LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 24, alinéas 1 et 3, de la loi du 6 juillet 1989 ;
Attendu que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux ; que le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement, dans les conditions prévues aux articles 1244-1, alinéa 1er, et 1244-2 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 17 février 2010) rendu en matière de référé, que les époux X..., propriétaires d'un immeuble à usage d'habitation donné en location à Mme Y..., ont délivré à celle-ci un commandement visant la clause résolutoire insérée au bail et l'ont assignée aux fins de faire constater l'acquisition de cette clause ; que la preneuse, en cause d'appel, a, reconventionnellement, sollicité des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire ;
Attendu que pour déclarer irrecevable cette demande reconventionnelle, l'arrêt retient que si Mme Y... entendait obtenir la suspension des effets de la clause de résiliation, elle était tenue de saisir le juge d'une demande de délai dans les termes des articles 24 de la loi du 6 juillet 1989, 1244-1 et 1244-2 du code civil, dans les deux mois qui avaient suivi la délivrance du commandement de payer, qu'à défaut le bail a ainsi été irrévocablement résilié à compter du 15 février 2009 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucun délai n'est imposé au preneur pour saisir le juge d'une demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux X... à payer à Mme Y... la somme de 2 500 euros, rejette leur demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a déclaré Madame Y... irrecevable en sa demande de délais, constaté la résiliation du bail passé entre Madame Y... et Monsieur et Madame X... à compter du 15 janvier 2009, a condamné Madame Y... à verser à titre provisionnel à Monsieur et Madame X... une certaine somme au titre de charges et de loyers impayés, ordonné l'expulsion de Madame Y... faute pour elle d'avoir libéré les lieux dans le délai de deux mois à compter du commandement prévu par les articles 61 et 62 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et a condamné Madame Y... à verser à titre provisionnel à Monsieur et Madame X... une certaine somme à titre d'indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux ;
AUX MOTIFS QU'« il et constant que Madame Y... n'a pas satisfait dans les deux mois aux causes du commandement de payer visant la clause de résiliation, qui lui avait été signifié le 14 novembre 2008 ; qu'en effet, si une partie de la somme due a été payée dans les délais, Madame Y... a cru devoir, de sa propre autorité, retenir une somme de 764,98 euros, correspondant selon elle à l'indexation du loyer, à raison d'un trouble de jouissance qu'elle prétendait subir ; qu'il n'apparaît pas toutefois que le trouble de jouissance allégué, à supposer même qu'il soit établi, ait empêché Madame Y... de jouir de tout ou partie des lieux loués ; que sa rétention d'une partie des loyers était ainsi injustifiée ; qu'il reste que Madame Y..., si elle entendait obtenir la suspension des effets de la clause de résiliation, était tenue de saisir le juge d'une demande de délai dans les termes des articles 24 de la loi du 6 juillet 1989, 1244-1 et 1244-2 du Code civil, dans les deux mois qui avaient suivi la délivrance du commandement de payer ; qu'à défaut, elle est désormais irrecevable en sa demande, le bail étant ainsi irrévocablement résilié à compter du 15 février 2009 ; qu'il convient dès lors de confirmer l'ordonnance entreprise » (arrêt, p. 3) ;
ALORS QUE, premièrement, le juge est tenu de respecter le principe de la contradiction en toutes circonstances ; qu'au cas d'espèce, en retenant que la demande de délai formée par Madame Y... était irrecevable faut d'avoir été formée dans les deux mois qui avaient suivi le commandement de payer visant la clause résolutoire, quand l'irrecevabilité de la demande n'avait pas été soulevée par Monsieur et Madame X..., sans rouvrir les débats pour permettre aux parties de s'expliquer, les juges du second degré ont violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans les conditions prévues aux articles 1244-1 alinéa 1er et 1244-2 du Code civil au locataire en situation de régler sa dette locative ; que la demande du locataire aux fins d'obtenir de tels délais n'a pas à être formée dans les deux mois qui suivent le commandement de payer visant la clause résolutoire ; qu'au cas d'espèce, en décidant au contraire que la demande de délai formée par Madame Y... était irrecevable motif pris qu'elle n'avait pas été formée dans les deux mois qui avaient suivi la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire, les juges du second degré ont violé l'article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (dans sa rédaction issue de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998), ensemble les articles 1244-1 et 1244-2 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a constaté la résiliation du bail passé entre Madame Y... et Monsieur et Madame X... à compter du 15 janvier 2009, a condamné Madame Y... à verser à titre provisionnel à Monsieur et Madame X... une certaine somme au titre de charges et de loyers impayés, ordonné l'expulsion de Madame Y... faute pour elle d'avoir libéré les lieux dans le délai de deux mois à compter du commandement prévu par les articles 61 et 62 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et a condamné Madame Y... à verser à titre provisionnel à Monsieur et Madame X... une certaine somme à titre d'indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux ;
AUX MOTIFS QU'« il et constant que Madame Y... n'a pas satisfait dans les deux mois aux causes du commandement de payer visant la clause de résiliation, qui lui avait été signifié le 14 novembre 2008 ; qu'en effet, si une partie de la somme due a été payée dans les délais, Madame Y... a cru devoir, de sa propre autorité, retenir une somme de 764,98 euros, correspondant selon elle à l'indexation du loyer, à raison d'un trouble de jouissance qu'elle prétendait subir ; qu'il n'apparaît pas toutefois que le trouble de jouissance allégué, à supposer même qu'il soit établi, ait empêché Madame Y... de jouir de tout ou partie des lieux loués ; que sa rétention d'une partie des loyers était ainsi injustifiée ; qu'il reste que Madame Y..., si elle entendait obtenir la suspension des effets de la clause de résiliation, était tenue de saisir le juge d'une demande de délai dans les termes des articles 24 de la loi du 6 juillet 1989, 1244-1 et 1244-2 du Code civil, dans les deux mois qui avaient suivi la délivrance du commandement de payer ; qu'à défaut, elle est désormais irrecevable en sa demande, le bail étant ainsi irrévocablement résilié à compter du 15 février 2009 ; qu'il convient dès lors de confirmer l'ordonnance entreprise » (arrêt, p. 3) ;
ALORS QUE, le juge statuant en référé ne peut constater l'acquisition de la clause résolutoire, en raison de l'existence d'une dette locative, que pour autant qu'il ne tranche pas ce faisant une contestation sérieuse ; qu'au cas d'espèce, en retenant que l'absence de paiement par Madame Y... d'une somme de 764,98 €, à la suite du commandement de payer, n'était pas justifiée dès lors que le trouble de jouissance que celle-ci alléguait, à le supposer établi, ne l'avait pas empêchée de jouir de tout ou partie des lieux loués, en sorte que l'acquisition de la clause résolutoire devait être constatée, les juges du fond, qui ont ainsi tranché une contestation sérieuse, ont violé les articles 849 du Code de procédure civile et 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.