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01/12/2010 | FRANCE | N°09-70132

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 01 décembre 2010, 09-70132


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., de nationalité française, et Mme Y..., de nationalité française et malienne, mariés à Bamako (Mali) en 2001, se sont établis au Mali avec leurs deux enfants nés en France en 2002 et 2004 ; que le 14 mars 2008, M. X... ayant saisi le juge malien d'une requête en divorce, le divorce a été prononcé par jugement du 21 juillet 2008 du tribunal de première instance de Bamako, en application du droit malien, aux torts exclusifs de l'épouse, qui a formé appel ; qu'ayant quitté le Ma

li avec ses enfants, Mme Y... a intenté une procédure de divorce devant...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., de nationalité française, et Mme Y..., de nationalité française et malienne, mariés à Bamako (Mali) en 2001, se sont établis au Mali avec leurs deux enfants nés en France en 2002 et 2004 ; que le 14 mars 2008, M. X... ayant saisi le juge malien d'une requête en divorce, le divorce a été prononcé par jugement du 21 juillet 2008 du tribunal de première instance de Bamako, en application du droit malien, aux torts exclusifs de l'épouse, qui a formé appel ; qu'ayant quitté le Mali avec ses enfants, Mme Y... a intenté une procédure de divorce devant le juge français, M. X... invoquant une exception de litispendance au profit des juridictions maliennes ;

Sur le moyen unique pris en ses quatrième et cinquième branches, ci-après annexé :

Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à justifier de l'admission d'un pourvoi ;

Sur le moyen unique pris en ses première, deuxième et troisième branches :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Riom, 28 juillet 2008) d'avoir accueilli l'exception de litispendance formée par M. X..., alors, selon le moyen :

1°/ que l'exception de litispendance ne peut être accueillie que si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître ; que sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, les juridictions de l'Etat membre de la nationalité des deux époux ; qu'en affirmant, pour accueillir l'exception de litispendance et se dessaisir au profit de la juridiction malienne, que les juridictions françaises étaient incompétentes sur le fondement de l'article 15 du code civil auquel Mme Y... aurait renoncé, bien que Mme Y... et M. X... étant français tous les deux, les juridictions françaises étaient compétentes indépendamment de l'application de l'article 15 du code civil, la cour d'appel a violé l'article 3 b du règlement CE 2201/2003 du 27 novembre 2003 et 100 du code de procédure civile ;

2°/ que l'exception de litispendance ne peut être accueillie que si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître ; que le juge français est compétent pour connaître d'un litige entre français sauf renonciation à ce privilège de juridiction ; que l'introduction d'une action à l'étranger, fait présumer la renonciation au privilège de juridiction française uniquement si le demandeur a agi sciemment ; qu'en se bornant, pour accueillir l'exception de litispendance et se dessaisir au profit de la juridiction malienne, à affirmer que Mme Y..., reprenant à son compte la procédure initiée par son mari, avait saisi le tribunal de Bamako pour en déduire qu'elle avait renoncé au privilège de juridiction française, sans constater qu'elle avait agi sciemment en vue de renoncer à ce privilège, la cour d'appel a violé l'article 15 du code civil ;

3°/ que Mme Y... soutenait qu'elle avait décidé avant le prononcé du jugement du tribunal de Bamako de se rendre en France en raison de la violence de son époux et de ce que celui-ci l'avait menacé de faire jouer ses influences politiques lors du procès devant la juridiction de Bamako ; qu'en affirmant toutefois que Mme Y... avait renoncé à se prévaloir du privilège de juridiction française, aux motifs qu'elle avait elle-même saisi la chambre matrimoniale du tribunal de première instance de Bamako pour la citation du 17 juillet 2008, sans répondre aux conclusions de Mme Y... qui expliquait que la portée de cette saisine devait être interprétée au regard de son départ, lequel démontrait qu'elle n'avait pas renoncé à saisir les juridictions françaises, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que la juridiction malienne étant compétente pour connaître de la procédure de divorce au regard de la résidence des deux époux à Bamako, en application de l'article 3 a) du Règlement (CE) du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis), et qu'ayant relevé que la saisine initiale de la juridiction malienne ne révélait aucune fraude, la cour d'appel a pu en déduire que la compétence de cette juridiction était établie, de sorte que l'absence de renonciation invoquée par Mme Y... au bénéfice de l'article 15 du code civil était sans effet ;

D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils pour Mme Y....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la litispendance existant entre la présente instance et celle introduite par les parties devant les juridictions maliennes ayant abouti au jugement de divorce du 31 juillet 2008 rendu par le Tribunal de première instance de la commune 2 du district de BAMAKO, d'avoir dit, en conséquence, n'y avoir lieu pour le juge français de statuer sur la requête en divorce déposée par Madame Y... et d'avoir renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

AUX MOTIFS QU'il résulte des éléments de fait et de procédure exactement rappelés par le premier juge - avec la précision que selon les indications concordantes données à l'audience par les avocats des parties, la Cour d'appel de BAMAKO a récemment statué par un arrêt frappé d'un pourvoi ayant effet suspensif – que la juridiction française a été saisie le 22 août 2008 c'est-à-dire postérieurement au tribunal de première instance de BAMAKO qui, à cette date, avait déjà prononcé son jugement ; que si la juridiction française est compétente pour statuer sur la demande en divorce en application de l'article 3 b du règlement CE 2201/2003 du 27 novembre 2003 et si Madame Y... peut s'y prévaloir de la possibilité d'y attraire son mari, de nationalité française, en application de l'article 15 du Code civil, encore faut-il qu'elle n'ait pas renoncé au bénéfice de ces dispositions, dont il importe toutefois de rappeler qu'elles ne consacrent qu'une compétence facultative de la juridiction française, impropre à exclure la compétence indirecte du tribunal étranger choisi de manière non frauduleuse pour statuer sur un litige se rattachant de manière caractérisée à cet Etat ; qu'or, en l'espèce, c'est Madame Y... elle-même qui, reprenant à son compte la procédure de divorce initiée par son mari a saisi la chambre matrimoniale du tribunal de première instance de BAMAKO pour la citation du 17 juillet 2008 ; qu'elle a donc de ce seul fait renoncé sans équivoque au bénéfice de l'article 15, peu important que par la suite, et postérieurement à l'audience tenue devant le juge aux affaires familiales de CLERMONTFERRAND, elle ait en cause d'appel invoqué l'incompétence de la juridiction malienne devant laquelle elle avait fait choix de suivre la procédure en divorce ; que par ailleurs que la juridiction malienne était bien compétente pour connaître de la procédure en divorce notamment au regard de la résidence des époux à BAMAKO, que sa saisine initiale ne révèle aucune fraude quelconque et que la procédure et les règles de fond appliquées par la juridiction, qui s'est prononcée au terme d'une procédure contradictoire, n'apparaissent en rien contraire à l'ordre public international de fond ou de procédure ; que c'est à bon droit que le premier juge a accueilli l'exception de litispendance formée par Monsieur X... (arrêt attaqué, p. 4 et 5) ;

1°) ALORS QUE l'exception de litispendance ne peut être accueillie que si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître ; que sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, les juridictions de l'Etat membre de la nationalité des deux époux ; qu'en affirmant, pour accueillir l'exception de litispendance et se dessaisir au profit de la juridiction malienne, que les juridictions françaises étaient incompétentes sur le fondement de l'article 15 du Code civil auquel Madame Y... aurait renoncé, bien que Madame Y... et Monsieur X... étant français tous les deux, les juridictions françaises étaient compétentes indépendamment de l'application de l'article 15 du Code civil, la Cour d'appel a violé l'article 3 b du règlement CE 2201/2003 du 27 novembre 2003 et 100 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE l'exception de litispendance ne peut être accueillie que si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître ; que le juge français est compétent pour connaître d'un litige entre français sauf renonciation à ce privilège de juridiction ; que l'introduction d'une action à l'étranger, fait présumer la renonciation au privilège de juridiction française uniquement si le demandeur a agi sciemment ; qu'en se bornant, pour accueillir l'exception de litispendance et se dessaisir au profit de la juridiction malienne, à affirmer que Madame Y..., reprenant à son compte la procédure initiée par son mari, avait saisi le Tribunal de BAMAKO pour en déduire qu'elle avait renoncé au privilège de juridiction française, sans constater qu'elle avait agi sciemment en vue de renoncer à ce privilège, la Cour d'appel a violé l'article 15 du Code civil ;

3°) ALORS QUE Madame Y... soutenait qu'elle avait décidé avant le prononcé du jugement du Tribunal de BAMAKO de se rendre en FRANCE en raison de la violence de son époux et de ce que celui-ci l'avait menacé de faire jouer ses influences politiques lors du procès devant la juridiction de BAMAKO ; qu'en affirmant toutefois que Madame Y... avait renoncé à se prévaloir du privilège de juridiction française, aux motifs qu'elle avait elle-même saisi la chambre matrimoniale du Tribunal de première instance de BAMAKO pour la citation du 17 juillet 2008, sans répondre aux conclusions de Madame Y... qui expliquait que la portée de cette saisine devait être interprétée au regard de son départ, lequel démontrait qu'elle n'avait pas renoncé à saisir les juridictions françaises, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 455 du Code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE l'exception de litispendance ne peut être accueillie que lorsque la décision à intervenir à l'étranger est susceptible d'être reconnue en FRANCE ; que ne peuvent être accueillies en FRANCE des décisions étrangères contraires à l'ordre public international ; que heurte l'ordre public international français, la décision prononçant le divorce des époux français en méconnaissance de ce que ceux-ci jouissent de l'égalité des droits entre eux durant le mariage et lors de sa dissolution ; qu'en affirmant que la procédure et les règles de fond appliquées par la juridiction malienne, qui s'est prononcée au terme d'une procédure contradictoire, n'apparaissaient en rien contraire à l'ordre public international de fond ou de procédure, bien que le divorce de Madame Y... et Monsieur X..., de nationalité française tous les deux, ait été prononcé sur le fondement d'une dispositions malienne discriminatoire envers l'épouse selon laquelle le choix de la résidence de la famille est l'une des prérogatives exclusive de l'époux, la Cour d'appel a violé l'article 5 du protocole du 22 novembre 1984 n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, le paragraphe 5 du préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 et l'article 100 du Code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé ; que l'exception de litispendance ne peut être accueillie que lorsque la décision à intervenir à l'étranger est susceptible d'être reconnue en FRANCE ; que ne peuvent être accueillies en FRANCE des décisions étrangères si le choix de la juridiction a été frauduleux, quand bien même le litige relèverait de la compétence non exclusive d'une juridiction française ; qu'en se bornant à affirmer pour accueillir l'exception de litispendance et se dessaisir au profit de la juridiction malienne, que le choix de la juridiction malienne n'avait pas été frauduleux, la Cour d'appel, qui a statué par des motifs d'ordre général, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-70132
Date de la décision : 01/12/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Privilège de juridiction - Privilège instauré par l'article 15 du code civil - Bénéfice - Effets - Compétence de la juridiction française - Caractère facultatif - Portée - Possibilité de la compétence indirecte d'un tribunal étranger - Conditions - Détermination

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 - Compétence judiciaire en matière matrimoniale - Critères - Résidence des époux - Portée

La juridiction malienne étant compétente pour connaître de la procédure de divorce au regard de la résidence des époux, en application de l'article 3 a) du Règlement (CE) du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis) et la saisine initiale de la juridiction malienne ne révélant aucune fraude, une cour d'appel a pu retenir l'état de litispendance internationale de sorte que l'absence de renonciation au bénéfice de l'article 15 du code civil invoquée par l'une des parties est sans effet


Références :

article 3 a) du Règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis)

article 15 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 28 juillet 2009

Sur le caractère facultatif des privilèges de juridiction, à rapprocher :1re Civ., 30 septembre 2009, pourvoi n° 08-17587, Bull. 2009, I, n° 190 (rejet), et les arrêt cités. Sur le caractère alternatif des critères de compétence énoncés aux articles 3 a) et b) du Règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis), à rapprocher :1re Civ., 24 septembre 2008, pourvoi n° 07-20248, Bull. 2008, I, n° 208 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 01 déc. 2010, pourvoi n°09-70132, Bull. civ. 2010, I, n° 247
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, I, n° 247

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Domingo
Rapporteur ?: Mme Monéger
Avocat(s) : SCP Laugier et Caston, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.70132
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