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06/01/2011 | FRANCE | N°09-71820

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 06 janvier 2011, 09-71820


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 septembre 2009), que la société IPFO bail, anciennement dénommée Locafrance (société IPFO), a promis de céder à la société VRG Holding France, devenue la société Buhrmann ISD groupe (la société Buhrmann), la totalité des actions composant le capital de sa filiale, la société Agena (la société) ; que la société Buhrmann a exercé son droit d'option après la certification des comptes de la société par le commissaire aux co

mptes de celle-ci, la société Befec Price Waterhouse, devenue Pricewaterhousecoopers ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 septembre 2009), que la société IPFO bail, anciennement dénommée Locafrance (société IPFO), a promis de céder à la société VRG Holding France, devenue la société Buhrmann ISD groupe (la société Buhrmann), la totalité des actions composant le capital de sa filiale, la société Agena (la société) ; que la société Buhrmann a exercé son droit d'option après la certification des comptes de la société par le commissaire aux comptes de celle-ci, la société Befec Price Waterhouse, devenue Pricewaterhousecoopers audit (la société PWCA) ; qu'indiquant avoir découvert, après la cession, d'importantes irrégularités comptables, la société Buhrmann a sollicité devant un tribunal arbitral, la condamnation de la société IPFO à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts ; qu'en 1995, elle a assigné, devant un tribunal de commerce, en paiement de dommages-intérêts, la société PWCA, laquelle a elle-même assigné en garantie, en 1997, la société IPFO que, devant le même tribunal, la société PWCA a encore assigné en 1999 les sociétés Buhrmann et IPFO pour les voir condamner sous astreinte à lui communiquer les actes de procédure et les pièces de fond relatifs au procès arbitral, puis, en 2001, la société IPFO, en réclamant qu'elle soit condamnée à la garantir ; que le tribunal, après jonction des quatre instances, a, par jugement du 28 janvier 2008, enjoint aux sociétés Buhrmann et IPFO de communiquer le rapport d'expertise déposé dans la procédure arbitrale à la société PWCA dont il a rejeté pour le surplus la demande de communication de pièces, en renvoyant les parties à une audience ultérieure pour conclure ; que la société PWCA ayant interjeté appel, son recours a été déclaré irrecevable par une ordonnance du conseiller de la mise en état qu'elle a déférée à la cour d'appel ;
Attendu que la société PWCA fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel à l'encontre du jugement du 28 janvier 2008 refusant de faire droit, dans sa quasi-totalité, à sa demande de communication de pièces résultant d'une assignation en date du 7 avril 1999, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en application du principe-dispositif, que rappelle l'article 4 du code de procédure civile, l'auteur d'une demande fixe librement l'objet de sa prétention ; qu'il est ainsi autorisé à engager une procédure à l'effet d'obtenir, sous astreinte, qu'une injonction de communiquer des pièces soit adressée à une autre partie ; que le jugement rejetant une telle demande porte nécessairement sur le principal et que, par suite, le jugement est susceptible d'un appel immédiat ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 4, 544 et 545 du code de procédure civile ;
2°/ que dès lors que l'auteur de la demande s'est borné à solliciter qu'une injonction de communiquer soit adressée à une autre partie et qu'il a été statué sur cette demande, l'instance introduite par sa demande doit être regardée comme achevée par l'intervention du jugement rejetant la demande de communication ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 4, 544 et 545 du code de procédure civile ;
3°/ qu'une décision de jonction, simple mesure d'administration judiciaire, n'a aucune incidence sur la configuration de l'instance telle que voulue par la partie qui l'a introduite ; qu'en retenant une solution contraire, les juges du fond ont violé les articles 4, 544 et 545, 367 et 368 du code de procédure civile ;
4°/ que l'objectif poursuivi par l'auteur de la demande, l'intérêt que peut présenter la demande s'agissant du cours d'instances parallèles ou la place que peut prendre une demande introduite par assignation dans un litige plus vaste, sont des circonstances inopérantes dans la mesure où le juge est tenu, dès lors que la demande a été introduite par assignation, de la considérer comme une demande autonome et de la traiter comme telle du point de vue des voies de recours ; qu'en se fondant sur des circonstances inopérantes, les juges du fond ont de nouveau violé les articles 4, 544 et 545 du code de procédure civile ;
5°/ que de même que certaines prétentions peuvent prendre la forme d'un moyen ou d'une demande reconventionnelle, au choix de celui qui la formule, le juge étant tenu de respecter ce choix, de la même manière, une partie est libre d'engager une instance distincte pour obtenir la communication de pièces, le juge étant tenu de respecter ce choix, peu important que cette même partie eût été autorisée à greffer sur une autre instance une demande incidente ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont, une fois encore, violé les articles 4, 544 et 545 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'assignation délivrée visait les instances en responsabilité civile professionnelle initiées par les sociétés Buhrmann et IPFO ainsi que les textes du code de procédure civile relatifs à la loyauté des débats et à la communication spontanée des pièces par les parties à l'instance, la cour d'appel en a exactement déduit que l'instance introduite par ladite assignation n'était pas indépendante des deux instances pendantes en responsabilité civile professionnelle ;
Et attendu qu'ayant constaté que le jugement du 28 janvier 2008 n'avait tranché aucune partie du principal portant sur la responsabilité civile professionnelle et n'avait pas statué sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l'instance, la cour d'appel a décidé à bon droit que l'appel immédiat interjeté contre ce jugement était irrecevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Pricewaterhousecoopers audit aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Pricewaterhousecoopers audit ; la condamne à payer la somme de 2 500 euros, respectivement à la société IPFO bail et à la société Buhrmann ISD groupe ;
Condamne la société Pricewaterhousecoopers audit, envers le Trésor public, à une amende civile de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la société Pricewaterhousecooper audit
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, refusant d'annuler et confirmant l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 19 février 2009, il a déclaré irrecevable l'appel formé par la Société PWCA à l'encontre du jugement du 28 janvier 2008 refusant de faire droit, dans sa quasi totalité, à sa demande de communication de pièces résultant d'une assignation en date du 7 avril 1999 ;
AUX MOTIFS propres QUE « comme l'a relevé à juste titre le conseiller de la mise en état, l'assignation délivrée le 7 avril 1999 par la Société PRICE vise essentiellement les instances pendantes en responsabilité civile professionnelle initiées par les sociétés BURHMANN et IPFO BAIL ; qu'en visant notamment, dans le dispositif de l'acte précité du 7 avril 1999, les dispositions des articles 9, 11 (second alinéa), 15, 16 et 132 (alinéas 1 et 2) du Code de procédure civile, la Société PRICE se place quasi exclusivement sur le terrain de la loyauté des débats et de la communication spontanée des pièces par les parties à l'instance, de sorte que ladite assignation s'inscrit dans le litige préexistant au titre des deux instances déjà pendantes devant le Tribunal de commerce ; qu'au demeurant, dans le cadre des deux premières instances engagées par les sociétés BURHMANN et IPFO BAIL, l'avocat de la Société PRICE avait antérieurement sollicité de ses confrères assistant lesdites sociétés la communication desdites pièces (lettres «officielles » des 7 juillet, 26 novembre et 14 décembre 1998) et qu'en leur communiquant préalablement le texte de la future assignation, par lettre «officielle » du 2 mars 1999, il leur indique expressément que ses demandes de communication de pièces étant demeurées sans réponse, il se voit « contraint d'engager une procédure » ; qu'il s'en déduit qu'en ayant essentiellement pour objet de demander la communication de certaines pièces en possession de ses adversaires, l'instance introduite par la Société PRICE le 7 avril 1999 n'est pas véritablement indépendante des deux instances en responsabilité civile précédemment engagées les 5 septembre 1995 et 14 octobre 1997 par les sociétés BURHMANN et IPFO BAIL ; que c'est pas des motifs pertinents que la cour adopte que le conseiller de la mise en état a estimé que le jugement du 28 janvier 2008 n'a tranché aucune partie du principal du litige en responsabilité civile professionnelle opposant les sociétés BURHMANN et IPFO BAIL à la Société PRICE, ni n'a davantage statué sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l'instance au sens du second alinéa de l'article 544 du Code de procédure civile (…) » (arrêt, p. 4, avant-dernier et dernier § et p. 5, § 1, 2 et 3) ;
Et AUX MOTIFS, éventuellement adoptés, QU'« il résulte de la combinaison des articles 543, 544 et 545 du Code de procédure civile que pour être susceptible d'appel, sauf texte spécial non invoqué en l'espèce, un jugement doit avoir tranché au moins une partie du principal ou bien avoir mis fin à l'instance en statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident ; que tout d'abord, il est certain qu'en rendant son jugement du 28 janvier 2008, le Tribunal de commerce de PARIS n'a pas tranché une exception de procédure, une fin de non-recevoir ni tout autre incident mettant fin à l'instance ; que les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 544 sont donc inapplicables ; que d'ailleurs, le jugement frappé d'appel n'a pas mis fin au litige qui résulte de la jonction des instances introduites par quatre assignations distinctes ; que l'appel n'est dès lors recevable que si le jugement en question a tranché au moins une partie du principal ; que cette notion évoquée par les articles 544, 480 et 482 du Code de procédure civile fait référence « à l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4 », c'est-à-dire celui qui est déterminé par les prétentions respectives des parties, exprimées dans l'acte introductif d'instance et dans les conclusions ; que par conséquent, la Société PRICE WATERHOUSE COOPERS AUDIT est mal fondée, pour prétendre bénéficier de l'appel immédiat, à isoler un « principal » qui résulterait uniquement de son assignation du 7 avril 1999, laquelle prenait manifestement place dans un litige préexistant et une instance déjà pendante devant le Tribunal de commerce ; qu'en effet cette assignation délivrée par la Société BEFEC-PRICE WATERHOUSE aux sociétés VRG et LOCAFRANCE rappelle l'instance pendante entre elles et la décision de sursis à statuer ; qu'elle rappelle aussi (p.3) que « le tribunal na pas statué sur l'incident qui avait été soulevé par BEFEC tendant à la communication des documents, de procédure et de fond, qui se rapportent au procès arbitral» ; qu'elle reprend et développe cette demande motivée par le souci d'organiser sa défense et de pouvoir exercer le cas échéant toutes actions récursoires et qu'au terme de cet acte elle formule ainsi ses demandes : «…vu la jonction des causes prononcées par jugement de ce siège en date du 24 juin 1998 … et des demandes de communication de pièces formulées itérativement … tant avant le dit jugement … qu'après ce jugement …, statuant en considération du débat ouvert liminairement et qui devra être tranché avant tout débat au fond sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, condamner VRG et LOCAFRANCE à produire aux débats et à communiquer … » ; que de plus, l'instance ouverte par cette assignation a été jointe aux précédentes ; que le Tribunal et la Cour d'appel ont évoqué ces demandes de communication de pièces dans leur décision respective du 7 octobre 2004 et du 30 juin 2006, sans y répondre ; que c'est seulement une fois clos le débat sur la prescription que le Tribunal de commerce a examiné la demande de communication des pièces de la procédure arbitrale, en énonçant dans son jugement du 28 janvier 2008 qu'à l'audience du 12 décembre 2007, la Société PRICE WATER HOUSE COOPERS AUDIT lui demande « d'ordonner aux sociétés BURHMANN et IPFO BAIL, avant tout débat sur le fond ou sur la demande d'expertise, de communiquer etc. … » ; qu'en conséquence, la demande de communication de pièces de la Société PRICE WATER HOUSE COOPERS AUDIT ne peut pas s'analyser comme l'objet du litige soumis au Tribunal de commerce (…) »(ordonnance, p. 2 in fine et p. 3) ;
ALORS QUE, premièrement, en application du principe dispositif, que rappelle l'article 4 du Code de procédure civile, l'auteur d'une demande fixe librement l'objet de sa prétention ; qu'il est ainsi autorisé à engager une procédure à l'effet d'obtenir, sous astreinte, qu'une injonction de communiquer des pièces soit adressée à une autre partie ; que le jugement rejetant une telle demande porte nécessairement sur le principal et que, par suite, le jugement est susceptible d'un appel immédiat ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 4, 544 et 545 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement et en tout cas, dès lors que l'auteur de la demande s'est borné à solliciter qu'une injonction de communiquer soit adressée à une autre partie et qu'il a été statué sur cette demande, l'instance introduite par sa demande doit être regardée comme achevé par l'intervention du jugement rejetant la demande de communication ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 4, 544 et 545 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, troisièmement, une décision de jonction, simple mesure d'administration judiciaire, n'a aucune incidence sur la configuration de l'instance telle que voulue par la partie qui l'a introduite ; qu'en retenant une solution contraire, les juges du fond ont violé les articles 4, 544 et 545, 367 et 368 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, quatrièmement, l'objectif poursuivi par l'auteur de la demande, l'intérêt que peut présenter la demande s'agissant du cours d'instances parallèles ou la place que peut prendre une demande introduite par assignation dans un litige plus vaste, sont des circonstances inopérantes dans la mesure où le juge est tenu, dès lors que la demande a été introduite par assignation, de la considérer comme une demande autonome et de la traiter comme telle du point de vue des voies de recours ; qu'en se fondant sur des circonstances inopérantes, les juges du fond ont de nouveau violé les articles 4, 544 et 545 du Code de procédure civile ;
Et ALORS QUE, cinquièmement, de même que certaines prétentions peuvent prendre la forme d'un moyen ou d'une demande reconventionnelle, au choix de celui qui la formule, le juge étant tenu de respecter ce choix, de la même manière, une partie est libre d'engager une instance distincte pour obtenir la communication de pièces, le juge étant tenu de respecter ce choix, peu important que cette même partie eût été autorisée à greffer sur une autre instance une demande incidente ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont, une fois encore, violé les articles 4, 544 et 545 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 09-71820
Date de la décision : 06/01/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

APPEL CIVIL - Recevabilité - Exclusion - Cas

L'instance introduite par une assignation qui vise seulement à obtenir la communication de pièces relatives à des instances en responsabilité civile professionnelle précédemment engagées n'est pas indépendante de ces instances. Il en résulte que n'est pas recevable l'appel immédiat formé contre le jugement qui a refusé de faire droit, dans sa quasi-totalité, à la demande de communication de pièces, qui n'a tranché aucune partie du principal portant sur la responsabilité et qui n'a pas statué sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l'instance


Références :

articles 544 et 545 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 septembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 06 jan. 2011, pourvoi n°09-71820, Bull. civ. 2011, II, n° 2
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, II, n° 2

Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne
Avocat général : M. Berkani
Rapporteur ?: M. Boval
Avocat(s) : Me Foussard, Me Haas, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 02/12/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.71820
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