et des responsables du secteur commercial (le directeur et son adjoint), en sorte qu'ils n'ont pu qu'affecter aussi le fonctionnement de l'entreprise ; qu'il sera statué ci-après sur le préjudice lié au débauchage au regard de l'ensemble de ces circonstances (…) ; que sur les conséquences financières liées au débauchage, il sera simplement rappelé ici qui les personnes qui ont rejoint Asterop sont des ingénieurs expérimentés (4) du département RetD dont il n'est pas contesté qu'ils avaient participé à l'écriture du code source des logiciels de Géo Concept; que comme le relève cette dernière, Asterop a d'ailleurs mis en avant dans son dossier présenté à l'ANVAR la qualité de son équipe composée précisément de ces ingénieurs; que pour ce qui concerne l'équipe commerciale qui rejoignit Asterop il s'agit également de personnels confirmés qui avaient une expérience certaine du marché puisqu'il s'agit notamment du directeur commercial et membre du comité de direction de Géo Concept et de son adjoint, directeur des ventes France ; qu'il suit que le préjudice subi par Géo Concept réside ainsi dans le fait d'avoir été privée d'une équipe expérimentée et de devoir rechercher et former les personnels appelés à succéder aux personnels expérimentés; que l'expert A... estime que ce préjudice s'élève aux sommes de 7599 euros au titre du recrutement, 55 000 euros au titre de la formation auxquelles il convient d'ajouter les sommes dépensées pour le remplacement de l'équipe commerciale et celles correspondant à la rémunération servie aux nouveaux ingénieurs pendant le temps qui leur fut nécessaire pour relire les codes sources et prendre connaissance des projet ; qu'il sera alloué à Géo Concept une somme de 110 000 euros en réparation des conséquence financières du débauchage ;
1°) ALORS QUE le simple embauchage d'anciens salariés d'une entreprise concurrente n'est pas fautif ; qu'en se bornant à affirmer que le départ de salariés de la société GEO CONCEPT, membres du département recherche et développement ou membres de la structure commerciale ayant rejoint la société ASTEROP, n'avait pu qu'affecter le fonctionnement de l'entreprise, sans établir en quoi les recrutements litigieux auraient eu pour effet de désorganiser la société GEO CONCEPT, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, en retenant que le départ de membres du département recherche et développement, dont M. Y..., et de membres de l'équipe commerciale, dont M. Z..., directeur des ventes, adjoint de M. X..., n'avait pu qu'affecter le fonctionnement de la société GEO CONCEPT sans rechercher, comme il le lui était demandé, si MM. Y... et Z... n'avaient pas été licenciés par cette société ellemême, en sorte que leur départ ne pouvait caractériser un débauchage, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
3°) ALORS QU'en tout état de cause, il résulte des propres constatations de l'arrêt que MM. X..., Y... et Z... n'étaient plus salariés de la société GEO CONCEPT lorsque la société ASTEROP, dont ils étaient les fondateurs, avait été créée, en sorte que cette dernière ne pouvait les avoir débauchés ; qu'en se fondant néanmoins sur le départ de ces trois anciens salariés de la société GEO CONCEPT pour retenir un débauchage fautif à l'encontre de la société ASTEROP, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 du Code civil ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, en se bornant à affirmer que si les départs litigieux étaient intervenus dans un contexte délicat caractérisé notamment par des difficultés d'organisation et de communication, ils n'avaient pu qu'affecter aussi le fonctionnement de l'entreprise, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si ces départs, qui ne représentaient que 14% des effectifs du personnel ayant quitté la société à cette époque, n'avaient pas été causés, comme les autres, par de graves difficultés internes de la société GEO CONCEPT liées aux déficiences de sa direction, dont les décisions, concernant tant le développement et l'orientation commerciale de la société que l'organisation du travail, la communication au sein de l'entreprise ou la politique de réduction des effectifs mise en oeuvre, avaient généré une profonde démotivation du personnel et conduit les salariés à quitter cette société, comme l'établissaient, notamment, plusieurs documents dissimulés par la société GEO CONCEPT jusqu'à leur découverte au cours des opérations d'expertise, en sorte que ces départs ne pouvaient être imputés à faute à la société ASTEROP, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
5°) ALORS QU'en tout état de cause, en incluant, dans l'évaluation du préjudice résultant d'un prétendu débauchage, la perte de l'expérience de MM. Y... et Z... et le coût de recherche, de formation et d'information du personnel appelé à leur succéder, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la société GEO CONCEPT elle-même n'avait pas licencié MM. Y... et Z..., en sorte qu'elle ne pouvait reporter sur la société ASTEROP les conséquences de ces licenciements, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société ASTEROP à verser à la société GEO CONCEPT la somme de 400 000 euros en « réparation de l'appropriation indue d'un savoir-faire » ;
AUX MOTIFS QUE la Cour dans les dispositions de son arrêt non atteintes par la cassation a, au terme de son analyse comparative, conclu à l'existence d'une similitude certaine tant au plan fonctionnel que technologique, entre les logiciels en cause et les projets élaborés par l'une et l'autre sociétés, y compris entre le projet GCES de GEO CONCEPT et le projet Géo Intelligence d'ASTEROP ; que pour ce qui concerne le logiciel Géoconcept, l'expert B... a estimé que la charge de travail pouvait être estimée à 20 années/hommes ; qu'il a par ailleurs estimé que le travail nécessaire pour le développement du logiciel Géointelligence pouvait être appréhendé dans une fourchette de 5 à 10 ans/hommes, alors que le temps de travail des salariés d'ASTEROP a été de 4,4 années/hommes ; qu'en suivant l'approche déductive de l'expert, l'appropriation du savoir-faire peut correspondre à 5,5 années/homme soit 250 000 euros ; qu'il est indifférent à cet égard que ce savoir-faire comprenne notamment des données qui sont de libre parcours, puisque ce savoir-faire comprend un ensemble de données et d'informations choisies et pertinentes au regard du logiciel à développer, fruit d'investissements dont ASTEROP a précisément fait l'économie par son appropriation ; qu'aucun motif ne justifie que soit retenue l'intégralité de la charge de travail qu'a nécessité la réalisation du logiciel Géoconcept (20 années/homme selon l'expert B...) puisque celui-ci précise (page 239 du rapport), après avoir entendu divers sachants que la charge de travail nécessaire à l'élaboration de la solution d'ASTEROP telle qu'elle fut présentée au public en novembre 1999 n'était en tout cas pas supérieure à 10 ans ; que, comme l'a relevé l'arrêt du 28 juin 2006, le projet CGES et le projet géointelligence présentent des similarités certaines qui reflètent également une appropriation de savoir-faire ; qu'il est pareillement indifférent et pour les motifs sus exposés, que ce savoir-faire intègre des modules tels que celui dénommé "Oracle" largement utilisés dans la communauté des programmateur selon Asterop ; que cependant l'estimation de la charge de travail du projet (62,8 années/homme) alléguée par Géo Concept n'est assise sur aucune analyse rigoureuse il convient de limiter à la somme de l50 000 euros la réparation due à ce titre, ce qui conduit la Cour à fixer à la somme globale de 400 000 euros le montant de la réparation de l'appropriation du savoir-faire (…) ; que sur le manque à gagner résultant de l'exploitation de ce savoir-faire, GEO CONCEPT propose deux méthodes, l'une consistant à affecter à GEO CONCEPT le chiffre d'affaires réalisé par ASTEROP depuis sa constitution diminué de ses propres investissements, l'autre que la Cour retiendra comme étant la plus exacte, fondée sur l'évaluation de son manque à gagner ; que selon l'approche développée par l'expert A..., à laquelle la Cour se réfère, rien ne permet de dire que GEO CONCEPT aurait dégagé des résultats supérieurs à ceux de la société ASTEROP et qu'elle aurait maintenu un taux de marge opérationnel de 17,4% ; qu'au regard des résultats négatifs générés pendant les premières années d'exploitation du logiciel de géomarketing, la réparation du préjudice subi par GEO CONCEPT sera limitée à la somme de 150 000 euros (…); que sur l'aide au financement de l'ANVAR, la présentation d'un projet concurrent ne pouvait qu'hypothéquer la demande faite par GEO CONCEPT ; que le préjudice de GEO CONCEPT sera donc égal à la somme retenue par l'expert calculé sur l'avantage d'un prêt de 4 millions de francs sur trois ans, soit 131 716 euros (…) ; que le préjudice moral ne peut être lié au recrutement pas ASTEROP de deux salariés tenus par une clause de non-concurrence non valable ; qu'en revanche, les autres chefs retenus par l'arrêt du 28 juin 2006 qui stigmatise le comportement d'ASTEROP contraire à la morale des affaire, justifie de fixer ce préjudice à la somme de 60 000 euros ;
1°) ALORS QUE les dommages et intérêts doivent réparer le seul préjudice ; qu'en évaluant le « préjudice lié à l'appropriation du savoir-faire » de la société GEO CONCEPT, non au montant d'une perte subie ou d'un gain manqué par cette société, mais à la charge de travail dont la société ASTEROP aurait fait l'économie par cette appropriation, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, en accordant à la société GEO CONCEPT une indemnité supplémentaire de 150 000 euros à titre de réparation de l'appropriation d'un savoir-faire qui résulterait de « similarités » entre le projet CGES et le projet Géointelligence, quand ce préjudice, à le supposer établi, était déjà réparé par l'octroi de la somme de 250 000 euros correspondant à la totalité de la charge de travail dont la société ASTEROP aurait, selon l'arrêt, fait l'économie pour élaborer le logiciel Géointelligence, la Cour d'appel, qui a indemnisé deux fois le même préjudice, a violé l'article 1382 du Code civil ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'évaluation du préjudice résultant de l'appropriation d'un savoir-faire suppose que ce dernier soit identifié ; qu'en se bornant, pour accorder une indemnité supplémentaire de 150 000 euros à titre de réparation de l'appropriation d'un savoir-faire qui résulterait de « similarités » entre le projet CGES et le projet Géointelligence, à retenir qu'il serait indifférent que ce savoir-faire intègre « des modules largement utilisés par les programmateurs » puisqu'il « comprend un ensemble de données et d'informations choisies et pertinentes au regard du logiciel à développer, fruit d'investissements dont ASTEROP a précisément fait l'économie par son appropriation », sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la comparaison entre les projets n'avait pas révélé que les seules « similarités » relevées consistaient dans l'utilisation de technologies qui, développées par des sociétés tierces, MICROSOFT et ORACLE, pour être mises à la disposition de tout développeur, ne relevaient donc en aucun cas d'un savoir-faire de la société GEO CONCEPT, et sans préciser, dès lors, quel élément distinct de ces technologies, qui aurait relevé d'un tel savoir-faire, aurait fait l'objet d'une appropriation justifiant le paiement d'une indemnité supplémentaire de 150 000 euros, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société ASTEROP à verser à la société GEO CONCEPT la somme de 131 176 euros en réparation de la perte d'une chance d'obtenir une aide de l'ANVAR ;
AUX MOTIFS QUE l'expert A... souligne que même s'il n'y est pas fait expressément mention, le dossier ASTEROP a profité du prestige de GEO CONCEPT dont était issue l'équipe d'informaticiens ; qu'il a été dit que les deux projets CGES et Géointelligence présentaient des éléments communs comme l'ont révélé les documents transmis à l'ANVAR ; que le rapport d'expertise technico-économique, en date du 4 août 1999, établi à la demande de l'ANVAR, relève les mêmes similarités ; que quand bien même GEO CONCEPT et ASTEROP ont-elles soumis leur projet à l'ANVAR à quelques mois de distance, il demeure d'évidence que le projet de GEO CONCEPT n'a pu que pâtir de celui présenté à l'ANVAR par ASTEROP ; que certes, une incertitude demeure sur le montant de l'aide que GEO CONCEPT aurait pu obtenir, mais il est acquis que le type de projet qu'elle présentait était de ceux que l'ANVAR aidait ; que la présentation d'un projet concurrent, ne pouvait qu'hypothéquer la demande faite par GEO CONCEPT ; que le préjudice de GEO CONCEPT sera donc égal à la somme retenue par l'expert calculée sur l'avantage d'un prêt de 4 millions de francs sur trois ans, soit 131 716 euros ;
1°) ALORS QUE nul ne peut être condamné à réparer un préjudice sans qu'un fait générateur de responsabilité ayant directement causé ce préjudice ne soit caractérisé à son encontre ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il le lui était demandé, si la comparaison entre les projets CGES et Géointelligence n'avait pas révélé que les seules « similarités » relevées consistaient dans des technologies qui, développées par des sociétés tierces pour être mises à la disposition de tout développeur, ne relevaient donc en aucun cas d'un savoir-faire de la société GEO CONCEPT, et sans préciser, dès lors, quel élément distinct de ces technologies, qui aurait relevé d'un tel savoir-faire, aurait été repris dans le projet Géointelligence, la Cour d'appel, qui n'a pas établi en quoi le dépôt de ce projet à l'ANVAR aurait été fautif, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, la réparation de la perte d'une chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage que cette chance aurait procuré si elle s'était réalisée ; qu'en condamnant la société ASTEROP à payer à la société GEO CONCEPT la somme de 131 716 euros calculée sur l'avantage que lui aurait procuré un prêt de 4 millions de francs sur trois ans, en réparation de la perte d'une chance d'obtenir ce prêt, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société ASTEROP à verser à la société GEO CONCEPT la somme de 10 000 euros « en réparation des opérations de saisie-contrefaçon » ;
AUX MOTIFS QU'ASTEROP a cru pouvoir faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon au siège de GEO CONCEPT notamment, opérations que ne légitimaient pas les droits dont elle pouvait se prévaloir ; que la caractère abusif de celles-ci appelle la condamnation d'ASTEROP à verser la somme de 10 000 euros à GEO CONCEPT ;
1°) ALORS QU'une saisie-contrefaçon exécutée en vertu d'une ordonnance du président du tribunal de grande instance ne devient pas fautive pour cette seule raison que son auteur s'est mépris sur ses droits et n'engage la responsabilité de ce dernier qu'en cas de faute ayant fait dégénérer en abus l'exercice de son droit ; qu'en déduisant le caractère abusif des opérations de saisie-contrefaçon auxquelles la société ASTEROP avait fait procéder du seul fait que ses droits ne les légitimaient pas, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'exécution d'une saisie-contrefaçon ne peut engager la responsabilité de son auteur que s'il en est résulté un préjudice ; qu'en retenant que le seul caractère abusif des opérations de saisie-contrefaçon appelait la condamnation de la société ASTEROP au paiement de la somme de 10 000 euros, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.