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18/05/2011 | FRANCE | N°10-11721

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 18 mai 2011, 10-11721


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Constate la déchéance du pourvoi de l'EARL Les Vergers de Nicole ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 28 mai 2009), que M. Y..., qui exploitait depuis 1998 des terres agricoles appartenant à M. Z... et données à bail à son épouse, Mme Z..., s'est vu signifier, en 2007, par cette dernière, l'interdiction de poursuivre cette exploitation ; que M. Y... a assigné Mme Z... en paiement de dommages-intérêts ; qu'il a en outre demandé que soit reconnue à son profit l'existence d'un bail rural

et sollicité en conséquence l'accès aux terres données à bail ainsi que la r...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Constate la déchéance du pourvoi de l'EARL Les Vergers de Nicole ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 28 mai 2009), que M. Y..., qui exploitait depuis 1998 des terres agricoles appartenant à M. Z... et données à bail à son épouse, Mme Z..., s'est vu signifier, en 2007, par cette dernière, l'interdiction de poursuivre cette exploitation ; que M. Y... a assigné Mme Z... en paiement de dommages-intérêts ; qu'il a en outre demandé que soit reconnue à son profit l'existence d'un bail rural et sollicité en conséquence l'accès aux terres données à bail ainsi que la révision du loyer ; qu'à titre reconventionnel, Mme Z... a sollicité la condamnation de M. Y... au paiement d'un solde locatif ; que l'EARL Les Vergers de Nicole est volontairement intervenue à l'instance ;
Sur le moyen unique du pouvoi provoqué, ci-après annexé :
Attendu que M. Y... n'ayant pas soutenu que M. Z... lui avait directement consenti un bail, la cour d'appel a, sans dénaturation, pu retenir qu'il était constant que Mme Z... avait sous-loué les terres dont son mari lui avait concédé la jouissance par bail rural de longue durée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu les articles 1147 et 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner Mme Z... au paiement de dommages-intérêts par application de l'article 1147 du code civil, l'arrêt retient que cette dernière a manqué à son obligation de bonne foi en matière contractuelle et a contrevenu à l'article 1134 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, alors que par l'effet de l'anéantissement rétroactif du contrat de bail annulé la responsabilité de Mme Z... ne pouvait être recherchée que sur le fondement délictuel ou quasi-délictuel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme Z... au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 28 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à Mme Z... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit, au pourvoi principal, par Me Foussard, avocat aux Conseils pour Mme Z...

L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a condamné Mme Nicole Z... à deux indemnités au profit de M. Sylvain Y... ;
AUX MOTIFS propres, substitués à ceux des premiers juges, QUE «Mme Z... a mis fin aux relations contractuelles qu'elle avait nouées avec M. Y... d'une manière brutale et sans s'y être fait autoriser par voie de justice ; qu'en procédant de cette manière, Mme Z... a manqué aux exigences de la bonne foi en matière contractuelle et a contrevenu à l'article 1134 du Code civil ; que par application de l'article 1147 du Code civil, c'est à bon droit que Mme Z... a été condamnée à payer des dommages et intérêts à son adversaire ; qu'à hauteur d'appel, M. Y... demande que la condamnation encourue par l'appelante incidente soit étendue à l'EARL sans toutefois préciser pour quelles raisons ; que dans ces conditions, la Cour s'abstiendra d'édicter la solidarité requise par l'intéressé quant à la condamnation encourue par son adversaire ; que comme par ailleurs elle est à même d'estimer au vu des pièces régulièrement versées aux débats que le premier juge a fixé de manière exacte le préjudice que Mme Z... avait fait subir à M. Y... en lui signifiant brutalement son intention de mettre fin à la souslocation qu'elle lui consentait (…) » (arrêt, p. 3, § 2) ;
ALORS QUE, premièrement, la nullité emporte anéantissement du contrat ; qu'ayant constaté la nullité de la sous-location consentie par Mme Z... à M. Y..., aucune obligation contractuelle ne pouvait être invoquée à l'encontre de Mme Z... et, par voie de conséquence, il était exclu que M. Y... puisse obtenir la condamnation de Mme Z... sur le fondement de la responsabilité contractuelle ; qu'en retenant, pour maintenir la condamnation à dommages et intérêts, d'une part que Mme Z... devait être condamnée sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, d'autre part qu'elle avait commis une faute en mettant fin brutalement à la sous-location, les juges du fond ont commis une erreur de droit et violé, par fausse application, l'article 1147 du Code civil ;
Et ALORS QUE, deuxièmement et en tout cas, en condamnant Mme Z... sur le fondement contractuel et à raison d'une sous-location, quand ils avaient constaté que la sous-location était nulle, les juges du fond ont en tout état de cause violé par refus d'application la règle suivant laquelle la nullité emporte anéantissement de la convention et interdiction pour les parties de se prévaloir des obligations découlant de la convention annulée.
Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la nullité du bail rural consenti par Madame Nicole Z... à Monsieur Sylvain Y... sur les parcelles cadastrées ZC n° 033 à FLAINVAL et les parcelles cadastrées ZB n° 137, 128, 128 et 1126 à ANTHELUPT, d'AVOIR condamné Monsieur Sylvain Y... à payer à Madame Nicole Z... la somme de 1 433,85 euros, au titre du prorata des loyers arrêtés au 15 juillet 2006, d'AVOIR dit n'y avoir lieu à révision du loyer, d'AVOIR dit n'y avoir lieu à statuer sur l'accès de Monsieur Sylvain Y... aux parcelles cadastrées ZC n° 033 à FLAINVAL et ZB n° 137, 128, 128 et 1126 à ANTHELUPT et d'AVOIR limité le montant des condamnations indemnitaires prononcées à l'encontre de Madame Z..., déboutant ainsi Monsieur Y... de ses demandes plus amples ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE s'il est constant qu'en 1998 Madame Z... avait sous-loué à Monsieur Y... les terres dont son mari lui avait concédé la jouissance privative dans le cadre d'un bail rural de longue durée, il n'est pas certain pour autant que Monsieur Z... ait jamais consenti à ce que sa femme subroge le sous-locataire dans les droits dont elle était personnellement titulaire ; que c'est dès lors à juste titre que le Tribunal a refusé à Monsieur Y... la possibilité de se maintenir dans les lieux dont Madame Z... était locataire contre la volonté de cette dernière et la demande de l'appelant principal tendant à ce qu'il soit fait injonction à l'EARL intimée de lui laisser le libre accès des parcelles qu'il avait jadis exploitées ne peut donc qu'être rejetée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article L. 411-35 du Code rural interdit la cession et la sous-location, sauf si elles sont consenties avec l'agrément du bailleur et ce au profit du conjoint du preneur participant à l'exploitation agricole ou de ses descendants ayant atteint l'âge de la majorité, ou pour un usage de vacances et de loisirs ; qu'il s'agit d'une disposition d'ordre public qui entraîne la nullité absolue du bail donné en souslocation ; que si, à défaut d'agrément du bailleur, le tribunal paritaire des baux ruraux peut autoriser la sous-location, il n'en reste pas moins que le sous-locataire doit répondre aux autres conditions énumérées par l'article L. 411-35 ; qu'or, en l'espèce, Madame Z... admet que les terres appartiennent en propre à son époux qui les lui a données en location, sous la condition expresse qu'elles ne soient pas sous-louées ; qu'elle en tire d'ailleurs argument pour prétendre qu'elle n'a pas pu consentir de bail rural à Monsieur Y..., mais simplement une autorisation d'occupation ponctuelle ; qu'or, sa position a été infirmée comme développé précédemment, Monsieur Y... détient bien un bail rural et non une autorisation d'occupation ponctuelle d'exploiter les terres et encore moins une convention d'occupation pour ses loisirs personnels ; que dans son courrier du 25 mai 2007, Monsieur Z... écrit d'ailleurs à Monsieur Y... que « la sous-location ne lui est pas opposable car elle est interdite ainsi que le mentionne expressément le bail notarié consenti à son épouse le 17 juin 1991 » ; que cette position est néanmoins en contradiction avec les attestations et factures qu'il a signées à l'adresse de Monsieur Y... et qui traduisaient son agrément tacite à une sous-location ; que quoiqu'il en soit, Monsieur Y... n'est ni le conjoint, ni le descendant de Monsieur Z... et n'occupe pas ses parcelles pour des fins autres qu'agricoles ; que la nullité du bail consenti par Madame Z... à Monsieur Y... ne pourra qu'être constatée ;
1°) ALORS QUE le consentement du propriétaire à la mise à disposition de ses terres, moyennant le paiement d'un loyer, caractérise un contrat de location ; que Monsieur Y... faisait valoir, en cause d'appel, que le bail rural litigieux ne pouvait s'analyser en une souslocation prohibée par le Code rural dès lors qu'il lui avait été consenti directement par le propriétaire des parcelles en cause, Monsieur Z... (conclusions p. 7, § 2) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en énonçant qu'il était « constant qu'en 1998, Madame Z... avait sous-loué à Monsieur Y... les terres dont son mari lui avait concédé la jouissance privative dans un bail de longue durée » (arrêt p. 2-3), quand Monsieur Y... faisait au contraire valoir que « non seulement, Monsieur Z... a donné son agrément au bail rural consenti à Monsieur Y..., mais qu'il y a participé en signant lui-même une attestation de mise à disposition des terres et en signant de sa main des factures annuelles de location » (conclusions, p. 7, § 2), faisant ainsi ressortir l'existence d'un contrat de location, et non pas de sous-location, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions susvisées et violé l'article 4 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-11721
Date de la décision : 18/05/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL (règles générales) - Nullité - Effets - Responsabilité du bailleur - Fondement - Détermination

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Nullité - Effets - Effacement rétroactif du contrat - Portée RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Fondement de l'action - Article 1382 du code civil - Applications diverses - Bail rural - Mise en cause de la responsabilité du bailleur après annulation du contrat

Viole les articles 1382 et 1147 du code civil une cour d'appel qui retient qu'un bailleur a manqué à son obligation de bonne foi en matière contractuelle alors que par l'effet de l'anéantissement rétroactif du contrat de bail annulé, sa responsabilité ne peut être recherchée que sur un fondement délictuel ou quasi-délictuel


Références :

articles 1147 et 1382 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 28 mai 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 18 mai. 2011, pourvoi n°10-11721, Bull. civ. 2011, III, n° 79
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, III, n° 79

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Petit
Rapporteur ?: Mme Pic
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 25/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.11721
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