LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Paris, 11 février 2010), que M. X..., fonctionnaire placé sous l'autorité de la société France Télécom, a été élu délégué du personnel en janvier 2007 ; qu'à compter du 1er juillet 2008, la société France Télécom a modifié son poste de travail ; qu'il a saisi en référé le conseil de prud'hommes de Paris le 30 mars 2009 afin que la société France Télécom soit condamnée à le réintégrer dans son poste antérieur; que le syndicat Sud PTT de Loire Atlantique - Vendée est intervenu à l'instance ;
Attendu que M. X... et le syndicat Sud PTT de Loire Atlantique - Vendée font grief à l'arrêt de se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes de M. X... tendant à faire cesser le trouble manifestement illicite résultant du changement de ses conditions de travail sans son accord, voir ordonner sa réintégration dans son poste antérieur et lui octroyer des dommages-intérêts à titre provisionnel, ainsi que sur la demande du syndicat Sud PTT de dommages-intérêts au même titre alors, selon le moyen :
1°/ que constitue un trouble manifestement illicite auquel il appartient au juge des référés judiciaire de mettre fin, un changement des conditions de travail imposé, sans son accord, à un représentant du personnel, nonobstant son statut de fonctionnaire de France Télécom ; de sorte qu'en se déclarant incompétente, dans de telles circonstances, au motif que le litige concernait strictement, à titre principal, la mise en oeuvre, à l'égard d'un fonctionnaire, des dispositions du statut de la fonction publique, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile ;
2°/ que le fait de modifier les conditions de travail d'un fonctionnaire, bénéficiant du statut du salarié protégé, sans avoir obtenu son accord, porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession qu'un syndicat représente et constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés judiciaire de faire cesser ; de sorte qu'en se déclarant incompétente, dans de telles circonstances, au motif que le litige concernait strictement, à titre principal, la mise en oeuvre, à l'égard d'un fonctionnaire, des dispositions du statut de la fonction publique, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile et L. 2132-3 du code du travail ;
Mais attendu que, lorsqu'un fonctionnaire se trouve investi d'un mandat représentatif qu'il exerce, en vertu de la loi, dans l'intérêt tant d'agents de droit public que de salariés de droit privé, les décisions prises à son égard ne doivent pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que le juge administratif étant compétent, le cas échéant en référé, pour veiller à ce que, sous réserve de ne pas porter une atteinte excessive à l'un ou l'autre des intérêts en présence, une mutation ne compromette pas le respect du principe de participation qui découle du préambule de la Constitution, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le juge judiciaire n'était pas compétent pour connaître en référé de la demande litigieuse ;
Que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et le syndicat Sud PTT de Loire Atlantique-Vendée aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, avocat aux Conseils pour M. X... et le syndicat Sud PTT Loire Atlantique-Vendée
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué de s'être déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de M. X... tendant à faire cesser le trouble manifestement illicite provoqué par le changement unilatéral de ses conditions de travail et voir ordonner sa réintégration dans le poste de travail qu'il occupait avant le 1er juillet 2008, outre la condamnation de France Télécom au paiement de dommages et intérêts à titre provisionnel, et d'avoir renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
AUX MOTIFS QUE M. X... et le syndicat Sud rappellent que si les salariés de France Télécom demeurés fonctionnaires - comme M. X... – sont régis par le statut de la fonction publique, les diverses lois intervenues depuis la transformation progressive, de l'ancienne administration des « PTT », en une société de droit privé où l'Etat est désormais minoritaire ont profondément modifié les dispositions applicables à l'organisation et au fonctionnement de ce qui est désormais une entreprise ;
Qu'en particulier la loi du 31 décembre 2003, qui a fait de la société France Télécom une société anonyme, a modifié l'article 29 de la précédente intervenue le 2 juillet 1990, cet article disposant depuis :« (…) les fonctionnaires de France Telecom participent avec les salariés de l'entreprise à l'organisation et au fonctionnement des institutions représentatives du personnel prévues aux titres II et III du livre IV du Code du travail, sous réserve des adaptations, précisées par décret en Conseil d'Etat, qui sont justifiées par la situation particulière des fonctionnaires de France Telecom» ;
Mais que la question de fond opposant les parties a trait aux conditions dans lesquelles la société France Télécom a modifié, à compter du 1er juillet 2008, le poste de travail auquel était, jusqu'à cette date, affecté M. X..., alors qu'il n'est pas même soutenu que cette modification aurait eu une incidence quelconque sur l'exercice par le salarié de ses fonctions de représentant du personnel ;
Qu'il s'ensuit que le litige entre les parties et les demandes consécutives de M. X... – même s'ils supposent indirectement, pour leur examen, voire leur solution, l'application des dispositions du Code du travail, comme le soutient l'appelant et le syndicat Sud – demeurent de la seule compétence des juridictions administratives, puisqu'ils concernent strictement, à titre principal, la mise en oeuvre, à l'égard d'un fonctionnaire, des dispositions du statut de la fonction publique ;
Que le principe de la séparation des pouvoirs s'oppose en effet à ce que le juge judiciaire puisse en connaître, ainsi que l'a donc estimé à bon droit le conseil de prud'hommes ;
Que l'ordonnance sera, en conséquence, confirmée ;
ALORS QUE constitue un trouble manifestement illicite auquel il appartient au juge des référés judiciaire de mettre fin, un changement des conditions de travail imposé, sans son accord, à un représentant du personnel, nonobstant son statut de fonctionnaire de France Télécom ;
De sorte qu'en se déclarant incompétente, dans de telles circonstances, au motif que le litige concernait strictement, à titre principal, la mise en oeuvre, à l'égard d'un fonctionnaire, des dispositions du statut de la fonction publique, la Cour d'appel a violé l'article 809 du Code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué, après s'être déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de M. X... et avoir renvoyé les parties à mieux se pourvoir, d'avoir débouté le syndicat Sud de ses demandes tendant à la condamnation de France Télécom au paiement à des dommages et intérêts à titre provisionnel, pour atteinte à l'intérêt collectif ;
AUX MOTIFS QUE M. X... et le syndicat Sud rappellent que si les salariés de France Télécom demeurés fonctionnaires - comme M. X... – sont régis par le statut de la fonction publique, les diverses lois intervenues depuis la transformation progressive, de l'ancienne administration des « PTT », en une société de droit privé où l'Etat est désormais minoritaire ont profondément modifié les dispositions applicables à l'organisation et au fonctionnement de ce qui est désormais une entreprise ;
Qu'en particulier la loi du 31 décembre 2003, qui a fait de la société France Télécom une société anonyme, a modifié l'article 29 de la précédente intervenue le 2 juillet 1990, cet article disposant depuis :« (…) les fonctionnaires de France Telecom participent avec les salariés de l'entreprise à l'organisation et au fonctionnement des institutions représentatives du personnel prévues aux titres II et III du livre IV du Code du travail, sous réserve des adaptations, précisées par décret en Conseil d'Etat, qui sont justifiées par la situation particulière des fonctionnaires de France Telecom» ;
Mais que la question de fond opposant les parties a trait aux conditions dans lesquelles la société France Télécom a modifié, à compter du 1er juillet 2008, le poste de travail auquel était, jusqu'à cette date, affecté M. X..., alors qu'il n'est pas même soutenu que cette modification aurait eu une incidence quelconque sur l'exercice par le salarié de ses fonctions de représentant du personnel ;
Qu'il s'ensuit que le litige entre les parties et les demandes consécutives de M. X... – même s'ils supposent indirectement, pour leur examen, voire leur solution, l'application des dispositions du Code du travail, comme le soutient l'appelant et le syndicat Sud – demeurent de la seule compétence des juridictions administratives, puisqu'ils concernent strictement, à titre principal, la mise en oeuvre, à l'égard d'un fonctionnaire, des dispositions du statut de la fonction publique ;
Que le principe de la séparation des pouvoirs s'oppose en effet à ce que le juge judiciaire puisse en connaître, ainsi que l'a donc estimé à bon droit le conseil de prud'hommes ;
Que l'ordonnance sera, en conséquence, confirmée ;
Que par voie de conséquence, le syndicat Sud sera débouté de ses demandes ;
ALORS QUE le fait de modifier les conditions de travail d'un fonctionnaire, bénéficiant du statut du salarié protégé, sans avoir obtenu son accord, porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession qu'un syndicat représente et constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés judiciaire de faire cesser ;
De sorte qu'en se déclarant incompétente, dans de telles circonstances, au motif que le litige concernait strictement, à titre principal, la mise en oeuvre, à l'égard d'un fonctionnaire, des dispositions du statut de la fonction publique, la Cour d'appel a violé l'article 809 du Code de procédure civile et L 2132-3 du Code du travail ;