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26/05/2011 | FRANCE | N°10-16343

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 26 mai 2011, 10-16343


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Artech a fait pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de la SCP X..., Y..., Z..., devenue SELARL Y...- Z...- A... (la SELARL), administrateur judiciaire, dont un des membres avait été désigné par le président d'un tribunal mixte de commerce, mandataire ad hoc de la société Heco (la société) et séquestre du prix de vente de certains des biens de celle-ci ; que, sur l'interpellation de l'huissier de justice, la SELARL avait répondu qu'elle déten

ait des sommes pour la société dont elle préciserait le montant sous...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Artech a fait pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de la SCP X..., Y..., Z..., devenue SELARL Y...- Z...- A... (la SELARL), administrateur judiciaire, dont un des membres avait été désigné par le président d'un tribunal mixte de commerce, mandataire ad hoc de la société Heco (la société) et séquestre du prix de vente de certains des biens de celle-ci ; que, sur l'interpellation de l'huissier de justice, la SELARL avait répondu qu'elle détenait des sommes pour la société dont elle préciserait le montant sous 48 heures ; que ce montant n'a pas été indiqué à l'huissier de justice ; que la société Artech ayant ultérieurement fait pratiquer une saisie attribution, la SELARL a indiqué qu'elle ne détenait aucune somme pour le compte de la société ; que la société Artech a assigné la SELARL devant un juge de l'exécution, en paiement des causes de la saisie conservatoire ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la SELARL fait grief à l'arrêt de la condamner à payer les causes de la saisie conservatoire, alors, selon le moyen, que le tiers saisi, qui ne satisfait pas à l'obligation légale de renseignement, n'encourt pas, s'il n'est tenu, au jour de la saisie, à aucune obligation envers le débiteur, de condamnation au paiement des causes de la saisie ; qu'en condamnant néanmoins la SELARL au paiement des causes de la saisie, pour n'avoir pas satisfait à son obligation de renseignement, après avoir pourtant constaté qu'elle détenait ces fonds en qualité de séquestre, avec pour mission de payer un certain nombre de créances, ce dont il résultait que la société ne pouvait prétendre percevoir elle-même les fonds, de sorte que la société d'administrateurs judiciaires n'était tenue à aucune obligation envers la société au jour de la saisie, et qu'elle ne pouvait dès lors être tenue au paiement des causes de la saisie, la cour d'appel a violé les articles 44 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, portant réforme des procédures civiles d'exécution, 237 et 238 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution pour l'application de ladite loi ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que la SELARL, mandataire ad hoc du débiteur saisi et séquestre de ses biens, avait la qualité de tiers saisi ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 44 de la loi du 9 juillet 1991 et 237 et 238 du décret du 31 juillet 1992 ;
Attendu que le tiers saisi, qui ne fournit pas les renseignements prévus par le premier des textes susvisés, est condamné au paiement des causes de la saisie ; qu'une déclaration incomplète, inexacte ou mensongère ne peut donner lieu qu'à sa condamnation à dommages-intérêts ;
Attendu que, pour condamner le tiers saisi aux causes de la saisie conservatoire, l'arrêt retient qu'il n'a pas précisé le montant des sommes détenues au moment de celle-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le tiers saisi ne s'était pas abstenu de procéder à la déclaration requise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté la SELARL Y..., Z..., A... de sa demande de nullité de l'assignation et du jugement, l'arrêt rendu le 25 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Artech aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils pour la société Franck Y..., Alain Z..., Charles A...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Société Y...- Z...- A..., venant aux droits de la Société Y...- X...- Z...- B..., ès qualités d'administrateur ad hoc de la Société HECO et de séquestre, à payer à la Société ARTECH la somme de 402. 124, 60 euros, représentant les causes de la saisie conservatoire du 14 juin 2006, avec intérêts au taux légal à compter de la date de sa décision ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991, « le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de son obligation à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et s'il y a lieu, les cessions de créance, délégations ou saisies antérieures » ; que cet article, figurant dans le régime de la saisie-attribution, est déclaré applicable à la saisie conservatoire par renvoi de l'article 237 du décret du 31 juillet 1992 ; qu'aux termes de l'article 238 du décret du 31 juillet 1992, « le tiers saisi qui sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus s'expose à la demande du créancier-à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée, si le débiteur saisi est condamné, et sauf son recours contre ce dernier. Il peut être aussi condamné à des dommages-intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère » ; que la saisie conservatoire litigieuse est intervenue près de trois ans après la réalisation des actifs de la Société HECO, le 25 février 2003, à un moment où la SELARL Y...
X...
Z...
B... détenait encore de fortes sommes pour le compte de cette société ; qu'il suffit de rappeler que les fonds provenant de la vente de la Société HECO dépassaient sept millions d'euros, tandis que dès après le désintéressement des premiers créanciers mentionnés à l'ordonnance désignant Me Y... et déterminant sa mission d'administrateur ad hoc, il restait à distribuer au 1er mars 2003 environ trois millions cinq cent mille euros ; qu'après que le jugement du Tribunal de commerce de FORT-DE-FRANCE ait décidé le 11 mars 2003 de rejeter la demande d'ouverture de procédure collective, au motif que « les ressources disponibles permettent de couvrir l'intégralité du passif de tiers – dont faisait partie la créance nantie et déclarée de la SELARL ARTECH dûment recensée par le rapport-, Me Z... n'a pas demandé à être relevé de sa mission de séquestre ; qu'il ressort du compte séquestre aujourd'hui produit qu'au 14 avril 2003, il détenait au titre de sa mission encore une somme de 719. 366, 37 €, tandis qu'au jour de la saisie, le total disponible était encore de 99. 969, 25 € ; que la créance de la SARL ARTECH a été fixée par le jugement du Tribunal mixte de commerce de FORT-DE-FRANCE du 12 juillet 2005 à la somme de 340. 961, 27 €, outre intérêts ; que sur la foi de la première affirmation du Cabinet Z..., la SARL ARTECH pouvait légitimement escompter qu'il existait encore des fonds suffisants pour être payée de sa créance ; que la SELARL Z... a sans conteste contrevenu aux dispositions de l'article 75 de la loi du 9 juillet 1991, la saisie conservatoire entraînant l'indisponibilité des fonds ; qu'en outre, en sa qualité de tiers saisi entre les mains de laquelle a été pratiquée la saisie conservatoire, elle n'a pas satisfait à son obligation légale de renseignement ; que bien loin de mentionner précisément, en réponse à l'interrogation de l'huissier saisissant, au plus tard dans le délai de 48 heures qu'il s'était engagé à respecter le montant des sommes détenues pour le compte de son administrée, l'administrateur et séquestre, après avoir indiqué à l'huissier : « Je détiens les fonds pour le compte de HECO à la Caisse des Dépôts et Consignations, je vous préciserai le montant sous 48 heures », n'a pas donné suite à cette demande pendant trois ans et demi ; qu'il n'est pas au demeurant inutile de relever qu'en sa double qualité de mandataire ad hoc et de séquestre, Me Z... avait connaissance de la créance privilégiée et déclarée de la Société ARTECH ; qu'il connaissait la contestation élevée par le dirigeant de la SA HECO et devait nécessairement conserver les fonds à distribuer dans le cadre de sa mission, jusqu'à l'issue des contestations éventuelles, pour se libérer de l'intégralité des fonds, dès lors qu'il affirmait lui-même dans un courrier du 15 mai 2003 au conseil de la Société HECO que « d'après le décompte effectué par l'expert-comptable, le prix de la vente permettait de couvrir le passif déclaré » ; que contrairement à ce qui a été retenu par le Tribunal, il n'a pas commis une simple négligence en ne précisant pas les sommes qu'il détenait, mais apparaît avoir agi fautivement dans son exercice professionnel en se dessaisissant des fonds qu'il détenait en la double qualité ci-dessus rappelée ; qu'en toute hypothèse, l'article 238 du décret du 31 juillet 1992 sanctionne le défaut d'indication des sommes détenues au moment de la saisie conservatoire, par la responsabilité du tiers saisi des causes de la saisie, cette responsabilité ne pouvant être amoindrie par l'incertitude apparaissant a posteriori sur la détention effective de la somme réclamée lors de la mesure d'exécution, dès 1ors qu'aucune régularisation de l'obligation de renseignement du tiers saisi n'est intervenue ; qu'en conséquence, en vertu de l'article 238 du décret du 31 juillet 1992, la SARL Y...
X...
Z...
A..., venant aux droits de la SARL Y...
X...
Z...
B..., selon changement de dénomination sociale intervenue le 28 juillet 2008, soit postérieurement à l'assignation du 13 juin 2008, doit être condamnée au paiement des causes de la saisie, soit 402. 124, 60 € ; que le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il s'est borné à prononcer une condamnation à des dommages-intérêts à hauteur de 5. 000 € ;
1°) ALORS QUE le tiers saisi, qui ne satisfait pas à l'obligation légale de renseignement, n'encourt pas, s'il n'est tenu, au jour de la saisie, à aucune obligation envers le débiteur, de condamnation au paiement des causes de la saisie ; qu'en condamnant néanmoins la Société Y...- Z...- A... au paiement des causes de la saisie, pour n'avoir pas satisfait à son obligation de renseignement, après avoir pourtant constaté qu'elle détenait ces fonds en qualité de séquestre, avec pour mission de payer un certain nombre de créances, ce dont il résultait que la Société HECO ne pouvait prétendre percevoir elle-même les fonds, de sorte que la Société d'administrateurs judiciaires n'était tenue à aucune obligation envers la Société HECO au jour de la saisie, et qu'elle ne pouvait dès lors être tenue au paiement des causes de la saisie, la Cour d'appel a violé les articles 44 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, portant réforme des procédures civiles d'exécution, 237 et 238 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution pour l'application de ladite loi ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, une déclaration incomplète, inexacte ou mensongère, de la part du tiers saisi ne peut que donner lieu à la condamnation à dommages-intérêts et non au paiement des causes de la saisie ; qu'en condamnant la Société Y...- Z...- A... au paiement des causes de la saisie, motif pris de ce qu'elle s'était bornée à indiquer à l'huissier de justice qu'elle détenait des fonds pour le compte de la Société HECO à la Caisse des dépôts et consignations et qu'elle en préciserait le montant sous quarante-huit heures, ce qu'elle n'avait pas fait, bien que cette déclaration ait été uniquement incomplète, ce dont il résultait que seule une condamnation au paiement de dommages-intérêts, à l'exclusion de toute condamnation au paiement des causes de la saisie, pouvait être prononcée, la Cour d'appel a violé les articles 44 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, portant réforme des procédures civiles d'exécution, 237 et 238 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution pour l'application de ladite loi ;
3°) ALORS QUE, à titre également subsidiaire, le tiers saisi qui, en méconnaissance de l'indisponibilité des fonds résultant d'une mesure de saisie conservatoire, dispose des fonds saisis commet une faute de nature à engager sa responsabilité, l'obligeant à réparer le préjudice subi ; qu'en revanche, cette faute n'a pas pour conséquence de le rendre débiteur des causes de la saisie ; qu'en décidant néanmoins que la Société d'administrateurs judiciaires ayant méconnu l'indisponibilité des fonds résultant de la mise en oeuvre de la saisie conservatoire, elle était tenue au paiement des causes de la saisie, la Cour d'appel a violé l'article 75 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, portant réforme des procédures civiles d'exécution.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-16343
Date de la décision : 26/05/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesures d'exécution forcée - Saisie-attribution - Tiers saisi - Obligation de renseignement - Etendue de ses obligations à l'égard du saisi - Déclaration - Déclaration inexacte ou mensongère - Sanction

Le tiers saisi qui fournit une information incomplète, inexacte ou mensongère ne peut être condamné qu'à des dommages-intérêts. Il s'ensuit que doit être cassé l'arrêt qui condamne aux causes de la saisie, le tiers saisi qui n'a pas informé l'huissier de justice du montant des sommes qu'il détenait pour le compte du débiteur, alors qu'il avait indiqué, lors de la signification de l'acte de saisie, qu'il détenait une somme dont il préciserait le montant ultérieurement


Références :

article 44 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991

articles 237 et 238 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 25 février 2010

A rapprocher : 2e Civ., 5 juillet 2000, pourvoi n° 97-22407, Bull. 2000, II, n° 116 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 26 mai. 2011, pourvoi n°10-16343, Bull. civ. 2011, II, n° 119
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, II, n° 119

Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne
Avocat général : M. Mucchielli
Rapporteur ?: Mme Leroy-Gissinger
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 25/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.16343
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