LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 2, 2 de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995 pris pour l'application de l'article D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale et relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles, et le tableau n 30 bis des maladies professionnelles annexé au code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que sont inscrites au compte spécial prévu par l'article D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale les dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque celle-ci a fait l'objet d'une première constatation médicale postérieurement à la date d'entrée en vigueur du tableau la concernant, mais que la victime n'a été exposée au risque qu'antérieurement à la date d'entrée en vigueur de celui-ci ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en premier et dernier ressort, que M. X..., salarié de la société Nordon industries, aux droits de laquelle vient la société Fives Nordon (la société), a déclaré, le 25 juin 2004, un carcinome bronchique, maladie inscrite au tableau n° 30 bis des maladies professionnelles ; que la caisse régionale d'assurance maladie du Nord-Est, aux droits de laquelle vient la CARSAT Nord-Est (la caisse), ayant entendu imputer les dépenses en résultant au compte employeur de la société pour la détermination du taux de ses cotisations d'accidents du travail, cette dernière a saisi d'un recours la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société, l'arrêt retient que la maladie professionnelle de M. X... figure au titre des maladies professionnelles répertoriées dans le tableau n 30, qu'elle a été constatée le 25 juin 2004 et que l'intéressé avait été exposé au risque lié à l'amiante de 1975 à 1992 au sein de la société, soit après la date d'entrée en vigueur du tableau concernant sa maladie ;
Qu'en statuant ainsi par une telle assimilation, alors que la prise en charge d'un cancer broncho-pulmonaire primitif au titre du tableau n 30 bis, seul applicable en l'espèce, répond à des conditions distinctes de celles retenues par le tableau n 30 E antérieurement applicable, la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu, le 21 janvier 2010, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, autrement composée ;
Condamne la CARSAT Nord-Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la CARSAT Nord-Est ; la condamne à payer à la société Fives Nordon la somme de 2 500 euros.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Fives Nordon
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR déclaré mal fondé le recours de la société exposante contre les décisions de la CRAM du NORD-EST fixant les taux de cotisation pour les exercices 2006 et 2007 et d'AVOIR dit qu'il n'y a pas lieu d'inscrire au compte spécial la maladie de Monsieur Jean X... du 25 juin 2004 ;
AUX MOTIFS QUE «L'article D.242-6-3 du code de la sécurité sociale dispose que les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions particulières fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ne sont pas comprises dans la valeur du risque propre d'un établissement, mais inscrites à un compte spécial. Au regard des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995, dans son 2ème alinéa, «sont inscrites au compte spécial, conformément aux dispositions de l'article D. 242-6-3 du Code de la sécurité sociale, les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées dans les conditions suivantes : 2° L a maladie professionnelle a fait l'objet d'une première constatation médicale postérieurement à la date d'entrée en vigueur du tableau la concernant, mais la victime n'a été exposée qu'antérieurement à la date d'entrée en vigueur dudit tableau». La cour observe que les parties s'entendent sur le fait que la pathologie présentée par M. Jean X..., le carcinome bronchique, est assimilable au cancer broncho-pulmonaire primitif et relève du tableau n° 30 bis «cancer bronchopulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante». La maladie professionnelle de M. Jean X..., le cancer broncho-pulmonaire primitif figure dans le tableau 30 bis qui a été créé le 22 mai 1996 par le décret n° 96-445. Ce tableau a été créé suite à l'éclatement du tableau 30 dans lequel le syndrome «cancer broncho pulmonaire primitif» figurait, depuis le décret du 23 juin 1985, sous la rubrique E «Cancer broncho pulmonaire primitif quand la relation avec l'amiante est médicalement caractérisée». Il importe peu, d'une part, que le cancer broncho pulmonaire primitif ait été intégré par le décret du 22 mai 1996 au nouveau tableau numéroté 30 bis puisque ladite maladie était inscrite depuis le décret du 19 juin 1985, paru au journal officiel le 23 juin 1985, dans le tableau n° 30 et que le décret du 22 mai 1996 n'a fait qu'opérer une subdivision du tableau n° 30 et d'autre part, que les critères de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie aient été modifiés par le décret du 22 mai 1996, dès lors que l'affection présentée par M. Jean X... répondait aux critères en vigueur au moment où elle a été contractée. De même, le fait que le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 10 juin 1994, ait déclaré entachée d'illégalité, l'exigence du lien médicalement constaté à propos du cancer broncho-pulmonaire primitif, ne signifie pas que cette maladie, en tant que telle, ne figurait pas, dès le 23 juin 1985 dans le tableau n° 30 des maladies professionnelles. La Cour constate que la date de fin d'exposition de M. Jean X... au risque de la maladie professionnelle du tableau 30 bis fixée en 1992, est nécessairement postérieure au 23 juin 1985, date à laquelle le cancer broncho pulmonaire primitif a été intégré pour la première fois au tableau 30 en tant que maladie professionnelle. Dès lors, la cour relève que la maladie professionnelle de M. Jean X... a été constatée le 25 juin 2004 et qu'il a été exposé au risque lié à l'amiante de 1968 à 1992, au sein de l'établissement la société NORDON INDUSTRIES. Ainsi, il apparaît que M. Jean X... a bien été exposé postérieurement à la date d'entrée en vigueur du tableau concernant sa maladie. Le moyen tiré de l'application de l'article 2, 2° de l'arrêté du 16 octobre 1995 est dès lors inopérant. Au surplus, la société NORDON INDUSTRIES fait valoir que M. Jean X... a été exposé au risque de la maladie au sein d'une autre entreprise de 1967 à 1968 mais elle ne verse aux débats aucune pièce de nature à démontrer que durant cette période, chez son précédent employeur, les conditions de travail auxquelles il était soumis étaient susceptibles de l'exposer au risque de la maladie en cause. Il est en revanche suffisamment avéré que M. Jean X... a été exposé au risque de 1968 à 1992 au sein de l'établissement de la société NORDON INDUSTRIES. En conséquence, les travaux effectués par que M. Jean X... au sein de la société NORDON INDUSTRIES seront considérés comme étant seuls à l'origine de la maladie professionnelle et les dépenses en résultant devront être maintenues au compte de la société.» ;
ALORS QU'en vertu de l'article 2, 2° de l'Arrêté du 16 octobre 1995, est inscrite au compte spécial, la maladie professionnelle ayant fait l'objet d'une première constatation médicale postérieurement à l'entrée en vigueur du tableau de maladie professionnelle la concernant, cependant que la victime n'a été exposée au risque qu'antérieurement à la date d'entrée en vigueur dudit tableau ; qu'au cas présent, il était établi que Monsieur Jean X... avait cessé d'être exposé au risque lié à l'inhalation de poussières d'amiante en 1992 et la maladie de Monsieur X... avait été prise en charge sur le fondement du Tableau n°30 bis créé par le Décret n°96-445 du 22 mai 1996 ; de sorte qu'en considérant que les dépenses relatives à cette maladie n'avaient pas à être inscrites au compte spécial au motif inopérant que le cancer broncho-pulmonaire aurait été antérieurement inscrit au Tableau n°30 des maladies professionnelles, la CNITAAT a méconnu l'article susvisé, ensemble l'article D. 242-6-3 du Code de la sécurité sociale et le Tableau de maladies professionnelles n°30 bis.