LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Mme X..., de nationalité française, née le 6 janvier 1928, a fait la connaissance de M. Y..., de nationalité pakistanaise, né le 30 janvier 1984 à Peshawar, alors qu'il était en situation irrégulière sur le territoire français ; que, par requête du 5 juin 2008, Mme X... a présenté une requête en adoption simple de M. Y... qui avait consenti devant notaire, le 23 octobre 2007, à son adoption, sans rétracter son consentement ; que, par jugement du 23 janvier 2009, le tribunal de grande instance de Saint-Omer a prononcé son adoption simple ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu que le procureur général près la cour d'appel fait grief à l'arrêt attaqué (Douai, 10 juin 2010) d'avoir confirmé ce jugement ;
Attendu qu'après avoir relevé que la règle de conflit du premier alinéa de l'article 370-3 du code civil dispose que les conditions de l'adoption sont soumises à la loi nationale de l'adoptant, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu, M. Y... étant majeur à la date de la requête, que la loi française, loi nationale de l'adoptante, était applicable, les dispositions de l'alinéa 2 de ce texte qui visent exclusivement le mineur étranger, ne pouvant recevoir application ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé :
Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille onze.
MEMOIRE ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Douai.
Mémoire
Les faits:
Madame Renée X..., bénévole dans une association d' aide aux migrants décide de venir en aide à Irfan Y... sujet pakistanais en transit en France avant de rejoindre l'Angleterre.
Pendant quelques semaines (un mois) elle l'héberge à son domicile puis, pour régulariser sa situation, opte pour l'adoption simple.
Le futur adopté, qui a réussi à passer en Grande-Bretagne, acquiesce à ce projet en donnant son consentement devant un notaire de Manchester.
La procédure:
Par requête du 5 juin 2009, Madame Renée X... a saisi le tribunal de grande instance de Saint-Orner d'une requête en adoption simple.
Par jugement du 23 janvier 2009, il était fait droit aux prétentions de la requérante.
Le 23 mars 2009, le parquet de Saint-Omer, qui avait pris des conclusions de rejet de la requête, interjetait appel.
Le 10 septembre 2009, la cour d'appel de Douai rendait un arrêt avant dire droit ordonnant au ministère public, qui avait conclu à l'infirmation de la décision entreprise en soulevant la question de droit international posé par ce dossier, de produire la loi pakistanaise sur l'adoption.
Le 22 avril 2010, la Cour, sans attendre le retour des textes réclamés tant auprès des services de l'ambassade du Pakistan à Paris qu'auprès des services compétents de la chancellerie, évoquait le dossier et le 10 juin 2010 rendait un arrêt confirmant la décision de première instance.
C'est l'arrêt attaqué.
Violation de l'article 360 du code civil.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fait droit à la demande d'adoption.Alors que le consentement à adoption de Monsieur Y... ne pouvait être accueilli ayant été donné par une personne dont la loi personnelle prohibe cette institution.
Le Pakistan est un pays de droit musulman qui a rappelé cette règle lorsqu'il a signé la convention de New-York sur l'enfance faisant des réserves en ce qui concerne l'adoption.
Monsieur Y... est de nationalité pakistanaise.
La Cour devait analyser son consentement au regard de sa loi nationale qui en l'espèce prohibe l'institution de l'adoption, et ce quelque soit l'âge de l'intéressé.
C'est donc à tort que la Cour, en se fondant sur l'article 370-3 du code civil dont ne s'est jamais prévalu le parquet, a limité l'application de cette loi nationale aux seuls mineurs.
Violation des articles 363 à 368-1 du code civil.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir considéré que l'impossibilité de transcription d'un jugement d'adoption ne faisait pas obstacle à son prononcé.
Alors que les décisions portant sur l'état ou la capacité d'une personne intéressent l'ordre public et doivent être opposables aux tiers.
Une décision prononçant l'adoption entraîne de nombreux effets énumérés aux articles 363 à 368-1 du code civil.
Une adoption ne peut pas rester secrète et ne trouver application qu'entre les parties.
Il est important que tant les pouvoirs publics que les familles des parties soient informés de la création de ce lien de filiation.
En l'espèce, les autorités pakistanaises ne peuvent que refuser de transcrire cette décision contraire à leur législation qui demeurera de ce fait inopposable aux tiers.
L'arrêt de la cour d'appel de Douai ne pouvant trouver application qu'entre les parties est contraire à notre ordre public s'agissant d'une décision intéressant la filiation.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir méconnu les propos tenus par l'adoptante lors des deux audiences à l'occasion desquelles ce dossier a été évoqué.
Alors que ces propos établissaient sans contestation possible le détournement de procédure.
La Cour a retenu, pour établir l'existence d'un lien de filiation, la relation épistolaire existant entre les parties, l'envoi de quelques mandats, un voyage à Manchester ce qui au demeurant ne différencie pas le lien d'amitié d'un lien filial.
Par contre, la cour a méconnu les propos de Madame X... qui a été longuement entendu lors des deux audiences à la demande de la Cour elle-même d'où il ressortait que prise de pitié pour le jeune Y..., elle avait dans le but de l'aider, envisagé dans un premier temps le mariage puis n'ignorant pas le peu de crédibilité d'une telle démarche, elle avait à l' issue d'une réunion avec plusieurs membres de son association d'aide aux migrants, opter pour l'adoption. Ce qui constitue un détournement de procédure.
Par ces motifs, il est conclu à la cassation de l'arrêt rendu le 10 juin 2010 par la Cour d'Appel de Douai opposant le ministère public à Madame X... et Monsieur Y....
Fait au parquet général de Douai, le 6 juillet 2010 Le Procureur GénéralJean-Jacques ZIRNHELT