LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation de l'état de la victime ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (la caisse) a pris en charge au titre de la législation professionnelle l'accident dont Mme X..., salariée de la société Carrefour hypermarchés (la société), a été victime le 17 février 2000 et les arrêts de travail prescrits à l'intéressée jusqu'au 29 janvier 2001, date de sa guérison apparente ; que la société a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours en inopposabilité de la prise en charge de cet accident ainsi que de frais qu'elle estimait injustifiés ;
Attendu que pour dire inopposables à la société les dépenses reportées à son compte employeur 2000 et 2001 au titre de l'accident du travail dont sa salariée, Mme X..., avait été victime le 17 février 2000, l'arrêt retient que la présomption d'imputabilité définie par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale s'attache à la qualification de l'accident mais non aux prestations constituant la base de calcul de la tarification appliquée aux employeurs et n'interdit pas à l'employeur qui conteste les incidences financières de l'accident, de demander à la caisse primaire d'assurance maladie de justifier de la tarification qu'elle lui réclame et qui inclut les frais exposés du fait du salarié, et que la caisse ne verse pas aux débats les éléments justificatifs permettant de rattacher les frais pris en compte dans son compte employeur à l'accident initial ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que la société ne remettait pas en cause l'imputabilité au travail de l'accident initial, ce dont il résultait que la présomption devait s'appliquer, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Carrefour hypermarchés aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Carrefour hypermarchés ; la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boutet, avocat aux Conseils pour la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit inopposable à la Société CARREFOUR HYPERMARCHES les dépenses reportées à son compte employeur 2000 et 2001 au titre de l'accident du travail dont sa salariée, Madame X..., avait été victime le 17 février 2000 ;
AUX MOTIFS QUE les premiers juges avaient considéré que la durée de l'arrêt de travail était en rapport avec la nature de la pathologie et qu'il n'y avait pas lieu de déclencher une procédure d'expertise ; qu'ils n'avaient pas cité les pièces sur lesquelles ils fondaient cette affirmation, alors que le point ainsi tranché faisait l'objet du contentieux, que la caisse n'avait versé aucune pièce justificative et que l'employeur avait rappelé qu'il ne recevait que les avis de prolongation à l'exclusion de tous les commentaires d'ordre strictement médicaux ; que devant la Cour, l'employeur rappelait que la caisse primaire d'assurance maladie était tenue de justifier de l'imputabilité des frais sur lesquels se faisait la tarification au titre des accidents du travail et qu'elle aurait détruit tous les documents alors qu'elle savait qu'il existait une contestation ; qu'il n'avait proposé aucun argument pour démontrer que l'accident n'aurait pas eu lieu sur les lieux et durant les heures de travail ; que devant la Cour, la caisse primaire d'assurance maladie rappelait le principe de l'imputabilité des prestations à l'accident du travail dans le cas d'arrêts de travail ininterrompus ; qu'elle faisait valoir qu'elle n'était pas tenue de conserver les documents que le salarié lui avait envoyés au fur et à mesure de ses arrêts de travail plus de six mois après l'expiration du délai de prescription biennale (article D 253-44 du Code de la Sécurité Sociale) ; que la Cour observait que la contestation de l'employeur était précise et que la caisse primaire d'assurance maladie n'établissait aucun décompte permettant de vérifier que tous les frais étaient bien imputables à l'accident du travail ; que soit elle avait détruit les documents médicaux alors qu'elle savait que l'employeur contestait la tarification qui lui était réclamée en 2003 et qu'il lui demandait officiellement la justification des frais à régler, soit elle les avait conservés mais s'abstenait de les communiquer ; qu'il convenait de rappeler que la communication des pièces devait être spontanée et que les juges devaient tirer toutes les conséquences de l'abstention d'une partie (article 11 du Code de Procédure Civile) ; qu'il convenait de rappeler qu'une mesure d'expertise ne pouvait servir à pallier la carence d'une partie dans la production des éléments de preuve de ses prétentions ou de ses moyens de défense ; qu'en l'état du décompte de 2003, il était impossible de savoir si les frais et indemnités journalières étaient directement rattachés à l'accident initial ; que dans le cas où l'assuré aurait souffert d'une pathologie indépendante de cet accident, il était impossible, tant pour l'employeur que pour la Cour, de s'en assurer ; qu'il existait certes une présomption d'imputabilité mais elle était strictement définie par l'article L 411-1 du Code de la Sécurité Sociale : tout accident survenu à l'occasion du travail quelle qu'en soit la cause était considéré comme un accident du travail ; que ce principe s'attachait à la qualification de l'accident mais nullement aux prestations constituant la base de calcul de la tarification appliquée aux employeurs ; que si l'on admettait que l'employeur ne remettait plus en question les conditions de temps et de lieu de l'accident, il demeurait qu'il émettait une contestation sur les incidences financières que la caisse primaire d'assurance maladie prétendait lui imposer en vertu de ce même principe ; que cette présomption n'interdisait pas à l'employeur, même s'il n'avait pas émis de réserves en communiquant l'avis d'arrêt de travail, de demander à la caisse primaire d'assurance maladie de justifier de la tarification qu'elle lui réclamait et qui incluait les frais exposés du fait du salarié ; que la contestation de l'employeur était sérieuse ; que tous les frais réclamés s'étendaient sur une période de 347 jours d'arrêt de travail pour une salariée de 26 ans sans antécédents médicaux qui aurait soulevé un simple carton dans une réserve non alimentaire en présence d'une autre salariée ; que constatant que la caisse primaire d'assurance maladie n'avait pas versé aux débats les éléments justificatifs permettant de les rattacher à l'accident initial, la Cour disait n'y avoir lieu à expertise sur pièces, déclarait inopposable à la Société CARREFOUR HYPERMARCHES les frais réclamés dans le cadre de la tarification 2000-2003 du chef de la salariée précitée et infirmait le jugement entrepris ;
ALORS DE PREMIERE PART QUE la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues lors de l'accident du travail dont la matérialité n'est pas contestée s'étend pendant toute la période d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation ; qu'en énonçant que la présomption d'imputabilité ne s'appliquait qu'à la qualification de l'accident mais pas aux prestations en lien avec cet accident pour dire qu'en l'absence de production, par la CPCAM des BOUCHES DU RHONE, des éléments permettant de rattacher les 347 jours d'arrêt de travail de Madame X... à l'accident du travail, les frais correspondants reportés au compte employeur 2000 et 2001 de la Société CARREFOUR HYPERMARCHES étaient inopposables à celle-ci, la Cour d'Appel a violé l'article L 411-1 du Code de la Sécurité Sociale ;
ALORS DE DEUXIEME PART QUE la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues lors de l'accident du travail dont la matérialité n'est pas contestée s'étendant pendant toute la période d'incapacité de travail précédant la guérison complète ou la consolidation, c'est à l'employeur, dans ses rapports avec la caisse primaire d'assurance maladie, qu'il appartient de rapporter la preuve que tout ou partie des lésions a une cause totalement étrangère au travail ; qu'ayant constaté que l'employeur ne remettait plus en cause les conditions de temps et de lieu de l'accident, la Cour d'Appel qui a mis à la charge de la CPCAM des BOUCHES DU RHONE la preuve du lien de causalité entre les 347 jours d'arrêt de travail qui avaient suivi l'accident du travail dont Madame X... avait été victime et celui-ci, a renversé la charge de la preuve et violé les articles L 411-1, L 433-1 et L 443-1 du Code de la Sécurité Sociale et 1315 du Code Civil ;
ALORS DE TROISIEME PART QU' en application de l'article 11 du Code de Procédure Civile, le juge tire toute conséquence d'une abstention ou du refus d'une partie d'apporter son concours aux mesures d'instruction ; qu'en constatant que la CPCAM des BOUCHES DU RHONE n'avait pas produit les documents médicaux et qu'il appartenait aux juges de tirer toutes les conséquences de l'abstention d'une partie en application de l'article 11 du Code de Procédure Civile sans constater qu'une mesure d'instruction aurait été ordonnée et que l'organisme social aurait refusé ou se serait abstenu d'y apporter son concours, la Cour d'Appel a violé l'article 11 du Code de Procédure Civile ;
ALORS DE QUATRIEME PART QUE l'article D 253-44 du Code de la Sécurité Sociale fixe le délai de conservation des pièces justificatives papier à six mois après le délai de prescription biennale de l'article L 431-2 du Code de la Sécurité Sociale ; qu'en énonçant que la CPCAM des BOUCHES DU RHONE avait détruit les documents médicaux alors qu'elle savait que l'employeur contestait la tarification qui lui était réclamée en 2003 sans constater ni la date à laquelle le délai fixé par l'article D 253-44 avait expiré, ni la date à laquelle la Société CARREFOUR HYPERMARCHES avait formé sa réclamation, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles D 253-44 du Code de la Sécurité Sociale et 11 du Code de Procédure Civile ;
ALORS DE CINQUIEME PART QUE, destinataire des certificats de prolongation de l'arrêt de travail dû à un accident du travail, l'employeur qui conteste la nécessité médicale de la prescription de repos, a la faculté de faire procéder à une contre-visite par un médecin qui transmet son rapport au service du contrôle médical ; que la Cour d'Appel qui, pour faire droit à la demande de la Société CARREFOUR HYPERMARCHES, a retenu que la contestation de l'employeur était sérieuse, les frais reportés à son compte s'étendant sur une période de 347 jours d'arrêt de travail pour une salariée de 26 ans sans antécédent médical qui aurait soulevé un carton, sans répondre aux conclusions d'appel de la CPCAM des BOUCHES DU RHONE qui faisait valoir que le service du contrôle médical avait émis des avis favorables à la prise en charge des arrêts de travail au titre de l'accident du travail et que, destinataire des prescriptions d'arrêt de travail, la Société CARREFOUR HYPERMARCHES s'était abstenue d'user de la possibilité qui lui était offerte par l'article 1er de la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 (devenu L 1226-1 du Code du Travail) de faire procéder à une contre-visite médicale de sa salariée, a violé l'article 455 du Code de Procédure civile.