Arrêt n° 268 P + B + R + I Pourvois n° E 10-10. 095
LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Whirlpool France, société par actions simplifiée, dont le siège est 2 rue Benoît Malon, 92156 Suresnes,
contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2009 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à M. Roland X..., domicilié... 94210 La Varenne-Saint-Hilaire,
défendeur à la cassation ;
M. le premier président a, par ordonnance du 18 mars 2010, renvoyé le pourvoi devant une chambre mixte et, par ordonnance du 21 octobre 2010, indiqué que cette chambre mixte serait composée de la deuxième chambre civile, de la chambre commerciale, financière et économique et de la chambre sociale ;
La demanderesse invoque, devant la chambre mixte, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Whirlpool ;
Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de M. X... ;
Deux mémoires en réplique ont été déposés par la SCP Piwnica et Molinié ;
Le rapport écrit de M. André, conseiller, et l'avis écrit de M. Allix, avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en chambre mixte, en l'audience publique du 5 novembre 2010, où étaient présents : M. Lamanda, premier président, Mmes Favre, Collomp, M. Loriferne, présidents, M. André, conseiller rapporteur, Mmes Mazars, Tric, M. Bailly, Mme Aldigé, MM. Potocki, Ludet, Mme Robineau, M. Le Dauphin, conseillers, M. Allix, avocat général, Mme Tardi, directeur de greffe ;
Sur le rapport de M. André, conseiller, assisté de Mme Zylberberg et de Mme Rachel Lalost, respectivement auditeur et greffier en chef au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, l'avis de M. Allix, avocat général, auquel les parties invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que contestant la mesure de licenciement pour faute grave dont il avait fait l'objet de la part de la société par actions simplifiée Whirlpool France (la société), son employeur, suivant lettre signée par la personne responsable des ressources humaines, M. X... a saisi un conseil de prud'hommes ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 227-6 du code de commerce, ensemble l'article L. 1232-6 du code du travail ;
Attendu que si, selon le premier de ces textes, la société par actions simplifiée est représentée à l'égard des tiers par son président et, si ses statuts le prévoient, par un directeur général ou un directeur général délégué dont la nomination est soumise à publicité, cette règle n'exclut pas la possibilité, pour ces représentants légaux, de déléguer le pouvoir d'effectuer des actes déterminés tel que celui d'engager ou de licencier les salariés de l'entreprise ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la société ne justifie pas de la désignation conforme aux statuts d'un directeur général avec délégation du pouvoir de licencier ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 227-6 du code de commerce, ensemble les articles L. 1232-6 du code du travail, 1984 et 1998 du code civil ;
Attendu qu'aucune disposition n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit ; qu'elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient l'absence de qualité à agir de la signataire de la lettre de licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement avait été signée par la personne responsable des ressources humaines de la société, chargée de la gestion du personnel et considérée de ce fait comme étant délégataire du pouvoir de licencier, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé par le premier président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille dix.
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Whirlpool France
Moyen annexé au présent arrêt
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Whirlpool France à verser à M. X... les sommes de 10. 164 euros à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, de 1. 468, 13 euros à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal, de 26. 000 euros, avec intérêts au taux légal et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE M. X... a été licencié pour faute grave le 25 février 2005 ; qu'il soulève en cause d'appel le défaut de qualité de Mme Y..., responsable des ressources humaines, pour signer la lettre de licenciement, ce que la société conteste ; que la société Whirlpool est une société par actions simplifiée ; que le seul organe prévu par la loi pour la représenter est le président, lequel a la possibilité de confier les pouvoirs qui lui sont propres à un directeur général conformément à l'article L. 226-7 du code de commerce ; qu'en l'espèce, la lettre est signée par la responsable des ressources humaines ; que l'employeur ne justifie pas d'une désignation conforme aux statuts d'un directeur général avec délégation du pouvoir de licencier ; qu'en l'absence de qualité à agir du signataire de la lettre de licenciement, le licenciement, dont les motifs n'ont pas à être analysés, est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
1/ ALORS QUE le salarié n'a pas la qualité de tiers à la société, à laquelle il apporte sa force de travail en vue d'assurer la prospérité de l'entreprise et de participer à ses bénéfices via les mécanismes de la participation et de l'intéressement ; que les dispositions de l'article L. 227-6 du code de commerce ne sont dès lors pas applicables aux relations entre l'employeur et le salarié ; qu'en se fondant cependant sur ce texte pour dire nul le licenciement du salarié en ce qu'il avait été prononcé par le responsable des ressources humaines, la cour d'appel l'a violé, par fausse application ;
2/ ALORS QUE subsidiairement le pouvoir de représentation dévolu légalement au président d'une société par actions simplifiée, et, le cas échéant, par les statuts à un directeur général ou un directeur général délégué, n'exclut pas la possibilité, pour le représentant légal ou statutaire de la société de déléguer son pouvoir et notamment le pouvoir de licencier attribué à l'employeur ; qu'en énonçant, pour dire dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de M. X..., que la société Whirlpool France ne justifiait pas de la désignation conforme aux statuts d'un directeur général avec délégation du pouvoir de licencier, la cour d'appel a violé l'article L. 227-6 du code de commerce ensemble l'article L. 1232-6 du code du travail ;
3/ ALORS QUE subsidiairement encore le pouvoir de représentation dévolu légalement au président d'une société par actions simplifiée, et, le cas échéant, par les statuts, à un directeur général ou un directeur général délégué, n'interdit pas au représentant légal ou statutaire de la société, de déléguer ses pouvoirs et notamment ceux dont il dispose concernant la gestion du personnel de la société ; que la délégation du pouvoir d'embaucher ou de licencier ne suppose pas l'établissement d'un écrit ; qu'elle est attribuée de facto au salarié en charge de la gestion du personnel qui occupe les fonctions de responsable du personnel ou de directeur des ressources humaines et bénéficie par sa fonction de la qualité à agir pour toute question concernant la gestion du personnel ; que la cour d'appel a constaté que la salariée qui avait signé la lettre de licenciement de M. X... était responsable des ressources humaines ; que sa fonction lui donnait qualité pour signer la lettre de licenciement ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 227-6 du code de commerce ensemble l'article L. 1232-6 du code du travail.