LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 9 septembre 2008), qu'une explosion survenue le 21 septembre 2001 sur le site toulousain de la société Grande Paroisse, filiale de la société Total, a occasionné des dégâts très importants sur le site même ainsi que sur le site industriel voisin regroupant plusieurs usines chimiques mitoyennes dont celles des sociétés GP, Société nationale des poudres et explosifs (SNPE) et de sa filiale la société Isochem ; que la société Grande Paroisse a accepté, pour le compte de qui il appartiendra, d'indemniser les victimes de l'explosion ; que l'une des activités majeures de la SNPE et de ses filiales était la chimie du phosgène, produit reconnu dangereux, dont des quantités importantes étaient produites et stockées sur place ; que l'un des principaux utilisateurs de cette production était la société Bayer Cropscience et ses filiales ; que dès le 21 septembre 2001, par arrêté préfectoral d'urgence, la production des usines de la SNPE et de ses deux filiales, Tolochimie et Isochem, a été suspendue ; que le 28 novembre 2001, la SNPE a sollicité la levée partielle de l'arrêté de suspension sur une première tranche industrielle et le 28 décembre 2001 sur une seconde tranche ; que le président du tribunal administratif, saisi le 24 avril 2002, a rendu le 10 juillet 2002 une ordonnance suspendant l'exécution de la décision du préfet ; que cette ordonnance n'a pas été exécutée ; que la production de phosgène a été définitivement interrompue le 1er juillet 2002 à la demande du gouvernement ; que les sociétés SNPE, Isochem, Tolochimie, Bayer Cropscience et BCS LP USA ont assigné les sociétés Grande Paroisse et Total en indemnisation de leur préjudice matériel et immatériel lié à la fois à l'explosion du 21 septembre 2001 et à l'interruption définitive de la production du phosgène ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal et du pourvoi incident qui sont identiques :
Attendu que les sociétés Bayer Cropscience et la société BCS LP USA font grief à l'arrêt de surseoir à statuer sur leurs préjudices situés entre le 21 septembre 2001, date de l'explosion de l'usine de la société Grande Paroisse, et le 1er juillet 2002, date de l'interruption définitive de la production de phosgène, en l'attente d'une décision pénale définitive sur les causes et les circonstances de cette explosion, alors, selon le moyen :
1°/ que ce n'est que lorsque est exercée devant lui l'action civile que le juge civil est tenu de surseoir à statuer en l'attente d'une décision définitive sur l'action publique ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt comme de leurs conclusions d'appel que les sociétés du groupe Bayer et la société BCS LP USA exerçaient devant les juges du fond une action en réparation sur le fondement de l'article 1384 du code civil relatif à la responsabilité du fait des choses ; que cette action n'étant pas fondée sur la constatation d'une faute ni d'une infraction, elle ne constituait pas une action civile, ce dont il résulte que la cour d'appel n'était pas tenue d'ordonner le sursis à statuer ; qu'en estimant pourtant que le sursis à statuer jusqu'à l'intervention d'une décision définitive du juge pénal s'imposait à elle eu égard à la nature des faits poursuivis au pénal, la cour d'appel a méconnu l'article 4, alinéa 2, du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en l'absence d'exercice devant lui d'une action civile, le juge ne peut surseoir à statuer jusqu'au jour de l'intervention d'une décision pénale définitive, même lorsque la décision à intervenir est susceptible d'exercer une influence sur la solution du procès civil ; qu'en prononçant le sursis à statuer jusqu'au jour de l'intervention de la décision pénale définitive, bien qu'aucune action civile n'était exercée par les sociétés du groupe Bayer et la société BCS LP USA devant elle, la cour d'appel a violé l'article 4, alinéa 3, du code de procédure pénale par refus d'application et l'article 378 du code de procédure civile par fausse application ;
Mais attendu que la cour d'appel retient exactement que l'appréciation de l'opportunité de prononcer un sursis à statuer, tant sur le fondement du troisième alinéa de l'article 4 du code de procédure pénale que de celui de l'article 378 du code de procédure civile, relève du pouvoir discrétionnaire du juge du fond ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen du pourvoi principal et du pourvoi incident qui sont identiques :
Attendu que les sociétés Bayer Cropscience et la société BCS LP USA font grief à l'arrêt d' écarter la responsabilité de la société Grande Paroisse pour les dommages qu'elles ont subis résultant de l'interruption définitive de la production de phosgène à compter du 1er juillet 2002, alors, selon le moyen :
1°/ que le gardien de la chose doit indemniser tous les préjudices immédiats ou médiats qui ont été nécessairement causés par le comportement anormal de cette chose ; que pour écarter les demandes des sociétés Bayer et BCS LP USA, la cour d'appel énonce que la reconnaissance du lien de causalité s'impose lorsque le préjudice est la conséquence notamment «immédiate» du comportement anormal de la chose et qu'il en va différemment, en l'espèce, les préjudices liés à l'arrêt de la production de phosgène constituant de «nouveaux préjudices» par rapport à ceux consécutifs à la suspension temporaire d'exploitation nécessaire au contrôle de ses installations ; qu'en statuant ainsi bien que les préjudices médiats résultant du comportement anormal de la chose obligent son gardien à réparation, pourvu que la chose soit la cause directe de ces préjudices, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
2°/ que lorsqu'un fait générateur conduit en réaction une personne ou une autorité à prendre une décision elle-même génératrice d'un dommage, ce dommage doit être regardé comme étant en lien de causalité direct avec ce fait générateur dès lors que la décision qu'il a provoqué était contrainte ou légitimement justifiée par sa survenance ; que la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que l'arrêt de la production du phosgène n'était pas en rapport de causalité avec cette explosion parce que la reprise de cette production pouvait être techniquement reprise sans danger et que la décision du gouvernement français était finalement «le résultat d'un acte volontaire», sans préciser si la décision du gouvernement n'avait pas été imposée, en tout cas légitimement justifiée, ainsi que le relevaient les sociétés Bayer et BCS LP USA dans leurs écritures, par les circonstances exceptionnelles dans lesquelles s'était produite à Toulouse la catastrophe du 21 septembre 2001 ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
3°/ que la cause étrangère, qualifiée de force majeure, doit, pour pouvoir exonérer le gardien de la chose, présenter les caractères d'irrésistibilité et d'imprévisibilité ; qu'en se bornant à affirmer que la décision du gouvernement de cesser la production de phosgène constituait à l'égard de la société Grande Paroisse une cause étrangère irrésistible, sans préciser si cette décision pouvait apparaître imprévisible en cas de survenance d'une explosion de l'ampleur de celle du 21 septembre 2001, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
4°/ que la force majeure s'apprécie au jour du fait dommageable ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que l'explosion est intervenue le 21 septembre 2001 et que la décision du gouvernement français d'arrêter définitivement la production de phosgène, qualifiée de cause étrangère irrésistible, a été prise le 1er juillet 2002 ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel ne pouvait regarder la décision du gouvernement français, postérieure à l'accident, comme constitutive d'une cause étrangère exonérant la société Grande Paroisse de sa responsabilité en qualité de gardien, sans méconnaître l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
5°/ que le gardien de la chose doit indemniser tous les dommages qui ont été nécessairement causés par le comportement anormal de cette chose ; que l'arrêt constate que l'explosion de l'usine AZF de la société Grande Paroisse a été la justification de la décision du premier ministre de mettre un terme à la production du produit hautement dangereux qu'est le phosgène, décision prise au regard de l'émotion liée aux circonstances exceptionnelles dans lesquelles s'est produite la catastrophe du 21 septembre 2001 ; qu'il s'ensuit que les dommages nés de cette décision n'auraient pas été causés sans l'intervention de l'explosion de l'usine de la société Grande Paroisse, dès lors que c'est cette explosion qui a déterminé les pouvoirs publics à prendre cette décision ; qu'en écartant néanmoins la réparation des dommages liés à l'arrêt de la production de phosgène, quand bien même il ressortait de ses constatations que la décision des pouvoirs publics avait été rendue nécessaire par l'explosion de l'usine dont la société Grande Paroisse avait la garde, en sorte que les dommages qui procédaient de la mise en oeuvre de cette décision étaient en rapport direct de causalité avec l'explosion de l'usine, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la société SNPE et la société Bayer demandent en fait la réparation du préjudice né de la décision des pouvoirs publics de renoncer à la production du phosgène, décision entérinée et acceptée par la SNPE ; que l'explosion ne pourrait être qualifiée de cause juridique du dommage que dans l'hypothèse où les deux conditions suivantes seraient réunies à savoir l'existence d'un lien de dépendance entre l'arrêt du phosgène, événement intermédiaire, et l'explosion du 21 septembre 2001, événement initial, et le caractère prévisible et non détachable du préjudice revendiqué par la SNPE et le groupe Bayer par rapport aux conséquences directes de l'explosion ; qu'aucune de ces conditions n'est remplie ; que le communiqué du gouvernement et l'acquiescement puis la renonciation de la SNPE à la poursuite de cette activité ne sont pas la suite nécessaire de l'explosion du 21 septembre 2001 mais le résultat d'un acte volontaire ; qu'en effet, l'arrêt de cette production a été décidé par l'Etat actionnaire au regard de ses responsabilités et de l'émotion liée à l'explosion du 21 septembre 2001 ; que la qualification de produit hautement dangereux du phosgène est sans lien de causalité avec les conséquences de l'explosion du 21 septembre 2001, celle-ci n'ayant pas eu pour effet d'aggraver la dangerosité intrinsèque du phosgène, que les risques liés à l'exploitation du phosgène n'ont pas été aggravés du fait de l'explosion ; que la décision d'arrêt du phosgène est motivée par le caractère intrinsèquement dangereux du phosgène et le risque de son interdiction préexistant à l'explosion ; que la décision de l'Etat et de la SNPE est indépendante des conséquences directes de l'explosion, ce qui est exclusif de tout lien de causalité avec les préjudices nés de cette décision ; que les pouvoirs publics et la SNPE ont fait le choix de renoncer définitivement à toute autre activité phosgène, ce qui va au-delà de ce qu'imposaient les conséquences directes de l'explosion du 21 septembre 2001 ; que la décision de l'Etat qualifiée de "fait du prince" à l'égard de la SNPE et de ses cocontractants doit également être qualifiée de cause étrangère à l'égard de la société Grande Paroisse ;
Que de ces constatations et énonciations, découlant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis aux débats, la cour d'appel, justifiant sa décision par ces seuls motifs, a pu déduire que l'explosion du 21 septembre 2001 avait eu pour seule conséquence de contraindre la SNPE à suspendre son activité phosgène le temps nécessaire au contrôle de ses installations et qu'il n'existait pas de lien de causalité entre la décision d'arrêter la production du phosgène sur ce site et l'explosion ;
D'où il suit que le moyen qui manque en fait en ses deux première branches et qui est nouveau en sa quatrième branche, n'est pas fondé en ses autres branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Bayer Cropscience et la société BCS LP USA aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette l'ensemble des demandes présentées de ce chef ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour les sociétés Bayer Cropscience, demanderesses au pourvoi principal,
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, en ce qui concerne les préjudices des sociétés du groupe Bayer situés entre le 21 septembre 2001, date de l'explosion de l'usine de la société Grande Paroisse, et le 1er juillet 2002, date de l'interruption définitive de la production de phosgène, ordonné le sursis à statuer en l'attente d'une décision pénale définitive sur les causes et les circonstances de cette explosion, pour statuer sur la responsabilité de la société Grande Paroisse ;
AUX MOTIFS QUE la décision de sursis a été prise par le premier juge dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré pour une bonne administration de la justice et non en application de l'article 4 du code de procédure pénale ; que la nouvelle rédaction de l'article 4 du code de procédure pénale ne fait pas obstacle au sursis à statuer ; que le sursis a été ordonné dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et sur le fondement de l'article 378 du code de procédure civile, article inclus dans le chapitre «incidents d'instance» ; que dans cette hypothèse, le tribunal a un pouvoir discrétionnaire et donc le pouvoir de l'ordonner d'office, tout comme la cour, pour une bonne administration de la justice ; que la réforme instaurée par la loi du 5 mars 2007 a eu pour effet de limiter le sursis à statuer systématique lié aux instances civiles statuant sur l'action civile née d'une infraction par distinction des autres actions civiles ; que la société Grande Paroisse est renvoyée devant le tribunal de commerce de Toulouse du chef de «destruction, dégradations ou détériorations involontaires de biens appartenant à autrui par l'effet d'un incendie ou d'une explosion en raison d'une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement» ; que la demande de la société SNPE tend à la réparation des préjudices causés par l'explosion et ayant abouti à la détérioration de son usine et à la destruction de ses biens ; que la réclamation du groupe Bayer a pour objet la réparation des préjudices consécutifs aux dommages subis par la SNPE ; que leur action a dès lors pour objet la réparation du préjudice né de l'infraction pour laquelle la société Grande Paroisse est poursuivie ; que le principe édicté par l'article 4 du code de procédure pénale alinéa 2 selon lequel «le criminel tient le civil en l'état» serait donc parfaitement applicable dans la présente affaire ; qu'enfin, l'alinéa 3 de l'article 4 du code de procédure pénale n'a pas pour effet d'interdire le sursis mais simplement de le rendre facultatif, le sursis pouvant toujours être ordonné dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ; que l'article 1384 alinéa 1 du code civil impose à la victime qui revendique son indemnisation de prouver que la chose est intervenue dans la production du dommage ; que la participation causale de la chose ne se présume pas ; que deux catégories de dommages sont sériées, d'une part, les dommages matériels et immatériels révélant un lien de causalité à effet direct avec le phénomène explosif du 21 septembre et, d'autre part, les dommages immatériels liés à l'interruption définitive du phosgène ; que ces deux sources de dommages sont identifiables dans le temps : la première concerne la période du 21 septembre 2001 au 1er juillet 2002, date de l'interdiction définitive de la production et la seconde se développe après le 1er juillet 2002 dans les conséquences de l'interruption définitive de la production de phosgène ; que sur la première série de préjudice, le lien de causalité entre le dommage subi et le phénomène explosif du 21 septembre n'est pas sérieusement contestable ; qu'il n'en est pas de même de l'origine du phénomène explosif comme l'a justement relevé le tribunal de commerce dans l'attendu qui a été visé et repris dans sa totalité ci-dessus ; qu'en l'état, l'origine du phénomène explosif n'est pas clairement établie ; que le juge pénal doit statuer sur les causes de l'explosion et cette décision est de nature à avoir des conséquences pour la solution du présent litige ; que le sursis à statuer sur les demandes des groupes SNPE et Bayer s'impose donc en ce qu'elles supposent l'examen des questions relatives à la cause du sinistre (arrêt, p.10-12) ;
1°) ALORS QUE ce n'est que lorsque est exercée devant lui l'action civile que le juge civil est tenu de surseoir à statuer en l'attente d'une décision définitive sur l'action publique ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt comme de leurs conclusions d'appel que les sociétés du groupe Bayer exerçaient devant les juges du fond une action en réparation sur le fondement de l'article 1384 du Code civil relatif à la responsabilité du fait des choses ; que cette action n'étant pas fondée sur la constatation d'une faute ni d'une infraction, elle ne constituait pas une action civile, ce dont il résulte que la cour d'appel n'était pas tenue d'ordonner le sursis à statuer ; qu'en estimant pourtant que le sursis à statuer jusqu'à l'intervention d'une décision définitive du juge pénal s'imposait à elle eu égard à la nature des faits poursuivis au pénal, la cour d'appel a méconnu l'article 4 alinéa 2 du code de procédure pénale ;
2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'en l'absence d'exercice devant lui d'une action civile, le juge ne peut surseoir à statuer jusqu'au jour de l'intervention d'une décision pénale définitive, même lorsque la décision à intervenir est susceptible d'exercer une influence sur la solution du procès civil ; qu'en prononçant le sursis à statuer jusqu'au jour de l'intervention de la décision pénale définitive, bien qu'aucune action civile n'était exercée par les sociétés du groupe Bayer devant elle, la cour d'appel a violé l'article 4 alinéa 3 du code de procédure pénale par refus d'application et l'article 378 du code de procédure civile par fausse application.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir écarté la responsabilité de la société Grande Paroisse pour les dommages subis par les sociétés du groupe Bayer résultant de l'interruption définitive de la production de phosgène à compter du 1er juillet 2002 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le tribunal de commerce, dans son jugement du 13 avril 2006, a débouté la société BAYER et la société SNPE au motif que «tant en fait qu'en droit, il n'y a pas de lien de causalité entre le phénomène explosif et l'interdiction définitive d'exploitation du phosgène» ; que cette disposition du jugement appelée doit être confirmée pour les motifs suivants ; que si la reconnaissance du lien de causalité s'impose lorsque le préjudice est la conséquence directe et immédiate du comportement anormal de la chose, il en va différemment dans le cas présent ; que la société SNPE et la société Bayer demandent en fait la réparation du préjudice né de la décision des pouvoirs publics de renoncer à la production du phosgène, décision entérinée et acceptée par la SNPE sous la réserve suivante : la société SNPE soutient que les préjudices sont en relation directe avec l'explosion car la décision du gouvernement a été justifiée par «l'émotion suscitée par l'explosion dans la population toulousaine» ; que cette décision se serait dès lors imposée à la SNPE (…) ; que si l'explosion a été "la justification" de la décision d'arrêt du phosgène, il ne s'agit pas d'une cause juridique mais d'un moyen de rendre légitime une décision ; que l'explosion ne pourrait être qualifiée de cause juridique du dommage que dans l'hypothèse où les deux conditions suivantes seraient réunies :
-existence d'un lien de dépendance entre l'arrêt du phosgène, événement intermédiaire, et l'explosion du 21 septembre 2001, événement initial,
-caractère prévisible et non détachable du préjudice revendiqué par la SNPE et le groupe BAYER par rapport aux conséquences directes de l'explosion ;
qu'aucune de ces conditions n'est remplie ; que le communiqué du gouvernement et l'acquiescement puis la renonciation de la SNPE à la poursuite de cette activité ne sont pas la suite nécessaire de l'explosion du 21 septembre 2001 mais le résultat d'un acte volontaire ; qu'en effet, l'arrêt de cette production a été décidé par l'Etat actionnaire au regard de ses responsabilités et de l'émotion liée à l'explosion du 21 septembre 2001 :
-la qualification de produit hautement dangereux du phosgène est sans lien de causalité avec les conséquences de l'explosion du 21 septembre 2001, celle-ci n'ayant pas eu pour effet d'aggraver la dangerosité intrinsèque du phosgène,
-les risques liés à l'exploitation du phosgène n'ont pas été aggravés du fait de l'explosion,
-la décision d'arrêt du phosgène est motivée par le caractère intrinsèquement dangereux du phosgène et le risque de son interdiction préexistant à l'explosion ;
qu'en matière de succession d'événements ayant produit un dommage, la Cour de cassation ne retient un lien de causalité entre les dommages nés de l'événement intermédiaire et l'événement initial que lorsque l'événement secondaire est la suite «nécessaire» de l'événement initial ; qu'en l'espèce, la décision de l'Etat et de la SNPE est indépendante des conséquences directes de l'explosion, ce qui est exclusif de tout lien de causalité avec les préjudices nés de cette décision ; que par ailleurs, la décision d'arrêter la production du phosgène a eu pour effet de créer un nouveau préjudice pour la SNPE et la société Bayer en relation directe avec cette décision ; que la SNPE a dans un premier temps accepté de ne pas reprendre son exploitation dans les conditions antérieures au sinistre, puis a librement renoncé pour l'avenir à toute activité phosgène, ce qui est exclusif de tout lien de causalité ; que l'absence de tout recours contre la décision du gouvernement, lequel aurait pu être de nature à faire disparaître la cause du préjudice, exclut de considérer comme certain le préjudice dès lors que rien n'obligeait la SNPE à acquiescer à cette décision ; qu'en ce qui concerne l'Etat, il ne peut être contesté que le gouvernement avait un choix entre autoriser la reprise de l'activité phosgène ou l'interdire, et que la décision de ne pas autoriser la reprise de l'activité phosgène ne s'imposait pas au regard des conséquences de l'explosion ; que par ailleurs, il importe peu que la décision de l'Etat soit imposée ou non à la SNPE dès lors que la jurisprudence ne fait pas la distinction selon que l'acte intermédiaire invoqué pour justifier de la rupture de la causalité émane de la volonté d'un tiers ou de la victime ; que l'explosion du 21 septembre 2001 a eu pour seule conséquence de contraindre la SNPE à suspendre son activité phosgène le temps nécessaire au contrôle de ses installations, lesquelles avaient par ailleurs prouvé leur fiabilité ; que la décision de ne pas rependre la production du phosgène annoncée par l'Etat dès le 22 décembre 2001 associée à l'acquiescement immédiat de la SNPE le 28 décembre 2001 qui n'a demandé qu'une reprise de ces activités hors phosgène a eu pour effet de rompre le lien de causalité entre les dommages nés des arrêtés préfectoraux et l'explosion du 21 septembre 2001 ; que les pouvoirs publics et la SNPE ont fait le choix de renoncer définitivement à toute autre activité phosgène, ce qui va au-delà de ce qu'imposaient les conséquences directes de l'explosion du 21 septembre 2001 ; qu'en effet, une fois la vérification faite et l'éventualité du danger écarté, la décision de suspendre définitivement la production de phosgène n'était plus destinée à parer aux conséquences dommageables de l'explosion ; que bien au contraire, en décidant de renoncer aux activités phosgène, la SNPE a créé un nouveau dommage, le caractère provisoire de son arrêt d'activité devenant définitif et le préjudice constitué initialement d'une perte d'exploitation liée à la suspension provisoire d'activité devenant une perte de fonds de commerce non imputable à la SA Grande Paroisse ; que ce préjudice né de la décision commune de la SNPE et de l'Etat doit donc nécessairement être considéré comme étant un dommage anormal et détachable des conséquences directes de l'explosion ; que cette décision d'arrêt du phosgène constitue une cause étrangère à la société Grande Paroisse ; que la cause du dommage doit être recherchée dans la décision de l'Etat et de la SNPE dès lors qu'une demande de reprise de l'activité phosgène aurait permis d'éviter le dommage ; qu'ainsi, une société qui décide, à l'occasion d'un sinistre, de cesser son activité alors qu'une reprise est techniquement et économiquement possible (après un incendie par exemple) ne peut prétendre à la réparation du préjudice né de sa décision ; que la décision de l'Etat qualifiée de "fait du prince" à l'égard de la SNPE et de ses cocontractants doit également être qualifiée de cause étrangère à l'égard de la société Grande Paroisse dès lors qu'elle lui est étrangère et irrésistible ; que le 1er juillet 2002, les services du premier ministre de M. X... ont officiellement décidé de ne pas redémarrer l'activité phosgène dans les termes suivants : «Compte tenu du caractère exceptionnel de la situation toulousaine, il est renoncé au redémarrage des activités liées à la chimie du phosgène» ; que le tribunal de commerce, prenant compte de cette décision qui fixe définitivement la volonté de l'Etat actionnaire majoritaire de la SNPE d'abandonner cette activité, a très justement retenu la date du 1er juillet 2002 ; qu'il en résulte que les préjudices liés à l'arrêt de cette production de phosgène au 1er juillet 2002 sont sans lien de causalité avec l'explosion (arrêt, p.12-15) ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer sur les conséquences de l'interruption définitive de production de phosgène, cette décision paraissant sans lien juridique ou de fait avec le phénomène explosif du 21 Septembre 2001 ; que la suspension de la productIon prononcée par l'arrêté préfectoral du 21 septembre met en oeuvre un principe de précaution né aux dommages causés aux installations de la SNPE et envisage un redémarrage dès lors que les installatIons seront remises en état et que les principes de sécurité seront satisfaits : «art 2 les mesures à prendre pour poursuivre l'exploitation de l'activité dans de bonnes conditions de sécurité... art 3 La remise en service de l'établissement ne peut être autorisée qu'après rapport et avis de l'inspection des installations classées sur le vu de l'étude mentionnée à l'art 2» ; que ces conditions seront vraisemblablement remplies le 21 décembre 2001 selon les écritures même de la SNPE ; qu'à ces conditions favorables pour une reprise s'ajoute l'observation que le juge administratif fera dans son ordonnance du 10 juillet 2002 : «... Ies installations impliquées dans la production et l'utilisation du phosgène ont démontré le 21 septembre 2001 leur parfaite aptitude à assurer la sécurité publique dans une hypothèse extrême d'explosion dont la gravité n'était envisagée par aucun scénario d'accIdent ...» ; qu'il convient enfin de noter que le risque potentiel de la société Grande Paroisse a disparu du fait de l'arrêt définitif de son exploitation; que les conditions objectives sont donc réunies pour une reprise de l'activité mais, que toutefois, l'Etat n'autorise pas cette reprise et rappelle par la voix du Premier ministre le 22 Décembre 2001 qu'il est l'actionnaire majoritaire de la SNPE et à ce titre interdit la reprise à l'identique de la production de phosgène, ce qui se traduit par la demande du 28 décembre 2001 de la SNPE limitée à une levée partielle de l'arrêté de suspension pour une première tranche industrielle ; que de ces observations il résulte que le risque réputé déclencheur de l'accident a disparu et que dès lors l'interruption définitive de production de phosgène ne peut lui être rattaché juridiquement (…) ; que l'argument de fait évoqué par la SNPE et le groupe des sociétés Bayer Cropscience dans leurs écritures selon lequel s'il n'y avait pas eu le phénomène explosif du 21 Septembre la production du phosgène aurait perdurée, repose sur l'idée que les risques létaux considérables encourus, à Toulouse, par une partie importante de la population civile, du fait de la situation urbaine de la plate-forme de production, ne pouvaient être générateurs d'Interdiction que s'ils étaient largement médiatisés ; que cet argument quasi illégitime ne peut être retenu par le Tribunal et sera écarté des débats ; qu'il convient enfin de tirer les conséquences du caractère de société nationale de la SNPE dont l'Etat est actionnaire, selon le rapport financier de 2004, à hauteur de 99,866 % et donc détenteur du même pourcentage de voix à l'assemblée générale de la SNPE ; que c'est dans la perspective de cette structuration du capital et de l'assemblée générale de la SNPE qu'il faut lire le communiqué de presse du premier ministre du 1er Juillet 2002 : «compte tenu du caractère exceptionnel de la situation toulousaine il est renoncé au redémarrage des activités liées à la chimie du phosgène» ; qu'en utilisant le verbe «renoncer» le Premier ministre exprime l'abandon d'une volonté qui est celle de l'actionnaire détenteur de 99, 886 % des droits de vote il l'assemblée générale de la SNPE ; que la volonté de l'Etat n'étant pas divisible c'est en réalité la SNPE qui renonce à cette exploitation par la voix de son organe souverain ; que toute autre interprétation ajouterait le surréalisme juridique à la fiction juridique de personnalité morale ; qu'un communiqué de presse, fût-il du Premier ministre, n'a guère de valeur juridique et son seul effet ne saurait arrêter une exploitation Industrielle importante ; que les décisions de la puissance publique ne peuvent devenir effective que par la publication de textes ouvrant droit à recours ; mais qu'il ne sera pas nécessaire de traduire la renonciation exprimée par un texte normatif pour que la personne morale SNPE reconnaisse dans ce propos l'expression de sa volonté propre; qu'elle ne poursuivra pas la procédure de suspension de l'arrêté préfectoral du 21 Septembre 2001 et l'Etat satisfera son obligation d'actionnaire majoritaire en apportant les fonds nécessaires, à hauteur de 300 millions d'euros à la compensation de cette perte d'exploitation ; que l'intervention du Premier ministre fixe un cadre plus large aux décisions prises qui est celui d'une «maîtrise renforcée des risques technologiques» ; qu'il fonde ainsi sa décision sur la mission régalienne générale qui est celle de l'Etat en matière de sécurité civile et non sur un phénomène particulier ; que dans ces conditions, il apparaît que tant en fait qu'en droit il n'y a pas de lien de causalité entre le phénomène explosif du 21 Septembre et l'interruption définitive d'exploitation du phosgène (jugement, p.13-15) ;
1°) ALORS QUE le gardien de la chose doit indemniser tous les préjudices immédiats ou médiats qui ont été nécessairement causés par le comportement anormal de cette chose ; que pour écarter les demandes des sociétés Bayer, la cour d'appel énonce que la reconnaissance du lien de causalité s'impose lorsque le préjudice est la conséquence notamment « immédiate» du comportement anormal de la chose et qu'il en va différemment en l'espèce, les préjudices liés à l'arrêt de la production de phosgène constituant de «nouveaux préjudices» par rapport à ceux consécutifs à la suspension temporaire d'exploitation nécessaire au contrôle de ses installations ; qu'en statuant ainsi bien que les préjudices médiats résultant du comportement anormal de la chose obligent son gardien à réparation, pourvu que la chose soit la cause directe de ces préjudices, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
2°) ALORS QUE lorsqu'un fait générateur conduit en réaction une personne ou une autorité à prendre une décision elle-même génératrice d'un dommage, ce dommage doit être regardé comme étant en lien de causalité direct avec ce fait générateur dès lors que la décision qu'il a provoqué était contrainte ou légitimement justifiée par sa survenance ; que la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que l'arrêt de la production du phosgène n'était pas en rapport de causalité avec cette explosion parce que la reprise de cette production pouvait être techniquement reprise sans danger et que la décision du gouvernement français était finalement «le résultat d'un acte volontaire», sans préciser si la décision du gouvernement n'avait pas été imposée, en tout cas légitimement justifiée, ainsi que le relevaient les sociétés Bayer dans leurs écritures, par les circonstances exceptionnelles dans lesquelles s'était produite à Toulouse la catastrophe du 21 septembre 2001 ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384 alinéa 1er du code civil ;
3°) ALORS QUE la cause étrangère, qualifiée de force majeure, doit, pour pouvoir exonérer le gardien de la chose, présenter les caractères d'irrésistibilité et d'imprévisibilité ; qu'en se bornant à affirmer que la décision du gouvernement de cesser la production de phosgène constituait à l'égard de la société Grande Paroisse une cause étrangère irrésistible, sans préciser si cette décision pouvait apparaître imprévisible en cas de survenance d'une explosion de l'ampleur de celle du 21 septembre 2001, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
4°) ALORS QUE la force majeure s'apprécie au jour du fait dommageable ;
qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que l'explosion est intervenue le 21 septembre 2001 et que la décision du gouvernement français d'arrêter définitivement la production de phosgène, qualifiée de cause étrangère irrésistible, a été prise le 22 juillet 2002 ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel ne pouvait regarder la décision du gouvernement français, postérieure à l'accident, comme constitutive d'une cause étrangère exonérant la société Grande Paroisse de sa responsabilité en qualité de gardien, sans méconnaître l'article 1384 alinéa 1er du code civil ;
5°) ALORS QUE le gardien de la chose doit indemniser tous les dommages qui ont été nécessairement causés par le comportement anormal de cette chose ; que l'arrêt constate que l'explosion de l'usine AZF de la société Grande Paroisse a été la justification de la décision du Premier ministre de mettre un terme à la production du produit hautement dangereux qu'est le phosgène, décision prise au regard de l'émotion liée aux circonstances exceptionnelles dans lesquelles s'est produite la catastrophe du 21 septembre 2001 ; qu'il s'ensuit que les dommages nés de cette décision n'auraient pas été causés sans l'intervention de l'explosion de l'usine de la société Grande Paroisse, dès lors que c'est cette explosion qui a déterminé les pouvoirs publics à prendre cette décision ; qu'en écartant néanmoins la réparation des dommages liés à l'arrêt de la production de phosgène, quand bien même il ressortait de ses constatations que la décision des pouvoirs publics avait été rendue nécessaire par l'explosion de l'usine dont la société Grande Paroisse avait la garde, en sorte que les dommages qui procédaient de la mise en oeuvre de cette décision étaient en rapport direct de causalité avec l'explosion de l'usine, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du code civil.
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société BCS LP USA, demanderesse au pourvoi incident
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, en ce qui concerne les préjudices de la société BCL LP USA situés entre le 21 septembre 2001, date de l'explosion de l'usine de la société Grande Paroisse, et le 1er juillet 2002, date de l'interruption définitive de la production de phosgène, ordonné le sursis à statuer en l'attente d'une décision pénale définitive sur les causes et les circonstances de cette explosion, pour statuer sur la responsabilité de la société Grande Paroisse ;
AUX MOTIFS QUE la décision de sursis a été prise par le premier juge dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré pour une bonne administration de la justice et non en application de l'article 4 du code de procédure pénale ; que la nouvelle rédaction de l'article 4 du code de procédure pénale ne fait pas obstacle au sursis à statuer ; que le sursis a été ordonné dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et sur le fondement de l'article 378 du code de procédure civile, article inclus dans le chapitre «incidents d'instance» ; que dans cette hypothèse, le tribunal a un pouvoir discrétionnaire et donc le pouvoir de l'ordonner d'office, tout comme la cour, pour une bonne administration de la justice ; que la réforme instaurée par la loi du 5 mars 2007 a eu pour effet de limiter le sursis à statuer systématique lié aux instances civiles statuant sur l'action civile née d'une infraction par distinction des autres actions civiles ; que la société Grande Paroisse est renvoyée devant le tribunal de commerce de Toulouse du chef de «destruction, dégradations ou détériorations involontaires de biens appartenant à autrui par l'effet d'un incendie ou d'une explosion en raison d'une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement» ; que la demande de la société SNPE tend à la réparation des préjudices causés par l'explosion et ayant abouti à la détérioration de son usine et à la destruction de ses biens ; que la réclamation du groupe Bayer a pour objet la réparation des préjudices consécutifs aux dommages subis par la SNPE ; que leur action a dès lors pour objet la réparation du préjudice né de l'infraction pour laquelle la société Grande Paroisse est poursuivie ; que le principe édicté par l'article 4 du code de procédure pénale alinéa 2 selon lequel «le criminel tient le civil en l'état» serait donc parfaitement applicable dans la présente affaire ; qu'enfin, l'alinéa 3 de l'article 4 du code de procédure pénale n'a pas pour effet d'interdire le sursis mais simplement de le rendre facultatif, le sursis pouvant toujours être ordonné dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ; que l'article 1384 alinéa 1 du code civil impose à la victime qui revendique son indemnisation de prouver que la chose est intervenue dans la production du dommage ; que la participation causale de la chose ne se présume pas ; que deux catégories de dommages sont sériées, d'une part, les dommages matériels et immatériels révélant un lien de causalité à effet direct avec le phénomène explosif du 21 septembre et, d'autre part, les dommages immatériels liés à l'interruption définitive du phosgène ; que ces deux sources de dommages sont identifiables dans le temps : la première concerne la période du 21 septembre 2001 au 1er juillet 2002, date de l'interdiction définitive de la production et la seconde se développe après le 1er juillet 2002 dans les conséquences de l'interruption définitive de la production de phosgène ; que sur la première série de préjudice, le lien de causalité entre le dommage subi et le phénomène explosif du 21 septembre n'est pas sérieusement contestable ; qu'il n'en est pas de même de l'origine du phénomène explosif comme l'a justement relevé le tribunal de commerce dans l'attendu qui a été visé et repris dans sa totalité ci-dessus ; qu'en l'état, l'origine du phénomène explosif n'est pas clairement établie ; que le juge pénal doit statuer sur les causes de l'explosion et cette décision est de nature à avoir des conséquences pour la solution du présent litige ; que le sursis à statuer sur les demandes des groupes SNPE et Bayer s'impose donc en ce qu'elles supposent l'examen des questions relatives à la cause du sinistre (arrêt, p.10-12) ;
1°) ALORS QUE ce n'est que lorsque est exercée devant lui l'action civile que le juge civil est tenu de surseoir à statuer en l'attente d'une décision définitive sur l'action publique ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt comme de ses conclusions d'appel que la société BCS LP USA exerçait devant les juges du fond une action en réparation sur le fondement de l'article 1384 du Code civil relatif à la responsabilité du fait des choses ; que cette action n'étant pas fondée sur la constatation d'une faute ni d'une infraction, elle ne constituait pas une action civile, ce dont il résulte que la cour d'appel n'était pas tenue d'ordonner le sursis à statuer ; qu'en estimant pourtant que le sursis à statuer jusqu'à l'intervention d'une décision définitive du juge pénal s'imposait à elle eu égard à la nature des faits poursuivis au pénal, la cour d'appel a méconnu l'article 4 alinéa 2 du code de procédure pénale ;
2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'en l'absence d'exercice devant lui d'une action civile, le juge ne peut surseoir à statuer jusqu'au jour de l'intervention d'une décision pénale définitive, même lorsque la décision à intervenir est susceptible d'exercer une influence sur la solution du procès civil ; qu'en prononçant le sursis à statuer jusqu'au jour de l'intervention de la décision pénale définitive, bien qu'aucune action civile n'était exercée par la société BCS LP USA devant elle, la cour d'appel a violé l'article 4 alinéa 3 du code de procédure pénale par refus d'application et l'article 378 du code de procédure civile par fausse application.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir écarté la responsabilité de la société Grande Paroisse pour les dommages subis par la société BCS LP USA résultant de l'interruption définitive de la production de phosgène à compter du 1er juillet 2002 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le tribunal de commerce, dans son jugement du 13 avril 2006, a débouté la société BAYER et la société SNPE au motif que «tant en fait qu'en droit, il n'y a pas de lien de causalité entre le phénomène explosif et l'interdiction définitive d'exploitation du phosgène» ; que cette disposition du jugement appelée doit être confirmée pour les motifs suivants ; que si la reconnaissance du lien de causalité s'impose lorsque le préjudice est la conséquence directe et immédiate du comportement anormal de la chose, il en va différemment dans le cas présent ; que la société SNPE et la société Bayer demandent en fait la réparation du préjudice né de la décision des pouvoirs publics de renoncer à la production du phosgène, décision entérinée et acceptée par la SNPE sous la réserve suivante : la société SNPE soutient que les préjudices sont en relation directe avec l'explosion car la décision du gouvernement a été justifiée par «l'émotion suscitée par l'explosion dans la population toulousaine» ; que cette décision se serait dès lors imposée à la SNPE (…) ; que si l'explosion a été "la justification" de la décision d'arrêt du phosgène, il ne s'agit pas d'une cause juridique mais d'un moyen de rendre légitime une décision ; que l'explosion ne pourrait être qualifiée de cause juridique du dommage que dans l'hypothèse où les deux conditions suivantes seraient réunies :
-existence d'un lien de dépendance entre l'arrêt du phosgène, événement intermédiaire, et l'explosion du 21 septembre 2001, événement initial,
-caractère prévisible et non détachable du préjudice revendiqué par la SNPE et le groupe BAYER par rapport aux conséquences directes de l'explosion ;
qu'aucune de ces conditions n'est remplie ; que le communiqué du gouvernement et l'acquiescement puis la renonciation de la SNPE à la poursuite de cette activité ne sont pas la suite nécessaire de l'explosion du 21 septembre 2001 mais le résultat d'un acte volontaire ; qu'en effet, l'arrêt de cette production a été décidé par l'Etat actionnaire au regard de ses responsabilités et de l'émotion liée à l'explosion du 21 septembre 2001 :
-la qualification de produit hautement dangereux du phosgène est sans lien de causalité avec les conséquences de l'explosion du 21 septembre 2001, celle-ci n'ayant pas eu pour effet d'aggraver la dangerosité intrinsèque du phosgène,
-les risques liés à l'exploitation du phosgène n'ont pas été aggravés du fait de l'explosion,
-la décision d'arrêt du phosgène est motivée par le caractère intrinsèquement dangereux du phosgène et le risque de son interdiction préexistant à l'explosion ;
qu'en matière de succession d'événements ayant produit un dommage, la Cour de cassation ne retient un lien de causalité entre les dommages nés de l'événement intermédiaire et l'événement initial que lorsque l'événement secondaire est la suite «nécessaire» de l'événement initial ; qu'en l'espèce, la décision de l'Etat et de la SNPE est indépendante des conséquences directes de l'explosion, ce qui est exclusif de tout lien de causalité avec les préjudices nés de cette décision ; que par ailleurs, la décision d'arrêter la production du phosgène a eu pour effet de créer un nouveau préjudice pour la SNPE et la société Bayer en relation directe avec cette décision ; que la SNPE a dans un premier temps accepté de ne pas reprendre son exploitation dans les conditions antérieures au sinistre, puis a librement renoncé pour l'avenir à toute activité phosgène, ce qui est exclusif de tout lien de causalité ; que l'absence de tout recours contre la décision du gouvernement, lequel aurait pu être de nature à faire disparaître la cause du préjudice, exclut de considérer comme certain le préjudice dès lors que rien n'obligeait la SNPE à acquiescer à cette décision ; qu'en ce qui concerne l'Etat, il ne peut être contesté que le gouvernement avait un choix entre autoriser la reprise de l'activité phosgène ou l'interdire, et que la décision de ne pas autoriser la reprise de l'activité phosgène ne s'imposait pas au regard des conséquences de l'explosion ; que par ailleurs, il importe peu que la décision de l'Etat soit imposée ou non à la SNPE dès lors que la jurisprudence ne fait pas la distinction selon que l'acte intermédiaire invoqué pour justifier de la rupture de la causalité émane de la volonté d'un tiers ou de la victime ; que l'explosion du 21 septembre 2001 a eu pour seule conséquence de contraindre la SNPE à suspendre son activité phosgène le temps nécessaire au contrôle de ses installations, lesquelles avaient par ailleurs prouvé leur fiabilité ; que la décision de ne pas rependre la production du phosgène annoncée par l'Etat dès le 22 décembre 2001 associée à l'acquiescement immédiat de la SNPE le 28 décembre 2001 qui n'a demandé qu'une reprise de ces activités hors phosgène a eu pour effet de rompre le lien de causalité entre les dommages nés des arrêtés préfectoraux et l'explosion du 21 septembre 2001 ; que les pouvoirs publics et la SNPE ont fait le choix de renoncer définitivement à toute autre activité phosgène, ce qui va au-delà de ce qu'imposaient les conséquences directes de l'explosion du 21 septembre 2001 ; qu'en effet, une fois la vérification faite et l'éventualité du danger écarté, la décision de suspendre définitivement la production de phosgène n'était plus destinée à parer aux conséquences dommageables de l'explosion ; que bien au contraire, en décidant de renoncer aux activités phosgène, la SNPE a créé un nouveau dommage, le caractère provisoire de son arrêt d'activité devenant définitif et le préjudice constitué initialement d'une perte d'exploitation liée à la suspension provisoire d'activité devenant une perte de fonds de commerce non imputable à la SA Grande Paroisse ; que ce préjudice né de la décision commune de la SNPE et de l'Etat doit donc nécessairement être considéré comme étant un dommage anormal et détachable des conséquences directes de l'explosion ; que cette décision d'arrêt du phosgène constitue une cause étrangère à la société Grande Paroisse ; que la cause du dommage doit être recherchée dans la décision de l'Etat et de la SNPE dès lors qu'une demande de reprise de l'activité phosgène aurait permis d'éviter le dommage ; qu'ainsi, une société qui décide, à l'occasion d'un sinistre, de cesser son activité alors qu'une reprise est techniquement et économiquement possible (après un incendie par exemple) ne peut prétendre à la réparation du préjudice né de sa décision ; que la décision de l'Etat qualifiée de "fait du prince" à l'égard de la SNPE et de ses cocontractants doit également être qualifiée de cause étrangère à l'égard de la société Grande Paroisse dès lors qu'elle lui est étrangère et irrésistible ; que le 1er juillet 2002, les services du premier ministre de M. X... ont officiellement décidé de ne pas redémarrer l'activité phosgène dans les termes suivants : «Compte tenu du caractère exceptionnel de la situation toulousaine, il est renoncé au redémarrage des activités liées à la chimie du phosgène» ; que le tribunal de commerce, prenant compte de cette décision qui fixe définitivement la volonté de l'Etat actionnaire majoritaire de la SNPE d'abandonner cette activité, a très justement retenu la date du 1er juillet 2002 ; qu'il en résulte que les préjudices liés à l'arrêt de cette production de phosgène au 1er juillet 2002 sont sans lien de causalité avec l'explosion (arrêt, p.12-15) ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer sur les conséquences de l'interruption définitive de production de phosgène, cette décision paraissant sans lien juridique ou de fait avec le phénomène explosif du 21 Septembre 2001 ; que la suspension de la productIon prononcée par l'arrêté préfectoral du 21 septembre met en oeuvre un principe de précaution né aux dommages causés aux installations de la SNPE et envisage un redémarrage dès lors que les installatIons seront remises en état et que les principes de sécurité seront satisfaits : «art 2 les mesures à prendre pour poursuivre l'exploitation de l'activité dans de bonnes conditions de sécurité... art 3 La remise en service de l'établissement ne peut être autorisée qu'après rapport et avis de l'inspection des installations classées sur le vu de l'étude mentionnée à l'art 2» ; que ces conditions seront vraisemblablement remplies le 21 décembre 2001 selon les écritures même de la SNPE ; qu'à ces conditions favorables pour une reprise s'ajoute l'observation que le juge administratif fera dans son ordonnance du 10 juillet 2002 : «... Ies installations impliquées dans la production et l'utilisation du phosgène ont démontré le 21 septembre 2001 leur parfaite aptitude à assurer la sécurité publique dans une hypothèse extrême d'explosion dont la gravité n'était envisagée par aucun scénario d'accIdent... » ; qu'il convient enfin de noter que le risque potentiel de la société Grande Paroisse a disparu du fait de l'arrêt définitif de son exploitation; que les conditions objectives sont donc réunies pour une reprise de l'activité mais, que toutefois, l'Etat n'autorise pas cette reprise et rappelle par la voix du Premier ministre le 22 Décembre 2001 qu'il est l'actionnaire majoritaire de la SNPE et à ce titre interdit la reprise à l'identique de la production de phosgène, ce qui se traduit par la demande du 28 décembre 2001 de la SNPE limitée à une levée partielle de l'arrêté de suspension pour une première tranche industrielle ; que de ces observations il résulte que le risque réputé déclencheur de l'accident a disparu et que dès lors l'interruption définitive de production de phosgène ne peut lui être rattaché juridiquement (…) ; que l'argument de fait évoqué par la SNPE et le groupe des sociétés Bayer Cropscience dans leurs écritures selon lequel s'il n'y avait pas eu le phénomène explosif du 21 Septembre la production du phosgène aurait perdurée, repose sur l'idée que les risques létaux considérables encourus, à Toulouse, par une partie importante de la population civile, du fait de la situation urbaine de la plate-forme de production, ne pouvaient être générateurs d'Interdiction que s'ils étaient largement médiatisés ; que cet argument quasi illégitime ne peut être retenu par le Tribunal et sera écarté des débats ; qu'il convient enfin de tirer les conséquences du caractère de société nationale de la SNPE dont l'Etat est actionnaire, selon le rapport financier de 2004, à hauteur de 99,866 % et donc détenteur du même pourcentage de voix à l'assemblée générale de la SNPE ; que c'est dans la perspective de cette structuration du capital et de l'assemblée générale de la SNPE qu'il faut lire le communiqué de presse du premier ministre du 1er Juillet 2002 : «compte tenu du caractère exceptionnel de la situation toulousaine il est renoncé au redémarrage des activItés liées à la chimie du phosgène» ; qu'en utilisant le verbe « renoncer» le Premier ministre exprime l'abandon d'une volonté qui est celle de l'actionnaire détenteur de 99, 886 % des droits de vote il l'assemblée générale de la SNPE ; que la volonté de l'Etat n'étant pas divisible c'est en réalité la SNPE qui renonce à cette exploitation par la voix de son organe souverain ; que toute autre interprétation ajouterait le surréalisme juridique à la fiction juridique de personnalité morale ; qu'un communiqué de presse, fût-il du Premier ministre, n'a guère de valeur juridique et son seul effet ne saurait arrêter une exploitatIon Industrielle importante ; que les décisions de la puissance publique ne peuvent devenir effective que par la publication de textes ouvrant droit à recours ; mais qu'il ne sera pas nécessaire de traduire la renonciation exprimée par un texte normatif pour que la personne morale SNPE reconnaisse dans ce propos l'expression de sa volonté propre; qu'elle ne poursuivra pas la procédure de suspension de l'arrêté préfectoral du 21 Septembre 2001 et l'Etat satisfera son obligation d'actionnaire majoritaire en apportant les fonds nécessaires, à hauteur de 300 millions d'euros à la compensation de cette perte d'exploitation ; que l'intervention du Premier ministre fixe un cadre plus large aux décisions prises qui est celui d'une «maîtrise renforcée des risques technologiques» ; qu'il fonde ainsi sa décision sur la mission régalienne générale qui est celle de l'Etat en matière de sécurité civile et non sur un phénomène particulier ; que dans ces conditions, il apparaît que tant en fait qu'en droit il n'y a pas de lien de causalité entre le phénomène explosif du 21 Septembre et l'interruption définitive d'exploitation du phosgène (jugement, p.13-15) ;
1°) ALORS QUE le gardien de la chose doit indemniser tous les préjudices immédiats ou médiats qui ont été nécessairement causés par le comportement anormal de cette chose ; que pour écarter les demandes de la société BCS LP USA, la cour d'appel énonce que la reconnaissance du lien de causalité s'impose lorsque le préjudice est la conséquence notamment «immédiate» du comportement anormal de la chose et qu'il en va différemment en l'espèce, les préjudices liés à l'arrêt de la production de phosgène constituant de «nouveaux préjudices» par rapport à ceux consécutifs à la suspension temporaire d'exploitation nécessaire au contrôle de ses installations ; qu'en statuant ainsi bien que les préjudices médiats résultant du comportement anormal de la chose obligent son gardien à réparation, pourvu que la chose soit la cause directe de ces préjudices, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
2°) ALORS QUE lorsqu'un fait générateur conduit en réaction une personne ou une autorité à prendre une décision elle-même génératrice d'un dommage, ce dommage doit être regardé comme étant en lien de causalité direct avec ce fait générateur dès lors que la décision qu'il a provoqué était contrainte ou légitimement justifiée par sa survenance ; que la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que l'arrêt de la production du phosgène n'était pas en rapport de causalité avec cette explosion parce que la reprise de cette production pouvait être techniquement reprise sans danger et que la décision du gouvernement français était finalement «le résultat d'un acte volontaire», sans préciser si la décision du gouvernement n'avait pas été imposée, en tout cas légitimement justifiée, ainsi que le relevait la société BCS LP USA dans ses écritures, par les circonstances exceptionnelles dans lesquelles s'était produite à Toulouse la catastrophe du 21 septembre 2001 ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384 alinéa 1er du code civil ;
3°) ALORS QUE la cause étrangère, qualifiée de force majeure, doit, pour pouvoir exonérer le gardien de la chose, présenter les caractères d'irrésistibilité et d'imprévisibilité ; qu'en se bornant à affirmer que la décision du gouvernement de cesser la production de phosgène constituait à l'égard de la société Grande Paroisse une cause étrangère irrésistible, sans préciser si cette décision pouvait apparaître imprévisible en cas de survenance d'une explosion de l'ampleur de celle du 21 septembre 2001, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
4°) ALORS QUE la force majeure s'apprécie au jour du fait dommageable ;
qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que l'explosion est intervenue le 21 septembre 2001 et que la décision du gouvernement français d'arrêter définitivement la production de phosgène, qualifiée de cause étrangère irrésistible, a été prise le 1er juillet 2002 ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel ne pouvait regarder la décision du gouvernement français, postérieure à l'accident, comme constitutive d'une cause étrangère exonérant la société Grande Paroisse de sa responsabilité en qualité de gardien, sans méconnaître l'article 1384 alinéa 1er du code civil ;
5°) ALORS QUE le gardien de la chose doit indemniser tous les dommages qui ont été nécessairement causés par le comportement anormal de cette chose ; que l'arrêt constate que l'explosion de l'usine AZF de la société Grande Paroisse a été la justification de la décision du Premier ministre de mettre un terme à la production du produit hautement dangereux qu'est le phosgène, décision prise au regard de l'émotion liée aux circonstances exceptionnelles dans lesquelles s'est produite la catastrophe du 21 septembre 2001 ; qu'il s'ensuit que les dommages nés de cette décision n'auraient pas été causés sans l'intervention de l'explosion de l'usine de la société Grande Paroisse, dès lors que c'est cette explosion qui a déterminé les pouvoirs publics à prendre cette décision ; qu'en écartant néanmoins la réparation des dommages liés à l'arrêt de la production de phosgène, quand bien même il ressortait de ses constatations que la décision des pouvoirs publics avait été rendue nécessaire par l'explosion de l'usine dont la société Grande Paroisse avait la garde, en sorte que les dommages qui procédaient de la mise en oeuvre de cette décision étaient en rapport direct de causalité avec l'explosion de l'usine, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du code civil.