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24/11/2010 | FRANCE | N°10-86347

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 novembre 2010, 10-86347


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Andy X... ,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BASTIA, en date du 18 août 2010, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'assassinats, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 5, 6 et 8 de la Convention européenne des droits

de l'homme, l'article 37 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relati...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Andy X... ,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BASTIA, en date du 18 août 2010, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'assassinats, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 5, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article 37 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, 138, 142-5, 144, 145-3, 591 et 593 du code de procédure pénale, 8, 10-2 et 11 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, du décret n° 2010-355 du 1er avril 2010 relatif à l'assignation à résidence avec surveillance électronique et excès de pouvoir négatif ;
"en ce que l'arrêt confirmatif a prolongé la détention provisoire d'Andy X... pour une durée de six mois à compter du 13 août 2010 à 0 heure ;
"aux motifs qu'en l'état, il existe des charges contre Andy X... d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés ; qu'il apparaît qu'Andy X... a donné la mort à ses parents et ses deux frères ; qu'agissant dans leur sommeil, muni de gants en latex, il s'est armé d'un fusil à pompe qu'il a réussi à charger et à manipuler pour faire feu à plusieurs reprises ; que les investigations démontrent en outre qu'il serait resté sur les lieux pendant plusieurs dizaines de minutes, et qu'il a ainsi pu manipuler les corps de ses parents et vider leur coffre-fort ; que si les premiers experts-psychiatres ont conclu à l'abolition du discernement d'Andy X..., le second collège d'experts n'est pas parvenu à un accord, le docteur Y... concluant à une responsabilité altérée du mis en cause, démontrant ainsi pour les experts-psychiatres leur difficulté à poser un diagnostic unanime quant à la responsabilité du mis en examen ; qu'en l'état des avis psychiatriques, il est essentiel de prévenir le renouvellement de l'infraction chez un adolescent atteint d'un trouble narcissique particulièrement grave et présentant un état de dangerosité, relevé par l'ensemble des experts-psychiatriques, de protéger le mis en examen contre lui-même au regard de ses tendances suicidaires évoquées à de nombreuses reprises, et vis-à-vis des tiers, notamment des parties civiles nourrissant un fort ressentiment à son égard, et de s'assurer de son maintien à la disposition de la justice ; que la demande formulée par Andy X... tendant à son placement dans un centre de soins psychiatriques fermé spécialisé pour les adolescents, le tout assorti d'un placement sous surveillance électronique ne peut être à cet égard accueillie ; que, d'une part, il n'est pas précisé dans quel centre il souhaite son placement, ni surtout sous quel régime administratif dont la détermination dépasse les pouvoirs de la cour, il pourrait être envisagé une telle solution ; que, d'autre part, la question du transfèrement vers une unité spécialisée de l'administration pénitentiaire est étrangère au problème judiciaire posé par Andy X... ; qu'enfin, il ressort de la procédure que la prise en charge médicale d'Andy X..., quelle que soit son importance, n'est pas incompatible avec la détention provisoire, que le placement dans un centre psychiatrique ne paraît pas suffisant au regard des faits commis, et qu'enfin la qualité du suivi éducatif, moral et psychologique à la maison d'arrêt paraît suffisant comme le soulignent les experts et plus particulièrement la P.J.J. dans son rapport en date du 27 juillet 2010 ; qu'au surplus, la détention provisoire est l'unique moyen de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public qu'a provoqué l'infraction, s'agissant d'un quadruple assassinat commis sur les membres de sa famille ayant eu une résonance nationale, et l'évolution rapide de la procédure permet d'envisager une décision au fond dans des délais raisonnables ;
"1°) alors que le juge des libertés et de la détention a le pouvoir de placer le mineur mis en examen sous contrôle judiciaire et, en conséquence, de l'obliger à se soumettre à des mesures d'examen, de traitement ou de soins sous le régime de l'hospitalisation, dans un centre de soins psychiatriques fermé, en assortissant cette mesure d'une assignation à résidence sous surveillance électronique ; qu'en relevant, pour rejeter la demande de mise en liberté d'Andy X... et de placement dans un centre de soins psychiatriques fermé spécialisé pour les adolescents, le tout assorti d'un placement sous surveillance électronique, qu'elle n'avait pas le pouvoir de placer l'intéressé dans un centre de soins psychiatriques fermé, quand elle avait le pouvoir, en le plaçant sous contrôle judiciaire, de l'astreindre à se soumettre à des mesures de traitement et de soins, sous le régime de l'hospitalisation, et de le placer dans un centre de soins psychiatriques fermé, la chambre de l'instruction a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et les textes susvisés ;
"2°) alors qu'en rejetant la demande de mise en liberté d'Andy X... et de placement dans un centre de soins psychiatriques fermé spécialisé pour les adolescents, le tout assorti d'un placement sous surveillance électronique, aux motifs qu'il ne précisait pas dans quel centre il souhaitait son placement, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
"3°) alors que la détention provisoire d'un mineur ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle est indispensable, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs définis par l'article 144 du code de procédure pénale et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire avec assignation à résidence avec surveillance électronique ; qu'en relevant, pour rejeter la demande de mise en liberté d'Andy X... et de placement dans un centre de soins psychiatriques fermé spécialisé pour les adolescents, le tout assorti d'un placement sous surveillance électronique, que la détention provisoire était l'unique moyen de parvenir à la réalisation des objectifs visés par l'article 144 du code de procédure pénale, sans s'expliquer, par des considérations de droit et de fait, sur le caractère insuffisant d'un placement dans un centre de soins psychiatriques fermé lorsque celui-ci est assorti d'un placement sous surveillance électronique, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;
"4°) alors que tout homme a droit à la vie et à ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ; qu'au surplus, tout enfant privé de liberté doit être traité d'une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge ; que, devant la chambre de l'instruction, Andy X... faisait valoir que les experts psychiatres avaient mis en évidence qu'il était exposé à un risque de suicide important et qu'il avait besoin de soins médicaux spécialisés au sein d'une structure médicale appropriée (voir le mémoire récapitulatif aux fins de mise en liberté d'Andy X..., spé. p. 4 et suivants ) ; qu'en rejetant sa demande de mise en liberté et de placement dans un centre de soins psychiatriques fermé spécialisé pour les adolescents, le tout sous surveillance électronique, sans répondre à ce moyen déterminant, la chambre de l'instruction a violé textes susvisés ;
"5°) alors que, lorsque la durée de la détention provisoire excède un an en matière criminelle ou huit mois en matière délictuelle, les décisions ordonnant sa prolongation ou rejetant les demandes de mise en liberté doivent aussi comporter les indications particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure ; qu'en se bornant à relever, pour rejeter la demande de mise en liberté d'Andy X... et de placement dans un centre de soins psychiatriques fermé spécialisé pour adolescents, que la détention provisoire serait le seul moyen de parvenir à réaliser les objectifs visés par l'article 144 du code de procédure pénale et que l'évolution rapide de la procédure permettrait d'envisager une décision au fond dans des « délais raisonnables », sans donner les indications particulières justifiant en l'espèce la poursuite de l'information ni indiquer le délai prévisible d'achèvement de la procédure, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 145-3 du même code et 11 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;
Attendu que, selon le deuxième de ces textes, lorsque la détention provisoire excède un an en matière criminelle, les décisions ordonnant sa prolongation ou rejetant une demande de mise en liberté doivent comporter les indications particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance prolongeant la détention provisoire d'Andy X..., mis en examen des chefs d'assassinats et placé sous mandat de dépôt le 14 août 2009, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser les circonstances particulières justifiant la poursuite de l'information, ni le délai prévisible d'achèvement de la procédure , alors qu'elle statuait sur l'appel d'une ordonnance ayant pour objet de prolonger la détention provisoire du mis en examen au-delà d'un an, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia , en date du 18 août 2010 , et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Leprieur conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-86347
Date de la décision : 24/11/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Détention provisoire - Décision de prolongation - Motifs - Indications particulières - Circonstances justifiant la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure - Nécessité - Cas

Ne donne pas de base légale à sa décision au regard des dispositions de l'article 145-3 du code de procédure pénale, l'arrêt de la chambre de l'instruction qui ne précise pas les circonstances particulières justifiant la poursuite de l'information, ni le délai prévisible d'achèvement de la procédure, alors qu'il statuait sur l'appel d'une ordonnance ayant pour objet de prolonger la détention provisoire d'un mis en examen au-delà d'un an


Références :

article 145-3 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, 18 août 2010

Sur la nécessité d'indiquer sur la décision ordonnant la prolongation de la détention provisoire au-delà des délais prévus à l'article 145-3 du code de procédure pénale, les circonstances justifiant la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure, en évolution par rapport à :Crim., 9 juin 1999, pourvoi n° 99-82001, Bull. crim. 1999, n° 132 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 nov. 2010, pourvoi n°10-86347, Bull. crim. criminel 2010, n° 187
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2010, n° 187

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Finielz
Rapporteur ?: Mme Leprieur
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:10.86347
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