LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 21 février 2008), que la jeune Yousra X..., alors âgée de 8 ans, a été victime de violences physiques commises par son père ; que celui-ci a été pénalement sanctionné pour ces faits ; qu'il a, en outre, été condamné à verser au président du conseil général la somme de 750 euros, la garde de l'enfant ayant été confiée au service départemental de l'aide sociale à l'enfance ; que, le président du conseil général de Vaucluse, en qualité d'administrateur ad hoc de l'enfant Yousra X..., a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et autres infractions, à l'effet d'obtenir du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le Fonds) la somme de 3 000 euros à titre d'indemnisation ;
Attendu que le président du conseil général, ès qualités, fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte des articles 706-3 et 706-14 du code de procédure pénale qu'un droit à indemnisation est ouvert pour les victimes de l'infraction pénale d'atteinte à la personne humaine qui ne peuvent être indemnisées à un autre titre et qui sont dans une situation psychologique grave, l'article 706-14 ayant élargi l'indemnisation aux personnes les plus démunies ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui constate que l'enfant mineur Yousra X..., alors âgée de 8 ans, a été victime de violences de la part de son père déclaré coupable de l'infraction de violence prévue par les articles 222-13, alinéa 1, 10° et 132-75 du code pénal et qu'elle a subi une mesure de placement, devait nécessairement en déduire qu'en l'état de l'impossibilité pour cette enfant d'obtenir à un titre quelconque la réparation de son préjudice, de sa situation psychologique grave résultant de l'infraction dont elle a été victime, elle avait droit à réparation au titre de l'indemnisation des victimes d'atteinte à la personne humaine ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés ;
2°/ qu'il résulte des articles 19 et 20 de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant et des articles 3 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que l'enfant mineur qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte à la personne et qui, se trouvant dans une situation psychologique grave, ne peut être indemnisé à un autre titre, doit être indemnisé par le Fonds sans qu'il soit nécessaire qu'une incapacité totale de travail ait été fixée lors de l'instance pénale ayant abouti à la condamnation de l'auteur de l'infraction ; qu'en excluant l'indemnisation de la victime mineure dans une telle hypothèse d'atteinte à la personne, à raison de l'absence d'incapacité totale de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les faits pour lesquels le père de la victime a été condamné n'ont pas entraîné une incapacité totale de travail pour l'enfant, au sens de l'article 706-14, dernier alinéa, du code de procédure pénale, la cour d'appel en a exactement déduit que les conditions d'une indemnisation par le Fonds des préjudices résultant éventuellement des atteintes à la personne de la mineure n'étaient pas remplies ;
Et attendu qu'il ne résulte ni des conclusions du président du conseil général de Vaucluse ni de l'arrêt qu'une quelconque violation des dispositions tant de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant que de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été invoquée devant les juges du fond ;
D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit et comme tel irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du président du conseil général de Vaucluse, ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour le président du conseil général de Vaucluse.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le président du conseil général de Vaucluse, agissant en sa qualité d'administrateur ad hoc de l'enfant mineure Yousra X... de sa demande d'indemnisation par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions du préjudice causé à celle-ci par l'infraction pénale d'atteinte à la personne humaine ;
Aux motifs propres que Yousra X... est née le 15 septembre 1997 au Maroc et qu'elle a été victime de violences de la part de son père au mois de juin 2005 alors qu'elle était âgée de 8 ans ; que la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales a constaté que la fillette portait des ecchymoses et des égratignures superficielles et qu'elle n'avait subi aucune incapacité temporaire totale de travail au sens de l'article 706-14 du Code de procédure pénale ; que la condition de ressources exigée par l'article 706-14 s'apprécie pour la personne de Yousra X..., laquelle est âgée actuellement de 9 ans et ne dispose donc pas de ressources propres ; que la condition d'impossibilité d'être indemnisée à un titre quelconque est démontrée par une mise en demeure du conseil général de régler les dommages-intérêts adressés à Monsieur X... suivie d'un courrier de l'assistante sociale de l'association partage en Vaucluse indiquant que Monsieur X... est allocataire du RMI surendetté, et qu'il connaît une situation financière difficile ; que la situation psychologique grave de l'enfant se déduit du rapport de la psychologue qui a examiné l'enfant et qui indique que cette dernière est victime d'un préjudice moral important puisque son comportement psychologique est profondément affecté par les événements qu'elle a subis et le placement qui s'en est suivi ; que enfin, la victime invoque les dispositions de l'article 706-3 et le dernier alinéa de l'article 706-14 du Code de procédure pénale qui disposent que les victimes d'une atteinte à la personne qui ne peuvent prétendre à la réparation intégrale de leur préjudice parce que les faits générateurs de celui-ci ont entraîné une incapacité totale de travail inférieure à un mois peuvent demander l'application de l'article 706-14 ; que la condition posée est que la victime d'une atteinte à la personne ait subi une incapacité totale de travail inférieure à un mois ; que malheureusement les faits qui consistent dans des coups portés à l'aide d'une ceinture et qui ont été réprimés par un jugement du Tribunal correctionnel d'Avignon ne répertorient aucune incapacité temporaire totale de travail même d'un seul jour ; qu'en effet, les certificats médicaux produits ne démontrent aucune incapacité temporaire totale de travail mais simplement l'existence de plaies ou excoriations et que Monsieur X... n'a pas été condamné pour avoir frappé sa fille en lui occasionnant une incapacité totale de travail ; qu'au contraire il a été condamné pour avoir porté des coups n'ayant pas entraîné d'incapacité totale de travail même avec l'aide d'une arme et avec la circonstance qu'il était ascendant de la victime ; qu'il en résulte donc que les conditions de l'article 706-14 qui prévoient l'indemnisation d'une personne victime d'une incapacité totale de travail inférieure à un mois ne sont pas remplies lorsque l'auteur des faits a été condamné pour avoir porté des coups avec une arme et étant ascendant de la victime n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail personnelle ; qu'aucun élément figurant au dossier ne permet d'indiquer que la victime a subi une incapacité totale de travail personnelle même pour quelques heures ; qu'il s'ensuit que la décision déférée doit être confirmée faute par la victime de remplir la condition d'avoir reçu ces coups ou subi des blessures qui ont entraîné une incapacité totale de travail ;
Et aux motifs repris des premiers juges que l'article 706-14 du Code de procédure pénale dispose notamment que toute personne qui, victime d'une atteinte à sa personne ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à un mois, ne peut obtenir à un titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice, et se trouve de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave, peut obtenir une indemnité auprès de la CIVI ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que la jeune Yousra X... a été victime de violences répétées ayant entraîné, au plan corporel, des ecchymoses, égratignures et autres lésions à caractère superficie ; que nonobstant les conséquences psychologiques importantes de ces violences exercées par le père et aggravées par la réaction de l'entourage familial, la victime n'a pas subi d'incapacité totale de travail au sens des dispositions précitées ; que dans ces conditions, sa situation ne ressort pas d'un cas d'indemnisation par la CIVI et les demandes ne peuvent qu'être rejetées ;
Alors, de première part, qu'il résulte des articles 706-3 et 706-14 du Code de procédure pénale qu'un droit à indemnisation est ouvert pour les victimes de l'infraction pénale d'atteinte à la personne humaine qui ne peuvent être indemnisées à un autre titre et qui sont dans une situation psychologique grave, l'article 706-14 ayant élargi l'indemnisation aux personnes les plus démunies ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, qui constate que l'enfant mineur Yousra X..., alors âgée de huit ans a été victime de violences de la part de son père déclaré coupable de l'infraction de violence prévue par les articles 222-13, alinéa 1, 10° et 132-75 du Code pénal et qu'elle a subi une mesure de placement, devait nécessairement en déduire qu'en l'état de l'impossibilité pour cette enfant d'obtenir à un titre quelconque la réparation de son préjudice, de sa situation psychologique grave résultant de l'infraction dont elle a été victime, elle avait droit à réparation au titre de l'indemnisation des victimes d'atteinte à la personne humaine ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés ;
Alors, de deuxième part, qu'il résulte des articles 19 et 20 de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant et des articles 3 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que l'enfant mineur qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte à la personne et qui, se trouvant dans une situation psychologique grave, ne peut être indemnisé à un autre titre, doit être indemnisé par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions sans qu'il soit nécessaire qu'une incapacité totale de travail ait été fixée lors de l'instance pénale ayant abouti à la condamnation de l'auteur de l'infraction ; qu'en excluant l'indemnisation de la victime mineure dans une telle hypothèse d'atteinte à la personne, à raison de l'absence d'incapacité totale de travail, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;