LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 17 février 2009), que la société Etablissements Mercier, propriétaire de parcelles données à bail en vue d'une exploitation commerciale, a fait délivrer, par acte d'huissier de justice du 25 juillet 2002, à sa locataire, la société Parc résidentiel du Lac de Cadeuil, une sommation d'avoir à supprimer une zone de baignade non autorisée et à restituer deux parcelles non incluses dans le bail et données en sous-location, puis, par acte extrajudiciaire du 26 juin 2003, lui a notifié un congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime, en invoquant, outre les causes de la sommation, un retard dans le paiement des loyers et le déversement dans le lac de pierres calcaires ; que, le 12 juillet 2005, la société Parc résidentiel du Lac de Cadeuil a assigné sa bailleresse en annulation de ce congé ;
Attendu que la société Parc résidentiel du Lac de Cadeuil fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son exception de nullité de la sommation, alors, selon le moyen, que la nullité d'une mise en demeure pour défaut de reproduction de l'article L.145-17-I-1° du code de commerce constitue une défense au fond qui peut être proposée en tout état de cause ; qu'en qualifiant d'exception de procédure la demande en annulation de la sommation ne comportant pas mention des termes dudit article et n'informant pas le preneur que, à défaut pour lui de s'exécuter dans le délai d'un mois, le bailleur serait en droit de refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'une indemnité d'éviction, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 71 et 72 du code de procédure civile et, par fausse application, les articles 112 et 74 du même code ;
Mais attendu que la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure ; qu'ayant relevé que la société Parc résidentiel du Lac de Cadeuil avait demandé au tribunal de constater que le congé ne reposait sur aucun motif légitime sans invoquer préalablement à cette défense au fond le moyen tiré de la nullité de la sommation, la cour d'appel en a déduit , à bon droit, qu'elle était irrecevable, en application de l'article 112 du code de procédure civile, à invoquer la nullité du congé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Parc résidentiel du Lac de Cadeuil fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en annulation du congé, alors, selon le moyen :
1°/ qu' une infraction aux clauses du bail ne peut être invoquée par le bailleur que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure d'avoir à la faire cesser ; qu'en affirmant que le bailleur n'était pas tenu de délivrer une mise en demeure préalable s'agissant du déversement de pierres calcaires et de retards dans le paiement des loyers, tout en constatant que ces griefs constituaient des infractions aux clauses du bail, la cour d'appel a violé l'article L.145-17-I-1° du code de commerce ;
2°/ que le bailleur ne peut refuser de renouveler le bail sans être tenu au paiement d'une indemnité d'éviction que s'il justifie d'une mise en demeure d'avoir à faire cesser dans le délai d'un mois l'infraction reprochée ; qu'en se bornant à relever que, postérieurement à la mise en demeure, le preneur avait continué à exploiter sans autorisation une zone de baignade empiétant sur la propriété du bailleur et n'avait pas procédé, dans les jours qui avaient suivi la notification de la sommation, à la libération de parcelles non incluses dans le bail, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, que cette mise en demeure avait été assortie d'un délai d'un mois, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard du texte susvisé ;
3°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en affirmant que la zone de baignade telle que délimitée par le preneur empiétait sur la propriété du bailleur, sans analyser, de façon même sommaire, les éléments de preuve soumis à son appréciation sur lesquels elle se serait fondée, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la société Parc résidentiel du Lac de Cadeuil avait mis en place, en violation de décisions administratives l'interdisant, une zone de baignade qui empiétait sur la propriété de la bailleresse et qu'elle avait sous-loué deux parcelles non incluses dans les lieux loués et retenu souverainement que ces seuls motifs, dont la réalité était démontrée, caractérisaient le motif grave et légitime justifiant le refus de renouvellement du bail sans indemnité, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que sa décision sur l'irrecevabilité de l'exception de nullité rendait inopérante, a, abstraction faite de motifs surabondants, par une motivation suffisante, légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société le Parc résidentiel du Lac de Cadeuil aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société le Parc résidentiel du Lac de Cadeuil à payer à la société établissements Mercier et fils la somme de 2 500 euros et rejette sa propre demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux conseils pour la société le Parc résidentiel du Lac de Cadeuil
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré un preneur (la société PARC RESIDENTIEL DU LAC DE CADEUIL, l'exposante) irrecevable en son exception de nullité visant la sommation délivrée par un bailleur (la société ETABLISSEMENTS MERCIER ET FILS) préalablement à la signification d'un congé sans offre de renouvellement pour motif grave et légitime ;
AUX MOTIFS QUE la société PARC RESIDENTIEL DU LAC DE CADEUIL faisait valoir que le congé était nul au motif que la sommation qui lui avait été notifiée par acte du 25 juillet 2002 était elle-même entachée de nullité, les formalités prescrites par l'article L.145-17-I-1° du code de commerce à peine de nullité n'ayant pas été respectées ; qu'aux termes de l'article 112 du code de procédure civile, la nullité des actes de procédure pouvait être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement, mais elle était couverte si celui qui l'invoquait avait, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité ; qu'en l'espèce, la sommation notifiée préalablement au refus de renouvellement du bail commercial était bien un acte de procédure au sens de l'article précité ; que, dans ces conditions, il appartenait à la société PARC RESIDENTIEL DU LAC DE CADEUIL d'en soulever la nullité avant toute défense au fond ; que la saisine du tribunal avait été de sa seule initiative ainsi qu'il résultait de son assignation du 12 juillet 2005 par laquelle elle demandait de constater que le congé ne reposait sur aucun motif légitime, sans pour autant invoquer préalablement à cette défense au fond le moyen tiré de la nullité de la sommation du 25 juillet 2002 ; qu'il convenait en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il avait déclaré la société PARC RESIDENTIEL DU LAC DE CADEUIL irrecevable en son exception de nullité (arrêt attaqué, p. 3, 2ème attendu ; p. 4, attendus 1 à 4) ;
ALORS QUE la nullité d'une mise en demeure pour défaut de reproduction de l'article L.145-17-I-1° du code de commerce constitue une défense au fond qui peut être proposée en tout état de cause ; qu'en qualifiant d'exception de procédure la demande en annulation de la sommation ne comportant pas mention des termes dudit article et n'informant pas le preneur que, à défaut pour lui de s'exécuter dans le délai d'un mois, le bailleur serait en droit de refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'une indemnité d'éviction, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 71 et 72 du code de procédure civile et, par fausse application, les articles 112 et 74 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté un preneur (la société PARC RESIDENTIEL DU LAC DE CADEUIL, l'exposante) de sa demande en annulation du congé délivré par le bailleur (la société ETABLISSEMENTS MERCIER ET FILS) sans offre de renouvellement du bail pour motif grave et légitime ;
AUX MOTIFS propres et éventuellement adoptés QUE, par sommation du 25 juillet 2002, la société ETABLISSEMENTS MERCIER avait mis en demeure la société PARC RESIDENTIEL DU LAC DE CADEUIL d'avoir à supprimer la zone de baignade et d'avoir à restituer deux parcelles cadastrées 1571 et 1574 ; que, par un congé notifié le 26 juin 2003, la société ETABLISSEMENTS MERCIER avait reproché à la société PARC RESIDENTIEL DU LAC DE CADEUIL d'avoir créé une zone de baignade non autorisée qui empiétait sur sa propriété, de sous-louer deux parcelles non incluses dans le bail, d'avoir déversé un important tas de pierres calcaires dans le lac, que le loyer réellement dû n'avait pas été payé ; que, s'agissant de la création d'une zone de baignade, il résultait expressément des clauses du bail que le locataire devait se munir de toutes les autorisations nécessaires concernant les activités qu'il se proposait de développer ; qu'il était démontré que la société PARC RESIDENTIEL DU LAC DE CADEUIL avait mis en place sur la partie du plan d'eau dont elle était locataire une zone de baignade quand les documents administratifs versés aux débats émanant soit de la commune soit de la préfecture faisaient référence à une baignade interdite dans cette zone ; qu'au surplus, il était démontré que la zone de baignade, telle que délimitée par la société PARC RESIDENTIEL DU LAC DE CADEUIL, empiétait sur la propriété de la société ETABLISSEMENTS MERCIER ; que, s'agissant de la souslocation des parcelles cadastrées 1751 et 1754, celle-ci était démontrée, la société PARC RESIDENTIEL DU LAC DE CADEUIL ne pouvant se retrancher derrière une méconnaissance de l'étendue des lieux loués quand elle ne justifiait pas qu'elle eût mis fin à cette situation dans les jours qui avaient suivi la notification de la sommation ; que ces seuls motifs caractérisaient le motif grave et légitime que le bailleur était en droit d'invoquer à l'encontre du preneur pour refuser le renouvellement du bail commercial sans être tenu au paiement d'aucune indemnité ; que, au surplus, et sans que la société ETABLISSEMENTS MERCIER fût tenue à la délivrance d'une mise en demeure préalable, il était démontré par les documents versés aux débats que la société PARC RESIDENTIEL DU LAC DE CADEUIL avait fait déverser dans le plan d'eau des gravats de pierres calcaires quand le bail lui en faisait interdiction et que, d'autre part, le loyer payable annuellement au 1er janvier de chaque année avait été réglé avec des retards importants (arrêt attaqué, p. 4, attendus 5 à 8 ; p. 5, attendus et 1574 avaient été libérées dans le mois de la mise en demeure du 25 juillet 2002 ; que le constat du 14 juin 2003 démontrait que si la cabane construite avait été enlevée, M. X..., tiers à qui les parcelles avaient été louées, était présent avec son bateau sur sa remorque, et que s'y trouvait également une table de ping-pong au-delà du délai d'un mois après la mise en demeure (jugement en repris, p. 3, alinéa 2) ;
ALORS QUE, d'une part, une infraction aux clauses du bail ne peut être invoquée par le bailleur que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure d'avoir à la faire cesser ; qu'en affirmant que le bailleur n'était pas tenu de délivrer une mise en demeure préalable s'agissant du déversement de pierres calcaires et de retards dans le paiement des loyers, tout en constatant que ces griefs constituaient des infractions aux clauses du bail, la cour d'appel a violé l'article L.145-17-I-1° du code de commerce ;
ALORS QUE, d'autre part, le bailleur ne peut refuser de renouveler le bail sans être tenu au paiement d'une indemnité d'éviction que s'il justifie d'une mise en demeure d'avoir à faire cesser dans le délai d'un mois l'infraction reprochée ; qu'en se bornant à relever que, postérieurement à la mise en demeure, le preneur avait continué à exploiter sans autorisation une zone de baignade empiétant sur la propriété du bailleur et n'avait pas procédé, dans les jours qui avaient suivi la notification de la sommation, à la libération de parcelles non incluses dans le bail, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, que cette mise en demeure avait été assortie d'un délai d'un mois, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard du texte susvisé ;
ALORS QUE, en outre, tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en affirmant que la zone de baignade telle que délimitée par le preneur empiétait sur la propriété du bailleur, sans analyser, de façon même sommaire, les éléments de preuve soumis à son appréciation sur lesquels elle se serait fondée, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile.