LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis délivré aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article L. 331-10 du code rural, ensemble l'article L. 331-7 du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 13 novembre 2008), que M. X... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux, sur le fondement de l'article L. 331-10 du code rural, aux fins de se faire autoriser à exploiter des parcelles de terre dont Mme Y... est propriétaire et faire fixer les conditions du bail; qu'en cause d'appel, il a également demandé la condamnation de Mme Y... au paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que pour accorder à M. X... un bail rural sur les parcelles YC 20 et 28 appartenant à Mme Y..., l'arrêt retient qu'il résulte du procès-verbal de la commission départementale d'orientation agricole de Loire-Atlantique du 23 novembre 2004 que, suite à la cessation d'activité de M. Z..., Mme Y... s'est portée candidate à la reprise des terres louées, qu'il est précisé que cette candidature est une régularisation suite à une mise en demeure, qu'un avis défavorable lui a été notifié, ce qui résulte suffisamment de la lettre recommandée avec avis de réception du 13 juin 2005 par laquelle la Préfecture de Loire-Atlantique a mis Mme Y... en demeure de cesser l'exploitation de ces terres ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si la mise en demeure de cesser d'exploiter les parcelles YC 20 et YC 28 était devenue définitive, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE et ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande à se voir accorder un bail rural sur la parcelle YC 30, l'arrêt rendu le 13 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, condamne M. X... à payer à la SCP Peignot et Garreau la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du dix-neuf janvier deux mille onze par Mme Bellamy, conformément à l'article 452 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir , par confirmation partielle du jugement entrepris accordé à M. Alexis X... un bail rural sur les parcelles YC 20 et YC 28 pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2006, et un fermage de 85 euros à l'hectare
AUX MOTIFS QUE la saisine de l'article L. 331-10 du Code rural est conditionnée par la mise en demeure de l'article L. 331-7 diligentée par l'administration dans le cadre du contrôle des structures qui prescrit à l'auteur de l'infraction soit de présenter une demande d'autorisation soit si une décision de refus d'autorisation est intervenue, de cesser l'exploitation des terres concernées ; que ces articles s'analysent en une réglementation de l'usage des biens à laquelle l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 de la Convention européenne des droits de l'homme trouve bien à s'appliquer ; que leur application à M. X... lui permet de s'installer en qualité de jeune agriculteur ; qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés, qui visaient un objectif d'intérêt général, et le but recherché ; que cette ingérence qui porte non sur la propriété du bien, mais sur les faits de son exploitation, n'est pas contraire à la disposition visée ci-dessus ; qu'il y a lieu d'examiner si M. X... est recevable à demander un bail forcé ; que par jugement du 21 septembre 2001, le Tribunal Paritaire a dit que les parcelles YC 20 et 28 sont louées à M. Z... depuis le 1er mars 1998 ; qu'il résulte du procès-verbal de la Commission Départementale d'Orientation Agricole de LOIRE-ATLANTIQUE du 23 novembre 2004 que suite à la cession d'activité de M. Z..., Mme Y... s'est portée candidate à la reprise des terres louées ; qu'il est précisé que cette candidature est une régularisation suite à une mise en demeure ; qu'elle a eu un avis défavorable qui lui a été notifié le 24 novembre 2004, ce qui résulte de la lettre recommandée avec avis de réception du 13 juin 2005 par laquelle la Préfecture de la LOIRE-ATLANTIQUE l'a mise en demeure de cesser l'exploitation de ces terres ; que c'est donc à bon droit que le premier juge a dit que les articles L. 331-10 et L. 331-7 étaient applicables aux parcelles Y20 et Y28 ;
ALORS QUE lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux dispositions du présent chapitre (sur le contrôle des structures), l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine ; que cette mise en demeure prescrit à l'intéressé soit de présenter une demande d'autorisation soit si une décision de refus est intervenue, de cesser l'exploitation nécessaire des terres concernées ; que lorsque l'intéressé, tenu de présenter une demande d'autorisation ne l'a pas formée dans les délais prescrits, l'autorité administrative lui notifie une mise en demeure de cesser d'exploiter dans un délai de même durée ; qu'en outre, si à l'expiration de l'année culturale au cours de laquelle la mise en demeure est devenue définitive, un nouveau titulaire du droit d'exploiter n'a pas été retenu, toute personne intéressée par la mise en valeur du fonds peut demander au Tribunal Paritaire des Baux Ruraux que lui soit accordé le droit d'exploiter ledit fonds ; qu'en l'espèce, Mme Y... avait soutenu que compte tenu de son âge, elle n'avait jamais exploité les parcelles en cause et n'avait jamais demandé une quelconque autorisation d'exploiter les parcelles en cause ; qu'en outre, aucune décision de refus d'autorisation d'exploiter qui aurait été notifiée à Mme Y... n'a été versée aux débats ; que dès lors, en se fondant pour statuer comme elle l'a fait sur une lettre du 13 juin 2005 par laquelle l'autorisation administrative aurait mis Mme Y... en demeure de cesser l'exploitation des parcelles en cause en l'état d'une décision de refus d'autorisation de les exploiter en date du 24 novembre 2004, qui n'avait pas été versée aux débats, et sans constater ni que Mme Y... avait exploité les parcelles en cause, ni qu'elle avait sollicité une autorisation d'exploiter qui aurait fait l'objet d'une décision personnelle de refus d'autorisation en date du 24 novembre 2004, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 331-7 et L. 331-10 du Code rural ;
ALORS, EN OUTRE, QU'en toute hypothèse, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que le dispositif prévu par les articles L. 331-7 et L. 331-10 du Code rural qui instaure un droit pour toute personne physique ou morale de se faire attribuer, sur les biens d'un propriétaire , un bail rural soumis au statut protecteur du statut du fermage, en l'absence de détention par un autre exploitant d'une autorisation d'exploiter les mêmes biens, porte au droit de propriété et à son usage, une atteinte disproportionnée qui n'est pas justifiée par des considérations d'intérêt public tenant à l'entretien et à la mise en valeur des terres agricoles au sens de l'article L. 331-1 du Code rural ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a méconnu l'article Premier du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Madame Y... à payer à M. X... la somme de 10.000 euros ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 566 du Code de procédure civile les parties peuvent expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et les dépenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; que la demande tendant à l'indemnisation du manque à gagner pour n'avoir pas pu exploiter les terres sur lesquelles un bail forcé a été prononcé est l'accessoire de la demande de bail forcé ; que le bail ne porte que sur 9 ha 69 a et non sur 17 ha 63 a ; que M. X... ne paie ni charge, ni fermage, ni part de taxe foncière sur les terres dont il n'a pas la jouissance ; qu'en considération de ces éléments et d'une marge sur la surface fourragère, de 767 euros sur deux années, il lui sera alloué la somme de 10 000 euros ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la demande en réparation du prétendu préjudice résulte pour un exploitant de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de mettre en valeur les parcelles pour lesquelles le Tribunal Paritaire lui a accordé un bail forcé, ne saurait être regardée comme le complément de la conséquence de la demande tendant à obtenir l'attribution de ce bail ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a procédé d'une violation de l'article 566 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en toute hypothèse, en statuant comme elle l'a fait, sans indiquer le fondement de la réparation ni caractériser la moindre faute de Mme Y... qui serait à l'origine du préjudice allégué, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil et de l'article 455 du Code de procédure civile.