LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 février 2007), que M. X..., qui avait été employé en qualité de joueur " espoir " par le club de l'Olympique lyonnais, a refusé, à l'expiration normale de son contrat, de signer un contrat de joueur professionnel avec ce club qui le lui proposait et a contracté avec le club anglais Newcastle UFC au mois d'août 2000 ; que la société Olympique lyonnais a saisi la juridiction prud'homale afin de voir condamner le joueur sur le fondement de l'article 23 de la charte du football professionnel à lui payer une somme de 53 357, 16 euros, soit un montant égal à la rémunération qu'il aurait perçue pendant une année s'il avait signé le contrat proposé, à titre de dommages-intérêts et pour voir déclarer le jugement commun à la société de droit anglais Newcastle UFC ; qu'elle a formé pourvoi contre l'arrêt du 26 février 2007 de la cour d'appel de Lyon l'ayant déboutée de cette demande ;
Attendu que l'Olympique lyonnais fait grief à cet arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1° / que l'ancien article 23 de la charte de football professionnel prévoit " qu'à l'expiration normale du contrat de joueur espoir, le club est alors en droit d'exiger de l'autre partie la signature d'un contrat de joueur professionnel-qu'à défaut de l'usage de cette prérogative, le joueur pourra signer un contrat professionnel dans le club de son choix, sans qu'il soit dû aucune indemnité au club quitté-qu'en cas de refus de signer un contrat professionnel, il ne pourra pas, pendant un délai de trois ans, signer dans un autre club de la LNF, sous quelque statut que ce soit, sans l'accord écrit du club où il a été espoir " ; que ce texte stipule une obligation de conclure avec le club formateur à la demande de ce dernier en contrepartie de la formation dispensée, sanctionnée par le paiement d'une indemnité, et assortie d'une interdiction pendant trois ans de signer dans un autre club appartenant à la ligue nationale de football ; qu'ainsi nulle interdiction n'est faite au joueur espoir de signer un contrat de travail avec un club étranger à l'issue de sa formation, ce dernier étant seulement tenu d'indemniser son club formateur si ce dernier avait manifesté la volonté de l'engager ; qu'en affirmant que l'article 23 interdit au joueur espoir de travailler " avec tout autre club, que celui-ci appartienne ou non à la LNF " pour en déduire que " cette interdiction absolue " est " contraire au principe de la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la communauté européenne édictée par l'article 39 du Traité instituant la Communauté européenne ", ainsi qu'au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et à l'article L. 120-2 du code du travail ", la cour d'appel a violé l'ancien article 23 de la charte de football professionnel ;
2° / qu'à supposer même que l'obligation de conclure avec le club formateur s'analyse en une interdiction absolue de travailler pour un autre club que le club ayant dispensé la formation du joueur espoir, elle ne saurait être jugée contraire à l'article 39 du Traité des Communautés européennes, qui n'interdit que les discriminations fondées sur la nationalité entre les travailleurs des Etats membres ; qu'en affirmant le contraire, lorsque l'interdiction absolue de travailler dans un autre club n'opère aucune distinction selon la nationalité des joueurs ou des clubs, la cour d'appel a violé l'article 39 du Traité des Communautés européennes ;
3° / qu'à supposer même que l'obligation de conclure avec le club formateur s'analyse en une interdiction absolue de travailler pour un autre club que le club ayant dispensé la formation du joueur espoir, une telle obligation expressément prévue par le législateur (article L. 211-5 du code du sport) pour tenir compte de l'importance de la formation professionnelle dispensée dans le domaine du sport, ne saurait être jugée comme portant une atteinte excessive à la liberté du travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 211-5 du code du sport ;
Mais attendu que par arrêt du 16 mars 2010 (C-325-08), la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur une demande de la chambre sociale de la Cour de cassation, faite en application des articles 19, paragraphe 3, sous b, du Traité sur l'Union européenne et 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en vue de l'application de l'article 45 de ce dernier Traité, a dit pour droit que l'article 45 TFUE ne s'oppose pas à un système qui, afin de réaliser l'objectif consistant à encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs, garantit l'indemnisation du club formateur dans le cas où un jeune joueur signe, à l'issue de sa période de formation, un contrat de joueur professionnel avec un club d'un autre Etat membre, à condition que ce système soit apte à garantir la réalisation dudit objectif et qu'il n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ; que n'est pas nécessaire pour garantir la réalisation dudit objectif un régime, tel que celui en cause au principal, selon lequel un joueur " espoir " qui signe, à l'issue de sa période de formation, un contrat de joueur professionnel avec un club d'un autre Etat membre s'expose à une condamnation à des dommages-intérêts dont le montant est sans rapport avec les coûts réels de formation ;
Et attendu que l'article 23 de la charte du football professionnel interdit au joueur espoir de conclure un contrat de travail avec un autre club que celui qui l'a formé, sans prévoir la possibilité de se libérer de cette obligation par le versement d'une indemnité dont le montant soit en rapport avec le coût de la formation dispensée et fixée au moment de la signature de son contrat de formation ;
Que le joueur " espoir " est ainsi exposé à une demande de dommages et intérêts de son club formateur dont le montant est susceptible de le dissuader d'exercer son droit à la libre circulation et qui constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union en vertu de l'article 45 TFUE ;
D'où il résulte que l'application de cette disposition conventionnelle doit être écartée et que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Olympique lyonnais aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le premier président en son audience publique du six octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Olympique lyonnais
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté l'OLYMPIQUE LYONNAIS de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre Monsieur X... pour manquement à ses engagements contractuels et de l'avoir condamnée à verser à Monsieur X... et à la société NEWCASTLE UFC la somme de 2500 euros chacun au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE « en signant le contrat de joueur espoir, Monsieur X... s'est engagé à respecter les statuts et les règlements de la ligue nationale de football (LNF) et de la Fédération Française de Football, et plus particulièrement le statut du joueur espoir inséré dans la Charte de Football Professionnel ; à aucun moment il n'a soutenu que cette charte, qui a valeur de convention collective, n'avait pas été portée à sa connaissance ou qu'il n'avait pas été mis en mesure d'en prendre connaissance ; l'article 23 de la charte du football professionnel prévoit – qu'à l'expiration normale du contrat de joueur espoir, le club est alors en droit d'exiger de l'autre partie la signature d'un contrat de joueur professionnel ;- qu'à défaut de l'usage de cette prérogative le joueur pourra signer un contrat professionnel dans le club de son choix, sans qu'il soit dû aucune indemnité au club quitté ;- qu'en cas de refus de signer un contrat professionnel, il ne pourra pas, pendant un délai de trois ans, signer dans un autre club de la LNF, sous quelque statut que ce soit, sans l'accord écrit du club où il a été espoir ; Monsieur X... a choisi de laisser sans suite la proposition de contrat de joueur professionnel de l'OLYMPIQUE LYONNAIS et a signé un tel contrat avec un club anglais ; l'intimée, lui reprochant d'avoir violé ses obligations contractuelles, réclame la réparation du préjudice qui lui a été causé ; que l'article 23 en ce qu'il impose au joueur, à l'expiration de son contrat de joueur espoir, l'obligation de conclure un contrat de joueur professionnel avec le club qui a pris en charge sa formation, lui interdit de travailler avec tout autre club, que celui-ci appartienne ou non à la LNF ; cette interdiction absolue est certes contraire au principe de la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la communauté européenne édicté par l'article 39 du traité instituant la communauté européenne, mais elle est avant tout contraire au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et à l'article L120-2 du code du travail ; n'étant pas tempérée par notamment par une clause de dédit formation, une telle restriction apportée aux libertés individuelles de contracter et de travailler est disproportionnée par rapport à la protection, aussi légitime soit elle, des intérêts du club formateur, qui, même s'il a dispensé au joueur, sur le point de devenir professionnel, une formation coûteuse, n'est pas fondé à exiger qu'il travaille obligatoirement pour lui ; que l'article 23 de la charte de football professionnel étant illicite, il convient d'infirmer le jugement du conseil des prud'hommes et de débouter la société Olympique Lyonnais de sa demande en dommages et intérêts »
1. ALORS QUE l'ancien article 23 de la Charte de Football Professionnel prévoit « qu'à l'expiration normale du contrat de joueur espoir, le club est alors en droit d'exiger de l'autre partie la signature d'un contrat de joueur professionnel-qu'à défaut de l'usage de cette prérogative le joueur pourra signer un contrat professionnel dans le club de son choix, sans qu'il soit dû aucune indemnité au club quitté-qu'en cas de refus de signer un contrat professionnel, il ne pourra pas, pendant un délai de trois ans, signer dans un autre club de la LNF, sous quelque statut que ce soit, sans l'accord écrit du club où il a été espoir » ; que ce texte stipule une obligation de conclure avec le club formateur à la demande de ce dernier en contrepartie de la formation dispensée, sanctionnée par le paiement d'une indemnité, et assortie d'une interdiction pendant trois ans de signer dans un autre club appartenant à la ligue nationale de football ; qu'ainsi nulle interdiction n'est faite au joueur espoir de signer un contrat de travail avec un club étranger à l'issue de sa formation, ce dernier étant seulement tenu d'indemniser son club formateur si ce dernier avait manifesté la volonté de l'engager ; qu'en affirmant que l'article 23 interdit au joueur espoir de travailler « avec tout autre club, que celui-ci appartienne ou non à la LNF » pour en déduire que « cette interdiction absolue » est « contraire au principe de la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la communauté européenne édicté par l'article 39 du traité instituant la communauté européenne », ainsi qu'au « principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et à l'article L120-2 du code du travail », la Cour d'appel a violé l'ancien article 23 de la Charte de football professionnel ;
2. ALORS QU'à supposer même que l'obligation de conclure avec le club formateur s'analyse en une interdiction absolue de travailler pour un autre club que le club ayant dispensé la formation du joueur espoir, elle ne saurait être jugée contraire à l'article 39 du Traité des Communautés Européennes, qui n'interdit que les discriminations fondées sur la nationalité entre les travailleurs des États membres ; qu'en affirmant le contraire, lorsque l'interdiction absolue de travailler dans un autre club n'opère aucune distinction selon la nationalité des joueurs ou des clubs, la Cour d'appel a violé l'article 39 du traité des Communautés Européennes ;
3. ALORS QU'à supposer même que l'obligation de conclure avec le club formateur s'analyse en une interdiction absolue de travailler pour un autre club que le club ayant dispensé la formation du joueur espoir, une telle obligation expressément prévue par le législateur (article L211-5 du code du sport) pour tenir compte de l'importance de la formation professionnelle dispensée dans le domaine du sport, ne saurait être jugée comme portant une atteinte excessive à la liberté du travail ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L211-5 du code du sport.