LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que Mme Hawa X..., née le 1er janvier 1972 à N'Djaména (Tchad) a, par acte du 27 juillet 2005, fait assigner le procureur de la République aux fins de se voir reconnaître, ainsi qu'à ses deux enfants mineurs, la nationalité française sur le fondement de l'article 18 du code civil pour être née d'un père français, M. Mustapha X..., né le 20 novembre 1935 à Fort-Lamy (Tchad) ; qu'à l'appui de sa demande, elle a produit un jugement supplétif du tribunal de première instance de N'Djaména datant de 2002, une copie de son acte de naissance établi le 17 janvier 2002 au vu de ce jugement, ainsi qu'un acte de reconnaissance par M. Mustapha X... en date du 5 septembre 2006 devant un notaire de N'Djaména ; qu'un jugement du 2 juillet 2007 l'a déboutée de sa demande aux motifs qu'il existait un doute sur l'authenticité du jugement supplétif et de l'acte de naissance produits et, qu'en tout état de cause, la filiation naturelle de Mme X... n'avait été établie qu'après sa majorité ; que, devant la cour d'appel, M. Mustapha X... est intervenu volontairement à l'instance et qu'une expertise génétique a démontré que celui-ci était le père de Mme Hawa X... ;
Attendu que le ministère public fait grief à l'arrêt attaqué (Angers, 4 mars 2009) d'avoir dit Mme X... française ainsi que ses enfants alors que si le jugement supplétif de 2002 pouvait établir la filiation de Mme X..., il ne pouvait, ayant été rendu postérieurement à sa majorité, avoir une incidence sur sa nationalité en application de l'article 20-1 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que si l'analyse génétique ne peut en elle-même servir à établir la nationalité française de Mme Hawa X..., elle permet à tout le moins de s'assurer de la sincérité du jugement supplétif de 2002, qui, en raison de son caractère déclaratif, établit, même s'il est prononcé postérieurement à sa majorité, la filiation de la demanderesse depuis sa naissance, à l'égard d'un père dont la nationalité française n'est pas contestée ; que la cour d'appel en a exactement déduit que Mme X... et ses deux enfants étaient français ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel d'Angers.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement déféré et d'avoir dit et jugé que Madame X..., née le 1er janvier 1972 à N'Djamena et ses enfants: Moustapha X... né le 21 janvier 1998 à N'Djamena et Abdelaziz X... né le 7 mars 2002 à Angers sont de nationalité française ;
AUX MOTIFS QU'il n'est pas contesté que Madame X... n'a pas fait l'objet, à la naissance, d'une déclaration dans les délais légaux, mais qu'elle a été déclarée à l'état civil par un jugement apocryphe en 2002 ; la régularité de cette faculté reconnue par la loi tchadienne n'est pas critiquée ; le premier juge a, en revanche, considéré le jugement supplétif comme suspect, en raison de son caractère succinct, ayant pu être obtenu par complaisance, voire acheté, et les autorités tchadiennes interrogées sur l'authenticité de l'acte n'ayant pas répondu ; qu'en cause d'appel, la cour dispose :- de l'acte de reconnaissance par Monsieur X..., mais cette pièce qui établit la filiation postérieurement à la majorité ne peut avoir d'incidence sur la nationalité,- d'une analyse génétique qui établit que Monsieur Moustapha X... est bien le père de l'appelante ;
Qu'il y a lieu dès lors de retenir que cette pièce, qui au sens de l'article 20-1 du Code civil ne peut en elle-même servir à établir la nationalité française de la demanderesse, permet à tout le moins de s'assurer de la sincérité du jugement supplétif suspect ; si le jugement supplétif est non seulement apocryphe, ayant été rendu en 2002, pour Hawa Y...
X..., née le 1er janvier 1972, mais encore postérieur à la majorité de l'intéressée, il reste que ce jugement est réputé établir la filiation de la demanderesse depuis sa naissance ; il s'ensuit que la filiation de Madame Hawa Y...
X... est établie à l'égard de Monsieur Moustapha X..., dont la nationalité française n'est pas contestée ; celle-ci est établie par application de l'article 17-1° ancien et 153 a contrario du Code de la nationalité française l'intéressé étant né le 20 janvier 1935 à Fort Lamy ; Originaire du Tchad, il a automatiquement conservé la nationalité française du fait qu'il était domicilié hors des territoires d'un Etat qui avait antérieurement le statut de territoire d'outre mer de la République française lors de l'accession du Tchad à l'indépendance ; Madame X... est donc fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 18 du Code civil aux termes duquel est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ; pour les mêmes motifs, sont également français ses deux enfants, Moustapha né le 21 janvier 1998 à N'Djamena et Abdelaziz né le 7 mars 2002 à Angers, dont la filiation maternelle n'est pas contestée ;
ALORS QUE, après avoir écarté à bon droit l'acte de reconnaissance paternelle et l'expertise génétique produits aux débats en application de l'article 20-1 du code civil qui stipule que : "la filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité", la cour d'appel d'Angers, en jugeant que Madame Hawa X... était de nationalité française en relevant que cette même expertise génétique rapportait la sincérité du jugement supplétif de 2002, postérieur à sa majorité, qui, s'il établit sa filiation, ne peut avoir, eu égard à l'article 20-1 du code civil, aucune incidence sur sa nationalité, la cour d'appel d'Angers a violé les dispositions de l'article 20-1 du code civil qu'elle avait pourtant elle-même précédemment rappelées.