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06/10/2010 | FRANCE | N°09-65349

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 octobre 2010, 09-65349


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 19 décembre 2008), que Mme X... a été engagée en qualité de conductrice scolaire le 6 septembre 2004 par la société Les Voyages Dewitte, la relation de travail étant soumise à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport ; qu'elle était affectée à l'exécution d'un marché public de transport d'enfants handicapés, conclu pour une durée d'un an renouvelable ; que le 2 septembre 2006, la soci

été JL International (JLI) a succédé à la société Les Voyages Dewitte pour l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 19 décembre 2008), que Mme X... a été engagée en qualité de conductrice scolaire le 6 septembre 2004 par la société Les Voyages Dewitte, la relation de travail étant soumise à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport ; qu'elle était affectée à l'exécution d'un marché public de transport d'enfants handicapés, conclu pour une durée d'un an renouvelable ; que le 2 septembre 2006, la société JL International (JLI) a succédé à la société Les Voyages Dewitte pour l'exécution de ce marché ; qu'un litige étant né entre ces sociétés sur le point de savoir si les conditions d'application prévues par l'article 28 de l'accord de branche du 18 avril 2002 pour la garantie d'emploi en cas de changement de prestataire, étaient remplies, la formation de référé du conseil de prud'hommes a, par ordonnance du 28 septembre 2006, ultérieurement confirmée, ordonné le transfert du contrat de travail de Mme X... à la société JLI ; qu'en exécution de cette décision, un contrat de travail a été conclu entre les parties le 29 septembre 2006 ; que la salariée a été licenciée le 17 novembre 2006 pour avoir refusé d'exécuter une mission le 17 octobre 2006 ; que Mme X... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;
Attendu que la société JLI fait grief à l'arrêt de déclarer légal le transfert du contrat de travail de la salariée et d'accueillir sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que la conclusion d'un "marché à bons de commande", qui se caractérise par une exécution au fur et à mesure de l'émission de bons de commande, se justifie par la situation d'incertitude affectant les besoins de la personne publique, ce qui exclut le caractère régulier de la prestation fournie ; qu'en retenant que les transports attribués à la société JLI étaient réguliers et que le contrat de travail de Mme X... entrait dans le champ d'application de l'article 28 de l'accord collectif de branche du 18 avril 2002 afférent à la garantie d'emploi en cas de changement de prestataire pour l'exécution des marchés de transport de personnes, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences qui s'attachaient à la forme du marché, que ses constatations étaient inaptes à écarter, et a violé l'article 77 du code des marchés publics, ensemble l'article 28 de l'accord collectif susvisé ;
2°/ que le caractère irrégulier du transport assuré dans le cadre du marché résultait encore, outre la forme dudit marché, de la forme intermittente du contrat de travail de la salarié, elle-même justifiée par l'irrégularité des périodes travaillées ; qu'ayant constaté que Mme X... avait conclu, par un avenant du 1er septembre 2005, un contrat de travail intermittent, la cour d'appel ne pouvait considérer que le transport objet du marché était régulier sans omettre de tirer les conséquences légales qui s'inféraient de ses constatations et violer, en conséquence, les articles L. 3123-31 du code du travail et 28 de l'accord collectif du 18 avril 2002 afférent à la garantie d'emploi en cas de changement de prestataire pour l'exécution des marchés de transport de personnes ;
3°/ que la société faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'étaient en cause des "transports spéciaux", dont l'irrégularité résultait du caractère évolutif de l'état de santé des enfants, en raison duquel chaque circuit assuré était susceptible de devoir s'interrompre, modifiant ainsi le marché ; que la cour d'appel, en se bornant à énoncer que le fait que l'état de santé d'un des enfants conduits puisse "ponctuellement modifier le parcours du chauffeur" ne saurait suffire à caractériser l'irrégularité du transport, mais sans examiner la possibilité d'une suppression du circuit afférent au transport d'un enfant et de la modification du marché qui en résulterait, a délaissé des conclusions qui étaient pourtant de nature à modifier son appréciation du caractère régulier du transport, et méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que si les juges ne sont pas liés par l'interprétation qui est donnée des clauses des conventions et accords collectifs de travail par les commissions de suivi, il leur appartient néanmoins d'interpréter ces clauses et, partant, de motiver leur rejet de l'interprétation donnée par lesdites commissions ; qu'en l'occurrence, l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 subordonnait le transfert du contrat de travail à la condition que le conducteur soit affecté au moins à 65 % de son temps de travail effectif total pour le compte de l'entreprise sortante sur le marché concerné et que la société JLI se prévalait de l'interprétation de la clause donnée par la commission de suivi de l'accord, selon laquelle il était requis que le "marché (ligne)" ait été "transféré en intégralité", condition dont la société JLI établissait qu'elle n'était pas remplie ; qu'en se bornant à écarter cette condition, au seul motif qu'elle n'était pas visée par l'article 28 de l'accord collectif, mais qu'elle avait été formulée par la commission de suivi de l'accord, sans indiquer en quoi cette interprétation de la clause, dont dépendait pourtant le champ d'application de la règle prévoyant le transfert du contrat de travail des salariés, n'était pas pertinente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 28 de l'accord collectif du 18 avril 2002 ;
Mais attendu que, selon l'article 28.1 de l'accord de branche du 18 avril 2002, relatif aux conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire pour l'exécution des marchés de transport de personnes, alors applicable, les dispositions de cet accord s'appliquent pour des transports à caractère régulier en cas de succession de prestataires, à la suite de la cessation d'un contrat ou d'un marché public ou d'une délégation de service public ;
Et attendu qu'après avoir exactement décidé que la forme du marché, à bons de commande, et du contrat de travail, intermittent, étaient sans incidence sur le caractère régulier du transport, la cour d'appel a, appréciant souverainement les éléments de preuve et répondant aux conclusions prétendument omises selon la quatrième branche, retenu que le transport d'enfants handicapés faisant l'objet du marché litigieux avait un caractère régulier ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société JL international aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société JL International.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le transfert du contrat de travail de Mademoiselle X... à la société JLI était légal et de l'avoir condamnée à verser à la salariée la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 afférent à la garantie d'emploi en cas de changement de prestataire pour l'exécution des marchés de transport collectif de personnes, intégré à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires de transport, exige en son paragraphe 28.1 (champ d'application), que le transport concerné soit un transport à caractère régulier en cas de succession de prestataires ; qu'en l'espèce, la société JL International ne peut utilement invoquer l'absence de régularité de transport faisant partie du contrat de marché avec le Conseil Général, dans la mesure où, à la lecture de ce marché, si les transports ne se font pas toute l'année à la même fréquence, s'agissant notamment de desserte d'établissements scolaires au service d'élèves et étudiants handicapés, il n'en demeure pas moins qu'il existe une régularité certaine, qui découle de la reconduction d'année en année des mêmes modalités d'organisation, comme l'existence dans le cadre du marché public d'horaires fixes ; que le fait que l'état de santé d'un des enfants conduits dans l'autobus puisse ponctuellement modifier le parcours du chauffeur ne saurait suffire à supprimer ce caractère de régularité de transport exigé par l'article 28.1 précité ; que de plus, le recours par le Conseil Général aux marchés publics à bons de commande est compatible avec le caractère régulier des transports concernés, car ces marchés à bons de commande sont destinés à apporter de la souplesse au fonctionnement de ces transports, pour répondre aux changements ponctuels dans les parcours (par exemple la défaillance d'un passager), peu important également que ce marché soit conclu pour un an renouvelable, cette modalité relevant du souci d'adapter la desserte des établissements scolaires à l'évolution de la carte scolaire et au rythme scolaire ;
ET AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article 212-4-12 du code du travail, dans les entreprises, professions et organismes mentionnés à l'article L. 212-4-1 pour lesquels une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement « le prévoit », des contrats de travail intermittents peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées ; qu'aux termes de l'article L. 212-4-13 du code du travail, le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée ; qu'Angélique X..., recrutée le 6 septembre 2004 selon un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel, bénéficie par un avenant du 1er septembre 2005, d'un contrat de travail intermittent scolaire ; que le jugement dont il est fait appel sera donc confirmé en ce qu'il a qualifié le contrat de travail de l'intimée, de contrat de travail à durée déterminée, peu important que l'avenant au contrat ait précisé en son article n° 1 que le contrat est conclu pour la durée du marché de transport scolaire liant la société avec le Conseil Général, puisqu'aucune limite dans le temps n'est indiquée et que les marchés avec le Conseil Général sont renouvelables (…) ; que concernant la condition relative à l'affectation à 65 % du temps de travail effectif de la salariée sur le marché, pour bénéficier du maintien de l'emploi en cas de changement de prestataire, il ressort des pièces du dossier et des débats à l'audience que l'employeur ne démontre pas qu'Angélique X... consacrait moins de 65% de son activité au service de l'ancienne société dans le cadre du marché concerné ; qu'à l'inverse, la salariée justifie qu'elle remplit les conditions du maintien de son emploi selon l'accord (le marché), car elle justifie appartenir à la catégorie des conducteurs et justifie à la lecture de son contrat de travail qu'elle était très majoritairement affectée à la fonction de transport, étant engagée en qualité de conducteur pour effectuer à titre principal des transports liés à l'activité scolaire tels que ramassages et dessertes des établissements scolaires et accessoirement des transports de desserte de cantines, piscines, centre aérés etc, alors que l'employeur ne justifie pas de ce qu'elle se serait consacrée plus largement à d'autres tâches, peu important également que le marché ne porte pas sur une ligne, argument également soulevé par l'appelant, car cette condition n'est pas visée par l'article 28, mais se trouve uniquement dans la commission de suivi de cet accord, à l'occasion de la réunion du 27 octobre 2004, qui ne faisait que répondre à une demande d'un des membres de la commission, ce qui ne saurait valoir condition supplémentaire à remplir pour que la salariée bénéficie du transfert de son contrat de travail ;
ALORS QUE, D'UNE PART, la conclusion d'un « marché à bons de commande », qui se caractérise par une exécution au fur et à mesure de l'émission de bons de commande, se justifie par la situation d'incertitude affectant les besoins de la personne publique, ce qui exclut le caractère régulier de la prestation fournie ; qu'en retenant que les transports attribués à la société JLI étaient réguliers et que le contrat de travail de Mademoiselle X... entrait dans le champ d'application de l'article 28 de l'accord collectif de branche du 28 avril 2002 afférent à la garantie d'emploi en cas de changement de prestataire pour l'exécution des marchés de transport de personnes, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences qui s'attachaient à la forme du marché, que ses constatations étaient inaptes à écarter, et a violé l'article 77 du code des marchés publics, ensemble l'article 28 de l'accord collectif susvisé ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, le caractère irrégulier du transport assuré dans le cadre du marché résultait encore, outre la forme dudit marché, de la forme intermittente du contrat de travail de la salarié, elle-même justifiée par l'irrégularité des périodes travaillées ; qu'ayant constaté que Mademoiselle X... avait conclu, par un avenant du 1er septembre 2005, un contrat de travail intermittent, la cour d'appel ne pouvait considérer que le transport objet du marché était régulier sans omettre de tirer les conséquences légales qui s'inféraient de ses constatations et violer, en conséquence, les articles L. 3123-31 du code du travail et 28 de l'accord collectif du 28 avril 2002 afférent à la garantie d'emploi en cas de changement de prestataire pour l'exécution des marchés de transport de personne ;
ET ALORS QUE l'exposante faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'étaient en cause des « transports spéciaux », dont l'irrégularité résultait du caractère évolutif de l'état de santé des enfants, en raison duquel chaque circuit assuré était susceptible de devoir s'interrompre, modifiant ainsi le marché ; que la cour d'appel, en se bornant à énoncer que le fait que l'état de santé d'un des enfants conduits puisse « ponctuellement modifier le parcours du chauffeur » ne saurait suffire à caractériser l'irrégularité du transport, mais sans examiner la possibilité d'une suppression du circuit afférent au transport d'un enfant et de la modification du marché qui en résulterait, a délaissé des conclusions qui étaient pourtant de nature à modifier son appréciation du caractère régulier du transport, et méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ET ALORS ENFIN QUE si les juges ne sont pas liés par l'interprétation qui est donnée des clauses des conventions et accords collectifs de travail par les commissions de suivi, il leur appartient néanmoins d'interpréter ces clauses et, partant, de motiver leur rejet de l'interprétation donnée par lesdites commissions ; qu'en l'occurrence, l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 subordonnait le transfert du contrat de travail à la condition que le conducteur soit affecté au moins à 65 % de son temps de travail effectif total pour le compte de l'entreprise sortante sur le marché concerné et que la société JLI se prévalait de l'interprétation de la clause donnée par la commission de suivi de l'accord, selon laquelle il était requis que le « marché (ligne) » ait été « transféré en intégralité », condition dont la société JLI établissait qu'elle n'était pas remplie ; qu'en se bornant à écarter cette condition, au seul motif qu'elle n'était pas visée par l'article 28 de l'accord collectif, mais qu'elle avait été formulée par la commission de suivi de l'accord, sans indiquer en quoi cette interprétation de la clause, dont dépendait pourtant le champ d'application de la règle prévoyant le transfert du contrat de travail des salariés, n'était pas pertinente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 28 de l'accord collectif du 18 avril 2002.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-65349
Date de la décision : 06/10/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Accords collectifs - Accords particuliers - Transports routiers et activités auxiliaires du transport - Accord de branche du 18 avril 202 - Article 28.1 - Changement de prestataire - Garantie d'emploi et continuité du contrat de travail - Bénéfice - Conditions - Détermination

La forme du marché, à bons de commande, et du contrat de travail, intermittent, sont sans incidence sur le caractère régulier du transport de personnes au sens de l'article 28.1 de l'accord de branche du 18 avril 2002, relatif aux conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire


Références :

article 28.1 de l'accord de branche du 18 avril 2002, relatif aux conditions de la garantie et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 19 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 oct. 2010, pourvoi n°09-65349, Bull. civ. 2010, V, n° 219
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, V, n° 219

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : Mme Taffaleau
Rapporteur ?: M. Linden
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.65349
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