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12/01/2011 | FRANCE | N°09-71540

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 12 janvier 2011, 09-71540


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., de nationalité française, et Mme Y..., de nationalité américaine, mariés en France en 1995, ont eu deux enfants nés à Strasbourg en 2000 et en 2003 ; qu'en juillet 2007, la famille a quitté la France pour l'Indiana (Etats-Unis d'Amérique) ; qu'à la fin de l'été, Mme Y... est restée aux Etats-Unis avec les enfants tandis que M. X... rentrait en France ; que celui-ci a déposé une requête en divorce devant le tribunal de grande instance de Strasbourg le 17 décembre 2007, tandis

que Mme Y... introduisait une procédure devant la juridiction du comté ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., de nationalité française, et Mme Y..., de nationalité américaine, mariés en France en 1995, ont eu deux enfants nés à Strasbourg en 2000 et en 2003 ; qu'en juillet 2007, la famille a quitté la France pour l'Indiana (Etats-Unis d'Amérique) ; qu'à la fin de l'été, Mme Y... est restée aux Etats-Unis avec les enfants tandis que M. X... rentrait en France ; que celui-ci a déposé une requête en divorce devant le tribunal de grande instance de Strasbourg le 17 décembre 2007, tandis que Mme Y... introduisait une procédure devant la juridiction du comté de Hamilton (Indiana) le 18 mars 2008 ; que par ordonnance du 9 avril 2009, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Strasbourg a accueilli l'exception de litispendance soulevée par l'épouse et décidé de se dessaisir au profit des juridictions américaines tant sur la question du divorce que sur celle de l'autorité parentale ; que la cour d'appel a rejeté l'exception de litispendance et a déclaré les juridictions françaises incompétentes pour juger du divorce et de ses conséquences ;

Sur le premier moyen pris en ses deuxième et troisième branches :
Vu l'article 7 du règlement (CE) du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis), ensemble les articles 1070 du code de procédure civile et 14 du code civil ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, lorsqu'aucune juridiction d'un Etat membre n'est compétente en matière de divorce, en vertu des articles 3, 4 et 5 du règlement, la compétence est, dans chaque Etat, réglée par la loi de cet Etat ; que cette compétence est, en droit français, régie par les articles 1070 du code de procédure civile et 14 du code civil ; que ce dernier texte, qui donne compétence à la juridiction française du demandeur de nationalité française, s'applique à défaut de l'un des chefs de compétence énumérés à l'article 1070 ;
Attendu que, pour déclarer les juridictions françaises incompétentes pour statuer sur le divorce des époux X...-Y..., l'arrêt relève que lorsque le droit communautaire ne donne pas compétence aux juridictions d'un Etat membre, l'article 7-1 du règlement Bruxelles II bis renvoie au droit national pour déterminer la compétence juridictionnelle, soit l'article 309 du code civil et qu'en l'espèce aucun critère de compétence posé par ce texte n'était rempli ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 14 du règlement (CE) du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis), ensemble les articles 1070 du code de procédure civile et 14 du code civil ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, applicable à la responsabilité parentale, lorsqu'aucune juridiction d'un Etat membre n'est compétente en vertu des articles 8 à 13 du règlement, la compétence est dans chaque Etat membre réglée par la loi de cet Etat ; que cette compétence est, en droit français, régie par les articles 1070 du code de procédure civile et 14 du code civil ; que ce dernier texte, qui donne compétence à la juridiction française du demandeur de nationalité française, s'applique à défaut de l'un des chefs de compétence énumérés à l'article 1070 ;
Attendu que, pour déclarer les juridictions françaises incompétentes pour statuer en matière d'autorité parentale, l'arrêt relève que la compétence ne peut être fondée sur le droit interne français, la résidence habituelle des enfants étant fixée aux Etats-Unis ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit les juridictions françaises incompétentes pour juger du divorce des époux X... et de ses conséquences ;
AUX MOTIFS QUE lorsque l'un des critères prévus par l'une des règles de compétence communautaire se réalise sur le territoire d'un Etat membre, seule cette règle peut s'appliquer, à l'exclusion de toute règle nationale de compétence ; que l'article 3 du Règlement 2201/2003 du 27 novembre 2003 dispose que « sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, les juridictions de l'Etat membre : a) sur le territoire duquel se trouve : (…) –la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l'un des deux y réside encore, ou (…) –la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l'introduction de la demande, ou –la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de la demande et s'il est (…) ressortissant de l'Etat membre en question ; qu'il ressort des pièces que les époux avaient décidé de s'établir aux Etats-Unis, comme le démontrent spécialement le relevé de compte commun aux deux époux auprès de la JP Morgan Chase Bank sur lequel Monsieur X... a effectué depuis son compte personnel auprès de la Société Générale un versement de plus de 16.000 dollars US, la confirmation d'attribution d'un numéro fiscal provisoire (individual tax payer identification number (ITIN), le mail de l'ambassade américaine à laquelle Monsieur X... s'est adressé dans le cadre de son projet d'émigration, l'autorisation signée par Monsieur X... en date du 19 juin 2007 d'inscription des enfants dans une école américaine ainsi que l'autorisation d'établir leur résidence habituelle aux Etats-Unis à compter du 17 juillet 2007, le témoignage de la directrice de l'école américaine dans laquelle els époux avaient décidé d'inscrire leur fille ; qu'il ressort de tous ces éléments que la résidence habituelle des époux au moment de l'introduction de la demande en divorce se trouvait sur le sol américain et que si Monsieur X... a la nationalité française, il a établi sa résidence habituelle aux Etats-Unis jusqu'en juillet 2007 et il ne prouve pas avoir résidé six mois sur le sol français immédiatement avant l'introduction de la demande, de sorte que les critères de compétence résultant du texte communautaire ne sont pas remplis et que la juridiction française ne peut être compétente de ce chef ; que lorsque le droit communautaire ne donne pas compétence aux juridictions d'un Etat membre, l'article 7 al. 1 du règlement renvoie au droit national pour déterminer la compétence juridictionnelle, soit l'article 309 du Code civil ; qu'en l'espèce aucun des critères de compétence posées par ce texte n'est rempli ; qu'en outre, le droit de l'Indiana tel qu'il résulte de l'article 31-15-2-6 du code de l'Indiana relatif à la compétence juridictionnelle en matière de désunion, permet de fonder la compétence des juridictions de l'Indiana pour juger du divorce ;
1) ALORS QUE sont compétentes pour connaître du divorce des époux les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel se trouve la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de la demande et qu'il est ressortissant de l'Etat membre en question ; que la résidence habituelle est le lieu où l'intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts ; que pour décider que M. X... n'avait plus sa résidence en France lors de l'introduction de la demande en divorce, les juges d'appel ont retenu que les pièces de la procédure établissaient qu'il avait eu le projet de s'établir aux Etats-Unis avec sa famille ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à établir que M. X..., au-delà du projet qu'il ait pu former de s'installer aux Etats-Unis, y avait effectivement fixé sa résidence en sorte qu'il n'aurait plus eu de résidence en France, les juges d'appel ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 3 du Règlement CE n°2201/2003 du 27 novembre 2003 ;
2) ALORS, en toute hypothèse, QUE lorsque aucune juridiction d'un Etat membre n'est compétente en application des articles 3, 4 ou 5 du Règlement CE n°2201/2003, la compétence est, dans chaque Etat membre, réglée par la loi de cet Etat ; qu'en retenant que l'article 7 du Règlement CE renvoie à l'article 309 du Code civil pour déterminer la compétence juridictionnelle des juridictions françaises quand ce texte ne fixe qu'une règle de conflit de lois pour déterminer la loi applicable au divorce international, et ne comporte aucune règle de compétence internationale au profit des juridictions françaises, les juges d'appel ont violé l'article 7 du Règlement CE n°2201/2003 du 27 novembre 2003, ensemble l'article 309 du Code civil par fausse application ;
3) ALORS QUE lorsque aucune juridiction d'un Etat membre n'est compétente en application des articles 3, 4 ou 5 du Règlement CE n°2201/2003, la compétence est, dans chaque Etat membre, réglée par la loi de cet Etat ; que l'article 14 du Code civil retient la compétence des juridictions françaises lorsque le demandeur a la nationalité française ; que M. X... est français et a revendiqué cette qualité ; qu'en retenant qu'aucun critère de compétence ne permet de retenir la compétence des juridictions françaises, les juges d'appel ont violé l'article 7 du Règlement CE n°2201/2003 du 27 novembre 2003, ensemble l'article 14 du Code civil par refus d'application.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit les juridictions françaises incompétentes pour juger du divorce des époux X... et de ses conséquences ;
AUX MOTIFS QUE la compétence des juridictions françaises en matière d'autorité parentale ne peut être fondée sur le règlement communautaire n°2201/2003 du 27 novembre 2003 ; qu'elle ne peut davantage être fondée sur le droit interne français, la résidence habituelle des enfants étant fixée aux Etats-Unis ; que la Cour relève également de la part du père des propos et des agissements à l'égard de la mère d'une acrimonie peu compatible avec l'intérêt des enfants, spécialement lorsqu'il s'agit d'organiser les séjours de ceux-ci sur le territoire français ; que s'il est concevable que la situation de séparation fasse naître des griefs entre personnes adultes, il n'est pas admissible d'en faire supporter les conséquences aux enfants ; qu'il convient de rappeler ici le texte de l'article 371-1 du code civil aux termes duquel « l'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant » ; qu'en conséquence et par application de l'article 1070 du Code de procédure civile auquel renvoie l'article 14 du règlement communautaire n°2201/2003 du 27 novembre 2003, les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour statuer sur l'autorité parentale relative aux enfants communs du couple ;
ALORS QUE l'article 14 du Règlement CE n°2201/2003 du 27 novembre 2003 prévoit que lorsque aucune juridiction d'un Etat membre n'est compétente en vertu des règles posées par le Règlement, la compétence est réglée, dans chaque Etat membre, par la loi de cet Etat ; que le juge français est compétent pour connaître des demandes formées par un français chaque fois que sa compétence n'est pas autrement établie ; qu'en excluant toute compétence des juridictions françaises sur le fondement de l'article 1070 du Code de procédure civile, quand M. X... demandait confirmation de la décision du premier juge de retenir sa compétence sur le fondement de l'article 14 du Code civil, les juges d'appel ont violé l'article 14 du Code civil, ensemble l'article 14 du Règlement CE n°2201/2003 du 27 novembre 2003.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-71540
Date de la décision : 12/01/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 - Compétence judiciaire en matière de responsabilité parentale - Compétences résiduelles - Cas - Privilège instauré par l'article 14 du code civil - Portée

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 - Compétence en matière de responsabilité parentale - Compétences résiduelles - Privilège instauré par l'article 14 du code civil - Portée

Aux termes de l'article 14 du Règlement (CE) du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis), applicable à la responsabilité parentale, lorsqu'aucune juridiction d'un Etat membre n'est compétente en vertu des articles 8 à 13 du Règlement, la compétence est, dans chaque Etat, réglée par la loi de cet Etat. Cette compétence est régie, en droit français, par les articles 1070 du code de procédure civile et 14 du code civil. Viole ces textes la cour d'appel qui écarte la compétence de la juridiction française pour statuer en matière d'autorité parentale alors que celle-ci, saisie par un demandeur de nationalité française, était compétente en application de l'article 14 du code civil, qui s'applique à défaut de l'un des chefs de compétence énumérés à l'article 1070


Références :

Sur le numéro 1 : article 7 du Règlement (CE) du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis)

article 1070 du code de procédure civile

article 14 du code civil
Sur le numéro 2 : article 14 du Règlement (CE) du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis)

article 1070 du code de procédure civile

article 14 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 29 septembre 2009

Sur le n° 1 :Dans le même sens que :1re Civ., 30 septembre 2009, pourvoi n° 08-19793, Bull. 2009, I, n° 189 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 12 jan. 2011, pourvoi n°09-71540, Bull. civ. 2011, I, n° 5
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, I, n° 5

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Chevalier
Rapporteur ?: Mme Monéger
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 02/12/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.71540
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