LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 706-9 du code de procédure pénale et le principe de la réparation intégrale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 29 novembre 2001, Christian X... a été victime d'un homicide commis par un auteur demeuré inconnu ; que le 11 juillet 2008, Mme X..., sa veuve, a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) en indemnisation ;
Attendu que pour allouer à Mme X... une certaine somme en réparation de la perte de revenus éprouvée du fait du décès de son mari, l'arrêt retient que le conjoint survivant a reçu un capital-décès de la caisse primaire d'assurance maladie ; qu'il s'agit d'une somme forfaitaire versée indépendamment du préjudice subi, qui ne constitue pas une ressource, et n'est donc pas prise en compte dans le calcul de la perte annuelle patrimoniale ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le capital-décès servi par une caisse de sécurité sociale dépendant, selon l'article L. 361-1 du code de sécurité sociale, du montant des revenus du défunt, indemnise la perte de revenus, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant la décision de la CIVI, il a alloué à Mme X... la somme de 259 179, 09 euros en réparation de son préjudice économique, l'arrêt rendu le 27 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir alloué à Mme X... la somme de 259 179, 09 euros en réparation de son préjudice économique subi du fait du décès de son mari ;
Aux motifs que « le préjudice économique engendré par le décès de Monsieur X... pour son épouse n'est pas contesté ; n'il sera évalué ainsi qu'il suit ; que le revenu annuel global du ménage avant le décès s'élevait à 58 681 euros ; qu'il convient de déduire de ce revenu la part des dépenses personnelles de la victime décédée qui sera évaluée à 40 %, le couple n'ayant plus d'enfant à charge, soit 23 472, 40 euros ; qu'il y a lieu également de déduire du montant obtenu, les revenus du conjoint survivant existant avant le décès et subsistant après mais aussi les revenus consécutifs au décès ; que Madame X... percevait un salaire de 17 240 euros au moment du décès de son mari et elle a continué à percevoir ce salaire après son décès ; que l'évaluation de la perte annuelle patrimoniale du conjoint survivant s'effectue sur les revenus perçus au moment du décès ; que Madame X... a reçu un capital décès de la C. P. A. M. et ainsi qu'une somme provenant d'un contrat d'assurance souscrit par Monsieur X... auprès de la compagnie AXA ; qu'il s'agit de sommes forfaitaires versées indépendamment du préjudice subi qui ne constituent pas des ressources et ne sont donc pas prises en compte dans le calcul de la perte annuelle patrimoniale ; que la perte patrimoniale annuelle de Madame X... s'élève 17 968, 60 euros ; que cette somme sera capitalisée en fonction du barème des rentes viagères 2004 publié à la Gazette du Palais qui tient compte de tables de mortalités masculines et féminines les plus récentes ainsi que d'un taux d'intérêt de 3, 20 % ; que le prix de l'euro de rente est de 18, 42 ; que Madame X... étant âgé de 50 ans au moment du décès le capital à allouer à Madame X... est donc de 259 179, 09 euros » ;
Alors, d'une part, que la pension de réversion doit, sauf à ce qu'il en résulte un avantage indu pour le conjoint survivant, être prise en compte dans le calcul des revenus postérieurs au décès de la victime lesquels, comparés à ceux dont il pouvait bénéficier en propre avant ce décès, permettent de caractériser son préjudice économique ; qu'en se dispensant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si Mme X... ne percevait pas une pension de réversion d'un montant annuel de 6 076 euros qu'il y avait lieu de
prendre en compte dans le calcul des revenus postérieurs au décès de Christian X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil et 706-3 du code de procédure pénale ;
Alors, d'autre part, que la commission d'indemnisation des victimes d'infractions tient compte, dans le montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de son préjudice, des prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale ; qu'en refusant néanmoins d'imputer le capital-décès versée à Mme X... par la CPAM, organisme gérant un régime de sécurité sociale obligatoire, la cour d'appel a violé l'article 706-9 du code de procédure pénale ;
Alors, ensuite, que si le droit pour la victime d'obtenir réparation du préjudice subi existe dès que le dommage a été causé, l'évaluation de ce préjudice doit être faite par le juge au moment où il rend sa décision ; qu'en calculant le préjudice économique subi par Mme X... en tenant compte du montant annuel de son salaire à la date du décès et non du montant du salaire qu'elle percevait à la date à laquelle elle statuait, la cour d'appel a violé les articles 1382 du code civil et 706-3 du code de procédure pénale ;
Alors, en tout état de cause, que s'agissant de ses revenus pour l'année 2001, année du décès de Christian X..., Mme X... produisait deux déclarations de revenus, l'une établie en considération des revenus communs perçus par le foyer avant la date du décès et l'autre en fonction des seuls revenus perçus par elle après cette date ; qu'il résultait de la première déclaration que Mme X... avait perçu la somme de 17 240 euros du 1er janvier au 30 novembre 2001 et de la seconde qu'elle avait perçu la somme de 3 025 euros du 1er au 30 décembre 2001 à titre de salaire, soit un salaire annuel de 20 265 euros ; qu'en retenant néanmoins que Mme X... avait perçu la seule somme annuelle de 17240 euros à titre de salaire pour l'année 2001, la cour d'appel a dénaturé ces documents, en violation de l'article 1134 du code civil.