LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 26 juin 2008), que Mme X... a été engagée le 17 août 1990 par la société Polyclinique Florimond Robertet, devenue la société Polyclinique de Blois, en qualité d'infirmière ; que la salariée effectuait des astreintes en vertu d'un accord d'entreprise du 24 septembre 2002 faisant application des dispositions de la convention collective de l'hospitalisation privée à but lucratif du 18 avril 2002 ; qu'à la suite de la décision de l'employeur de ne plus confier d'astreintes à Mme X..., à compter du 1er septembre 2006, en raison de l'éloignement du domicile de celle-ci du nouveau lieu d'activité de la Polyclinique de Blois, la salariée, invoquant la modification unilatérale de son contrat de travail, a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande tendant à ce que la société Polyclinique de Blois soit condamnée, d'une part, à la réaffecter à des astreintes et gardes selon une fréquence identique à celle des collègues de sa catégorie, d'autre part, à lui verser des dommages-intérêts au titre du préjudice financier subi du fait de la suppression des astreintes, alors, selon le moyen :
1°/ que la rémunération constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être supprimé sans l'accord du salarié ; que constitue une modification du contrat de travail exigeant l'accord du salarié la suppression par l'employeur de ses astreintes entraînant une suppression de leur rémunération ; que la norme collective prévue par l'article L. 3121-7 du code du travail, qui a pour objet d'organiser les astreintes et leur rémunération, n'a pas pour effet de conférer un caractère collectif au principe même de cette rémunération, lequel demeure régi par le caractère synallagmatique du contrat de travail, à moins que cette norme collective n'impose à tous les salariés l'accomplissement obligatoire des astreintes et, partant, leur paiement ; qu'après avoir rappelé que les dispositions conventionnelles applicables ne rendaient pas les astreintes obligatoires pour les infirmières, la cour d'appel, qui a cependant considéré que la suppression individuelle des astreintes de Mme X... par l'employeur et, partant, la suppression de leur rémunération, ne constituaient pas une modification du contrat de travail, au motif que les astreintes et leur rémunération avaient été prévues par une norme collective, a violé, par refus d'application, les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail, et, par fausse application, l'article L. 3121-7 du même code ;
2°/ les dispositions du décret du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ne sont applicables que dans les établissements publics hospitaliers ; qu'en relevant que l'article 20 de ce décret prévoit que les critères et les paramètres pris en compte pour l'organisation des astreintes relèvent du pouvoir de direction de la Polyclinique de Blois, établissement de droit privé, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions précitées de l'article 20 du décret du 4 janvier 2002 ;
3°/ que constitue une modification du contrat de travail le changement de lieu de travail entraînant la suppression des astreintes et, partant, leur rémunération ; qu'en relevant que le changement de lieu de travail s'était effectué dans le même secteur géographique et ne constituait dès lors pas une modification du contrat de travail, quand il était constant que la suppression des astreintes qui avait pour origine le changement du lieu de travail avait entraîné la suppression de leur rémunération, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu, d‘abord, que lorsqu'une astreinte est une sujétion liée à une fonction et que le titulaire de cette fonction n'y est pas systématiquement soumis, sa suppression par l'employeur ne constitue pas une modification du contrat de travail ; que la cour d'appel qui a relevé que l'astreinte est une sujétion liée à la fonction d'infirmière et que celle-ci n'y est pas systématiquement soumise en application des dispositions conventionnelles applicables, a pu en déduire que l'employeur pouvait procéder à la suppression des astreintes dans l'exercice de son pouvoir de direction ;
Attendu ensuite, que la cour d'appel a retenu que le changement de lieu d'activité de la Polyclinique de Blois s'était effectué dans le même secteur géographique ; qu'elle a pu décider, nonobstant le motif erroné mais surabondant tiré de l'application de l'article 20 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation dans les établissements publics hospitaliers, inapplicable en l'espèce, que le contrat de travail de la salariée n'avait pas été modifié ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... (salariée) de sa demande tendant à ce que la Société POLYCLINIQUE DE BLOIS (employeur) soit condamnée, d'une part, à remettre en vigueur l'ensemble des dispositions du contrat de travail et à réaffecter en conséquence la salariée à des astreintes et gardes selon une fréquence identique à celle des collègues de sa catégorie, et d'autre part, à verser à Madame X... des dommages-intérêts de 10.337,04 € au titre du préjudice financier subi du fait de la suppression des astreintes ;
AUX MOTIFS QUE Madame X... a été embauchée le 3 mai 1990 en qualité d'infirmière de salle d'opérations à mi-temps sous contrat à durée déterminée, lequel a été transformé en contrat à durée indéterminée à temps complet le 17 août suivant ; qu'il résulte des articles L. 3121-5 et L. 3121-7 du Code du travail que ceux-ci ne prévoient pas la mise en place de l'astreinte par le biais des relations individuelles de travail dans le cadre du contrat de travail, de sorte que c'est le statut collectif qui s'impose au salarié ; qu'il s'ensuit que la suppression de ces sujétions ne constitue pas une modification du contrat de travail, même dans l'hypothèse où elles y seraient expressément visées, peu important le nombre d'heures effectuées antérieurement ou les engagements unilatéraux de ce dernier ; que la convention collective unique du 18 avril 2002, applicable à partir du premier mai 2002, a donné lieu à un accord de substitution du 24 septembre 2002 mettant un terme aux accords antérieurs et aux usages internes, y compris l'accord atypique du 22 juillet 1999 qui offrait la possibilité pour le personnel assujetti aux astreintes d'un hébergement sur place sans contrepartie salariale toutefois ; que cette convention collective, pas plus que l'accord de 2002, ne prévoient que la fonction d'infirmière implique systématiquement des astreintes ; que la POLYCLINIQUE DE BLOIS était en droit de supprimer unilatéralement les astreintes confiées jusqu'alors à sa salariée, nonobstant toute disposition contraire du contrat de travail ou engagement unilatéral antérieur, étant rappelé que les critères et les paramètres pris en compte pour l'organisation des astreintes relèvent de son pouvoir de direction, conformément à l'article 20 du décret du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation dans les établissements hospitaliers ; que le transfert de l'activité de la POLYCLINIQUE DE BLOIS dans le même bassin d'emplois n'emporte pas modification du contrat de travail du fait de l'employeur ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la rémunération constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être supprimé sans l'accord du salarié ; que constitue une modification du contrat de travail exigeant l'accord du salarié la suppression par l'employeur de ses astreintes entraînant une suppression de leur rémunération ; que la norme collective prévue par l'article L. 3121-7 du Code du travail, qui a pour objet d'organiser les astreintes et leur rémunération, n'a pas pour effet de conférer un caractère collectif au principe même de cette rémunération, lequel demeure régi par le caractère synallagmatique du contrat de travail, à moins que cette norme collective n'impose à tous les salariés l'accomplissement obligatoire des astreintes et, partant, leur paiement ; qu'après avoir rappelé que les dispositions conventionnelles applicables ne rendaient pas les astreintes obligatoires pour les infirmières, la Cour d'appel, qui a cependant considéré que la suppression individuelle des astreintes de Madame X... par l'employeur et, partant ,la suppression de leur rémunération, ne constituaient pas une modification du contrat de travail, au motif que les astreintes et leur rémunération avaient été prévues par une norme collective, a violé, par refus d'application, les articles 1134 du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail, et, par fausse application, l'article L. 3121-7 du même Code ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les dispositions du décret du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ne sont applicables que dans les établissements publics hospitaliers ; qu'en relevant que l'article 20 de ce décret prévoit que les critères et les paramètres pris en compte pour l'organisation des astreintes relèvent du pouvoir de direction de la POLYCLINIQUE DE BLOIS, établissement de droit privé, la Cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions précitées de l'article 20 du décret du 4 janvier 2002 ;
ET ALORS, AU DEMEURANT, QUE constitue une modification du contrat de travail le changement de lieu de travail entraînant la suppression des astreintes et, partant, leur rémunération ; qu'en relevant que le changement de lieu de travail s'était effectué dans le même secteur géographique et ne constituait dès lors pas une modification du contrat de travail, quand il était constant que la suppression des astreintes qui avait pour origine le changement du lieu de travail avait entraîné la suppression de leur rémunération, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 1134 du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail.