LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens, réunis :
Vu l'article 1751, dernier alinéa, du code civil ;
Attendu qu'en cas de décès de l'un des époux, le conjoint survivant cotitulaire du bail dispose d'un droit exclusif sur celui-ci sauf s'il y renonce expressément ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 avril 2009) qu'après le décès de son époux survenu le 8 février 2007, Mme X... a assigné la société Logirep, bailleresse, en reconnaissance d'un droit exclusif sur le bail du local ayant servi à l'habitation des époux ; que la société Logirep a, elle-même, assigné M. Nabil X..., fils de l'époux prédécédé, occupant le logement, et s'en est remise à la décision du juge quant à la personne du titulaire du bail ;
Attendu que pour rejeter la demande de Mme X..., l'arrêt retient que celle-ci, autorisée à résider séparément de son époux par une ordonnance de non-conciliation qui avait attribué à ce dernier la jouissance du domicile conjugal, a, par écritures déposées pour l'audience du juge du divorce du 18 décembre 2006, demandé la confirmation de cette mesure et, ainsi, renoncé expressément au droit au bail sur le logement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Mme X..., qui demeurait, à la date du décès de son époux, cotitulaire du bail relatif au local ayant servi à l'habitation des époux, ne pouvait valablement renoncer en décembre 2006 à un droit dont elle n'était pas encore titulaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne M. Nabil X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, condamne M. Nabil X... à payer à la SCP Boré et Salve de Bruneton la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Y... de sa demande tendant à se voir reconnaître la qualité de locataire de l'appartement sis... à NANTERRE ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 1751 du Code civil dispose en son alinéa 3 : « en cas de décès d'un des époux le survivant co-titulaire du bail dispose d'un droit exclusif sur ce lui-ci sauf s'il y renonce expressément » ; qu'en l'espèce, dans ses écritures déposées pour l'audience du 18 décembre 2006 dans le cadre de la procédure de divorce, Madame Y... indiquait : « attendu que les époux sont séparés de fait depuis plus de deux ans à la date des présentes, qu'en effet, Madame X... a été hébergée chez sa fille à la suite d'une dispute violente le 14 avril 2004 et y demeure toujours depuis lors, que le juge conciliateur a d'ailleurs constaté que l'épouse ne résidait plus au domicile conjugal et en a attribué la jouissance à l'époux, que Madame X... sollicite confirmation des mesures de l'ordonnance de non conciliation en ce qu'elle a attribué à l'époux la jouissance du domicile conjugal » ; que Madame Y..., en demandant au Juge du divorce confirmation de l'attribution à Monsieur Lahcen X... du domicile conjugal... à NANTERRE, décidée par l'ordonnance de non conciliation, a expressément renoncé au droit au bail sur cet appartement ; qu'il importe peut, comme le soutient l'appelante, que la procédure de divorce n'ait pas été menée à son terme ; que la radiation de la procédure consécutive au décès de Monsieur Lahcen X... ne fait pas disparaître l'expression de la volonté de Madame Y... en faveur de l'attribution du domicile conjugal à son exconjoint ; qu'il faut en conséquence confirmer le jugement entrepris ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE Madame X... hébergée actuellement chez sa fille, revendique la cotitularité du bail portant sur son ancien domicile conjugal ; qu'il est ainsi justifié tant d'une qualité que d'un intérêt à agir ; qu'il n'est pas contesté que Madame X... n'habitait plus dans les lieux au moment du décès de son époux, ni le fait qu'elle y ait vécu de nombreuses années avant son départ en mars 2004 ; qu'en application de l'article 262 du Code civil, la cotitularité naît avec la cohabitation effective des époux qui ne peuvent plus ensuite le faire cesser que par la transcription en marge des registres de l'état civil d'un jugement de divorce ou de séparation de corps devenu définitif ; qu'en l'espèce, la procédure de divorce introduite en France par Madame X... a fait l'objet d'une ordonnance de dessaisissement prononcée le 26 février 2007 suite au décès de Monsieur Lahcen X..., et constatant l'extinction de l'instance de ce fait ; que la compétence du juge de NANTERRE ayant été valablement saisi avant le juge marocain, a été admise par un arrêt de la Cour d'appel de VERSAILLES en date du 5 septembre 2006 sur appel de l'ordonnance de non conciliation rendue le 11 avril 2005 ; que les époux X... ne peuvent dès lors être considérés comme valablement divorcés en France ; que l'article 1751 alinéa 3 du Code civil dispose que « en cas de décès d'un époux, le conjoint survivant cotitulaire du bail dispose d'un droit exclusif sur celui-ci sauf s'il y renonce expressément » ; que ce texte est dérogatoire à la dévolution successorale ; que le juge doit par conséquence rechercher s'il est ou non établi que Madame X... a renoncé expressément à son droit exclusif ; qu'il résulte tout d'abord des éléments du dossier que Madame X... a quitté de son plein gré le domicile conjugal pour s'installer chez sa fille en mars 2004, qu'elle a elle-même sollicité l'attribution du domicile conjugal à son époux lors de l'audience de non conciliation et ce en l'absence de comparution de ce dernier, qu'elle a enfin sollicité par conclusions, lors de la procédure de divorce, la confirmation des mesures provisoires, notamment en ce que le domicile conjugal a été attribué au mari ; qu'elle n'habitait plus dans les lieux, de son propre fait, depuis environ trois ans, à la date de sa demande de transfert du bail à son profit auprès de la LOGIREP ; que ses divers papiers officiels portent tous son adresse actuelle à COLOMBES ; qu'elle n'a plus contribué au paiement du loyer pendant toutes ces années ; que ces éléments sont suffisants pour constater que Madame X... a ainsi expressément renoncé au droit au bail sur son ancien domicile ; que Monsieur Nabil X... occupe actuellement ledit logement avec certains de ses demi-frères et demi-soeurs et ce, depuis l'enfance ; que Madame X... n'établit pas pourquoi elle ne pourrait pas rester habiter chez sa fille ; qu'il y a lieu dès lors de débouter Madame Messaouda X... de sa demande de mise à son seul nom du bail portant sur le logement sis ... à NANTERRE ;
1°) ALORS QUE nul ne peut valablement renoncer à un droit d'ordre public, et notamment de nature successorale, avant d'en être devenu titulaire ; qu'en déduisant d'un écrit du « 18 décembre 2006 » (arrêt p. 6, al. 6) que Madame Y... avait renoncé au droit au bail d'ordre public litigieux, bien qu'il lui ait été transmis, par succession, au décès de son mari intervenu le 8 février 2007, la Cour d'appel a violé les articles 1130 et 1751 du Code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'accord donné par un époux, dans le cadre d'une procédure de divorce, à l'attribution de la jouissance du domicile conjugal à son conjoint ne vaut pas renonciation au droit exclusif sur le bail dont il dispose en application de la loi en cas de décès de son conjoint avant l'issue de la procédure de divorce ; qu'en jugeant que « Madame Y..., en demandant au Juge du divorce … l'attribution à Monsieur Lahcen X... du domicile conjugal... à NANTERRE, décidée par l'ordonnance de non conciliation, a expressément renoncé au droit au bail sur cet appartement » (arrêt p. 6, dernier alinéa) la Cour d'appel a violé l'article1751 du Code civil ;
3°) ALORS QUE le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert à l'habitation des deux époux est, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire, et même si le bail a été conclu avant le mariage, réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux ; que cette cotitularité ne prend fin qu'à la transcription du divorce en marge des registres de l'état civil et ce même si les deux époux ne vivent plus ensemble dans le local loué ; qu'en jugeant que Madame Y... aurait renoncé à la cotitularité du bail en quittant le logement familial et en acceptant que la jouissance de ce logement soit attribuée à son époux dans le cadre des mesures provisoires durant la procédure de divorce, après avoir expressément constaté que les époux n'étaient pas divorcés, la Cour d'appel a violé l'article 1751 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Y... de ses demandes de dommages et intérêts formulées à l'encontre de Monsieur Nabil X... et de la société LOGIREP ;
AUX MOTIFS QUE l'article 1751 du Code civil dispose en son alinéa 3 : « en cas de décès d'un des époux le survivant co-titulaire du bail dispose d'un droit exclusif sur ce lui-ci sauf s'il y renonce expressément » ; qu'en l'espèce, dans ses écritures déposées pour l'audience du 18 décembre 2006 dans le cadre de la procédure de divorce, Madame Y... indiquait : « attendu que les époux sont séparés de fait depuis plus de deux ans à la date des présentes, qu'en effet, Madame X... a été hébergée chez sa fille à la suite d'une dispute violente le 14 avril 2004 et y demeure toujours depuis lors, que le juge conciliateur a d'ailleurs constaté que l'épouse ne résidait plus au domicile conjugal et en a attribué la jouissance à l'époux, que Madame X... sollicite confirmation des mesures de l'ordonnance de non conciliation en ce qu'elle a attribué à l'époux la jouissance du domicile conjugal » ; que Madame Y... en demandant au Juge du divorce confirmation de l'attribution à Monsieur Lahcen X... du domicile conjugal... à NANTERRE, décidée par l'ordonnance de non conciliation, a expressément renoncé au droit au bail sur cet appartement ; qu'il importe peut, comme le soutient l'appelante, que la procédure de divorce n'ait pas été menée à son terme ; que la radiation de la procédure consécutive au décès de Monsieur Lahcen X... ne fait pas disparaître l'expression de la volonté de Madame Y... en faveur de l'attribution du domicile conjugal à son ex-conjoint ; qu'il faut en conséquence confirmer le jugement entrepris ; que compte tenu de la décision, il faut débouter Madame Y... de ses demandes de dommages et intérêts formulées à l'encontre de Monsieur Nabil X... et de la société LOGIREP ;
ALORS QUE la cassation emporte l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen atteindra, par application de l'article 625 du Code de procédure civile, le chef de dispositif par lequel la Cour d'appel a écarté la demande de dommages et intérêts formée par Madame Y... dès lors que c'est par des motifs identiques à ceux formulés à l'appui du chef de dispositif visé par le premier moyen que la Cour d'appel a écarté la demande de dommages et intérêts.