LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1351 du code civil ;
Attendu que, s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., bénéficiaire d'un pacte de préférence portant sur l'acquisition d'un immeuble, ayant signifié au propriétaire de celui-ci, aux droits duquel vient la société Gecina (la société), son acceptation de l'offre d'acquisition, la société l'a assigné en déclaration de la déchéance de son droit de préférence et qu'il a lui-même assigné la société en constatation de la perfection de la vente ; qu'un arrêt du 5 octobre 2006 a dit que M. X... avait acquis l'immeuble, le 4 septembre 2001, pour un prix qu'il offrait de régler, et que, faute par la société de régulariser, chez un notaire, l'acte authentique de vente dans le délai de trois mois suivant la signification de l'arrêt, celui-ci vaudra acte de vente ; que l'acte authentique de vente a été signé le 24 janvier 2007 ; que le 13 août 2007, M. X... a assigné la société en paiement des loyers de l'immeuble, perçus par elle entre le 4 septembre 2001 et le 24 janvier 2007 ;
Attendu que pour déclarer cette demande irrecevable, l'arrêt retient qu'il incombe au demandeur de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur la même cause, qu'il ne peut invoquer dans une instance postérieure un fondement juridique qu'il s'était abstenu de soulever en temps utile ; qu'au cas d'espèce, la demande de M. X... tendant au paiement des loyers de l'immeuble échus depuis la date de son entrée en jouissance procède de la même cause juridique et du même rapport de droit que sa demande initiale tendant à voir constater la perfection de la vente, à savoir l'accord des parties sur la chose et sur le prix entraînant transfert de propriété de l'immeuble, et qu'il s'ensuit que cette prétention, qui n'a pas été présentée lors de l'instance initiale, se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 5 octobre 2006 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la demande en paiement des loyers n'avait pas le même objet que la demande tendant à faire juger que la vente de l'immeuble était parfaite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Gecina aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Gecina ; la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux conseils pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé irrecevable la demande de M. X... tendant à la restitution des loyers perçus par la société Gecina depuis le 4 septembre 2001 ;
AUX MOTIFS QUE si, selon l'article 1351 du code civil, l'autorité de chose jugée s'attache à ce qui a été jugé entre les mêmes parties, à condition que la demande soit fondée sur la même cause et que la chose demandée soit la même, il incombe toutefois au demandeur de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur la même cause et il ne peut invoquer dans une instance postérieure un fondement juridique qu'il s'était abstenu de soulever en temps utile; QU'au cas d'espèce, la demande de M. X... tendant au paiement des loyers de l'immeuble échus depuis la date de son entrée en jouissance procède de la même cause juridique et du même rapport de droit que sa demande initiale tendant à voir constater la perfection de la vente, à savoir l'accord des parties sur la chose et sur le prix entraînant transfert de propriété de l'immeuble; QU'il s'ensuit que cette prétention, qui n'a pas été présentée lors de l'instance initiale, se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 5 octobre 2006 et est irrecevable, quel qu'en soit le fondement ;
ALORS QUE l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; que la demande du nouveau propriétaire d'un bien immobilier qui tend à obtenir de l'ancien le remboursement de loyers qu'il a perçus en ses lieu et place n'a pas le même objet que celle qui tendait à voir constater la perfection de la vente ; qu'en jugeant néanmoins que la première de ces demandes était irrecevable après que la seconde avait été jugée, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1351 du code civil.