Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Mustafa X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 3 septembre 2009, qui a rejeté sa requête en relèvement de l'interdiction définitive du territoire français ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 8, 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 131-30-2 du code pénal, 702-1, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête présentée par M. X... aux fins de relèvement d'une interdiction définitive du territoire français ;
" aux motifs propres que, en premier lieu, si la cour doit prendre en compte le respect de la vie privée dans sa décision, il lui appartient aussi de se rappeler l'atteinte grave et durable apportée par les infractions commises par le requérant à l'ordre et à la santé publique, s'agissant d'infractions à la législation sur les stupéfiants ; que l'ensemble des éléments de la situation du requérant étaient connus de la cour lorsqu'elle a prononcé la peine complémentaire d'interdiction du territoire français définitive à son encontre, le simple fait de concevoir un enfant postérieurement à cette décision étant sans emport ; qu'il s'agissait, enfin, d'un trafic d'une importance certaine ; qu'il échet en conséquence de rejeter la requête ;
" 1) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le demandeur, ressortissant turc, a déposé une requête en relèvement de la peine d'interdiction définitive du territoire français, prononcée à titre complémentaire par un arrêt antérieur, du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants ; qu'il a invoqué, à l'appui de sa demande, qu'il était né en 1980, et était arrivé en France en 1983 à l'âge de trois ans ; qu'il y vivait depuis plus de 20 ans, qu'il était marié depuis 1999, et était père d'un enfant né le 27 novembre 1999, que sa compagne était enceinte, que toute sa famille vivait en France depuis plus de 25 ans ; qu'il ajoutait que, si la cour d'appel avait connu ces éléments, elle n'aurait pas prononcé l'interdiction définitive du territoire ; que, pour rejeter la requête de l'intéressé, la cour d'appel se borne à énoncer que si elle doit prendre en compte le respect de la vie privée, il lui appartient aussi de se rappeler la gravité de l'infraction, s'agissant d'infractions à la législation sur les stupéfiants et que " l'ensemble des éléments de la situation du requérant étaient connus de la cour lorsqu'elle a prononcé la peine complémentaire d'interdiction du territoire français définitive à son encontre, le simple fait de concevoir un enfant postérieurement à cette décision étant sans emport ; qu'il s'agissait enfin d'un trafic d'une importance certaine ; qu'il échet en conséquence de rejeter la requête " ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, si, au moment où elle statuait sur la requête en relèvement de l'interdiction définitive du territoire, eu égard à l'ensemble des éléments du dossier, y compris eu égard à l'évolution de sa situation, le maintien de la mesure en cause respectait un juste équilibre entre, d'une part, le droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur et, d'autre part, les impératifs de sûreté publique, de prévention des infractions pénales et de protection de la santé publique, prévus par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a privé sa décision des motifs propres à justifier le dispositif ;
" 2) alors que, la référence en guise de motivation, à sa décision antérieure pour se prononcer sur la requête en relèvement du territoire, caractérise un déni de recours effectif au sens de l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, selon lequel toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ; que l'article 702-1 du code de procédure pénale dispose que toute personne frappée d'une peine d'interdiction, déchéance ou incapacité à titre de peine complémentaire peut demander à la juridiction qui a prononcé la condamnation de la relever de tout ou partie de cette interdiction, déchéance ou incapacité ; que ce recours prévu par la loi serait dépourvu de tout caractère effectif, si le juge pouvait, comme en l'espèce, se borner à se référer à sa décision antérieure, sans tenir compte de la situation du demandeur, au moment où il statue sur la requête ; que l'arrêt attaqué méconnaît, dès lors, les dispositions de l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, et est dépourvu de base légale " ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 702-1 et 703 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., ressortissant turc, a déposé une requête en relèvement de la peine d'interdiction définitive du territoire français prononcée, à titre de peine complémentaire, par arrêt antérieur, des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et contrebande ; qu'il a notamment invoqué, à l'appui de sa demande, sa résidence régulière en France depuis plus de vingt ans lors de sa condamnation ; qu'il a, en outre, fait valoir qu'il était père d'un enfant et qu'il attendait la naissance d'un nouvel enfant ;
Attendu que, pour rejeter cette requête, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si, au jour où elle statuait, le maintien de la mesure en cause respectait un juste équilibre entre, d'une part, le droit au respect de la vie privée et familiale du requérant, d'autre part, les impératifs de sûreté publique, de prévention des infractions pénales et de protection de la santé publique, prévus par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 3 septembre 2009, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Castel conseiller rapporteur, Mme Ponroy conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;