LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 5 février 2009) que, par acte sous seing privé du 26 mai 1998, la société en nom collectif 44 rue Mirabeau (la SNC) a donné à bail à la société Henry et compagnie des locaux à usage mixte de commerce et d'habitation ; que, le 15 février 1999, la société Henry et compagnie a cédé son droit au bail à la société 4 et 3 qui l'a cédé à son tour, le 31 juillet 2001, à la société Chez Hervé ; que cette dernière a assigné la bailleresse et la société 4 et 3 afin qu'elles soient condamnées à réaliser des travaux de remise en état dans la partie habitation des lieux loués ; que la bailleresse a demandé reconventionnellement que les travaux soient mis à la charge des preneurs et que soit prononcée la résiliation judiciaire du bail pour défaut d'entretien des locaux ;
Attendu que la SNC fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de résiliation du bail, alors, selon le moyen :
1° / que les cessions successives d'un bail opèrent transmission des obligations en découlant au dernier titulaire du contrat qui devient responsable envers le bailleur des dégradations causées par ses prédécesseurs ; qu'au cas présent, en considérant que la société Chez Hervé n'était responsable que des manquements du cédant, mais non des preneurs précédents, la cour d'appel a violé les articles 1730 et 1732 du code civil ;
2° / que celui qui est tenu d'une obligation civile est responsable de son inexécution ; qu'en relevant, par motifs adoptés des premiers juges, que la société Chez Hervé était " tenue des obligations " de son prédécesseur et en refusant néanmoins de prononcer la résiliation du bail au motif inopérant que la société Chez Hervé n'était pas " responsable des manquements " de son prédécesseur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles 1730 et 1732 du code civil " ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l'état actuel de vétusté de l'appartement avait été constaté avant que la société Chez Hervé eût pris possession des lieux et que les dégradations en cause ne pouvaient dès lors lui être imputées, la cour d'appel en a exactement déduit que, si cette société était contractuellement tenue en vertu du contrat de cession de bail du 31 juillet 2001 des obligations de la société cédante, il ne pouvait lui être reproché à faute par le bailleur pour obtenir la résiliation du bail des manquements des précédents preneurs ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen qui se serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société du 44 rue Mirabeau aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société de la société du 44 rue Mirabeau ; la condamne à payer à la société Chez Hervé la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société du 44 rue Mirabeau
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que, au titre des murs extérieurs, la société du 44 RUE MIRABEAU devait être tenue d'assumer, pour les travaux de doublage en Placoplatre, la somme TTC de 8. 067, 18 € et, pour les travaux de menuiseries extérieures, la somme TTC de 3. 229, 72 € ;
Aux motifs propres que « il résulte du rapport de l'expert judiciaire que les pièces du premier et du deuxième étages sont inhabitables ; que les enduits sont décollés, que ceux de la cage d'escalier menacent de tomber par plaques, que les menuiseries ne ferment pas correctement, les appareils sanitaires sont hors service car ils ne fonctionnent plus, que les sols sont tachés et hors d'usage, que l'alimentation électrique n'est pas conforme aux normes et a été débranchée sauf pour l'alimentation de la cage d'escalier permettant au personnel du restaurant de déposer leurs habits au premier étage, que le chauffage ne fonctionne pas et il manque un radiateur au deuxième étage ; que cet état nécessite une réfection totale que l'expert détaille, en commençant par l'installation électrique, le tout pour un montant évalué à 41. 394, 75 € toutes taxes comprises ; que s'appuyant sur ces éléments et sur le constat d'huissier du 31 juillet 2001, que l'expert affirme que les locaux n'étaient déjà pas conformes à l'usage auquel ils étaient destinés ; qu'il résulte enfin de ce rapport d'expertise qu'une petite partie des désordres (salle de bains) est consécutive à un dégât des eaux survenu pendant l'occupation des lieux par la société 4 ET 3, et que le reste des désordres est essentiellement dû à un défaut d'entretien et à un souci d'économie excessif ; que toutefois certaines dépenses à effectuer peuvent être assimilées à de grosses réparations relevant de l'article 606 du Code civil, à savoir les menuiseries extérieures et le doublage des murs en Placoplatre qui s'effrite ; que la société 4 ET 3 ne remet pas en cause la disposition du jugement la condamnant à réaliser les travaux X... de bains du premier étage consécutifs à un dégât des eaux ; que, d'ailleurs, cette société s'est mise d'accord avec la société CHEZ HERVE pour lui verser la somme de 1. 522, 15 € toutes taxes comprises correspondant au coût de ces travaux, ce que la société CHEZ HERVE reconnaît ; qu'il lui en sera donné acte ; que la société CHEZ HERVE, qui ne formule pas de demande complémentaire à l'encontre de la société 4 ET 3, ne remet pas en cause, en fonction des dispositions contractuelles qui la lient, le jugement en ce qu'il la condamne à effectuer tous les travaux de remise en état à l'exception de ceux relatifs aux menuiseries extérieures et au doublage des murs en Placoplatre, et ce malgré le fait que l'expert judiciaire proposait de mettre à la charge du bailleur les dépenses de travaux minimums pour que l'appartement soit considéré comme habitable (plomberie, électricité) ; que toute la démonstration de la SNC 44 RUE MIRABEAU, tendant à mettre à la charge de la société CHEZ HERVE les réparations locatives est de ce fait superflue ; que l'absence de constat, lors de l'entrée dans les lieux, qui aux termes de l'article 1731 du code civil, fait présumer le vendeur de les avoir reçus en bon état de réparations locatives, n'empêche pas le bailleur de devoir assumer les grosses réparations, à savoir celles affectant les murs et le clos de l'immeuble ; que le bail originaire prévoit d'ailleurs en son article 6 que le bailleur conservera à sa charge les grosses réparations prévues à l'article 606 du code civil ; que, dès lors, selon les devis fournis par l'expert, la SNC 44 RUE MIRABEAU doit être tenue d'assumer : pour les travaux de doublage en Placoplatre la somme hors taxes de 7. 646, 62 €, outre TVA à 5, 5 % soit 8. 067, 18 €, pour les travaux de menuiseries extérieures, la somme hors taxes de 3. 061 35 € (après enlèvement du devis de ce qui concerne les menuiseries intérieures) outre TVA à. 5, 5 %, soit 3229, 72 € » (arrêt attaqué, p. 5 in fine, et p. 6) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « la question en litige consiste à déterminer à quelle partie incombe l'obligation d'exécuter les travaux de réfection qui ont été préconisés par l'expert judiciaire ; qu'il convient de constater qu'en vertu d'une stipulation du contrat de cession et en l'absence de toute contestation, la société 4 et 3 doit être condamnée sous astreinte à exécuter des travaux de remise en état X... de bains du l'étage consécutifs à des dégâts des eaux, estimés à la somme de 1522, 15 Euros ; que, par ailleurs, il est inséré au contrat de cession une clause selon laquelle " Les travaux de remise en état seront à la charge de qui il appartiendra, sauf le cessionnaire " ; qu'une telle stipulation ne peut produire des effets qu'entre les deux seuls contractants, à savoir le cédant et le cessionnaire, et en aucune façon a l'égard du bailleur qui n'est lié que par le contrat de bail et auquel la cession est seulement rendue opposable du fait de son intervention à l'acte ; qu'il convient par conséquent de revenir aux règles de droit commun pour déterminer à qui incombe la charge des travaux de remise en état ; que lors du bail initial, il est constant qu'il n'a pas été établit de constat des lieux ; qu'il a été stipulé à l'acte que le preneur prenait les lieux dans leur état actuel, sans pouvoir demander au bailleur aucune réparation d'aucune sorte ; hormis en ce qui concerne les grosses réparations prévues par l'article 606 du Code Civil, c'est à dire celles destinées à assurer le clos et le couvert ; que cette clause, parfaitement licite, qui déroge aux dispositions de l'article 1720 du Code Civil, a été reprise dans l'acte de cession du bail ; qu'à défaut de constat des lieux, le preneur et ses cessionnaires successifs qui se substituent à lui, sont présumés avoir reçus les lieux en bon état de réparation locative, conformément aux dispositions de l'article 1731 du Code Civil et la société Chez Hervé ne peut réclamer au bailleur que l'exécution sous astreinte des seules réparations prévues par l'article 606 du Code Civil, à savoir, au vu du rapport d'expertise, le doublage des murs qui s'effritent et les travaux de menuiseries extérieures (cf. postes 2 et 3, page 8) ; que, quant aux autres travaux de remise en état, ils incombent au preneur comme ne rentrant pas dans le cadre des dispositions de l'article 606 du Code Civil relatives au clos et au couvert et, dès lors, la société 3 et 4 n'étant pas dans les lieux, seule la société Chez Hervé peut être condamnée à les exécuter sauf pour elle à exercer ensuite un recours à son encontre, en vertu de l'acte de cession » (jugement entrepris, p. 5 et 6) ;
Alors que le bailleur n'est pas tenu des grosses réparations lorsque celles-ci visent à réparer des dégradations qui sont directement imputables à un preneur présent dans la cause ; qu'au cas présent, en condamnant la société DU 44 RUE MIRABEAU à la réparation des murs extérieurs au seul motif qu'il s'agissait de « grosses réparations », sans rechercher, comme il le lui était pourtant expressément demandé (conclusions, p. 13 et 14) si les dégradations subies par les murs extérieurs n'étaient directement la conséquence de la négligence fautive de la société 4 et 3, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1142 et 1732 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société DU 44 RUE MIRABEAU de sa demande en résiliation du bail ;
Aux motifs que « la SNC 44 RUE MIRABEAU demande la résiliation du bail commercial " aux torts solidaires de la société CHEZ HERVE et de la société 4 ET 3 " tout en ne retenant une attitude fautive que de la part de la société CHEZ HERVE ; que cette dernière étant actuellement seule preneuse des lieux, la résiliation du bail ne peut être réclamée qu'à ses torts ; que la société CHEZ HERVE est mal venue de se prévaloir de la procédure de renouvellement de bail de fin 2007 (demande de renouvellement du 25 octobre 2007) début 2008 (notification de la réponse lu bailleur du 8 janvier 2008), dès lors que, dans sa réponse à la demande de renouvellement du bail, la SNC 44 RUE MIRABBAU expose très précisément qu'elle accepte le principe du renouvellement sollicité par la société CHEZ HERVE " si la Cour d'appel ne fait pas droit à ses demandes concernant la résiliation du bail " ; que SNC 44 RUE MIRABEAU fonde sa demande sur l'absence d'entretien des lieux par la société CHEZ HERVE et par l'absence d'information du bailleur par celle-ci des réparations qui pouvait lui incomber ; la SNC 44 RUE MIRABEAU ne peut évoquer son ignorance de la situation des lieux alors que son dirigeant exploite un autre restaurant à proximité immédiate et qu'il avait déjà été évoqué, lors de la signature de l'acte de cession du fonds du 31 juillet 2001 entre les sociétés 4 ET 3 et CHEZ HERVE, l'établissement d'un procès-verbal de constat sur l'inhabilité des lieux à usage d'habitation, étant précisé que M. BRUNEAU X..., gérant de la SNC 44 RUE MIRABEAU, était présent à la signature de cet acte ; qu'il ressort du rapport d'expertise, ce que les attestations produites par la SNC. 44 RUE MIRABEAU sont insuffisantes à contredire efficacement, que, compte tenu de l'état de vétusté actuel de l'appartement, déjà reconnu par l'huissier le 31 juillet 2001, le local était dans le même état le 15 février 1999, lors de la cession du fonds entre les sociétés HENRI ET COMPAGNIE et 4 ET 3 ; qu'il en résulte que la société CHEZ HERVE n'est pas responsable des dégradations en cause ; que si elle est contractuellement tenue, en vertu des clauses du contrat de cession de bail du 31 juillet 2001, des obligations de la société cédante, il ne peut lui être reproché à faute les manquements des précédents preneurs ; qu'ainsi, outre le fait que la discussion ne porte que sur des locaux accessoires alors qu'il n'est pas discuté que le local à usage commercial est parfaitement entretenu, la société SNC 44 RUE MIRABEAU doit être déboutée de sa demande de résiliation du bail » (arrêt attaqué, p. 4, in fine, et p. 5) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « si la société CHEZ HERVE est tenue solidairement des obligations de la société 4 ET 3 en vertu de la clause de garantie solidaire prévue au bail et reprise dans l'acte de cession, elle ne peut être déclarée responsable de ses manquements contractuels ; que dès lors qu'il est établi par le Procès Verbal de constat d'entrée dans les lieux du 31 juillet 2001 que ce n'est pas elle qui est responsable des dégradations, la société CHEZ HERVE ne peut donc voir son bail résilié à ses torts et la société SNC 44 RUE MIRABEAU doit donc être déboutée de ce chef de demande » (jugement entrepris, p. 5, in fine, et p. 6, in limine) ;
1°) Alors, d'une part, que les cessions successives d'un bail commercial opèrent transmission des obligations en découlant au dernier titulaire du contrat qui devient responsable envers le bailleur des dégradations causées par ses prédécesseurs ; qu'au cas présent, en considérant que la société CHEZ HERVE n'était responsable que des manquements du cédant, mais non des preneurs précédents, la cour d'appel a violé les articles 1730 et 1732 du Code civil ;
2°) Alors, d'autre part, que celui qui est tenu d'une obligation civile est responsable de son inexécution ; qu'en relevant, par motifs adoptés des premiers juges, que la société CHEZ HERVE était « tenue des obligations » de son prédécesseur et en refusant néanmoins de prononcer la résiliation du bail au motif inopérant que la société CHEZ HERVE n'était pas « responsable des manquements » de son prédécesseur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, ainsi, violé les articles 1730 et 1732 du Code civil.