LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Irène X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE 16e chambre, en date du 2 juin 2010, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée, des chefs de harcèlement moral et discrimination, l'a condamnée à une amende civile ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 212-2 du code de procédure pénale, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à l'encontre de Mme X... une amende civile d'un montant de 1 000 euros ;
"aux motifs que sur le moyen tiré du principe contradictoire et du droit à un procès impartial et équitable la partie civile expose que les réquisitions du parquet général devront être écartées (sic) en ce qu'elles sont le reflet de la position de la cour, qu'en invitant le parquet général à prendre des réquisitions la chambre de l'instruction se saisit d'office ; qu'en premier lieu, est erroné l'argument tiré d'une atteinte au principe contradictoire dès lors que Mme X... a présentement toute latitude pour assurer sa défense sur la question de l'amende civile ; qu'en deuxième lieu, la chambre de l'instruction ne se saisit pas d'office et ne préjuge pas de l'opportunité de prononcer une amende civile, ainsi que le prétend le mémoire, mais ne fait qu'appliquer les dispositions de l'article 212-2 du code de procédure pénale qui dispose que lorsqu'elle déclare qu'il n'y a lieu à suivre à l'issue d'une information ouverte sur constitution de partie civile, la chambre de l'instruction peut, sur réquisitions du procureur général et par décision motivée, si elle considère que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire, prononcer contre la partie civile une amende civile ; qu'enfin, le mémoire ne fournit aucune explication sur la violation alléguée du droit à un procès impartial et équitable au sens de l'article préliminaire du code de procédure pénale et l'article 6 alinéa 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'il y a lieu de relever que l'invocation de ces textes ne saurait dispenser celui qui s'en prévaut de démontrer l'existence d'une violation caractérisée des droits qu'ils reconnaissent ; que sur le moyen tiré de l'absence de réunion des conditions d'une amende civile, à cet égard, le mémoire estime que l'inexistence ou l'insuffisance des charges pour renvoyer la cause devant la juridiction de jugement ne constitue pas la démonstration d'un abus de la plainte initiale ; que cette affirmation est au demeurant non contestable ; que, par ailleurs, la partie civile soutient que l'auto-appréciation par les magistrats du caractère abusif d'une voie de droit choisie par un justiciable pour les saisir peut porter en elle les germes d'un certain totalitarisme (sic) ; qu'indépendamment de la terminologie employée dont la traduction juridique n'est pas parfaitement déterminée, il est de principe que le juge saisi d'un litige, tant en matière pénale qu'en matière civile, a le pouvoir d'apprécier si la voie de droit choisie par le demandeur présente ou non un caractère abusif ; que c'est dans ce cadre que s'analysent les dispositions de l'article 212-2 du code de procédure pénale ; que, dès lors qu'il n'appartient pas au juge de contester la loi, le moyen sus-évoqué apparaît dépourvu de pertinence ; que sur le prononcé d'une amende civile : dans l'arrêt rendu le 13 octobre 2009, la chambre de l'instruction a estimé que ne pouvaient être retenus les griefs reprochés par Mme X... à son employeur M. Y..., savoir notamment le refus à l'accès à des formations universitaires, la diffusion des résultats d'un test de personnalité, les demandes injustifiées d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail, enfin la « mise au placard » (sic) ; la chambre de l'instruction a de surcroît jugé qu'étaient établis à l'encontre de Mme X... les griefs d'insuffisance professionnelle, de mauvaise volonté manifeste, de comportement négatif caractérisé par une entrave permanente au fonctionnement du paritarisme, et a relevé que ces griefs avaient été dénoncés au ministre du travail par les administrateurs régionaux de l'UNIFAF tant du collège employeur que du collège salarié qui comprenait les organismes suivants : C.F.D.T., C.F.T.C., C.G.C., C.G.T. ; qu'il apparaît dès lors dans ces conditions que la plainte avec constitution de partie civile de Mme X... présentait un caractère non seulement injustifié en l'absence de preuve de la réalité des griefs reprochés par Mme X... à son employeur M. Y..., mais encore un caractère abusif dès lors que la partie civile avait voulu dissimuler ses propres fautes, lesquelles étaient avérées, par un recours à la justice pénale sous couvert de harcèlement moral à l'encontre de son employeur et, ce faisant, avait utilisé l'institution judiciaire de manière détournée et malicieuse ; qu'enfin, il y a lieu de rappeler que le caractère abusif ou non de la constitution de partie civile ne saurait dépendre de la personnalité de la plaignante ainsi que l'indique, de manière inexacte, l'ordonnance du juge d'instruction ; que dans ces conditions, le caractère abusif de la constitution de partie civile apparaît avéré ; que, conformément aux dispositions de l'article 212-2 du code de procédure pénale, il y a lieu de prononcer à l'encontre de Mme X... une amende civile de 1 000 euros ;
"1) alors que la décision de la chambre de l'instruction de prononcer une amende civile ne peut intervenir, non seulement, conformément aux dispositions de l'article 212-2, alinéa 2, du code de procédure pénale, qu'à l'issue d'un délai de vingt jours à compter de la communication à la partie civile et à son avocat des réquisitions du procureur général, mais aussi et surtout, en application des dispositions de l'alinéa 1 de ce texte, que « sur réquisitions » et donc à l'initiative du ministère public ; qu'en l'espèce, c'est la chambre de l'instruction qui, par arrêt confirmatif de l'ordonnance de non-lieu rendu le 13 octobre 2009, en renvoyant l'affaire à une audience ultérieure pour que le ministère public puisse, dans un apparent respect des dispositions de l'article 212-2, alinéa 2, du code de procédure pénale posant l'exigence du contradictoire, mais en violation manifeste des dispositions de l'alinéa 1, de ce texte commandant l'initiative première du ministère public sur la question du prononcé d'une amende civile, prendre des réquisitions à cette fin, s'est saisie d'office de cette question ; qu'en retenant, par l'arrêt ici attaqué, qu'elle ne s'était pas saisie d'office et qu'elle ne faisait qu'appliquer les dispositions de l'article 212-2 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a violé les dispositions de ce texte ;
"2) alors qu'en invitant, par son arrêt du 13 octobre 2009, le parquet général à prendre des réquisitions aux fins d'amende civile, la chambre de l'instruction a, dès cette date, décidé du principe d'une amende civile et ainsi préjugé de l'opportunité du prononcé d'une telle mesure ; que ces éléments sont autant de faits objectifs et vérifiables de nature à faire naître un doute légitime dans l'esprit de Mme X... quant à l'impartialité de la chambre de l'instruction et caractérisent, en tant que tels, la violation du principe d'impartialité objective consacré par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"3) alors que les fautes pour la dissimulation desquelles la partie civile aurait abusivement utilisé l'institution judiciaire ne sont, contrairement à ce que prétend la chambre de l'instruction, pas «avérées» mais ont simplement, selon ses propres constatations, été « dénoncées » au ministre du travail par les administrateurs régionaux de l'organisme employeur de la partie civile ; que cette dénonciation ne saurait suffire, les fautes n'ayant pas été établies, à caractériser un recours abusif à l'institution judiciaire pour dissimulation de ces fautes ; qu'en se fondant, pour condamner Mme X... au paiement d'une amende civile, sur l'existence de fautes non pas, comme elle le prétend, avérés, mais seulement, selon ses propres constatations, dénoncées par les administrateurs régionaux de l'organisme employeur de celle-ci, la chambre de l'instruction n'a donc pas justifié le prononcé d'une telle amende" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Mme X... a porté plainte et s'est constituée partie civile contre personne non dénommée des chefs susvisés ; que, sur son appel de l'ordonnance de non-lieu, la chambre de l'instruction, par arrêt en date du 13 octobre 2009, a confirmé ladite ordonnance et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure en invitant le ministère public à prendre ses réquisitions sur l'opportunité de prononcer une amende civile et à les notifier à la partie civile et à son avocat afin de leur permettre de formuler des observations écrites ;
Attendu que, pour retenir la caractère abusif de la plainte avec constitution de partie civile et condamner Mme X... au paiement d'une amende civile, l'arrêt, après avoir rappelé les circonstances de l'espèce, prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a statué après que des réquisitions ont été régulièrement prises par le ministère public et communiquées à la partie civile et à son avocat pour leur permettre de formuler des observations écrites en réplique, a fait l'exacte application de l'article 212-2 du code de procédure pénale, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que le moyen, qui, en sa troisième branche, revient à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause dont ils ont déduit, sans insuffisance ni contradiction, que la plainte était abusive, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Beauvais conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;