LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches, ci après annexé :
Attendu que par acte sous seing privé du 29 avril 1993, les sociétés SEDEV et Sermont, respectivement gestionnaires des domaines skiables des communes voisines de Vars et de Risoul en vertu de contrats d'affermage conclus avec celles-ci, ont conclu une convention relative à la gestion d'un domaine skiable commun et en particulier à la mise en place d'un tarif unique pour l'accès aux pistes ainsi qu'à la répartition entre elles des recettes perçues ; qu'à l'expiration de la durée de validité de cet engagement conclu pour dix ans, un protocole d'accord, puis un accord provisoire ont été conclus les 20 décembre 2004 et 7 avril 2005 ; qu'estimant que ce dernier accord avait été reconduit pour la saison de ski 2005-2006, la société SEDEV a assigné la société Sermont devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir la condamnation de cette dernière au paiement de sommes sur le fondement contractuel et subsidiairement, dans l'hypothèse où ne serait pas retenue l'existence d'un accord contractuel, sur le fondement de l'article 1371 du code civil ; que par jugement du 26 septembre 2007, le tribunal de commerce de Paris a accueilli l'exception d'incompétence de la juridiction de l'ordre judiciaire soulevée par la société Sermont ;
Attendu que la société Sermont fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 7 octobre 2009) d'avoir déclaré le tribunal de commerce compétent pour connaître de l'action engagée par la société SEDEV à son encontre ;
Attendu, d'abord, que la société Sermont n'a jamais soutenu devant la cour d'appel que la convention litigieuse était annexe ou accessoire aux conventions d'affermage, ensuite, qu'ayant relevé que la convention conclue entre les deux personnes privées avait pour objet la mise en place d'un tarif unique pour l'accès aux pistes des deux domaines dont elles assumaient, chacune, la gestion à leurs risques et péril, ainsi que la répartition entre elles des recettes perçues, la cour d'appel en a justement déduit d'une part, qu'elles avaient agi pour leur propre compte, d'autre part, que se bornant à prévoir les modalités de la commercialisation du domaine skiable dans les rapports entre les deux sociétés, la convention n'emportait pas occupation du domaine public ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait en sa première branche, et partant irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sermont aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sermont, la condamne à payer à la société SEDEV la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils pour la société Sermont
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré le Tribunal de commerce compétent pour connaitre de l'action engagée par la SEDEV à l'encontre de la Société SERMONT ;
AUX MOTIFS QU'il convient de relever que sont nécessairement des contrats de droit privé les conventions conclues entre des organismes de droit privé, fussent-ils chargés d'une mission de service public, à moins que l'une des parties ait agi pour le compte d'une personne publique ou en vertu d'un mandat exprès ou tacite conféré par celle-ci ; qu'il sera rappelé que lorsqu'un contrat est conclu entre deux personnes privées, le fait que l'une d'elles soit chargée d'une mission de service public n'entraine aucunement la compétence de la juridiction administrative dès lors qu'aucune des parties au contrat n'agit comme mandataire d'une personne morale de droit public ; qu'en l'occurrence les Sociétés SERMONT et SEDEV sont toutes deux des sociétés d'économie mixte, donc de droit privé, et sont liées aux communes dont elles gèrent le domaine skiable, non pas par un contrat de régie par lequel le délégataire exploite le service public qui lui est confié pour le compte de la personne morale de droit public qui lui verse, en contrepartie, une rémunération liée aux résultats d'exploitation, mais par un simple contrat d'affermage au travers duquel elles gèrent le domaine skiable dont elles ont la charge à leurs risques et périls et en se rémunérant directement au moyen d'un prix payé par l'usager ; que si la Société SERMONT excipe également à l'appui de la compétence administrative pour connaitre du présent litige de « l'abondante jurisprudence relative à la survenance d'un préjudice découlant de l'exploitation d'un ouvrage public relevant d'un service public à caractère industriel et commercial », l'action engagée par la SEDEV est sans lien avec un tel objet contentieux et a seulement trait à l'exécution d'obligations contractuelles ou, subsidiairement, à l'enrichissement sans cause d'une partie ; que de même, si l'article L. 2331-1 du Code général de la propriété des personnes publiques énonce que « sont portées devant la juridiction administrative les litiges relatifs aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclues par les personnes publiques ou leur concessionnaire », la convention litigieuse n'a nullement un tel objet, mais concerne seulement les modalités de la commercialisation et de l'exploitation d'un domaine skiable déterminé qui, au surplus, ne constitue pas en lui-même un ouvrage public et dont aucune autre pièce du dossier ne démontre son appartenance au domaine public communal ; qu'il résulte de ce qui précède que le litige dont s'agit a exclusivement trait aux relations commerciales existant entre deux sociétés de droit privé agissant pour leur propre compte et relève donc des seules juridictions de l'ordre judiciaire conformément à l'article L. 721-3 du Code de commerce aux termes duquel « les tribunaux de Commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants » ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de dire le Tribunal de commerce de PARIS compétent pour connaître de la demande présentée par la SEDEV vis-à-vis de la Société SERMONT (arrêt, p. 3) ;
1°) ALORS QUE les litiges relatifs aux conventions conclues entre personnes privées qui sont annexes à un contrat administratif relèvent de la compétence de la juridiction administrative ; que le contrat d'affermage conclu par une personne publique pour l'exécution d'un service public est un contrat administratif ; qu'en décidant que la juridiction administrative était incompétente pour connaître du litige relatif aux contrats d'exploitation du domaine skiable des Communes de RISOUL et VARS conclus entre les Sociétés SERMONT et SEDEV pour la raison que les communes avaient conclu un contrat d'affermage avec ces sociétés, quand cette circonstance n'était pas de nature à exclure la compétence de la juridiction administrative, la Cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 ;
2°) ALORS QUE la juridiction administrative est compétente pour connaître des litiges concernant les contrats conclus entre deux personnes privées, quand l'une agit pour le compte d'une personne publique ; qu'en ajoutant, pour décider que la juridiction administrative était incompétente, que les Sociétés SERMONT et SEDEV agissaient pour leur propre compte, quand en application du contrat de délégation de service public, la Société SERMONT ne disposait pas de la capacité de négocier le développement du domaine skiable ainsi que les modalités financières de ce développement, et par conséquent ne pouvait conclure de conventions avec la SEDEV qui emportaient extension du domaine skiable qu'en vertu d'un mandat au moins tacite de la commune, la Cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 ;
3°) ALORS QUE sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs aux autorisations ou conventions comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclues par les personnes publiques ou leur concessionnaire ; qu'en retenant encore que la gestion du domaine skiable de la « Forêt Blanche », dans le cadre des conventions qui avaient été conclues entre les Sociétés SERMONT et SEDEV, ne comportait aucune occupation du domaine public en tant qu'elles ne visaient que la commercialisation et l'exploitation de ce domaine, quand cette gestion emportait nécessairement occupation du domaine public, la Cour d'appel a violé l'article L. 2331-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;
4°) ALORS QU' en considérant aussi que le domaine skiable ne constituait pas en lui-même un ouvrage public, quand les pistes de ski ou, à tout le moins, les remontées mécaniques, constituaient des ouvrages publics, la Cour d'appel a violé l'article L. 2331-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;
5°) ALORS QUE sont portées devant la juridiction administrative les litiges relatifs aux autorisations ou conventions comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclues par les personnes publiques ou leur concessionnaire ; qu'en cas de contestation sérieuse, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de se prononcer sur l'existence, l'étendue et les limites du domaine public ; qu'en toute hypothèse, en se prononçant de la sorte sur une question de domanialité publique discutée entre les parties, la Cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé la loi des 16-24 août 1790 ;
6°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en toute hypothèse encore, en retenant qu'aucune pièce du dossier ne démontrait l'appartenant du domaine skiable au domaine public communal, quand la Société SERMONT produisait le cahier des charges de la délégation de service public des remontées mécaniques de la Commune de RISOUL, lequel mentionnait que « la commune s'engage à mettre gratuitement à la disposition du concessionnaire les terrains communaux nécessaires pour l'implantation ou l'exploitation des installations (…) », la Cour d'appel a violé l'article 1353 du Code civil.